(37) La séance avec Mārkaṇḍeya : 179-221

 

3. 179. Passent la saison des pluies et l’automne. Ils rejoignent la Sarasvatī, puis la forêt Kāmyaka.

 

 

Livre III, chapitre 179

1. Vaiśampāyana dit :

« Pendant qu'ils vivaient là, la saison des pluies arriva,

le temps qui met fin à la chaleur estivale et apporte le réconfort à toutes les créatures.

2. Les nuages ​​de pluie tonitruants enveloppaient l'espace et le ciel

et faisaient pleuvoir jour et nuit, sombrement, sans interruption,

3. signes de la fin de la chaleur, par centaines et par milliers,

faisant disparaître le réseau des rayons du soleil dans les éclats brillants des éclairs.

4. L'herbe tendre sortait du sol, les taons et les serpents étaient enivrés,

l’aurore était aspergée de pluie, apaisée par les nuées et les vapeurs.

5. On ne distinguait plus rien, tout étant recouvert d'eau,

ni terrain plat ni terrain accidenté, ni rivière ni végétaux.

6. Avec leurs eaux agitées, sifflant à grand bruit comme des flèches,

les rivières embellissaient les bois à la saison des pluies.

7. Aux lisières des forêts on entendait résonner les cris divers

des sangliers, des antilopes et des oiseaux battus par les pluies.

8. Les moineaux, les paons et les troupes de coucous

volaient enivrés, tandis que les grenouilles s’enorgueillissaient.

9. Ainsi sous des formes très diverses, remplie du bruit des nuages pluvieux, la saison des pluies

se déroula, bienfaisante, tandis qu’ils parcouraient les déserts.

10. Rempli de troupes de courlis et d'oies, l'automne arriva,

avec les broussailles poussant dans les plaines et les forêts, avec ses eaux tranquilles coulant dans les ravines.

11. Avec son ciel et ses étoiles brillantes l'automne était favorable

aux Pāṇḍava au grand cœur, tout plein de gibier et d'oiseaux.

12. Ils observaient les nuits à l’atmosphère paisible, aux nuages rafraîchissants,

illuminées par des multitudes de planètes et d’étoiles et par la lune.

13. Ils virent des rivières paisibles qui charriaient de l'eau fraîche et des étangs,

tout ornés de lotus blancs nocturnes et de lotus blancs diurnes.

14. Ils eurent de la joie tandis qu’ils cheminaient le long de la Sarasvatī avec ses saints lieux d'ablutions,

ses rives pareilles au ciel, pleine de naucléas et de riz sauvage.

15. Les héros aux bons arcs prenaient plaisir à contempler

la Sarasvatī toute pleine d’eaux claires, bienfaisante.

16. La nuit d'automne était pour eux des plus sacrées, lors du changement de lune,

et tandis qu'ils y séjournaient, ce fut la nuit de la pleine lune du mois Kārttika, ô Janamajaya.

17. En compagnie de nobles ascètes aux saintes actions, les Pāṇḍava,

les meilleurs des Bhārata, conduisirent leurs chariots pendant toute cette éminente conjonction astrale.

18. Et lorsque ce fut le crépuscule, les Pāṇḍava en compagnie de Dhaumya,

des cochers ainsi que des inspecteurs des cuisines, partirent pour la forêt de Kāmyaka.

 

 

3. 180. Kṛṣṇa vient leur rendre visite avec son épouse Satyabhāmā. Après les salutations réciproques, Arjuna raconte leurs aventures. Kṛṣṇa complimente Yudhiṣṭhira et donne à Draupadī des nouvelles de ses fils et d’Abhimanyu. Il propose à Yudhiṣṭhira d’attaquer immédiatement les Kaurava. Yudhiṣṭhira refuse : il fera appel à lui la fin des treize années. Arrivée de Mārkaṇḍeya. Ils se rassemblent autour de lui pour l’écouter. Arrivée de Nārada.

Livre III, chapitre 180

1. Vaiśampāyana dit :

« Lorsque les fils de Kuntī, menés par Yudhiṣṭhira, arrivèrent à Kāmyaka,

ils reçurent l’hospitalité de foules d’anachorètes, et ils s’assirent avec la Noiraude.

2. Et donc les fils de Pāṇḍu y résidaient, se sentant en toute sécurité,

et de nombreux brahmanes venus là de toutes parts les entouraient.

3. Un deux-fois-né dit alors : « L’ami bien-aimé d'Arjuna,

le descendant de Śūra au grand bras, maître de ses passions, aux nobles pensées, est sur le point d'arriver ici.

4. Car Hari sait que vous, rejetons de Kuru, êtes arrivés ici,

car l’excellent Hari est toujours désireux de vous voir et il vous recherche.

5. Et le grand ascète Mārkaṇḍeya, qui a vécu de nombreuses années

consacrées à l'étude du Veda et à l’ascèse, vous rendra vite visite. »

6. Tandis qu’il parlait ainsi, le Chevelu se montra

sur son char attelé de Sainya et de Sugrīva, le meilleur des auriges,

7. accompagné de Satyabhāmā, comme le Généreux l’est de la Fille de Pulomā,

le fils de Devakī [1]arrivait, désireux de voir les meilleurs des Kuru.

8. Le sage Kṛṣṇa descendit de son char, et, joyeux, conformément aux règles,

il salua respectueusement le roi du Dharma et Bhīma, le meilleur parmi les forts,

9. il rendit hommage à Dhaumya et il fut salué par les jumeaux.

il prit dans ses bras le Héros-aux-cheveux-épais [2] et il apaisa Draupadī.

10. ​​Voyant Arjuna, le héros bien-aimé, revenu après si longtemps,

le prince de Daśārha [3] prit dans ses bras encore et encore le dompteur de ses ennemis.

11. De même, Satyabhāmā, la reine principale bien-aimée de Kṛṣṇa,

prit aussi dans ses bras Draupadī, l'épouse bien-aimée des Pāṇḍava.

12. Puis, tous les Pāṇḍava, avec leur femme et leur chapelain,

honorèrent l’homme aux yeux de lotus et l’entourèrent de toutes parts.

13.      Et Kṛṣṇa le sage, rejoint par le fils de Pṛthā,

Dhanaṃjaya, terreur des Asuras,

brilla comme le Seigneur des Créatures au grand cœur,

le Bienheureux le rencontrant sous sa forme corporelle secrètement.

14.      Le héros au diadème raconta entièrement

ce qui s’était passé dans les forêts à l’aîné de Gada [4]

avec exactitude, il lui demanda à nouveau

comment se portaient Subhadrā ainsi qu’Abhìmanyu.

15.      Le Tueur de Madhu rendit hommage comme il convient

aux fils de Pṛthā, à la Noiraude et à leur chapelain,

et pour le louer hautement, il dit au roi

Yudhiṣṭhira, après s’être assis près de lui :

16.      « Le Dharma est supérieur à l’obtention d’un royaume ;

on dit que l’ascèse y conduit, ô roi.

En te comportant selon ton Dharma, avec droiture et vérité,

tu as conquis ce Monde et l’autre monde.

17.      Au début, tu as étudié, en suivant tes vœux.

En même temps tu as acquis toute la science du tir à l’arc,

obtenant tes richesses par le Dharma de la noblesse guerrière,

car tu as obtenu tous les anciens sacrifices.

18.      Tu n’as aucune joie dans les Dharmas des paysans.

Tu ne réalises en rien tes désirs, ô roi des hommes.

Et par avidité de profit tu n’abandonnes pas le Dharma.

Et ainsi, par ta nature propre, tu es le roi du Dharma.

19.      La libéralité, la vérité, l’ascèse, ô roi,

et la foi, la paix, la constance et la patience,

après avoir obtenu royaumes, richesses et jouissances.

ont toujours été ta plus grande joie, ô fils de Pṛthā.

20.      Quand la foule des pays des Kuru

a vu la Noiraude forcée dans la grand-salle,

ce comportement et ces pratiques s’éloignant du Dharma,

qui d'autre que toi, ô Pāṇḍava, aurait pu le supporter ? 

21.      Sans aucun doute, ayant toutes les prospérités que tu désires,

tu protégeras vite en même temps tes sujets,

et nous nous livrerons à la punition des Kuru,

si tu accomplis ta promesse, Seigneur. »

22.      A Dhaumya, à la Noiraude, à Yudhiṣṭhira,

aux jumeaux et à Bhīma, le lion du Daśārha

dit : « Par chance et heureusement pour vous, Seigneurs,

le Porteur du diadème est arrivé dans la joie, après s’être exercé au maniement des armes ! »

23.      Le seigneur de Daśārha accompagné de ses amis

parla aussi à la Noiraude, la fille du Chef-de-l’armée-sainte :

« Noiraude, s’adonnant principalement aux joies de l’archerie,

voués à la vérité, tes enfants bien vertueux,

tes fils, ô fille) de Yajñasena, se livrent

à la méditation religieuse, sans cesse pratiquée par les hommes de bien.

24.      Ayant reçu royaume et sujets

de ton père et de tes frères, ô Noiraude,

tes enfants ne trouvent aucune joie dans les maisons

de Yajñasena, ni de leurs oncles maternels.

25.      Étant allés avec bonheur en direction d’Ānarta,

s’adonnant principalement aux joies de l’archerie,

tes fils sont entrés dans la citadelle des Vṛṣṇis

et ils ne sont pas jalousés par les Dieux, ô Noiraude !

26.      Comme toi-même tu dois leur montrer

comment se conduire, ou comme encore Dame Kuntī,

ainsi Subhadrā le fait sans cesse

avec soin, et plus encore même.

27.      Comme il l’est d'Aniruddha, comme il l’est d'Abhimanyu,

comme il l’est de Sunītha, tout comme il l'est de Bhānu,

de même le fils de Rukmiṇī [5]

est le guide et le refuge de tes fils.

28.      Le prince Abhimanyu toujours,

sans se lasser, en étant vraiment leur guide, guide

les héros dans le maniement de la massue, de l’épée et du bouclier,

au tir de javelots, et dans les apprentissages concernant l'équitation et la conduite des chars.

29.      Et aussi, s’étant concentré avec précision sur l’apprentissage

et leur ayant donné des armes, comme un gourou,

le fils de Rukmiṇī est satisfait des prouesses

de tes fils ainsi que d'Abhimanyu.

30.      Chaque fois que, pour assister à une activité sportive,

tes fils se mettent en route, ô fille du Chef-de-l’armée-sainte,

ils sont alors chacun suivis

de chars, de chariots et d'éléphants. »

31.      Puis Kṛṣṇa s'adressa au roi du Dharma :

« Les guerriers du Daśārha et d’Andhaka de Kukura

exécutent tes ordres,

et tiennent bon où tu le souhaites, ô roi.

32.      Que l’armée des Madhus, dont les flèches sont comme un vent impétueux,

sous la direction de Celui-qui-est-armé-de-l’araire (Balarāma),

se tourne vers tes affaires, ô roi des rois, parfaitement préparée,

avec ses cavaliers, ses fantassins, ses chevaux, ses chars et avec ses éléphants !

33.      Que parte, ô Pāṇḍava, le fils de Dhṛtarāṣṭra,

le Bon-Guerrier, le pire des scélérats,

avec la suite de ses descendants, avec les troupes de ses amis,

sur le chemin de Saubha et de son roi !

34.      Selon ton gré, ô roi des rois, tiens t’en

à la promesse que tu lui as faite dans la grand-salle,

et qu’avec des guerriers du Daśārha, cavaliers et combattants,

la Cité-des-Éléphants t'attende, Seigneur !

35.      Lorsque tu auras apaisé ta colère et que tu te seras débarrassé de ton mal,

après avoir circulé là à ton gré, comme tu le désires,

alors tu iras d’abord sans chagrin

à la prospère Cité-des-Éléphants et à son royaume. »

36.      Puis, ayant entendu cette pensée

que le meilleur des hommes avait exprimée avec précision,

le roi du Dharma au grand cœur l'approuva et le regardant,

les mains jointes sur le front, il dit ceci au Chevelu :

37.      Il ne fait aucun doute que toi, ô Chevelu, pour les Pāṇḍava

tu es le refuge car les fils de Pṛthā s’abritent auprès de toi.

Et quand le temps sera venu, alors à nouveau

tu accompliras ton exploit, il n’y a aucun doute.

38.      Après avoir passé le temps comme promis,

douze années en tout dans le désert,

et après avoir voyagé incognito comme il convient,

les Pāndava, ô Chevelu, viendront à toi, Seigneur. »

39. Vaiśampāyana dit :

« Tandis que le descendant de Vṛṣṇi et le roi du Dharma parlaient ainsi, ô Bhārata,

derrière eux, vieilli dans l’ascèse, âgé de plusieurs milliers d'années,

apparut le grand ascète Mārkaṇḍeya au cœur loyal.

40. A l’arrivée du vieux sage, âgé de plusieurs milliers d'années,

tous les brahmanes l’honorèrent, ainsi que Kṛṣṇa avec les Pāṇḍava.

41. Une fois le sage éminent honoré, tout à fait rassuré et assis,

le Chevelu, avec l’approbation des brahmanes et des Pāṇḍava, lui dit :

42. « Les Pāṇḍava et les brahmanes rassemblés, Draupadī, Satyabhāmā,

ainsi que moi-même, sommes désireux d’entendre ta parole suprême.

43. Les saintes gestes du passé, avec les bonnes conduites, éternelles,

de rois, de femmes et de sages, ô Mārkaṇḍeya, raconte-les nous !

44. Tandis qu'ils étaient assis là, le divin sage Nārada,

à l’âme très pure, arriva lui aussi, désirant voir les Pāṇḍava.

45. Tous ces taureaux parmi les hommes rendirent aussi hommage à ce sage au grand cœur,

érudit, avec l'eau d’hommage pour les pieds, selon la règle.

46. Nārada, le sage divin, sachant qu'ils attendaient avec impatience

les gestes que Mārkaṇḍeya raconterait, approuva.

47. Nārada, qui savait bien juger le temps, avec un semblant de sourire, lui dit :

« Sage brahmane, raconte aux Pāṇḍava ce qu’ils veulent que tu leur dises ! »

48. A ces mots, Mārkaṇḍeya le grand ascète lui répondit :

« Prenez un bon moment, il y a beaucoup à raconter… »

49. A ces mots, les Pāṇḍava, avec les deux-fois-nés, prirent leur temps

et regardèrent le grand anachorète, pareil au soleil à midi.

 

 

3. 181. Yudhiṣṭhira interroge Mārkaṇḍeya sur les conséquences des actes dans les vies ultérieures. Markandeya répond : autrefois les hommes étaient sans défaut, ils vivaient longtemps, et pouvaient aller trouver les Dieux. Puis ils se cantonnèrent à la terre, devinrent avides et envieux, et abandonnèrent les Dieux : leur vie devint misérable. Quand un homme meurt, il renaît immédiatement et ses actes le suivent, déterminant son sort. Il expose comment on peut trouver le bonheur ici et pas après, après et pas ici, ici et après, ni ici ni après.

Livre III, chapitre 181

1. Vaiśampāyana dit :

« Remarquant que le grand anachorète voulait parler, le roi des Kuru,

le Pāṇḍava, le pressa de commencer le récit :

2. « Seigneur, tu connais depuis toujours ce qu’ont accompli tous

les Dieux, les Daityas, les sages au grand cœur et les sages de sang royal.

3. Nous pensons que tu dois être honoré et vénéré, il y a longtemps que nous en avons envie.

Et voici le fils de Devakī qui est venu pour nous voir.

4. Car j’ai la pensée, quand je me vois déchu du bonheur

et que je vois les fils scélérats de Dhṛtarāṣṭra prospérer en tout,

5. que l'homme est l'agent de ses actes, aussi bien les bons que les mauvais,

et qu'il en récolte le fruit. Comment le Seigneur est-il donc l’agent ?

6. Ou bien, dans le plaisir et la peine des hommes, ô le meilleur des connaisseurs du Sacré,

est-ce que ce qui a été fait les suit soit ici-bas, soit dans un autre corps ?

7. Et l’âme incarnée, après avoir abandonné son corps, pourchassée par ses bonnes ou mauvaises actions,

comment s’unit-elle, dans l'au-delà ou ici-bas, ô le meilleurs des deux-fois-nés ?

8. Est-ce que cela relève de  ce monde ou bien de l’autre monde ?

Et où se trouvent les actes d’une personne qui est dans l’autre monde, ô descendant de Bhgu ? »

9. Mārkaṇḍeya dit :

« La question que tu m’as posée avec justesse est digne de toi, ô le meilleur des orateurs :

tu sais ce qu'il y a à savoir et tu interroges pour établir une règle.

10. Je vais te faire un exposé sur ce sujet et, en concentrant ton esprit, écoute

comment, ici et dans l’au-delà, l'homme trouve le bonheur et le malheur.

11. Le Seigneur-des-créatures, se manifestant au commencement, a créé pour les êtres corporels

des corps immaculés, très purs, suivant les règles du Dharma.

12. Ces hommes anciens étaient d’une force et d’une volonté infaillibles,

ils étaient vertueux, véridiques, absorbés par le sacré, saints, ô fils de Kuru.

13. Ils se rassemblaient tous avec les Dieux selon leur bon plaisir au firmament,

et puis revenaient tous, se déplaçant selon leur bon plaisir.

14. Ces hommes mouraient selon leur bon plaisir et vivaient selon leur bon plaisir,

ils avaient peu de souffrances, étaient exempts de peur, avaient du succès et étaient hors de danger.

15. Ils étaient les contemplateurs des multitudes de Dieux et des sages au grand cœur,

voyant clairement tous les Dharmas, ayant dompté leurs passions, débarrassés de toute envie.

16. Ils vécurent ainsi des milliers d'années et eurent des milliers de fils.

Puis, dans une autre période, ils circulèrent sur la surface de la terre,

17. dominés par le désir et la colère, subsistant par les ruses et les tromperies,

dominés par la cupidité et l’égarement, et alors ces hommes furent abandonnés par les Dieux.

18. A cause de leurs mauvaises actions, ces scélérats allaient à quatre pattes en enfer,

consumés encore et encore par diverses renaissances successives.

19. Leurs désirs étaient vains, leurs volontés étaient vaines, leur savoir était vain, ils étaient inconscients,

et ils finirent par se méfier de tout, ils eurent les tourments en partage,

marqués pour la plupart par leurs mauvaises actions.

20. Issus d’une race inférieure, rongés par les maladies, l’âme mauvaise, sans éclat,

ces méchants eurent une vie éphémère, récoltant les fruits de leurs actes violents,

aspirant à tous leurs désirs, leur impiété brisant toutes les digues.

21. La situation d’une créature qui a quitté la vie, ô fils de Kuntī, dépend de ses propres actions ici-bas.

Où se trouve le réceptacle des actions du sage et de celui qui a perdu l’esprit ?

22. Où doit-il se tenir pour jouir de ses éventuelles bonnes actions, et inversement ?

Écoute le point de vue conciliant de la doctrine sur ce sujet aussi.

23. L'homme, dans son corps originel, créé par Dieu,

fait une grande accumulation d’actions bonnes et mauvaises.

24. A la fin de sa vie, abandonnant ce corps presque détruit,

il nait simultanément dans une matrice, il n'y a pas d'interruption.

25. Là, l’action qu’il a faite, l’ayant suivi comme une ombre,

produit alors son fruit, et il naît, soit digne du bonheur, soit digne du malheur.

26. Une créature qui n’est pas affectée par les marques du bien ou du mal

semble soumise à la règle de la destinée aux yeux du savoir.

27. Telle est, dit-on, la condition des gens dépourvus de sagesse, Yudhiṣṭhira ;

maintenant apprends la condition éminente de ceux qui ont la connaissance.

28. Les hommes qui pratiquent l’ascèse se consacrent uniquement aux textes sacrés,

ils sont fermes dans leurs vœux, voués à la vérité, obéissants à leurs gourous, ils sont dans la joie,

29. ils ont une bonne conduite, ils sont de naissance pure, ils sont indulgents, ils ont dompté leurs passions, ils ont un grand éclat,

ils renaissent dans de nobles matrices et portent pour la plupart une noble marque.

30. Grâce à la maîtrise de leurs sens, ils sont maîtres d’eux-mêmes, grâce à leur pureté, ils souffrent peu de maladies,

grâce à leur absence de peur de souffrir, ils sont paisibles.

31. Qu'ils soient nés après être tombés du ciel, ou complètement à l'intérieur de la matrice,

ils perçoivent leur propre âme et l’Esprit Suprême, ayant l’œil visionnaire ;

après être venus sur cette terre en rapport avec leurs actions, ils regagnent la demeure des Dieux.

32. Certaines viennent du destin, d'autres de la nécessité, d'autres de leurs actes

parmi les choses que les hommes obtiennent, ô roi : n’aie pas d’autre considération.

33. Il existe une métaphore aussi à ce sujet, écoute-la, ô le meilleur des orateurs.

Dans le monde des hommes, je pense que ce qui est vraiment le mieux, ô Yudhiṣṭhira,

34. un homme le trouve ici-bas et non au-delà, un autre au-delà et non ici-bas,

un autre à la fois ici-bas et au-delà, et un autre ni ici-bas ni au-delà.

35.      Ceux qui possèdent de grandes richesses

en profitent constamment et leurs corps sont très ornés ;

ce monde, ô tueur de héros ennemis, est à eux,

mais jamais l'autre, ils profitent du confort de leur corps.

36.      Ceux qui, attelés au yoga, voués à l’ascèse,

dans la pratique de la récitation des textes sacrés, vieillissent leur corps,

maître de leurs sens, se concentrent sur le bien-être des créatures,

l’autre monde est à eux, et pas celui-ci, ô tueur d’ennemis.

37.      Ceux qui, avant tout, suivent le Dharma,

et qui, par le Dharma, acquérant des richesses au bon moment,

prenant des épouses, offrent des sacrifices,

ce monde est à eux, et aussi l’autre monde.

38.      Et ceux qui ne s’exercent pas dans la connaissance, l’ascèse et les dons,

et qui dans leur égarement n'engendrent pas non plus d'enfants,

ces malheureux n’accèdent pas au bonheur,

ce monde n’est pas à eux, et l’autre monde non plus.

39.      Mais vous tous, seigneurs, qui excellez par votre valeur et votre pureté,

qui êtes d’un éclat divin, qui possédez la robustesse,

qui du monde de l’au-delà êtes venus sur terre,

connaissant par l’étude les récitations concernant les affaires des Dieux,

40.      quand, en tant que champions, vous aurez accompli de grands exploits,

vous adonnant à l’ascèse, à la maîtrise de soi, à la bonne conduite et aux activités sportives,

quand les Dieux, les sages et toutes les troupes des morts

auront été satisfaits par d'excellents rites,

41.      alors, le plus haut des cieux où résident les hommes de bien,

vous y accéderez successivement grâce à vos actes !

N’aie pas de doutes, ô roi des Kuru,

si tu considères tes tourments, tu es digne du bonheur ! »

 

 

3. 182. Mārkaṇḍeya parle de la grandeur des brahmanes. Histoire du fils de Tārkṣya. Un prince Haihaya prend un ermite revêtu de sa peau d’antilope pour un gibier, et le tue. Les Haihaya en apprenant cela vont trouver le père de l’ermite, Tārkṣya Ariṣṭanemi. Ils lui avouent leur faute, mais ne peuvent retrouver l’ermite tué. Tārkṣya leur montre son fils, parfaitement vivant : un brahmane n’a rien à craindre de la mort.

Livre III, chapitre 182

1. Vaiśampāyana dit :

« Les fils de Pāṇḍu dirent alors à Mārkaṇḍeya au grand cœur :

« Nous souhaitons entendre raconter la grandeur des premiers des deux-fois-nés. »

2. A ces mots, le grand ascète, le bienheureux Mārkaṇḍeya,

au très grand éclat, expert en toutes sortes de connaissances, leur dit :

3. « Un ancêtre des Haihayas, le roi Parapurañjaya,

un garçon plein de beauté, et puissant, était parti à la chasse.

4. Alors qu'il traquait dans la forêt, toute pleine d’herbes et de lianes,

il aperçut à proximité un anachorète ayant comme vêtement de dessus des peaux d’antilopes noires.

Il le tua dans la forêt, pensant que c’était une antilope.

5. Affligé d’avoir fait cela, l’esprit frappé de douleur,

il alla auprès des Haihayas célèbres par leur esprit.

6. Le garçon aux yeux de lotus bleu, ô roi de la terre,

raconta alors à ces rois ce qui s'était passé.

7. Quand ils apprirent et virent, mon fils, que l’anachorète mangeur de racines et de fruits,

avait été blessé, alors leur esprit fut abattu.

8. Cherchant tous de qui il était le fils de côté et d'autre,

ils arrivèrent rapidement à l'ermitage de Tārkya Ariṣṭanemi.

9. Ils saluèrent l’anachorète au grand cœur, très attaché à ses vœux,

puis ils restèrent tous là pendant que l’anachorète recevait leur hommage.

10. Puis ils dirent à cet homme au grand cœur : « Ton hospitalité, ô anachorète, nous n’en sommes pas

dignes, car nous avons fait du mal, nous avons blessé un brahmane ! »

11. Le sage brahmane leur dit : « Comment avez-vous tué un brahmane,

et où est-il ? Dites-le tous. Voyez le pouvoir de mon ascèse ! »

12. Ils lui racontèrent entièrement tout ce qui s'était passé avec exactitude,

mais ils ne virent pas là le sage mort que tous ensemble

ils recherchaient, ils se sentirent honteux, ayant perdu l’esprit comme s’ils avaient rêvé.

13. Là, l’anachorète Tārkṣya, vainqueur des villes ennemies, leur dit :

« Serait-ce ce brahmane celui que vous avez tué ?

Car c’est mon fils, ô rois, qui possède la puissance de l’ascèse ! »

14. Et en voyant ce sage, ils furent pris d’une extrême stupeur :

« C’est un grand prodige, ô roi de la terre ! déclarèrent-ils,

15. car nous l'avons vu mort. Comment a-t-il pu revenir vivant ?

Est-ce le pouvoir de l’ascèse qui a fait qu'il revienne à la vie ?

Nous voulons entendre cela, ô sage brahmane, s’il est possible de l’entendre… »

16. Il leur dit : « La mort n'a aucun pouvoir sur nous, ô rois.

Je vais vous en exposer brièvement la cause et la raison.

17. Nous connaissons la vérité, nous ne pensons pas au mensonge ;

nous suivons notre propre Dharma, et ainsi nous n'avons pas peur de la mort.

18. Ce qui convient aux brahmanes, c’est cela que nous évoquons,

nous ne parlons pas de leur mauvaise conduite, et ainsi nous n'avons pas peur de la mort.

19. Donnant à boire et à manger à nos hôtes, nourrissant abondamment les personnes qui sont à notre charge,

vivant dans un pays d'hommes puissants, ainsi nous n'avons pas peur de la mort.

20. Voilà qui est dit en quelques mots. Sans jalousie,

allez tous ensemble, n’ayez pas peur du mal. »

21. « Ainsi soit-il », dirent-ils tous en saluant respectueusement le grand anachorète ;

et les rois retournèrent joyeux dans leur pays, ô taureau des Bhārata. »

 

 

 

 



[1] Satyabhāmā : l'une des huit épouses de Kṛṣṇa | la Fille de Pulomā : Śacī, épouse d’Indra | Devakī : mère de Kṛṣṇa.

[2] Arjuna.

[3] Kṛṣṇa.

[4] Le héros au diadème = Arjuna ; Gada = frère cadet de Kṛṣṇa.

[5] Aniruddha, fils de Pradyumna, déifié comme aspect de Vāsudeva | Abhimanyu, fils d’Arjuna | Sunītha = Śiśupāla : Rukmiī lui était promise, mais elle était amoureuse de Kṛṣṇa qui l'enleva le jour prévu pour son mariage | Bhānu, nom d’un guerrier Vṛṣṇi |  Pradyumna, fils de Kṛṣṇa et Rukmiī.