(33) Le pèlerinage : 80-153

 

3. 80. Arrivée de Nārada. Yudhiṣṭhira l’interroge sur les mérites acquis par la visite des lieux saints. Nārada raconte l’Entretien de Bhīṣma et de Pulatsya. Bhīṣma se livre à des austérités sur les bords de la Gaṅgā. Le ṛṣi Pulatsya vient lui rendre visite. Bhīṣma se réjouit et lui demande quels sont les mérites attachés à un pèlerinage aux lieux saints. Pulatsya lui répond : la visite aux lieux saints surpasse le sacrifice. Il lui donne un itinéraire complet de voyage, avec l’histoire des lieux saints et la conduite à tenir en chaque endroit.

 

Livre III, chapitre 80

1. Vaiśampāyana dit :

« Ainsi, tandis qu’ils regrettaient Dhanaṃjaya, les grands auriges,

les éminents Pāṇḍava, vivaient dans la forêt avec Draupadī.

2. Alors ils virent là Nārada, le sage divin au grand cœur,

resplendissant dans sa gloire brahmanique, avec un éclat pareil à un feu flamboyant.

3. L'illustre, le meilleurs des Kuru, entouré de ses frères,

brillait d'une majesté éblouissante, comme le Dieu aux Cent Sacrifices au milieu des Dieux.

4. Comme Sāvitrī pour les Veda, de même la bonne fille de Yajñasena 

n'abandonnait pas les fils de Pṛthā, conformément au Dharma, tout comme la lumière du Soleil n’abandonne pas le Mont Meru.

5. Le bienheureux sage Nārada accepta leurs honneurs

et réconforta le fils du Dharma en termes appropriés, ô prince sans blâme.

6. Et il dit à Yudhiṣṭhira au grand cœur, le roi du Dharma :

« Parle, ô le meilleur des connaisseurs du Dharma, de quoi as-tu besoin, que te donnerai-je ? »

7. Le roi, fils du Dharma, s'inclina avec ses frères,

et, joignant les mains, il dit cette parole à Nārada, pareil à un Dieu :

8. « Si tu es content, ô Bienheureux et honoré dans tous les mondes,

je pense que le coup est gagné grâce à ta faveur, ô Vertueux !

9. Pourtant, si je dois être favorisé avec mes frères, ô irréprochable,

daigne, ô le meilleur des anachorètes, trancher le doute qui est dans mon cœur.

10. Si un homme, intéressé par les lieux d’ablutions, fait le tour de la Terre en allant vers le Sud,

quel fruit en aura-t-il ? Daigne me le dire entièrement, ô brahmane. »

11. Nārada dit :

« Écoute, ô roi, attentivement, tout ce que Bhīṣma

a entendu de Pulastya, ô Bhārata.

12. Jadis, sur la rive du Gange, Bhīṣma, le meilleur des connaisseurs du Dharma,

observant un vœu au nom de son père, vivait comme un ermite,

13. dans un lieu splendide, ô Mahārāja, saint et fréquenté par les sages divins,

à la porte du Gange, fréquentée par les dieux et les Gandharvas.

14. Le héros à la sublime splendeur offrait des libations aux Ancêtres et aux Dieux,

et il réjouissait les sages avec le rite qu’on voit dans les règles.

15. Or, après un certain temps, tandis que le grand ascète murmurait des prières,

il vit Pulastya, le sage éminent à l’apparence merveilleuse.

16. En voyant le saint aux austérités redoutables, comme flamboyant de gloire,

il fut saisi d'une joie sans pareille et tomba dans le plus grand étonnement.

17. A son arrivée, ô Mahārāja, il reçut l’hommage, ô Bhārata,

de Bhīṣma, le meilleur des connaisseurs du Dharma, avec le rite qu’on voit dans les règles.

18. Tenant l’eau d’hommage sur sa tête, l'homme pur aux pensées pieuses

dit son nom à cet éminent sage brahmanique :

19. « Je suis Bhīṣma, si tu le permets je suis ton serviteur, ô Vertueux.

Juste en te regardant, je suis libéré de tous mes péchés! »

20. Ayant dit cela, ô Mahārāja, Bhīṣma, le meilleur des connaisseurs du Dharma,

retint sa parole et, les mains jointes, il se tut, ô Yudhiṣṭhira.

21. Et regardant Bhīṣma qui avait été maigri par son étude et sa récitation du Veda,

l’anachorète se réjouissait de s'adresser à l'aîné de la lignée des Kuru.

22. Pulastya dit :

« Cette humilité dont tu fais preuve, ô connaisseur du Dharma, ta maîtrise de soi,

et ta véracité, Seigneur, me réjouissent tout à fait.

23. C'est à cause du Dharma tel que tu le pratiques, dévoué à la loyauté envers ton père, ô irréprochable,

que tu me vois, mon fils, et je suis content de toi.

24. Ma vision est infaillible, Bhīṣma, dis-moi, que puis-je faire pour toi ?

Ce que tu demanderas, ô le meilleur des Kuru, je te le donnerai, ô irréprochable. »

25. Bhīṣma dit :

« Si tu es content, Bienheureux qui es honoré dans tous les mondes,

je pense que le coup est gagné car je te vois Seigneur.

26. Pourtant, si tu dois me favoriser, ô le meilleur des connaisseurs du Dharma,

je parlerai d'un doute qui est dans mon cœur : daigne t’exprimer à ce sujet.

27. J'ai, ô Bienheureux, un doute sur le Dharma à propos des lieux d’ablutions ;

et cela, je voudrais t'entendre m’en parler en détails, à l'égard de chacun d'eux.

28. Celui qui fait le tour de la Terre en allant vers le Sud, ô sage brahmane

infiniment puissant, quel fruit en aura-t-il ? Dis-le-moi, ô ascète ! »

29. Pulastya dit :

« Eh bien, je vais te dire quel est le but final des sages :

écoute attentivement, mon ami, quel fruit on trouve dans des lieux d'ablutions.

30. Celui qui contrôle bien ses mains, ses pieds, son esprit,

ses connaissances, son ascèse et sa bonne réputation, obtient le fruit  des lieux d'ablutions.

31. Celui qui est revenu aux aumônes, qui est content, modéré, pur,

qui s’est détourné de l’égoïsme, obtient le fruit  des lieux d'ablutions.

32. Celui qui est sans tromperie, qui n’entreprend rien, qui mange peu, qui est maître de ses sens

et qui est affranchi de tous vices, il obtient le fruit  des lieux d'ablutions.

33. L'homme sans colère, ô roi des rois, accoutumé à la vérité, ferme dans ses vœux,

qui voit dans les créatures l'image de lui-même, il obtient le fruit  des lieux d'ablutions.

34. Les sages ont exposé point par point dans le Veda les rituels dans ce monde,

et aussi avec exactitude le fruit de tous, ici et dans l'au-delà.

35. Les pauvres ne peuvent accéder aux sacrifices, ô  roi de la Terre :

les sacrifices exigent de nombreuses ressources et une multitude de matériels de toutes sortes.

36. Des rois y accèdent, ou des hommes riches parfois,

mais pas ceux qui sont privés des ressources utiles, qui sont seuls et isolés.

37. Même pour les pauvres il y a un rite auquel ils peuvent accéder, ô seigneur des hommes,

égalant les fruits saints du sacrifice : apprends-le, ô le meilleur des guerriers.

38. C'est le suprême mystère des sages, ô le meilleur des Bhārata,

la sainte visitation des lieux d'ablutions, qui surpasse même les sacrifices.

39. C’est quand on n’a pas jeûné pendant trois nuits, quand on n’a pas visité les lieux d'ablutions,

quand on n’a pas donné de l'or et des vaches que l’on devient ce qu’on appelle un pauvre.

40. On peut faire des sacrifices de louanges à Agni et d'autres rites avec d’abondantes aumônes,

mais ne pas récolter le fruit qu'apporte la visite des lieux d'ablutions.

41. Dans le monde des hommes le lieu d'ablutions du Dieu des Dieux, réputé dans les trois mondes,

du nom de Puṣkara [1], très célèbre, un homme fortuné le visiterait.

42. Il y a dix millions de millions de lieux d'ablutions, ô roi de la Terre,

à proximité de Puṣkara, pour lesquels il y a trois moments dans la journée, ô fils de Kuru.

43. Les Ādityas, les Trésors, les Rudrās, les Sādhyas et la bande des Marutas,

les Gandharvas et les Apsaras y sont toujours présents, ô puissant.

44. C'est là que les Dieux s’étant adonnés à l’ascèse, ainsi que les Daityas et les sages brahmanes,

obtinrent l’union divine, ô Mahārāja, grâce à leur grande sainteté.

45. Si un homme sage a le désir, même en esprit, de Puṣkara,

tous ses péchés sont purifiés et il est honoré sur la voûte du firmament.

46. Dans ce lieu d’ablution, ô bienheureux, demeure pour toujours,

au comble de la joie, l'Aïeul respecté des Dieux et des Danavas.

47. A Puṣkara, ô bienheureux, les Dieux conduits par les sages

ont tous trouvé ensemble la perfection, doués d’une grande sainteté.

48. Des ablutions qui seraient faites là par un homme aimant rendre hommage aux Dieux et aux Ancêtres,

équivalent à dix sacrifices de chevaux, disent les sages.

49. Quand bien même, se retirant dans la forêt de Puṣkara, il ne nourrit qu'un seul brahmane,

à cause de son acte, Bhīṣma, il se réjouit ici-bas et dans l'au-delà.

50. S'il ne vit lui-même que de légumes, de racines et de fruits,

et qu'il les donne à un brahmane, en ayant la foi, sans envie,

par cet acte même cet homme sage obtient le fruit d'un Sacrifice de Cheval.

51. Un brahmane, un noble guerrier, un travailleur ou un serviteur, ô le meilleur des rois,

s’ils se sont baignés dans ce lieu d’ablutions au grand cœur, ne retournent pas dans une matrice inférieure.

52. Celui qui va à Puṣkara, en particulier la nuit de pleine lune de Kārttika,

son fruit s’accroît et devient inépuisable, ô taureau des Bhārata.

53. Celui qui, le soir et le matin, penserait à Puṣkara, les mains jointes,

ce serait pour lui comme se baigner dans tous les lieux d’ablutions, ô Bhārata,

et cet homme gagnerait les mondes inépuisables de Brahmā dans sa demeure.

54. Le mal qui a été fait depuis la naissance, soit par une femme, soit par un homme,

disparaît complètement avec un simple bain à Puṣkara.

55. Tout comme le Destructeur-de-Madhu est le premier de tous les Dieux,

on dit, ô roi, que Puṣkara est le premier des lieux d’ablutions.

56. En séjournant douze ans à Puṣkara, un homme modéré et pur

accède à tous les sacrifices et parvient au monde de Brahmā.

57. Celui qui, pendant cent années entières, assiste à l’oblation à Agni,

et celui qui reste une nuit de pleine lune de Kārttika à Puṣkara, c’est la même chose.

58. C’est difficile d’aller à Puṣkara, c’est difficile une ascèse à Puṣkara,

c’est difficile un don à Puṣkara, et y vivre est très difficile.

59. Après être resté pendant douze nuits, dans la modération et une alimentation modérée,

il faut aller à Jambūmārga et en faire le tour vers la droite.

60. Quand on est entré dans Jambūmārga, fréquentée par les Dieux, les sages et les Ancêtres,

on obtient l’équivalent du Sacrifice du Cheval et on entre dans le monde de Viṣṇu.

61. Un homme qui reste là cinq nuits et supporte de jeûner jusqu’au soir du troisème jour,

ne subit pas de malheur, et il atteint la perfection ultime.

62. Au retour de Jambūmārga, on doit se rendre à Taṇḍulikāśrama :

on ne subit pas de malheur et on est honoré dans le monde céleste.

63. Lorsqu'il atteint le lac d'Agastya, un homme aimant rendre hommage aux Dieux et aux Ancêtres,

s’il y jeûne trois nuits, ô roi, obtient le fruit de l’oblation à Agni.

64. Celui qui vit de légumes et de fruits, trouve ensuite la trace du pied de Kumara [2]

lorsqu'il atteint l'Ermitage de Kaṇva, qui est visité par la Fortune et honoré dans le monde.

65. Car c'est là la principale forêt sacrée du Dharma, ô taureau des Bhārata,

et dès qu'on entre là, on est libéré de ses maux.

66. En honorant les Ancêtres et les Dieux, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient le fruit d'un sacrifice qui comble tous les désirs.

67. Après en avoir fait le tour vers la droite, on doit aller à la Chute de Yayāti,

et on y obtient le fruit d'un Sacrifice du Cheval.

68. De là, on doit aller à Mahākāla, dans la modération et une alimentation modérée,

et, en se baignant au lieu d’ablution des Dix Millions, on atteint le fruit d'un Sacrifice de Cheval.

69. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers le lieu sacré de l’époux d'Umā,

nommé du nom de Bhadravaṭa, qui est célèbre dans les trois mondes.

70. En s'y rendant auprès du Seigneur on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches

et, par la grâce du Grand Dieu, accéder au rang de dévot de Gaṇeśa.

71. En voyageant jusqu'à la rivière Narmadā, célèbre dans les trois mondes,

et en satisfaisant les Ancêtres et les Dieux par des oblations, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

72. En continuant vers l’Indus au Sud, tout en restant chaste et maître de ses sens,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on monte sur un char céleste.

73. Passant à la rivière Carmaṇvatī, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient, avec le consentement de Rantideva, le fruit de l’oblation à Agni.

74. Puis on va, ô connaisseur du Dharma, vers le mont Arbuda, fils de l'Himālaya,

où il y avait autrefois un gouffre dans la Terre, ô Yudhiṣṭhira.

75. Là se trouve l'ermitage de Vasiṣṭha, célèbre dans les trois mondes,

et en y dormant une nuit on obtient un fruit équivalant à mille vaches.

76. Après s’être baigné au lieu d’ablutions de Piṅgā, en restant chaste et maître de ses sens,

on obtient, ô tigre parmi les hommes, un fruit équivalant à cent vaches rousses.

77. De là, il faut se rendre, ô connaisseur du Dharma, à Prabhāsa, mondialement connue,

où le Dévoreur d’offrandes est toujours présent en personne,

la bouche des dieux, ô héros, le Feu à la flamme poussée par le vent.

78. Quand il se baigne à ce lieu d’ablutions éminent, pur et le cœur pieux,

un homme obtient le fruit de l’oblation à Agni et du Sacrifice nocturne.

79. En continuant jusqu'à l'endroit où la Sarasvatī débouche dans l'Océan,

on obtient un fruit équivalant à mille vaches et l’on est honoré dans le monde des cieux,

flamboyant à jamais avec une splendeur comme le feu, ô taureau des Bhārata.

80. En y restant trois nuits, on satisfera les Ancêtres et les Dieux par des oblations

et l’on brillera comme la lune, et l’on obtiendra l’équivalent du Sacrifice du Cheval.

81. Puis on devrait aller au lieu d’ablutions de Varadāna, ô le meilleur des Bhārata,

où Durvāsā a offert un vœu à Viṣṇu, ô Yudhiṣṭhira.

82. En se baignant à Varadāna, un homme recevrait un fruit équivalant à mille vaches.

Puis il faut aller à Dvāravatī, dans la modération et une alimentation modérée,

et un homme en se baignant à Piṇḍāraka obtiendra beaucoup d'or.

83. Dans ce lieu d’ablutions, ô bienheureux, on trouve aujourd'hui encore

des sceaux portant la marque du lotus, une merveille, ô dompteur de tes ennemis,

84. et l’on y voit des piliers marqués du signe du Trident, ô fils de Kuru,

c’est bien là la présence du Grand Dieu, ô taureau des Bhārata.

85. En continuant jusqu'au confluent de l'Indus et de l'Océan, ô Bhārata,

après s’être baigné au lieu d’ablutions du Roi des Eaux avec un cœur pieux,

86. en satisfaisant les Ancêtres, les Dieux et les sages par des oblations, ô taureau des Bhārata,

on obtient le monde de Varuṇa, tout en flamboyant de son propre éclat.

87. En honorant le divin Seigneur aux Oreilles Pointues, ô Yudhiṣṭhira,

on a l’équivalent de dix fois le Sacrifice du Cheval, disent les sages.

88. Après en avoir fait le tour vers la droite, il faut aller, ô taureau des Bhārata,

aîné des héros Kuru, à un lieu d’ablutions célèbre dans les trois mondes,

renommé sous le nom de Dṛmi, qui délivre de tout mal,

89. où Brahmā et les autres Dieux honorent Grand Seigneur.

En s'y baignant et en honorant Rudra entouré des troupes des Dieux,

un homme repousse tous les maux qu'il a faits depuis sa naissance.

90. Dṛmi, ô le meilleur des hommes, est célébré par tous les Dieux :

en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes,  on obtient l’équivalent d’un Sacrifice du Cheval.

91. C'est là, ô très sage, que le puissant Viṣṇu

s'est jadis purifié, ô roi, après avoir tué les ennemis des Dieux.

92. De là, il faut aller, ô connaisseur du Dharma, jusqu'à la célèbre Vasordhārā,

car en y allant, on obtient l’équivalent d’un Sacrifice du Cheval.

93. Après s’y être baigné, ô aîné des héros Kuru, un homme au cœur pieux,

en offrant des oblations aux Dieux et aux Ancêtres, est honoré dans le monde de Viṣṇu.

94. Il y a là un sublime et saint lieu d’ablutions des Trésors, ô taureau des Bhārata :

en s'y baignant et en y buvant, on sera estimé par les Trésors.

95. Ensuite, il y a un endroit appelé Indus Suprême, qui fait disparaître tout mal :

et en s'y baignant, ô le meilleur des hommes, on obtient beaucoup d'or.

96. En allant à la Montagne de Brahmā, l'homme pur aux pensées pieuses,

ayant de bonnes actions, dépourvu d’impuretés, atteint le monde de Brahmā.

97. Le lieu d’ablutions des Filles de Śakra, fréquenté par les Accomplis :

un homme, en se baignant là, obtient rapidement le monde de Śakra.

98. Et là il y a aussi le lieu d'ablutions de Reṇukā, fréquenté par les Dieux :

en se baignant là un brahmane deviendra immaculé comme la lune.

99. Ensuite, en allant au Pendjab, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient graduellement les cinq sacrifices qu’on mentionne.

100. De là, il faut aller, ô connaisseur du Dharma, vers le sublime site de Bhīmā ;

en se baignant là dans sa matrice, un homme, ô taureau des Bhārata,

101. deviendra le fils d'une Déesse, ô roi, dans un corps avec des boucles d'oreilles en or raffiné,

et obtiendra un grand fruit, équivalant à cent mille vaches.

102. En se rendant au mont Muñja, célèbre dans les trois mondes,

et en rendant hommage à l’Aïeul, on obtiendra un fruit, équivalant à mille vaches.

103. Puis on se dirigera, ô connaisseur du Dharma, vers Vimala, sublime lieu d'ablutions,

où l'on voit encore aujourd'hui des poissons d'or et d'argent.

104. en se baignant là, ô le meilleur des hommes, on obtiendra la Boisson de Vigueur [3],

et c’est avec l'âme purifiée de tout mal qu’on fera le dernier voyage.

105. Puis on se dirigera vers Maladā, célèbre dans les trois mondes,

et, quand ce sera le crépuscule à l’Ouest, on se baignera conformément aux règles.

106. On offrira en oblation au Dieu-à-sept-flammes [4] une bouillie de riz, d’orge et de pois cuits dans du lait, ô roi des hommes, dans la mesure du possible,

c’est une offrande impérissable aux Ancêtres, disent les sages.

107. Cent mille vaches, cent consécrations royales,

et mille sacrifices de chevaux sont surpassés par cette oblation au Dieu-à-sept-flammes d’une bouillie de riz, d’orge et de pois cuits dans du lait.

108. Puis en revenant sur ses pas, ô roi des rois, il faut se rendre à Vastrāpada,

et, en y visitant le Dieu Suprême, obtenir le fruit d'un Sacrifice de Cheval.

109. En allant au Maṇimat, en restant chaste et dévoué,

et en y restant une nuit, ô roi, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

110. Ensuite, il faut se rendre, ô roi des rois, à la rivière Devikā, mondialement connue,

où, selon la tradition, les brahmanes ont été engendrés, ô taureau des Bhārata.

111. Et ce site du Porteur du Trident [5] est renommé dans les trois mondes ;

un homme, en se baignant dans la Devikā et en adorant le Grand Seigneur,

112. et, dans la mesure du possible, en offrant là en oblation une bouillie de riz, d’orge et de pois cuits dans du lait, ô taureau des Bhārata,

obtient le fruit d'un sacrifice qui comble tous les désirs.

113. Il y a là un lieu d'ablutions de Rudra, du nom de Kāma, fréquenté par les Dieux et les sages ;

en se baignant là, un homme atteint rapidement la perfection, ô Bhārata.

114. En allant vers Yajana, Yājana et Brahmavālukā,

et en s’y baignant après une offrandes de fleurs, on ne s'inquiétera pas de la mort.

115. Avec une largeur d’une demi-lieue, une longueur de cinq lieues,

on dit que la Devikā est sacrée, fréquentée par les Dieux et les sages.

116. Puis dans cet ordre il faut aller, ô connaisseur du Dharma, à Dīrghasatra,

où les Dieux, conduits par Brahmā, les Accomplis et des sages éminents

ont assisté à une longue session de sacrifice de Soma accompagnée d’honoraires, fermes dans leurs vœux.

117. En se rendant à Dīrghasatra, ô roi des rois, dompteur de tes ennemis,

un homme obtient un fruit équivalant à une consécration royale et un Sacrifice de Cheval.

118. Puis il faut aller à Vinaśana, dans la modération et une alimentation modérée,

là où la Sarasvatī va disparaître dans le désert,

et réapparaît à Camasa, Śivodbheda et Nāgodbheda.

119. Après s'être baigné à Camasodbheda, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

un homme, en se baignant à Śivodbheda obtient un fruit équivalant à mille vaches,

120. un homme, en se baignant à Nāgodbheda obtiendra le Monde des Serpents.

Et il faut aller à Śaśayāna, ô roi des rois, un lieu d'ablutions difficile à trouver,

où les lotus bleus se cachent sous l'apparence de lièvres, ô Bhārata.

121. Car dans la Sarasvatī, ô Mahārāja, chaque année les gens

se baignent toujours, ô le meilleur des Bhārata, la nuit de la nouvelle lune du mois Kārttika.

122. En s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on brille chaque fois comme la Lune

et l’on obtient un fruit équivalant à mille vaches, ô taureau des Bhārata.

123. En continuant vers Kumārakoṭi, en restant modéré, ô fils de Kuru,

il faudra y prendre un bain rituel, se réjouir de rendre hommage aux Ancêtres et aux Dieux,

et l’on obtient le fruit d’une cérémonie des vaches [6] et l’on sauve sa famille.

124. Puis il faut aller, ô connaisseur du Dharma, à Rudrakoṭi [7], en se recueillant,

là où jadis, ô Mahārāja, dix million de sages se sont recueillis

et se sont installés dans une joie extrême, désireux de voir le Dieu.

125. « Moi d’abord, moi d’abord je verrai le Dieu qui a le taureau pour bannière ! » 

disaient en s’approchant, ô roi, les sages, comme on sait, ô Bhārata.

126. Alors le Seigneur du yoga recourut à son yoga, ô roi,

pour faire disparaître la colère chez ces sages à l’âme absorbée par l’étude.

127. Il créa dix millions de Rudras, qu’il plaça devant les sages,

« C’est moi qui l’ai vu en premier ! » pensaient-ils chacun.

128. Satisfait de l’extrême dévotion de ces sages

à l’éclat puissant, ô roi, le Grand Dieu leur accorda un vœu :

« A partir d'aujourd'hui le Dharma croîtra en vous ! »

129. En se baignant là, ô tigre parmi les hommes, à Rudrakoṭi, un homme pur

obtient le fruit d'un Sacrifice de Cheval et il sauve sa famille.

130. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, au rassemblement mondialement connu

et très saint de Sarasvatī, où le Tourmenteur-des-hommes est honoré

131. par les Dieux conduits par Brahmā, les sages, les Accomplis et les Chanteurs Célestes

qui s’y rendent, ô roi des rois, le quatorzième jour de la quinzaine claire.

132. En se baignant là, ô tigre parmi les hommes, on trouvera beaucoup d'or

et c’est avec l'âme purifiée de tout mal qu’on ira dans le monde de Brahmā.

133. En allant là où les sages accomplissent les grands sacrifices de soma, ô roi,

et où ils achèvent les grands sacrifice de soma, on obtient un fruit équivalant à mille vaches. »

 

 

3. 81. Suite de l’itinéraire.

 

Livre III, chapitre 81

1. Pulastya dit :

« De là il faut continuer, ô roi des rois, jusqu'au très vanté Kurukṣetra :

tous les hommes qui y vont sont délivrés de leurs maux.

2. « J'irai à Kurukṣetra, je vis à Kurukṣetra » :

celui qui parle ainsi constamment est aussi libéré de ses maux.

3. On devrait habiter un mois là, à Sarasvatī, ô Yudhiṣṭhira,

là où les Dieux conduits par Brahmā, les sages, les Accomplis et les Chanteurs Célestes,

4. les Gandharvas, les Apsaras, les Yakṣas et les Serpents, ô  roi de la Terre,

visitent le très saint Brahmakṣetra, ô Bhārata.

5. Celui qui, même en pensée, désire aller à Kurukṣetra, ô Yudhiṣṭhira,

tous ses maux disparaissent et il va dans le monde de Brahmā.

6. Car en allant, plein de dévotion, à Kurukṣetra, ô rejeton de Kuru,

un homme obtient le fruit d'une Consécration Royale et d'un Sacrifice de Cheval.

7. Quand on y aura salué respectueusement le Yakṣa Macakruka,

le très puissant Gardien des Portes, on peut obtenir un fruit équivalent à mille vaches.

8. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers l'incomparable lieu de Viṣṇu,

du nom de Satata, ô roi des rois, où Hari est présent.

9. En s'y baignant et en vénérant Hari, source des trois mondes,

on obtient l’équivalent du Sacrifice du Cheval et on entre dans le monde de Viṣṇu.

10. De là, il faut se rendre au lieu d'ablutions de Pāriplava, renommé dans les trois mondes ;

un homme obtient le fruit de l’oblation à Agni et du Sacrifice nocturne.

11. En continuant jusqu'au lieu d'ablutions de Pṛthivī, on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches ;

puis se rendant à Śālūkinī, le pèlerin, ô roi,

en se baignant au Sacrifice des Dix Chevaux, obtient ce même fruit.

12. En visitant Sarpadarvī, le suprême lieu d'ablutions des Serpents,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et on découvre le Monde des Serpents.

13. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers le Gardien des Portes Tarantuka,

et, en y restant une nuit, on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches.

14. Partant de là vers le Pendjab, dans la modération et une alimentation modérée,

après s’être baigné au lieu d'ablutions des Dix Millions, on obtiendra le fruit d'un Sacrifice de Cheval.

en allant au lieu d'ablutions des Aśvins on renaît beau.

15. De là, il faut aller, ô connaisseur du Dharma, au suprême lieu d'ablutions du Sanglier,

où à jadis Viṣṇu s’est tenu sous la forme d'un sanglier :

en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

16. Puis sur la Jayantī, ô roi des rois, il faut s'approcher du lieu d'ablutions de Soma ;

l'homme qui s'y baigne obtient le fruit d'une consécration royale.

17. L'homme qui se baigne à Ekahaṃsa obtiendra un fruit, équivalant à mille vaches.

Le pèlerin qui se rend à Kṛtaśauca, ô rejeton de Kuru,

obtient le fruit du sacrifice Puṇḍarīka et cet homme sera purifié.

18. Puis, en continuant vers ce qu’on appelle le Muñjavāt du Grand Dieu Sage

et en y restant une nuit, on accède au rang d’adorateur de Gaṇeśa.

19. Dans la même région, ô Mahārāja, il y a une Yakṣī de renommée mondiale ;

en lui rendant visite, on obtient les mondes purs.

20. C'est là la célèbre Porte de Kurukṣetra, ô taureau des Bhārata ;

Le pèlerin dévoué, après en avoir fait le tour vers la droite,

21. après s'être baigné à cet endroit qui équivaut à Puṣkara, et après avoir adoré les Ancêtres et les Dieux,

à cet endroit qui a été établi par le fils de Jamadagni, Rāma au grand cœur [8],

devient acquitté de ses tâches, ô roi, et obtient l’équivalent du Sacrifice du Cheval.

22. De là, le pèlerin doit se rendre aux lacs de Rāma, ô roi,

là où, ô roi des rois, l’impétueux Rāma à l’éclat flamboyant

détruisit la noblesse guerrière héroïquement et créa cinq lacs.

23. Il les remplit, ô tigre parmi les hommes, avec leur sang, d’après ce que nous avons entendu dire.

Tous ses Ancêtres et ses Aïeux furent ainsi satisfaits ;

sur quoi ces Ancêtres, ravis, dirent à Rāma, ô roi :

24. « Rāma, Seigneur Rāma, nous sommes satisfaits de toi, fils de Bhṛgu,

de cette dévotion envers tes Ancêtres et de ta bravoure, ô Puissant !

Choisis un vœu, si tu veux bien ! Que désires-tu, homme radieux ? »

25. A ces paroles, ô roi des rois, Rāma, le plus grand des guerriers,

dit, avec les mains jointes, ce mot à ses Ancêtres qui se tenaient dans le ciel :

26. « Si vous êtes satisfaits de moi et si je suis digne d’être favorisé,

alors, par la grâce des Ancêtres, je voudrais en retour me rassasier d’ascèse.

27. Et comme, dominé par la fureur, j’ai anéanti la noblesse guerrière,

puissé-je être débarrassé de mes maux grâce à votre éclat,

et que ces lacs, transformés en lieux d'ablutions, deviennent célèbres sur la Terre ! »

28. Lorsqu'ils entendirent les paroles vertueuses de Rāma, les Ancêtres,

au comble de la joie et pleins d’allégresse dirent à Rāma :

29. Que ton ascèse augmente encore, à cause de ta dévotion toute particulière envers tes Ancêtres

Quant au fait que, dominé par la fureur, tu aies anéanti la noblesse guerrière,

30. tu es délivré de tes maux, ils ont été abattus par tes actions,

et tes lacs accèderont au statut de lieu d'ablutions, ça ne fait pas de doute.

31. Celui qui, après s’être baigné dans tes lacs, réjouit ses Ancêtres avec des libations,

ses Ancêtres, satisfaits, lui donneront, aussi difficile à avoir soit-il sur Terre,

le désir que souhaite son cœur et le monde céleste pour toujours ! »

32. Après avoir ainsi donné des faveurs à Rāma, ô roi, ses Ancêtres

firent leurs adieux au fils de Bhṛgu et disparurent sur place.

33. Voilà pour les saints lacs du fougueux Rāma, le fils de Bhṛgu au grand cœur.

En se baignant dans les lacs de Rāma, en restant chaste et vertueux,

et en adorant Rāma, ô roi des rois, on obtiendra beaucoup d'or.

34. En se rendant à Vaṃśamūlaka le pèlerin, ô rejeton de Kuru,

sauvera sa propre lignée, ô roi, en se baignant à Vaṃśamūlaka.

35. En continuant vers le lieu d'ablutions de Kāyaśodhana, ô le meilleur des Bhārata,

ce sera la pureté du corps pour celui qui se baigne dans ce lieu d'ablutions, sans aucun doute,

et avec son corps pur il va vers des mondes splendides et incomparables.

36. De là, il devrait continuer, ô roi des rois, jusqu'au lieu d'ablutions  célèbre dans les trois mondes,

là où les mondes furent jadis sauvés par le puissant Viṣṇu.

37. En visitant le Sauvetage-du-Monde, lieu d'ablutions célèbre dans les trois mondes,

et en se baignant dans cet excellent lieu d'ablutions, ô roi, on sauve ses propres mondes,

et en visitant le lieu d'ablutions de Śrī, on trouve la fortune suprême.

38. En allant au lieu d'ablutions de Kapilā, en restant chaste et dévoué,

en s'y baignant et adorant les Divinités ainsi que les Ancêtres,

un homme trouve un fruit équivalant à mille vaches rousses.

39. En approchant du lieu d'ablutions du Soleil, et en s'y baignant avec un esprit modéré,

en adorant les Ancêtres et les Dieux, et en se consacrant au jeûne,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on accède au Monde du Soleil.

40. Lorsque le pèlerin ira ensuite à la Maison-des-Vaches et qu’il y fera dans l’ordre

ses ablutions, il obtiendra un fruit équivalant à mille vaches.

41. Lorsque le pèlerin ira ensuite à Śaṅkhinī, ô rejeton de Kuru,

cet homme, en se baignant dans le gué de la Déesse, obtiendra une apparence sublime.

42. De là, il devrait continuer, ô roi des rois, jusqu'au Gardien des Portes Arantuka,

jusqu'au lieu d'ablutions de ce seigneur des Yakṣas au grand cœur, sur la Sarasvatī ;

un homme, en s'y baignant, ô roi, obtient le fruit de l’oblation à Agni.

43. De là, il faut aller, ô roi connaisseur du Dharma, à Brahmāvarta

un homme qui se baigne à Brahmāvarta atteindra le monde de Brahmā.

44. De là, il faut aller, ô roi connaisseur du Dharma, vers l'incomparable Sutīrthaka,

où les Ancêtres sont toujours présents en compagnie des Divinités.

45. On doit y faire ses ablutions, soucieux du culte des Ancêtres et des Dieux ;

on obtient un Sacrifice de Cheval, et va au Monde des Ancêtres.

46. De là, après être allé, dans cet ordre, à Ambuvaśya, ô roi connaisseur du Dharma,

et s’être baigné dans les lieux d'ablutions du Seigneur des Trésors [9], ô le meilleur des Bhārata,

on est libéré de toutes les maladies et l’on est honoré dans le monde de Brahmā.

47. Il y a aussi le lieu d'ablutions de la Mère : quand un homme s'y baigne, ô Bhārata,

sa progéniture s'accroît, ô roi, et il atteint à une prospérité sans fin.

48. Là-dessus, il devrait aller à Śītavana, dans la modération et une alimentation modérée ;

il y a là un grand lieu d'ablutions, ô Mahārāja, comme on en trouve difficilement ailleurs,

49. lui seul purifie si on le regarde un instant, ô roi,

en y aspergeant ses cheveux on devient pur, ô Bhārata.

50. On rapporte qu’il y a un lieu d'ablutions là-bas, ô Mahārāja, Śvānalomāpaha [10],

où se trouvent des brahmanes érudits, ô tigre parmi les hommes, dévoués à ce lieu d'ablutions.

51. Dans ce lieu d'ablutions de Śvānalomāpanayana, ô le meilleur des Bhārata,

les éminents deux-fois-nés enlèvent les poils de chien avec des exercices de respiration,

52. et c’est avec l’âme pure, ô roi des rois, qu’ils font leur dernier voyage.

Puis il y a le Sacrifice des Dix Chevaux dans ce lieu d'ablutions, ô roi :

en se baignant là, ô tigre parmi les hommes, on peut faire le dernier voyage.

53. De là, il faut continuer, ô roi des rois, jusqu'à Mānuṣa, mondialement connu,

là où des antilopes noires, ô roi, harcelées par un chasseur,

ont jadis plongé dans le lac et sont devenues humaines.

54. Un homme en se baignant dans ce lieu d'ablutions, tout en restant chaste et maître de ses sens,

l'âme purifiée de tout mal, est honoré dans le monde des cieux.

55. A l'est de Mānusa, à la distance d’une portée de voix, ô roi de la Terre,

il y a une rivière très célèbre du nom d’Āpagā, fréquentée par les Accomplis.

56. Là, l’homme qui offre un repas de millet

aux Dieux et aux Ancêtres, aura à cause de cela le grand fruit du Dharma.

Quand un seul brahmane y est nourri, c'est comme si dix millions d'entre eux avaient été nourris.

57. En s'y baignant et adorant les Divinités ainsi que les Ancêtres,

et en y passant une seule nuit, obtient le fruit de l’oblation à Agni.

58. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, au plus grand sanctuaire de Brahmā,

qui est célèbre sur Terre comme le Figuier de Brahmā.

59. Quand on se baigne là dans les Bassins des Sept Sages, ô taureau des Kuru,

et dans la Pièce d’eau de Kapiṣṭhala au grand cœur,

60. et qu'on s'approche de Brahmā, pur et le cœur pieux,

c’est avec l'âme purifiée de tout mal qu’on va dans le monde de Brahmā.

61. Quand on est allé à la Pièce d’eau de Kapiṣṭhala, difficile à trouver,

on obtient le don de la disparition, et les péchés sont brûlés par l’ascèse.

62. Là-dessus, il faut se rendre, ô roi des rois, à Saraka, mondialement connu,

et approcher le Dieu à bannière de taureau le quatorze de la quinzaine sombre ;

car ainsi on obtient tous ses désirs et on va dans le monde céleste.

63. À Saraka, il y a trente millions de lieux saints, ô fils de Kuru,

dix millions de Rudras dans la fontaine et les lacs, ô roi de la Terre.

Il y a aussi là le lieu d'ablutions d’Ilāspada, ô le meilleur des Bhārata ;

64. Là, en s'y baignant et adorant les Ancêtres et les Dieux, ô Bhārata,

on ne subit pas de malheur, et on obtient la Boisson de Vigueur.

65. Un homme, en se baignant à Kiṃdāna et Kiṃjapya, ô roi de la Terre,

obtient en abondance des dons et des prières.

66. De même, en faisant ses ablutions à Kalaśī, un homme de foi maître de ses sens,

obtient le fruit du sacrifice de l’oblation à Agni.

67. À l'est de Saraka, il y a le lieu d'ablutions de Nārada au grand cœur,

ô le meilleur des héros de Kuru, célèbre sous le nom d’Anājanma.

68. Quand un homme s'est baigné là dans ce lieu d'ablutions et qu’il a exhalé ses souffles, ô Bhārata,

il obtient, avec l'accord de Nārada, des mondes difficiles d'accès.

69. Le dix de la quinzaine claire il faut se rendre à Puṇḍarīka ;

en s'y baignant, un homme, ô roi, obtiendra le fruit d'un sacrifice Puṇḍarīka.

70. De là, il doit se rendre à Triviṣṭapa, célèbre dans les trois mondes,

où coule la sainte rivière Vaitaraṇī qui délivre du mal.

71. En s'y baignant et en honorant le Porteur du Trident, le Dieu à bannière de taureau,

l'âme est purifiée de tout mal et l’on peut faire le dernier voyage.

72. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, à la sublime forêt de Phalakī

où les Dieux, ô roi, vivant perpétuellement dans la forêt de Phalakī,

pratiquent une intense ascèse pendant plusieurs milliers d'années.

73. En se baignant dans la Dṛṣadvatī et en satisfaisant les Divinités, un homme

trouve le fruit de l’oblation à Agni et du Sacrifice nocturne.

74. Quand il se baigne au lieu d'ablutions de Tous-les-Dieux, ô le meilleur des Bhārata,

un homme, ô roi des rois, obtient le fruit de mille vaches.

75. Un homme, en se baignant à Pāṇikhāta et en satisfaisant les Divinités,

obtient l’équivalent de la Consécration Royale et va dans le monde des Sages.

76. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, vers Miśraka, sublime lieu d'ablutions :

là les lieux d'ablutions, ô roi des rois, ont été mêlés par le sage au grand cœur,

77. par Vyāsa, ô tigre parmi les hommes, pour le bien des brahmanes, nous dit la tradition.

L’homme qui se baigne à Miśraka se baigne à tous les lieux d'ablutions.

78. Puis il faut y aller à la Forêt de Vyāsa, dans la modération et une alimentation modérée ;

l’homme qui se baigne à Manojava obtiendra un fruit équivalant à mille vaches.

79. En se rendant à Madhuvaṭī, un lieu d'ablutions de la Déesse, un homme pur,

après s’être baigné là, honorera les Dieux et les Ancêtres, dans la piété et la pureté,

et avec le consentement de la Déesse il obtiendra un fruit équivalant à mille vaches.

80. Celui qui, au confluent de la Kauśikī et de la Dṛṣadvatī, ô Bhārata,

se baigne en ayant une alimentation stricte est délivré de tous les maux.

81. Puis il y a le lieu appelé le Plateau de Vyāsa, où le sage Vyāsa,

consumé de chagrin à cause de son fils, résolut d'abandonner son corps,

82. et les Dieux, ô roi des rois, le ramenèrent à la vie

En allant à son Plateau on obtiendra un fruit équivalant à mille vaches.

83. Si l'on va au puits de Kiṃdatta et qu’on offre une mesure de graines de sésame,

on accèdera à l’accomplissement suprême, libéré de ses dettes, ô rejeton de Kuru.

84. Aha et Sudina sont deux lieux d'ablutions très difficiles à trouver ;

en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on accède au Monde du Soleil.

85. Ensuite, il faut se rendre à Mṛgadhūma, célèbre dans les trois mondes ;

un homme, en se baignant là dans le lac de la Gaṅgā et en adorant

le Grand Dieu Porteur du Trident, obtiendra le fruit d'un Sacrifice de Cheval.

86. Un homme, en se baignant lieu d’ablutions du Dieu, obtiendra un fruit, équivalant à mille vaches.

Là-dessus, il faut continuer jusqu'au Lieu-du-Nain, célèbre dans les trois mondes ;

87. En se baignant au Pas-de-Viṣṇu et en adorant le Nain [11],

c’est avec l'âme purifiée de tout mal que l'on accède au monde de Viṣṇu.

88. Un homme, en se baignant à Kulaṃpuna, purifie sa famille.

En allant au Lac-du-Vent, le suprême lieu d'ablutions des Maruts,

et en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on est honoré dans le monde du Vent.

89. En se baignant dans le Lac des Immortels, parmi les Immortels, ô roi,

on est honoré de la puissance des Immortels dans le monde céleste.

90. En se baignant au Śāliśūrpa de Śālihotra conformément aux règles,

ô le meilleur des héros, on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches.

91. Sur la Sarasvatī, il y a le lieu d'ablutions du Buisson-de-la-Fortune, ô le meilleur des Bhārata,

un homme, ô roi, en s'y baignant obtient le fruit de l’oblation à Agni.

92. Il faut continuer ensuite vers la Tonnelle-de-Naimiṣa, ô rejeton de Kuru.

On raconte, ô roi des rois, que les sages ascètes qui étaient dans la forêt de Naimiṣa

sont allés jadis en pèlerinage à Kurukṣetra.

93. Là, ils ont ménagé une tonnelle sur la Sarasvatī, ô le meilleur des Bhārata,

afin qu’il y ait pour les sages un grand espace qui leur donne satisfaction.

94. Un homme, en se baignant dans cette Tonnelle, obtiendra le fruit de mille vaches.

Un homme, en se baignant au lieu d'ablutions de la Jeune Fille, obtiendra le fruit de l’oblation à Agni.

95. De là, il faut aller, ô tigre parmi les hommes, vers l'éminent séjour de Brahmā ;

en se baignant là, un homme d'une classe inférieure accède au rang de brahmane,

et un brahmane dont l'âme est purifiée pourra faire le dernier voyage.

96. De là, il faut aller, ô le meilleur des hommes, à l'incomparable lieu d'ablutions de Soma ;

en se baignant là, ô roi, un homme obtiendra le Monde de Soma.

97. De là, il faut aller, ô roi, vers le lieu d'ablutions des Sept-de-Sarasvatī,

là où il y avait Maṅkaṇaka [12], un Accompli, un grand sage, célèbre dans le monde.

98. Jadis, ô roi, nous l'avons entendu, Maṅkaṇaka avec la pointe d'un brin de pâturin

se blessa, dit-on, à la main, ô roi, et il en coula de la sève.

99. En voyant cette sève, le grand ascète fut envahi par la joie,

et, dit-on, le sage brahmane se mit à danser, les yeux écarquillés d’étonnement.

100. Tandis qu’il dansait, les végétaux et les animaux

se mirent eux aussi à danser, ô héros, stupéfiés par son éclat.

101. Les Dieux conduits par Brahmā, ô roi, les voyants et les ascètes

allèrent informer le Dieu Suprême à propos du sage :

« Veuille faire en sorte, ô Dieu, qu’il ne danse plus ! ».

102. Tandis qu’il dansait, l’esprit envahi par la joie, le Dieu,

afin de faire du bien aux Dieux, alla vers le sage et et lui dit :

103. « Holà, grand sage qui connais le Dharma, pourquoi danses-tu, Seigneur ?

Pourquoi es-tu en joie aujourd’hui, ô taureau parmi les anachorètes ? »

104. Le sage dit :

« Ne vois-tu pas, ô Dieu, que de la sève coule de ma main ?

Quand j'ai vu cela, j'ai été saisi d'une grande joie et j'ai commencé à danser ! »

105. Pulastya dit :

« En éclatant de rire, le Dieu dit à l’anachorète égaré par sa passion :

« Mais moi-même, ô brahmane, je ne suis pas pris de stupeur : regarde-moi ! »

106. A ces mots, ô le meilleur des hommes, le sage Dieu Suprême

se frappa le pouce avec le bout de son doigt, ô roi irréprochable.

107. Et des cendres sortirent, ô roi, de la blessure, pareilles à de la neige.

Voyant cela, ô roi, l’anachorète, confus, tomba à ses pieds :

108. « Aucun autre Dieu, je le pense, n'est supérieur à Rudra, ô Grand Dieu !

Tu es l’univers des Dieux et des Asuras, tu es la voie, ô Porteur du Trident !

109. Par toi fut créé cet univers de trois mondes avec ses créatures mobiles et immobiles,

et en toi elles retournent, ô Bienheureux, à la fin d’une ère.

110. Même par les Dieux tu ne peux pas être reconnu, à plus forte raison par moi !

en toi sont vus Brahmā et tous les autres Dieux, ô irréprochable !

111. Tu es tout, Créateur des mondes et Cause de leurs actions.

Par ta grâce, tous les Dieux se réjouissent ici en toute sécurité ! »

Après avoir ainsi glorifié le Dieu Suprême, le sage s’inclina devant lui.

112. Le sage dit :

« Puisse par ta grâce, Dieu Suprême, mon ascèse ne pas disparaître ! »

113. Pulastya dit :

Là-dessus, l’esprit joyeux, le Dieu dit ceci au sage brahmane :

« Que ton ascèse, ô brahmane, soit multipliée par mille par ma grâce !

114. Et ici-bas j'habiterai avec toi dans cet ermitage, grand anachorète.

Ceux qui, après s’être baignés au lieu d'ablutions des Sept-de-Sarasvatī, m'adoreront,

115. ne trouveront rien de difficile à obtenir dans ce monde et dans l'autre,

et ils iront dans le monde de Sarasvatī, ça ne fait aucun doute. »

116. De là, il faut aller au lieu d'ablutions d’Uśanas, célèbre dans les trois mondes,

où sont Brahmā et les Dieux, les sages et les ascètes,

117. et aussi le bienheureux Kārttikeya [13] qui, aux trois moments de la journée, comme on sait, ô Bhārata,

apparaissait là pour faire plaisir au descendant de Bhṛgu.

118. Il y a le lieu d'ablutions de la Délivrance-de-la-tête qui délivre de tous les péchés,

en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on est libéré de tous les péchés.

119. De là, il faut aller au lieu d'ablutions d’Agni ; en s'y baignant, ô taureau parmi les hommes,

on accède au monde d’Agni et l’on sauve sa famille.

120. Dans la même zone se trouve le lieu d'ablutions de Viśvāmitra, ô meilleur des Bhārata ;

en s'y baignant, ô Mahārāja, on renaît brahmane.

121. En continuant jusqu'au Ventre-de-Brahmā, l'homme pur aux pensées pieuses,

en s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, atteint le monde de Brahmā,

et purifie sa lignée jusqu'à la septième génération, cela ne fait aucun doute.

122. Ensuite, il faut se rendre, ô roi des rois, dans un lieu d'ablutions célèbre dans les trois mondes,

celui de Kārttikeya, appelé Pṛthūdaka, ô roi.

Il faudra y prendre un bain rituel, et se réjouir de rendre hommage aux Ancêtres et aux Dieux.

123. Qu’il ait été fait par ignorance ou sciemment, par un homme ou par une femme,

tout acte mauvais qui a été fait avec une pensée humaine,

124. disparaît complètement dès qu'on se baigne ici, ô Bhārata,

et l’on accède aussi au fruit d'un Sacrifice de Cheval et on va dans le monde céleste.

125. On dit que Kurukṣetra est saint, mais que plus saint que Kurukṣetra est la Sarasvatī,

que plus saint que la Sarasvatī ce sont les lieux d'ablutions, et que plus saint que les lieux d'ablutions c’est Pṛthūdaka.

126. Celui qui abandonnerait son corps dans ce premier de tous les lieux d'ablutions,

à Pṛthūdaka, en se consacrant à la prière murmurée, ne sera pas tourmenté par la pensée d'une mort imminente.

127. Il a été chanté par Sanatkumāra et par Vyāsa au grand cœur,

et il est établi dans le Veda, ô roi, qu'il faut aller à Pṛthūdaka.

128. Aucun autre lieu d'ablutions n’est plus saint que Pṛthūdaka, ô le meilleur des hommes :

il est propre au sacrifice, pur et purificateur, ça ne fait aucun doute.

129. Même les gens qui ont commis le mal vont au ciel, après s’être baignés là,

à Pṛthūdaka, ô le meilleur des hommes, c’est ce que disent les sages.

130. Il y a aussi le lieu d'ablutions de Madhusrava, ô le meilleur des Bhārata,

un homme qui s'y baigne, ô roi, obtiendra un fruit, équivalant à mille vaches.

131. Ensuite, il faut aller dans cet ordre, ô le meilleur des hommes, au lieu d'ablutions de la Déesse,

au confluent mondialement connu de la Sarasvatī et de l’Aruṇā.

132. Quand un homme s'y baigne après un jeûne de trois nuits, il est absous du meurtre de brahmane,

il obtient le fruit de l’oblation à Agni et du Sacrifice nocturne,

133. et il purifie sa lignée jusqu'à la septième génération, ô taureau des Bhārata.

Au même endroit il y a aussi le lieu d'ablutions d’Avatīrṇa, ô rejeton de la lignée de Kuru,

qui fut créé jadis par Darbhin par compassion pour les brahmanes.

134. Un deux-fois-né qui prononcerait ses vœux, recevrait le cordon sacré, pratiquerait le jeûne

et qui possèderait les formules des rites serait un brahmane, sans aucun doute.

135. Même s’il ne possède pas les formules des rites, en se baignant là, ô taureau parmi les hommes,

on devient un brahmane aux vœux accomplis : on voit cela dans les récits anciens.

136. Darbhin a aussi réuni ici les quatre océans ;

quand on s’est baigné là, ô tigre parmi les hommes, on ne subit aucun malheur

et on trouve un fruit équivalant à quatre mille vaches.

137. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, au lieu d'ablutions des Cent Mille

et au même endroit à celui des Mille, deux lieux d'ablutions mondialement connus.

138. Car en s'y baignant un homme obtiendra un fruit équivalant à mille vaches,

et de même ses dons et ses jeûnes seront multipliés par mille.

139. Ensuite, il faut se rendre, ô roi des rois, au sublime lieu d'ablutions de Reṇukā,

il faudra y prendre un bain rituel, se réjouir de rendre hommage aux Ancêtres et aux Dieux,

et c’est avec l'âme purifiée de tout mal que l’on obtiendra le fruit de l’oblation à Agni.

140. Après avoir touché l’eau purificatrice à Vimocana, maître de sa colère et maître de ses sens,

on est libéré de toutes les fautes commise avec l’acceptation de cadeaux.

141. Puis en allant à Pañcavaṭa, tout en restant chaste et maître de ses sens,

on gagne une grande sainteté et l’on est honoré dans le monde des gens de bien.

142. Là, le Seigneur du Yoga, le Sthāṇu à bannière de taureau, est présent en personne :

après avoir honoré le Seigneur des Dieux, l’on réussit par le seul fait d’y être allé.

143. Le lieu d'ablutions de Varuṇa Aujasa flamboie de sa propre splendeur :

c'est là que par Brahmā, les Dieux, les sages et les ascètes

Guha [14] a reçu l’onction l’intronisant général de l’armée des Dieux.

144. À l'est d'Aujasa se trouve le lieu d'ablutions de Kuru, ô ô rejeton de Kuru ;

l’homme qui se baigne au lieu d'ablutions de Kuru, tout en restant chaste et maître de ses sens,

l'âme purifiée de tout mal, va dans le monde des Kuru.

145. Ensuite, il faut se rendre à la Porte du Ciel, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient le monde céleste et l’on va dans le monde de Brahmā.

146. De là, le pèlerin doit se diriger vers le lieu d'ablutions d'Anaraka [15], ô roi ;

un homme, en s'y baignant, ô roi, ne subit aucun malheur.

147. Là, Brahmā en personne toujours présent avec les Dieux, ô roi de la Terre,

reçoit des hommages, ô le meilleur des hommes, de la part des Dieux, menés par Nārāyaṇa.

148. Il y a également la présence, ô roi des rois, de la femme de Rudra [16], ô rejeton de Kuru ;

et si l'on s'approche de la Déesse, on ne subit aucun malheur.

149. Quand, au même endroit, ô Mahārāja, on s'approche du Seigneur de l'Univers,

l'Époux d'Umā, le Dieu Suprême, on est libéré de tous ses péchés.

150. Et en approchant Nārāyaṇa au nombril de lotus, Dompteur de ses ennemis,

on resplendit, ô Mahārāja, et l’on atteint le monde de Viṣṇu.

151. Et quand on se baigne au lieu d'ablutions de tous les Dieux, ô taureau parmi les hommes,

on est abandonné par tous les peines, et l’on resplendit comme la Lune.

152. Puis le pèlerin doit aller vers la Cité-du-Bien-Être, ô roi,

et après être allé dans lieu purificateur, on satisfera les Ancêtres et les Dieux par des oblations :

un homme obtient le fruit du sacrifice de l’oblation à Agni.

153. Il y a là aussi le lac de la Gaṅgā et un puits, ô taureau des Bhārata ;

dans ce puits il y a l'équivalent de trente millions de lieux d'ablutions, ô roi de la Terre,  

En se baignant là, un homme, ô roi, atteint le monde céleste.

154. Un homme, en se baignant à Āpagā, et en adorant le Seigneur Suprême,

accède au rang de dévot de Gaṇeśa et sauve sa famille.

155. Ensuite, il faut aller au Bamian de Sthāṇu, célèbre dans les trois mondes ;

en s'y baignant et en y passant la nuit, on accède au monde de Rudra.

156. Ensuite, il faut aller à Cuisson-des-Jujubes, l'ermitage de Vasiṣṭha ;

là, il faut manger des baies de jujube après avoir jeûné trois nuits.

157. Celui qui mangerait des baies de jujube pendant douze ans

et celui qui jeûnerait pendant trois nuits seraient exactement égaux.

158. En se dirigeant sur le Chemin-d'Indra, le pèlerin, ô roi,

en jeûnant jour et nuit, on est honoré dans le monde de Śakra.

159. Un homme, s’il se dirige vers Seule-Nuit en jeûnant une seule nuit,

en restant modéré et véridique, est honoré dans le monde de Brahmā.

160. De là, il faut se rendre, ô connaisseur du Dharma, à un lieu d'ablutions célèbre dans les trois mondes,

où se trouve l'Ermitage d’Āditya au grand cœur, masse de splendeur.

161. Un homme, en se baignant à ce lieu d'ablutions et en vénérant le Lumineux Bienfaisant,

se rend dans le monde d'Āditya et il sauvera sa lignée.

162. Un pèlerin, en se baignant au lieu d'ablutions de la Lune, ô rejeton de Kuru,

accède, cet homme, au monde de la Lune, cela ne fait aucun doute.

163. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers le lieu d'ablutions de Dadhīca au grand cœur,

il est très sacré, purificateur, ô roi, et mondialement connu.

164. Là il y a Sārasvata [17], ô roi, le descendant d'Aṅgirā, trésor d’ascèse.

Un homme, en se baignant à ce lieu d'ablutions, obtient le fruit d’une Boisson de Vigueur,

et l’on obtient l’accès à Sarasvatī, il n’y a là aucun doute.

165. De là, il faut aller à l'Ermitage de la Jeune Fille, en restant modéré et chaste ;

si l’on y reste trois nuits, ô roi, en se consacrant au jeûne,

on obtient une centaine de jeunes filles divines et l’on va dans le monde de Brahmā.

166. Puis, il faut se rendre, ô connaisseur du Dharma, au lieu d'ablutions de Saṃnihitī aussi,

où Brahmā, les dieux, les sages et les ascètes

se rassemblent chaque mois, possédant une grande sainteté.

167. Si l'on touche de l'eau à Saṃnihitī, quand l’Auteur du Jour a été avalé par Rāhu [18],

cela devient pour l’éternité l’équivalent de cent sacrifices de cheval.

168. Tous les lieux d'ablutions  qui existent sur la Terre et dans l’atmosphère,

les rivières mâles et femelles, les étangs, toutes les cascades,

169. les puits, les canaux et les sanctuaires sacrés

se rassemblent chaque mois à Saṃnihitī, ça ne fait pas de doutes.

170. Quelle que soit la mauvaise action qu'un homme ou une femme ait commise,

il suffit de s’y baigner et tout disparaît, il n’y a là aucun doute.

et l’on va dans le monde de Brahmā dans un palanquin couleur de lotus.

171. Puis, après avoir salué le Yakṣa gardien des portes Arantuka,

et avoir touché l'eau à Koṭirūpa, on obtient beaucoup d'or.

172. Il y a là aussi le lac de la Gaṅgā, qui est un lieu d'ablutions, ô le meilleur des Bhārata ;

quand on s'y baigne, ô connaisseur du Dharma, en restant chaste et dévoué,

on gagne pour l’éternité le fruit d'une Consécration Royale et d'un Sacrifice de Cheval.

173. Sur terre, la forêt de Naimiṣa est sacrée, dans le ciel c’est Puṣkara,

mais dans les trois mondes, Kurukṣetra se démarque.

174. Même la poussière soulevée par le vent à Kurukṣetra

mène même le malfaiteur au dernier voyage.

175. Ceux qui, au Sud de la Sarasvatī  et au Nord de la Dṛṣadvatī,

habitent à Kurukṣetra habitent dans le ciel d'Indra.

176. « J'irai à Kurukṣetra, je vivrai à Kurukṣetra » :

même si l'on ne fait que lancer cette unique phrase, on est libéré de tous ses péchés.

177. Ceux qui, familiarisés avec le Veda, vivent dans le saint Kurukṣetra fréquenté par les sages brahmanes,

ô roi, ne sont nullement à plaindre.

178.    Ce pays qui s'étend entre Tarantuka et Arantuka,

et entre les lacs de Rāma et Macakruka,

c'est le Samantapañcaka de Kurukṣetra

et on l'appelle l'autel supérieur de l’Aïeul.

 

 

3. 82. Suite de l’itinéraire.

 

Livre III, chapitre 82

1. Pulastya dit :

« De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers l'antique lieu d'ablutions du Dharma ;

en s'y baignant, un homme qui pratique le Dharma attentivement

purifie sa lignée jusqu'à la septième génération, il n’y a là aucun doute.

2. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers le sublime Kārāpatana

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on va dans le monde des anachorètes.

3. De là, un homme doit se diriger, ô roi, vers la forêt de Saugandhika

où sont Brahmā et les Dieux, les sages et les ascètes,

4. ainsi que les Accomplis, les Chanteurs Céleste, les Gandharvas, les Kinnaras et les Grands Serpents.

En entrant dans la forêt, on est libéré de tous les péchés.

5. Ensuite, il y a le meilleur des fleuves, la rivière sublime entre les rivières,

la Déesse qui coule depuis le Figuier, ô roi, la très sainte Sarasvatī.

6. Il faudra prendre un bain rituel dans l'eau qui coule de la Fourmilière,

et après avoir vénéré les Ancêtres et les Dieux, on obtient le fruit d'un  sacrifice du cheval.

7. Il y a là un lieu d'ablutions difficile à trouver, du nom d’Īśānādhyuṣita,

à six jets de bâton de la Fourmilière, à ce qu’on sait.

8. On trouve l’équivalent de mille vaches rousses et d'un  sacrifice du cheval

si l'on se baigne là, ô tigre parmi les hommes, on voit cela dans les récits anciens.

9. Si l'on va à Sugandhā, à Śatakumbhā et à Pañcayajñā, ô Bhārata,

on est honoré, ô le meilleur des hommes, dans le monde des cieux.

10. Au même endroit, si l’on va vers un lieu d'ablutions appelé le Bassin du Trident, ô Bhārata,

il faudra y prendre un bain rituel, se réjouir de rendre hommage aux Ancêtres et aux Dieux,

et l’on accède au rang de dévot de Gaṇeśa quand on quitte son corps, ça ne fait aucun doute.

11. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, dans un sanctuaire de la Déesse, difficile à trouver,

très célèbre sous le nom de Porteuse-de-légumes e[19] et renommée dans les trois mondes.

12. Car pendant mille années divines [20], c’est, dit-on, avec des légumes, ô vertueux,

qu’elle a préparé sa nourriture de mois en mois, ô roi.

13. Les sages ascètes venaient là par dévotion à la Déesse,

et on leur faisait l'hospitalité, dit-on, avec des légumes, ô Bhārata.

Ainsi, son nom s'est établi en tant que Porteuse-de-légumes.

14. En allant à la Porteuse-de-légumes, en restant chaste et dévoué,

il faut y rester trois nuits et manger des légumes, modéré, pur.

15. Le fruit d’une nourriture à base de légumes pendant douze années complètes

est le fruit obtenu par le bon vouloir de la Déesse, ô Bhārata.

16. De là, il faut se rendre au lieu d'ablutions des Yeux-d’Or, célèbre dans les trois mondes,

où Viṣṇu s’est jadis concilié Rudra, pour gagner sa grâce.

17. Il obtint de très nombreuses faveurs difficiles à trouver parmi les Dieux

et, ravi, le Destructeur de Tripura [21] lui dit, ô Bhārata :

18. « Tu seras même plus aimé que nous dans le monde, Kṛṣṇa.

Ta bouche sera l'univers entier, ça ne fait pas de doutes.

19. En s'approchant de là, ô roi des rois, et en rendant hommage au Dieu à bannière de taureau,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et l’on a le rang de dévot de Gaṇeśa.

20. Puis un homme qui irait à Dhūmāvatī en y jeûnant trois nuits

obtiendrait tous les désirs de son cœur, il n’y a là aucun doute.

21. Du côté Sud de cette Déesse se trouve Rathāvarta ;

il faut monter là, ô connaisseur du Dharma, en homme de foi, maître de ses sens,

et par la grâce du Dieu Suprême, on peut faire le dernier voyage.

22. Après en avoir fait le tour vers la droite, il faut aller, ô taureau des Bhārata,

à un lieu nommé Dhārā, ô très sage, qui détruit tous les péchés ;

En s'y baignant, ô tigre parmi les hommes, on n’a plus de chagrin, ô roi.

23. De là, après avoir rendu hommage à la Grande Montagne, ô connaisseur du Dharma, il faut se diriger

vers la Porte-de-la-Gaṅgā, qui est équivalente à la Porte du Ciel, ça ne fait pas de doutes.

24. Là, il faudra prendre un bain rituel au lieu d’ablution des Dix Millions, en se recueillant :

on obtient le fruit du sacrifice Puṇḍarīka et l’on sauve sa famille.

25. A Saptagaṅga, à Trigaṅga et à Śakrāvarta, en satisfaisant

les Dieux et les Ancêtres par des oblations selon la règle, on est honoré dans le monde sacré.

26. Puis, après s'être baigné à Kanakhala et avoir jeûné trois nuits, un homme

obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et il va dans le monde céleste.

27. Le pèlerin doit se rendre à Kapilāvaṭa, ô roi,

et, après y être resté une seule nuit, il obtient un fruit équivalent à mille vaches.

28. Le roi des Serpents, ô roi des rois, Kapila au grand cœur,

y a un lieu d'ablutions, aîné des héros Kuru, célèbre dans tous les mondes.

29. Là il faudra prendre un bain rituel au lieu d'ablutions du Serpent, ô roi :

un homme obtient un fruit équivalant à mille vaches rousses.

30. Puis il faut aller à Lalitikā, le sublime lieu d'ablutions de Śāṃtanu ;

un homme, en s'y baignant, ô roi, ne subit aucun malheur.

31. L’homme qui se baigne au confluent de la Gaṅgā et du Saṃgama

obtient l’équivalent de dix sacrifices du cheval et il sauve sa famille.

32. Puis il faut aller, ô roi des rois, à Sugandhā, mondialement connue :

et, avec l'âme purifiée de tout mal, l’on est honoré dans le monde de Brahmā.

33. Puis le pèlerin doit aller à Rudrāvarta, ô roi :

en s'y baignant, un homme, ô roi, est honoré dans le monde des cieux.

34. Si on se baigne, ô le meilleur des hommes, au confluent de la Gaṅgā et de la Sarasvatī,

on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval et l’on va dans le monde céleste.

35. En allant à Bhadrakarṇeśvara et en adorant le Dieu conformément aux règles,

on ne subit pas de malheur, et l’on va dans le monde céleste.

36. Puis, dans cet ordre, le pèlerin doit aller à Kubjāmraka :

on obtient un fruit équivalant à mille vaches et on va dans le monde céleste.

37. Le pèlerin doit aller au Banian-d’Arundhatī́, ô roi ;

après avoir touché l'eau du Sāmudraka et après un jeûne de trois nuits, un homme

trouvera un fruit équivalant à mille vaches et il sauvera sa lignée.

38. Puis il faut aller à Brahmāvarta, en restant chaste et dévoué :

on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval et l’on va dans le monde céleste.

39. Puis, après être allé à la Source de la Yamunā et s'être baigné dans la Yamunā,

après avoir reçu le fruit d'un sacrifice du cheval, on est honoré dans le monde céleste.

40. Après avoir atteint Darvīsaṃkramaṇa, un lieu d'ablutions mondialement connu,

on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval et l’on va dans le monde céleste.

41. Puis, après être allé à la Source de l'Indus, fréquentée par les Accomplis et les Gandharvas,

et en y séjournant cinq nuits, on trouvera beaucoup d'or.

42. Un homme, en se dirigeant vers l'Autel, qui est le plus difficile d'accès,

obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et fait le voyage vers Uśanas [22].

43. Après s’être dirigé vers la Rivière-des-Sages et Vasiṣṭha,

et après avoir traversé Vasiṣṭha, les gens de toutes les classes deviennent des deux-fois-nés.

44. Un homme, après s'être baigné à la Rivière-des-Sages accède au monde des sages,

si l'on y vit un mois, en se nourrissant de végétaux, ô roi.

45. En allant à la Montagne de Bhṛgu on acquiert le fruit d'un sacrifice du cheval,

et en allant à Délivrance-du-Héros on est délivré de tous les péchés.

46. En allant aussi vers le lieu d'ablutions des Kṛttikās et des Maghas, ô Bhārata,

l'homme saint obtient le fruit de l’oblation à Agni et du Sacrifice nocturne.

47. En allant au crépuscule à l'incomparable lieu d'ablutions de la Connaissance,

et en s’y baignant, on devient un parfait connaisseur de tous les domaines de la connaissance.

48. Il faut rester une nuit au Grand Ermitage, qui libère de tous les péchés,

et jeûner une fois par jour : on demeure dans des mondes propices.

49. Séjournant au Grand-Temple pendant un mois, en mangeant une fois tous les trois jours,

avec l'âme purifiée de tout mal, on trouvera beaucoup d'or.

50. Puis, en allant à Vetasikā, qui est fréquentée par l’Aïeul,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et l’on fait le voyage vers Uśanas.

51. Puis, en atteignant le lieu d'ablutions de Sundarikā, fréquenté par les Accomplis,

on aura part à la beauté, on voit cela dans les récits anciens.

52. En allant ensuite à Brāhmaṇī, tout en restant chaste et maître de ses sens,

on va dans le monde de Brahmā dans un palanquin couleur de lotus.

53. Ensuite, il faut aller à la sainte Naimiṣa, qui est fréquenté par les Accomplis ;

là demeure toujours Brahmā, entouré des troupes des Dieux.

54. Celui qui désire aller à Naimiṣa, la moitié de son mal disparaît ;

en y entrant simplement, cet homme est libéré de tous ses péchés.

55. Le sage qui s’intéresse aux lieux d'ablutions demeurera à Naimiṣa pendant un mois,

tous les lieux d'ablutions qui sont sur Terre sont à Naimiṣa, ô Bhārata.

56. Après avoir fait là ses ablutions, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient le fruit d’une cérémonie des vaches, ô Bhārata,

et l’on purifie sa lignée jusqu'à la septième génération, ô le meilleur des Bhārata.

57. Celui qui rendrait l’âme à Naimiṣa, en se consacrant au jeûne,

se réjouira dans le monde céleste, c’est ainsi que les sages s’expriment.

Naimiṣa est toujours sainte et propre au sacrifice, ô le meilleur des rois.

58. En se dirigeant vers la Source du Gange, en ayant jeûné pendant trois nuits,

on obtient la Boisson de Vigueur et l’on renaît brahmane.

59. Après s’être dirigé vers la Sarasvatī, on satisfera les Ancêtres et les Dieux par des oblations,

et dans les mondes de Sarasvatī on se réjouit, il n’y a là aucun doute !

60. Là-dessus, il faut aller à Bāhudā, en restant chaste et dévoué,

ainsi un homme obtient le fruit d'un grand sacrifice aux Dieux.

61. Là-dessus, il faut aller à la sainte Cīravatī, entourée d’hommes très saints,

et se réjouissant en rendant hommage aux Dieux et aux Ancêtres, il obtiendra la Boisson de Vigueur.

62. En allant à Vimalāśoka, on resplendit comme la lune :

en y passant la nuit, l’on est honoré dans le monde des cieux.

63. Ensuite, il faut aller vers le Gué de la Vache, le plus grand lieu d'ablutions de la rivière Sarayu,

où Rāma est allé au ciel avec ses serviteurs, ses troupes et ses montures.

64. En quittant son corps là-bas, on ira au ciel par la puissance de ce lieu d'ablutions,

et par la grâce et la détermination de Rāma, ô Bhārata.

65. Un homme, en se baignant dans ce lieu d'ablutions du Gué de la Vache, ô roi,

l'âme purifiée de tout mal, est honoré dans le monde des cieux.

66. Un homme, en se baignant au lieu d'ablutions de Rāma, ô fils de Kuru,

obtient l’équivalent du sacrifice du cheval, et cet homme purifie sa famille.

67. Il y a le lieu d'ablutions des Cent Mille, ô le meilleur des Bhārata :

y ayant fait ses ablutions, dans la modération et une alimentation modérée,

il obtient un saint fruit équivalant à mille vaches, ô taureau des Bhārata.

68. De là, il faut aller, ô roi des rois, à  l’incomparable sanctuaire du Maître ;

un homme, en se baignant au lieu d'ablutions des Dix Millions et en honorant Guha, ô roi,

trouvera un fruit équivalant à mille vaches, et cet homme sera resplendissant.

69. En allant à Bénarès et en honorant le Dieu à bannière de taureau,

un homme, en se baignant au Lac de Kapilā, obtiendra un fruit équivalent à une consécration royale.

70. Après être allé, ô roi des rois, jusqu'au lieu d'ablutions de Mārkaṇḍeya, difficile à trouver,

au confluent de la Gomatī et de la Gaṅgā, mondialement connu,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on sauve sa famille.

71. Puis après être allé à Gayā, tout en restant chaste et maître de ses sens,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval, simplement en y allant, ô Bhārata.

72. Il y a là le Banian Impérissable, célèbre dans les trois mondes ;

ce qui est donné là aux Ancêtres devient impérissable, Seigneur.

73. Après s’être baigné à Mahānadī, on satisfera les Ancêtres et les Dieux par des oblations

et on obtiendra des mondes impérissables et l’on sauvera sa famille.

74. Ensuite, on doit aller au Lac-de-Brahma, qui est orné par la Forêt-du-Dharma ;

on obtient l’équivalent d'un sacrifice Puṇḍarīka, quand la nuit s’éclaircit.

75. Dans ce lac, ô roi des rois, un poteau sacrificiel de Brahma s'élève haut

en le contournant rituellement par la gauche, on obtient le fruit d’une Boisson de Vigueur.

76. Puis il faut aller, ô roi des rois, à Dhenukā, mondialement connue ;

après y avoir passé la nuit, ô roi, il faut offrir une vache en graines de sésame :

et c’est avec l'âme purifiée de tout mal qu’on ira certainement dans le monde de la Lune.

77. Il y a là une marque, encore aujourd'hui, ça ne fait aucun doute ;

une vache rousse avait l'habitude d'errer dans la montagne avec son veau,

et même aujourd'hui l’on voit ses empreintes avec son veau, ô Bhārata.

78. Après avoir touché l'eau à ces empreintes de sabots, ô roi des rois, ô le meilleur des princes,

toute mauvaise action disparaît, ô Bhārata.

79. Ensuite il faut aller au Banian du Vautour, un sanctuaire du Dieu sage ;

après s'être approché du Dieu à bannière de taureau, il faut s'y baigner dans la cendre.

80. Si cela est fait par un brahmane, cela équivaudra à accomplir un vœu de douze ans ;

pour les autres castes tout mal disparaîtra.

81. Il faut ensuite aller au Mont Udyanta, qui résonne de chants :

on voit là l'Empreinte-de-Savitā, ô taureau des Bhārata.

82. Là, un brahmane très attaché à ses vœux doit vénérer le crépuscule,

et avec ce crépuscule ce serait comme s’il l’avait vénéré pendant douze ans.

83. Là aussi se trouve la célèbre Porte-de-la-Matrice, ô taureau des Bhārata :

en s'en approchant, un homme serait délivré du mélange des matrices.

84. L’homme qui habiterait à Gayā à la fois pendant la quinzaine sombre et la quinzaine claire,

purifie sa lignée jusqu'à la septième génération, cela ne fait aucun doute.

85. Si l’on désire de nombreux fils ou même un seul, il faut aller à Gayā,

ou bien il faut faire un sacrifice du cheval, ou bien libérer un taureau noir.

86. Ensuite, ô roi, le pèlerin doit se rendre à la rivière Phalgu, ô prince :

il obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et il rencontrera un grand acomplissement.

87. Il faut ensuite aller diligemment, ô roi des rois, au Plateau du Dharma,

où le Dharma, ô Mahārāja, est toujours présent, ô Yudhiṣṭhira ;

en s'en approchant on acquiert le fruit d'un sacrifice du cheval.

88. Il faut ensuite aller, ô roi des rois, à l'éminent lieu d'ablutions de Brahmā,

et là, ô roi des rois, en adorant Brahmā d'un éclat sans limites,

un homme obtient un fruit équivalant à une consécration royale et un sacrifice de cheval.

89. Ensuite, le pèlerin doit se rendre à Rājagṛha, ô roi ;

en se baignant dans l'eau des sources chaudes, il se réjouit comme Kakṣīvat.

90. Là, un homme pur doit manger l'offrande quotidienne d’une Yakṣa

et par la faveur de la Yakṣa, il sera délivré du crime de l'avortement.

91. En allant ensuite à Maṇināga, peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches

l’homme qui mange l'offrande quotidienne à Maṇināga.

92. Même mordu par un serpent venimeux, le poison n’a pas d’effet sur lui,

et en y restant une seule nuit il est délivré de tous ses péchés.

93. Ensuite, il faut aller dans la forêt de Gautama, le sage brahmane, ô roi ;

en se baignant dans le lac d'Ahalyā, on peut faire le dernier voyage ;

en s'approchant de Śrī, ô roi, on trouve la plus grande fortune.

94. Il y a là un puits, ô connaisseur du Dharma, renommé dans les trois mondes ;

en y faisant ses ablutions, on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval.

95. Ensuite, il y a le Puits de Janaka, le sage de sang royal, qui est vénéré par les Trente Dieux ;

en y faisant ses ablutions, on accède au monde de Viṣṇu.

96. Il faut ensuite aller à Vinaśana, qui libère de tout mal ;

on obtient la Boisson de Vigueur et l’on va dans le Monde de la Lune.

97. En allant à la rivière Gaṇḍakī, origine de l'eau de tous les lieux d'ablutions,

on obtient la Boisson de Vigueur et l’on accède au Monde du Soleil.

98. Puis, après avoir pénétré dans l’ermitage d’Adhivaṃśya,

on se réjouit, ô Mahārāja, parmi les Esprits-Cachés, il n’y a là aucun doute.

99. Si l’on va jusqu'à la rivière Kampanā, fréquentée par les Accomplis,

on obtient le fruit du sacrifice Puṇḍarīka et l’on accède au Monde du Soleil.

100. En allant vers la rivière Viśālā, célèbre dans les trois mondes,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et on va dans le monde céleste.

101. Puis, en se rendant au torrent de la Māheśvarī, ô roi,

on obtient le fruit d'un sacrifice de cheval et il sauve sa famille.

102. Un homme pur qui visite l'Étang aux Lotus des Habitants du Ciel

ne subit pas de malheur, et il obtient la Boisson de Vigueur.

103. Il faut aller à l'Empreinte-du-Seigneur-Suprême, en restant chaste et dévoué,

et après s’être baigné dans l'Empreinte-du-Seigneur-Suprême, on acquiert le fruit d'un sacrifice du cheval.

104. Il y a là une multitude de lieux d'ablutions, très célèbre, ô taureau des Bhārata,

que, sous la forme d’une tortue, ô roi des rois, un maléfique Asura

avait emportés, ô roi, et que le puissant Viṣṇu a repris.

105. En faisant là ses ablutions, dans cette multitude de lieux d'ablutions, Yudhiṣṭhira,

on obtient le fruit du sacrifice Puṇḍarīka et l’on va dans le monde de Viṣṇu.

106. De là, il faut se rendre, ô roi des rois, au sanctuaire de Nārāyaṇa,

là où, toujours présent, Hari habite, ô Bhārata,

appelé le Śālagrāma de Viṣṇu faiseur de prodiges.

107. En s'approchant du Seigneur des trois mondes, le Dispensateur, l’impérissable Viṣṇu,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et on entre dans le monde de Viṣṇu.

108. Il y a là un puits, ô connaisseur du Dharma, qui délivre de tout mal,

les quatre océans sont toujours présents dans ce puits.

En faisant ses ablutions là, ô roi des rois, on ne subit aucun malheur.

109. En s'approchant du Dieu Suprême, le Dispensateur, l’impérissable Viṣṇu,

on resplendit comme la Lune, libéré de ses dettes, ô Yudhiṣṭhira.

110. En faisant ses ablutions à Jātismara, un homme pur et d’esprit pieux

obtient le souvenir de ses existences antérieures en se baignant là, il n’y a là aucun doute.

111. En allant à la Cité-du-Seigneur-du-Banian, en adorant le Chevelu,

on gagne ce que l'on désire en jeûnant, ça ne fait pas de doute.

112. Puis en allant au Lieu-du-Nain, qui libère de tout mal,

et en saluant le Dieu Hari, on ne subit aucun malheur.

113. En se rendant à l'Ermitage de Bharata, qui délivre de tout mal,

on doit vivre près de la rivière Kauśikī, qui détruit les grands péchés ;

un homme y obtient le fruit d’un sacrifice de Consécration Royale.

114. De là, il faut se diriger, ô connaisseur du Dharma, vers la sublime forêt de Campaka

et en y dormant une nuit on obtient un fruit équivalent à mille vaches.

115. Après être allé au très estimé lieu d'ablutions de Jyeṣṭhila

et en jeûnant une nuit, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

116. En y contemplant le resplendissant Seigneur de l’Univers et la Déesse,

on obtient les mondes de Mitra et Varuṇa, ô taureau parmi les hommes.

117. En allant au Confluent de la Jeune Fille, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient les mondes de Manu Seigneur-des-créatures, ô taureau des Bhārata.

118. Ceux qui offrent des boissons et de la nourriture à la Jeune Fille, ô Bhārata,

les sages très attachés à leurs vœux disent que ces offrandes sont impérissables.

119. En se dirigeant vers la rivière Niścīrā, célèbre dans les trois mondes,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et on entre dans le monde de Viṣṇu.

120. Les hommes qui font un don au confluent de la Niścīrā

vont, ô tigre parmi les hommes, dans le monde de Brahmā, ça ne fait pas de doutes.

121. Il y a l'ermitage de Vasiṣṭha, célèbre dans les trois mondes ;

en y faisant ses ablutions, on obtiendra la Boisson de Vigueur.

122. En se dirigeant vers le mont Devakūṭa, habité par des troupes de sages brahmanes,

on obtient le fruit d'un sacrifice de cheval et l’on sauve sa famille.

123. Ensuite, il faut aller, ô roi des rois, au lac de l’anachorète Kauśika,

là où Viśvāmitra, le descendant de Kuśika, a accédé à la perfection suprême.

124. Il faut rester là un mois, ô héroïque taureau des Bhārata, au bord du Kauśika

et accéder en un mois à la sainteté d’un sacrifice du cheval.

125. Celui qui habiterait au Grand Lac, le meilleur de tous les lieux d'ablutions,

ne subit pas de malheur et trouverait beaucoup d'or.

126. En s'approchant de Kumāra, qui habite l'Ermitage-du-Héros,

un homme obtient le fruit d'un sacrifice du cheval, cela ne fait aucun doute.

127. En se dirigeant vers le Torrent-d’Agni, célèbre dans les trois mondes,

on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on ne revient pas du ciel.

128. Si l’on va au Lac-de-l’Aïeul, qui se trouve dans le Roi-des-Montagnes,

et qu’on y fait ses ablutions, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

129. Coulant du Lac-de-l’Aïeul, purifiant le monde,

il y a là le le Torrent-de- Kumāra, célèbre dans les trois mondes.

130. Quand on s'y baigne, on comprend par soi-même qu'on a réussi,

et en mangeant une fois tous les trois jours, on est absout du meurtre d'un brahmane.

131. Après avoir escaladé le Sommet de la Grande Déesse Gauri, célèbre dans les trois mondes,

un homme de foi doit entrer dans le Bassin-des-Seins.

132. En faisant là ses ablutions, et en aimant rendre hommage aux Dieux et aux Ancêtres,

on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval et l’on va dans le monde de Śakra.

133. En allant vers Tāmrāruṇa, en restant chaste et dévoué,

on obtient l’équivalent d’un sacrifice du cheval et l’on va dans le monde de Śakra.

134. En allant, à la rivière Nandinī, vers la fontaine fréquentée par les Trente Dieux,

on obtient la sainteté d'un sacrifice humain, ô rejeton de Kuru.

135. En se baignant à Kālikā, au confluent de la Kauśikī et de l’Āruṇa, avec de la retenue,

un sage, en jeûnant trois nuits, est délivré de tous les maux.

136. L’homme sage qui va au lieu d'ablutions d'Urvaśī, l'Ermitage de la Lune,

et qui se baigne à l'Ermitage de Kumbhakarṇa est honoré sur terre.

137. En se baignant au lieu saint de la Gueule-du-Loup, un homme chaste et ferme dans ses vœux

obtient le souvenir de ses existences antérieures, cela a été vu dans la tradition ancienne.

138. En allant une seule fois à la Nandā, un deux-fois-né devient parfait d'âme,

et c’est avec l'âme purifiée de tout mal qu’il va dans le monde de Śakra.

139. Après être allé à l’Île-du-Taureau, qui doit être honorée comme le lieu où Krauñca fut détruit,

et après avoir touché l'eau de la Sarasvatī, on resplendit débout sur un char céleste.

140. Puis il y a le lieu d'ablutions d’Uddālaka, fréquenté par les anachorètes ;

en faisant là ses ablutions, on est délivré de tous ses péchés.

141. En allant au saint lieu d'ablutions du Dharma, fréquenté par de sages brahmanes,

un homme obtient la Boisson de Vigueur, il n’y a là aucun doute.

142. Ainsi, s'approchant de Campā, en prenant de l’eau sur la Bhāgīrathī,

et en allant à Daṇḍārka, on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches.

143. Ensuite, il faut aller à Laveḍikā, lieu saint et fréquenté par les saints ;

on obtient la Boisson de Vigueur et, debout sur un char céleste, on est honoré.

 

 

 3. 83. Suite de l’itinéraire. Pulatsya engage Bhīṣma à entreprendre ce pèlerinage, ce qu’il fait sur le champ. De même Yudhiṣṭhira aurait grand intérêt à entreprendre un tel pèlerinage. Lomaśa lui servira de guide.

 

Livre III, chapitre 83

1. Pulastya dit :

« En allant ensuite au crépuscule vers le suprême lieu d'ablutions de Saṃvedya,

un homme qui y touche de l'eau deviendra sage, cela ne fait aucun doute.

2. Le lieu d'ablutions créé jadis, ô roi, par la grâce de Rāma,

Lohitya, si l’on y va, on y trouvera beaucoup d'or.

3. En allant vers la rivière Karatoyā et en jeûnant pendant trois nuits, un homme

obtient l’équivalent du sacrifice du cheval après avoir accompli le rite de l’Aïeul.

4. Au confluent du Gange et de l'océan, ô roi des rois,

les sages déclarent qu'un sacrifice de cheval est décuplé.

5. Après avoir atteint l’île du Gange qui est en face, celui qui s’y baignera, ô Bhārata,

et jeûnera pendant trois nuits, ô roi, il réalisera tous ses désirs.

6. En allant ensuite à la rivière Vaitaraṇī, qui délivre du mal,

et en se rendant au lieu d'ablutions de Viraja, on resplendit comme la lune.

7. L’homme naîtra dans une famille sainte, détruisant tout mal,

et obtenant un fruit équivalant à mille vaches il purifie sa famille.

8. En demeurant au confluent du Śona et du Jyothirathī, un homme pur

en satisfaisant les Ancêtres et les Dieux par des oblations, on obtient le fruit de l’oblation à Agni.

9. A la source du Śona et de la Narmadā, ô fils de Kuru,

en touchant l'eau du Buisson-de-Bambous, on acquiert le fruit d'un sacrifice du cheval.

10. En allant jusqu'au lieu d'ablutions du Taureau sur la rivière Kośalā, ô roi,

un homme obtient la Boisson de Vigueur, s’il y jeûne trois nuits.

11. Après être allé à la rivière Kośalā, il faut se baigner au lieu d'ablutions du Temps,

et l’on obtiendra le fruit de onze taureaux, il n’y a là aucun doute.

12. Un homme, après s’être baigné à Puṣpavatī, s’il y jeûne trois nuits,

trouvera le fruit de mille vaches et sauvera sa famille.

13. Puis, en se baignant au lieu d'ablutions du Jujubier, avec des pensées pieuses,

on obtient une longue vie et on va dans le monde céleste.

14. En allant ensuite vers le mont Mahendra, fréquenté par le fils de Jamadagni,

un homme, en se baignant au lieu d'ablutions de Rāma, acquiert le fruit d'un sacrifice du cheval.

15. Là aussi se trouve le Bassin-de-Mataṅga, ô fils de Kuru :

en s'y baignant, un homme, ô roi, obtient un fruit équivalent à mille vaches.

16. En allant vers le mont de Śrī, il faut toucher l'eau au bord de la rivière :

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et on va dans le monde céleste.

17. Sur le mont de Śrī, avec la Déesse, le Grand Dieu à la grande gloire

vivait très heureux, ainsi que Brahmā entouré des Trente Dieux.

18. Là, après s’être baigné dans le lac des Dieux avec des pensées pieuses,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et l’on accède à la perfection suprême.

19. En allant ensuite au Mont-du-Taureau, chez les gens du Pāṇḍya, honoré par les Dieux,

on obtient la Boisson de Vigueur et l’on se réjouit sur la voûte céleste.

20. Ensuite, il faut aller vers la rivière Kāverī, avec ses troupes d'Apsaras ;

après s’être baigné là, un homme, ô roi, obtient un fruit équivalent à mille vaches.

21. Ensuite, il faut toucher l’eau au bord de l’Océan, au lieu d'ablutions de la Jeune-Fille,

et après s’être baigné là, ô roi des rois, on est délivré de tous ses péchés.

22. Puis il faut aller à Oreille-de-Vache, célèbre dans les trois mondes

et honoré dans tous les mondes, ô roi des rois, au milieu de l'Océan,

23. où se trouve Brahmā et aussi les Dieux, les sages et les ascètes,

les spectres, les Yakṣas, les Piśācās, les Kiṃnaras avec les grands Serpents,

24. ainsi que les Accomplis, les Chanteurs Céleste, les Gandharvas, les hommes et les serpents,

les rivières, les océans et les montagnes, attendant l'époux d'Umā.

25. Là, après avoir adoré le Seigneur, et en jeûnant trois nuits, un homme

obtient l’équivalent de dix sacrifices du cheval et obtient le rang de dévot de Gaṇeśa.

Après y avoir passé douze nuits, l'homme devient parfait d'âme.

26. Puis il y a le sanctuaire de Gāyatrī, réputé dans les trois mondes ;

après y avoir séjourné trois nuits, on obtient un fruit équivalent à mille vaches.

27. Il y a là une propriété qui révèle les brahmanes, ô roi :

lorsqu’un homme issu d’un mélange des matrices récite la gāyatrī [23],

avec lui cela devient soit un hymne profane soit encore une chanson, ô roi.

28. En allant à l'étang de Saṃvarta, le sage brahmane, difficile d’accès,

on a en partage la beauté et l’on renaît fortuné.

29. En allant vers la rivière Veṇṇā, il faut satisfaire les Ancêtres et les Dieux par des oblations,

et un homme obtient un char céleste attelé de cygnes et de paons.

30. Atteignant ensuite la rivière Godāvarī, toujours fréquentée par les Accomplis,

on obtient à une cérémonie des vaches et l’on gagne le monde de Vāsuki.

31. Lorsqu'on se baigne au confluent de la Veṇṇā, on obtient le fruit d’une Boisson de Vigueur,

et lorsqu'on se baigne au confluent de la Varadā, on obtient un fruit équivalent à mille vaches.

32. En voyageant jusqu'au sanctuaire de Brahmā et en y séjournant trois nuits, un homme

trouvera un fruit équivalent à mille vaches et il va dans le monde céleste.

33. En allant à Kuśaplavana, en restant chaste et dévoué,

en y restant trois nuits et en s’y baignant, on obtiendra le fruit d'un sacrifice de cheval.

34. Puis, au beau Lac des Dieux, la source de la Kṛṣṇaveṇṇā,

et au Lac de Jātimātra, ainsi qu'à l'Ermitage de la Vierge,

35. là où le roi des Dieux, après avoir offert des centaines de sacrifices, monta au ciel,

on trouvera l’équivalent de cent oblations à Agni, juste en y allant, ô Bhārata.

36. En se baignant au Lac de tous les Dieux, on peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches.

En se baignant au Lac de Jātimātra, un homme se souviendra de ses vies antérieures.

37. Ensuite, en atteignant la très sainte Payoṣṇī, la meilleure des rivières,

et en se réjouissant de rendre hommage aux Dieux et aux Ancêtres, on obtient un fruit équivalent à mille vaches.

38. En allant dans la forêt de Daṇḍakā, ô Mahārāja, et en touchant l'eau,

on obtient là un fruit équivalent à mille vaches, rien qu'en se baignant.

39. En allant vers l’ermitage de Śarabhaṅga et de Śuka au grand cœur,

un homme ne subit pas de malheur et il purifie sa famille.

40. Ensuite, il faut aller à Śūrpāraka, fréquenté par le fils de Jamadagni,

et un homme, en se baignant au lieu d'ablutions de Rāma, trouvera beaucoup d'or.

41. Après s'être baigné aux sept embouchures de la Godāvarī, dans la modération et une alimentation modérée,

on obtient une grande sainteté et l’on va dans le monde des Dieux.

42. De là, il faut aller au Sentier des Dieux, dans la modération et une alimentation modérée,

et ainsi un homme obtient la sainteté d’un grand sacrifice aux Dieux.

43. Il faut aller à la forêt de Tuṅgaka, tout en restant chaste et maître de ses sens :

c’est là que le sage Sārasvata enseigna jadis les Veda,

44. les Veda perdus que le fils de l’anachorète Aṅgiras enseigna,

assis sur les manteaux des grands sages, ô Bhārata,

45. dès que la syllabe OM fut prononcée selon les règles,

et que ce qu’il avait répété jadis, lui fut revenu.

46. Les sages, les Dieux, Varuṇa, Agni, le Seigneur-des-créatures,

Hari, le Dieu Nārāyaṇa et le Dieu suprême,

47. l'Aïeul, le glorieux Bienheureux en compagnie des Dieux

chargèrent le glorieux Bhṛgu d'officier lors d’un sacrifice.

48. Puis le Bienheureux parmi les sages fit selon les règles

pour tous, à nouveau, la consécration des feux, avec le rite qu’on voit dans les règles.

49. Satisfaits de leur part rituelle de beurre fondu,

les Dieux et les sages allaient à leur gré dans les trois mondes.

50. Quand on entre dans cette forêt de Tuṅgaka, ô le meilleur des rois,

tout mal disparaît, qu’on soit un homme ou qu’on soit une femme.

51. Si un homme, ferme de caractère, y vit un mois, dans la modération et une alimentation modérée,

il ira dans le monde de Brahmā, ô roi, et il purifie sa famille.

52. En allant à Medhāvika, il faut satisfaire les Ancêtres et les Dieux par des oblations,

et l’on obtient l’équivalent de l’oblation à Agni et l’on gagne la mémoire et la sagesse.

53. Après être allé vers le mont Kālaṃjara, célèbre dans le monde,

et s’être baigné dans le Lac des Dieux, on obtiendra un fruit, équivalant à mille vaches.

54. On perfectionnera son âme, là, sur le mont Kālaṃjara, ô roi,

et un homme sera honoré dans le monde céleste, cela ne fait aucun doute.

55. Ensuite, sur la meilleure des grandes des montagnes, Citrakūṭa,

après être allé à la rivière Mandākinī qui délivre du mal,

56. en faisant là ses ablutions, et en aimant rendre hommage aux Dieux et aux Ancêtres,

on obtient l’équivalent du sacrifice du cheval et l’on fera le dernier voyage.

57. De là, il faut aller, ô roi des rois, au sanctuaire incomparable du Maître,

où le Dieu roi à la grande armée est toujours présent.

58. Là un homme, ô le meilleur des hommes, réussit rien qu’en y allant.

Un homme, en se baignant au lieu d'ablutions des Dix-Millions, peut obtenir un fruit équivalant à mille vaches.

59. En le contournant par la gauche, un homme doit aller au Sanctuaire de l’Aîné,

et, en y visitant le Dieu Suprême, il resplendit comme la lune.

60. Il y a là un puits célèbre, ô Mahārāja, taureau des Bhārata,

dans lequel résident les quatre océans, ô Yudhiṣṭhira.

61. En y touchant de l'eau, ô roi des rois, et aussi en le contournant rituellement par la gauche,

un homme maître de lui-même et pur peut faire le dernier voyage.

62. Ensuite, il faut aller, ô le meilleur des Kuru, à la grande cité de Śṛṅgavera,

là où, ô Mahārāja, Rāma, le fils de Daśaratha,a traversé autrefois.

63. Un homme, en se baignant dans la Gaṅgā, en restant chaste et dévoué,

devient débarrassé de ses péchés et il obtient la Boisson de Vigueur.

64. En s'approchant du Dieu Suprême, en l'adorant, ô roi,

après en avoir fait le tour par la gauche, on accède au rang de dévot de Gaṇeśa.

65. Ensuite, il faut aller, ô roi des rois, à Prayāga, célébré par les sages,

où Brahmā et les Dieux, les Points Cardinaux avec les Maîtres des Points Cardinaux,

66. les Gardiens du Monde, les Sādhyas, les Calamiteux et les Ancêtres,

les sages suprêmes avec à leur tête Sanatkumāra,

67. les autres sages brahmanes aussi, avec à leur tête Aṅgiras,

ainsi que les Serpents, les Oiseaux, les Accomplis et les Marcheurs en Cercle,

68. les rivières et les océans, les Gandharvas et les Apsaras,

et le bienheureux Hari placé en premier par Prajāpati, résident tous.

69. Il y a là trois foyers au milieu desquels la Jāhnavī,

qui est devant tous les lieux d'ablutions, coule hors de Prayāga.

70. Là, la fille du Brûlant, célèbre dans les trois mondes,

la rivière Yamunā, se joint à la Gangā, purifiant le monde.

71. La terre située entre la Gangā et la Yamunā est connue sous le nom de Vulve de la terre ;

les sages savent que Prayāga est le bout de la Vulve, le Vagin.

72. Prayāga et Pratiṣṭhāna sont comme la couverture et le mulet [24],

et le lieu d'ablutions de Bhogavatī est appelé autel de Prajāpati.

73. Là, les Veda et les sacrifices ont une forme corporelle, ô Yudhiṣṭhira,

les sages très attachés à leurs vœux y attendent Prajāpati,

les Dieux et les Marcheurs en Cercle l'adorent avec des sacrifices, ô roi.

74. Ainsi il n'y a rien qui soit plus saint dans les trois mondes, ô Bhārata,

Prayāga l’emporte largement sur tous les lieux d'ablutions, ô puissant.

75. En entendant parler de ce lieu d'ablutions, en récitant son nom aussi,

ou en prenant de son argile, un homme est libéré du péché.

76. Celui qui, très attaché à ses vœux, fait là ses ablutions au confluent

obtient le saint fruit d’un sacrifice de consécration royale et d’un sacrifice du cheval.

77. Car c'est là un terrain sacrificiel qui est honoré même par les dieux.

Ce qui y est donné, si petit soit-il, devient grand, ô Bhārata.

78. Ce n’est pas à cause des déclarations du Veda, fils, ni des déclarations du monde

qu’il faut négliger le projet de mourir à Prayāga.

79. Il y a dix mille lieux d'ablutions et cent millions d’autres

dont la présence est mentionnée là même, ô fils de Kuru.

80. Ce qui est sacré dans les quatre Veda et dans les paroles d’un homme au langage vrai

s'obtient en se baignant simplement au confluent de la Gangā et de la Yamunā.

81. Il y a là le sublime lieu d'ablutions de Vāsuki, nommé Bhogavatī ;

celui qui y fait ses ablutions obtient l’équivalent du sacrifice du cheval.

82. Il y a là un lieu d'ablutions de renommée mondiale, l’Envol du cygne,

et le Sacrifice des Dix Chevaux, dans la Gangā, ô fils de Kuru.

83. La région où coule la Gangā, ô Mahārāja, est une forêt d’ascètes ;

il faut savoir que la région limitrophe de la Gangā est le Champ des Accomplis.

84. Cette vérité, il faut la murmurer à l’oreille des deux-fois-nés,

des hommes de bien, de son fils et de ses amis, de son élève et de celui qui vous suit.

85. Cela est conforme au Dharma, cela est saint, cela est propre au sacrifice, cela est agréable,

cela est paradisiaque, cela est beau, cela est suprêmement purificateur.

86. C'est là le mystère des grands sages, qui délivre de tout péché :

quand on l'a appris parmi les deux-fois-nés, on obtient la pureté.

87. Celui qui entend parler de cette sainteté éternelle des lieux d'ablutions sera pur pour toujours ;

il se souvient de nombreuses naissances et se réjouit sur la voûte céleste.

88. Et l’on dit aussi que les lieux d'ablutions sont accessibles et inaccessibles ;

c'est vers ces derniers qu'il faut aller en pensée, quand on veut visiter tous les lieux d'ablutions.

89. Ils dépendent des Trésors, des Sādhyas, des Radieux, des Marutas et des Aśvins,

et des sages pareils aux Dieux, qui recherchent les bonnes actions.

90. De même, toi aussi, ô vertueux fils de Kuru, selon ce précepte

va vers les lieux d'ablutions en te concentrant : la sainteté augmente avec la sainteté.

91. Grâce à des moyens obtenus jadis par leur piété et leur vision de la révélation,

les hommes de bien, qui gardent en vue ce qui est enseigné, ont eu accès à ces lieux d'ablutions.

92. Aucun homme sans vœux, aucun homme immature, aucun homme impur, aucun voleur

ne se baigne aux lieux d'ablutions, ô fils de Kuru, ni un homme à l'esprit tordu.

93. C’est grâce à toi, à ta conduite parfaite, à ton regard constamment tourné vers le Profit et Dharma

que tes Ancêtres et tous tes Bisaïeuls, mon fils, sont sauvés.

94. Les Dieux dirigés par l’Aïeul, avec les troupes des sages, ô roi

connaisseur du Dharma, ont toujours été satisfaits de ton Dharma.

95. Et tu obtiendras les mondes mêmes des Trésors, ô le meilleur des Trésors,

et tu gagneras sur terre une grande et éternelle renommée, ô Bhīṣma. »

96. Nārada dit :

« Après avoir ainsi parlé et ayant pris congé, le bienheureux sage Pulastya

disparut sur-le-champ, joyeusement, le cœur joyeux.

97. Bhīṣma, le tigre des Kuru, qui connaissait les textes sacrés, la Vérité et le Profit,

parcourut le monde selon les paroles de Pulastya.

98. Celui qui parcourra la terre selon ce précepte

jouira après sa mort du fruit magnifique de cent sacrifices de chevaux.

99. Aussi, ô fils de Pṛthā, tu atteindras le Dharma suprême, huit fois plus grand,

et puisque tu diriges des sages, le fruit est donc pour toi huit fois plus grand.

100. Ces lieux d'ablutions sont envahis par des bandes de Rākṣasas, ô Bhārata,

et personne d'autre ne peut y aller à part toi, ô fils de Kuru !

101. Celui qui, en se levant de bon matin, récite les pratiques des sages divins

liées au profit de tous les lieux d'ablutions, est délivré de tous les maux.

102. Là où sont toujours les sages les plus éminents, Vālmīki, le fils de Kaśyapa,

Ātreya, Kaúṇḍinya, Viśvāmitra, Gautama,

103. Asita Devala, Mārkaṇḍeya, Gālava,

Bharadvāja, Vasiṣṭha, et l’anachorète Uddālaka,

104. Śaunaka avec son fils, et Vyāsa, le meilleur de ceux qui prient à voix basse,

Durvāsā, le meilleur des anachorètes, et Gālava le grand ascète,

105. tous ces grands sages, ces ascètes t’attendent.

En leur compagnie, ô Mahārāja, va visiter ces lieux d'ablutions.

106. Ce sage divin d'une splendeur sans mesure, du nom de Lomaśa,

te rencontrera et tu les visiteras en sa compagnie.

107. Et visite aussi en ma compagnie ces lieux d'ablutions, ô connaisseur du Dharma,

tu gagneras une grande renommée, comme le roi Mahābhiṣa.

108. Comme Yayāti au cœur loyal, comme le roi Purūravas,

ainsi toi aussi, tigre des Kuru, tu brilleras par ton Dharma.

109. Comme le roi Bhagīratha, comme le célèbre Rāma,

ainsi tu rayonneras parmi tous les rois comme le Soleil.

110. Comme Manu, comme Ikṣvāku, comme le très glorieux Pūru,

comme Vainya au grand éclat, ainsi toi aussi tu seras célèbre.

111. Tout comme le Tueur de Vṛtra  a brûlé tous ses adversaires autrefois,

ainsi, en mettant en œuvre la destruction de tes ennemis, tu protègeras tes sujets.

112. Ayant obtenu la Terre, conquise selon ton Dharma, ô prince aux yeux de lotus,

tu accèderas à la renommée par ton Dharma, comme Arjuna Kārtavīrya ! »

113. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir ainsi encouragé le roi au grand cœur, Nārada,

le bienheureux sage, prit congé, et il disparut sur place.

114. Et Yudhiṣṭhira au cœur loyal réfléchit aussi à ce sujet,

et il fit savoir aux sages le caractère sacré qui s'attache au pèlerinage dans les lieux d'ablutions.

 

 

 

3. 84. Yudhiṣṭhira explique à Dhaumya pourquoi il a envoyé Arjuna chercher des armes divines : elles seront nécessaires contre Droṇa et Karṇa. Il demande à Dhaumya de lui indiquer un autre endroit où ils pourraient séjourner.

 

Livre III, chapitre 84

1. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir entendu l’avis de ses frères et du sage Nārada,

le roi Yudhiṣṭhira parla à Dhaumya, qui était pareil à l’Aïeul :

2. « J'ai envoyé le tigre parmi les hommes, le Triomphant, qui est un héros dans le domaine de la vérité,

le héros aux grands bras à l'âme sans mesure, chercher des armes.

3. Car ce héros est dévoué et capable, ô ascète,

et tout à fait expert dans le maniement des rames, comme le seigneur Vāsudeva.

4. En effet, ô brahmane, ces deux noirs tueurs de leurs ennemis

pleins de vaillance, je les connais, tout comme le majestueux Vyāsa,

Vāsudeva et Dhanaṃjaya, présents dans les trois âges du monde, aux yeux de lotus.

5. Nārada aussi les connaît, il me le disait toujours,

et moi-même, je les connais : les sages Nara et Nārāyaṇa.

6. Ayant pensé : « Il est capable », j’ai envoyé Arjuna ;

il n’est pas inférieur à Indra, il est capable, en tant que fils de Dieu, de regarder

le roi des Dieux et de se faire donner des armes par Indra ; et je l’ai envoyé.

7. Bhīṣma et Droṇa sont de grands guerriers, Kṛpa est invincible, tout comme le fils de Droṇa ;

ces hommes puissants ont été choisis par le fils de Dhṛtarāṣṭra pour la guerre ;

ce sont tous des champions qui connaissent le Veda, ce sont tous des experts en armes.

8. Et il y a celui qui est toujours désireux de combattre le fils de Pṛthā, un puissant guerrier

qui connaît les armes divines, Karṇa, le fils du cocher, un grand guerrier.

9. Il a la vitesse du cheval, la puissance du vent, le feu de ses flèches, il fait résonner le sol,

il est le nuage de poussière, le tourment des armes, il est emporté par le vent du fils de Dhṛtarāṣṭra.

10. Il a été allumé par le Temps, comme le feu de la fin du monde ;

mes troupes sont des broussailles, il les incendiera, ça ne fait aucun doute.

11. Ce grand nuage de flèches divines soulevé par le vent de Kṛṣṇa,

portant comme des hérons ses chevaux blancs, ayant l’éclat de Gāṇḍīva, l’arme d’Indra,

12. ce nuage élevé d’Arjuna anéantira toujours dans le combat,

par ses pluies de flèches, le feu flamboyant de Karṇa.

13. Le vainqueur des villes ennemies, le Rechigneur en personne,

en vérité obtiendra de Śakra toutes les armes divines.

14. Voici ce que pense mon esprit : « Il est l’aiguillon de tous,

on ne peut le surpasser, ses ennemis ne peuvent réagir en face de lui. »

15. Ce Dhanaṃjaya, fils de Pāṇḍu, avec les armes qu'il aura obtenues, tous nous

le verrons, car le Rechigneur ne ploie pas sous le fardeau qu’il a soulevé.

16. Mais nous, sans ce héros, dans cette forêt, ô le meilleur des bipèdes,

nous ne parvenons pas à nous fixer dans Kāmyaka avec Kṛṣṇa.

17. Seigneur, indique-nous, ô saint homme, une autre forêt, riche en nourriture, pleine de fruits, pure,

plaisante et fréquentée par les hommes aux actions saintes,

18. où nous pourrions rester quelque temps, en attendant

Arjuna, le héros qui tire sa puissance de la Vérité, comme des hommes désirant la pluie attendent un nuage.

19. Indique-nous divers ermitages célèbres auprès des deux-fois-nés,

des lacs, des rivières et de plaisantes montagnes.

20. Dis-les nous, car, ô brahmane, sans Arjuna, il ne nous plait pas

de séjourner ici, dans la forêt de Kāmyaka : allons dans une autre région ! »

 

 

3. 85. Dhaumya se lance dans une description des lieux saints à l’est.

 

Livre III, chapitre 85

1. Vaiśampāyana dit :

« En voyant que tous les Pāṇḍava étaient mélancoliques, l’esprit abattu,

Dhaumya, pareil à Bṛhaspati, leur dit pour les réconforter :

2. « Les ermitages sacrés, approuvés par les brahmanes, ô taureau des Bhārata,

les pays, les lieux d'ablutions et les montagnes écoute-moi te les dire, ô roi.

3. Je te décrirai d'abord, ô roi, autant que je me souvienne, le pays de l'Est,

fréquenté par une multitude de sages de sang royal, ô Yudhiṣṭhira, il est charmant.

4. Dans cette région appréciée par les sages de sang royal, il y a ce qu’on appelle le Naimiṣa, ô Bhārata,

il y a là des lieux d'ablutions très saints pour chacun des Dieux.

5. Là coule la belle et sainte rivière Gomatī, fréquentée par les sages de sang royal,

et le terrain sacrificiel des Dieux, et le lieu d’exécution de Vivasvat.

6. Là se trouve la grande montagne sacrée de Gaya, honorée par les sages de sang royal,

il y a là le lac salutaire de Brahma, fréquenté par les Trente Dieux et les sages.

7. C'est pour cela, ô tigre parmi les hommes, que les antiques légendes disent

qu'il faut souhaiter beaucoup de fils, si l'on peut aller à Gayā même seul.

8. Il y a aussi là les rivières Mahānadī et Gayaśiras, ô irréprochable,

et c’est là que les brahmanes célèbrent le banian Akṣayyakaraṇa,

où la nourriture donnée aux Ancêtres devient impérissable, ô seigneur.

9. Et il y a là une grande rivière du nom de Phalgu, dont les eaux sont saintes,

et aussi la rivière Kauśikī, pleine de fruits et de racines, ô taureau des Bhārata,

où l'ascète Viśvāmitra accéda à la condition de brahmane.

10. C’est là qu’il y a la sainte rivière Gaṅgā sur les rives de laquelle Bhagīratha

a offert, mon fils, de nombreux sacrifices accompagnés de nombreuses aumônes.

11. On raconte que dans le pays des Pāñcālas, ô fils de Kuru, se trouve Utpalāvata,

où Viśvāmitra Kauśika a offert un sacrifice en compagnie de Śakra,

et où le bienheureux fils de Jamadagni chanta sa lignée,

12. en voyant la puissance surhumaine de Viśvāmitra.

À Kanyakubja, Kauśika but du Soma en compagnie d’Indra,

et là il se retira de la noblesse guerrière et il dit : « Je suis un brahmane ! »

13. Il y a le confluent mondialement connu de la Gaṅgā et de la Yamunā,

purifiant, apprécié par les sages, saint, la purification suprême,

14. où l’Aïeul, l’Âme de tous les êtres, sacrifia jadis :

c'est pour cette raison qu'on l'appelle Prayāga, ô le meilleur des Bhārata.

15. Et il y a là aussi, ô roi des rois, le grand Ermitage d'Agastya,

sur le Mont Kālaṃjara, ô roi, appelé la Goutte d'Or.

16. Au-delà des autres montagnes, ô roi, il y a la grande montagne sacrée, salutaire,

nommée Mahendra, ô fils de Kuru, celle du descendant de Bhṛgu au grand cœur,

17. où, ô fils de Kuntī, l’Aïeul autrefois offrit un sacrifice,

là où la sainte Bhāgīrathī est dans sa résidence, ô Yudhiṣṭhira.

18. Voici ce qu’on appelle la sainte Maison-de-Brahmā, ô Seigneur des peuples,

peuplée d'hommes débarrassés du mal ; sa vue même est sainte.

19. Purificateur, de bon augure, célèbre dans le monde, éternel,

il y a le Champ-de-Mataṅga, un grand et éminent ermitage.

20. Il y a le charmant mont Kuṇḍoda, plein de racines, de fruits et d'eau,

où l’homme de Niṣadha assoiffé, trouva de l'eau et un abri.

21. Il y a là la charmante Forêt-des-Dieux, ornée d’ascètes,

et il y a là la rivière Bāhudā, et la Nandā au sommet de la montagne.

22. Les lieux d'ablutions, les rivières, les montagnes et les sanctuaires sacrés

de la région de l’Est, ô Mahārāja, je te les ai décrits.

23. Dans les trois autres régions, écoute de moi les lieux d'ablutions sacrés,

leurs rivières, leurs montagnes et leurs sanctuaires sacrés.

 

 

3. 86. Puis des lieux saints au sud.

 

Livre III, chapitre 86

1. Dhaumya dit :

« Écoute, ô Bhārata, les saints lieux d'ablutions du Sud,

je les décris en détails autant que je les connais, ô Bhārata.

2. Dans cette région on mentionne la sainte rivière de Godāvarī,

elle a beaucoup de jardins et beaucoup d’eau, elle est fréquentée par les ascètes, elle est belle.

3. La Veṇṇā et la Bhīmarathī sont deux rivières qui dissipent le péché et la peur,

elles sont toutes remplies d’antilopes et de deux-fois-nés, ornées de huttes d’ascètes.

4. Il y a là la rivière du sage de sang royal Nṛga, ô taureau des Bhārata,

la Payoṣṇī, avec ses charmants lieux d'ablutions, son eau abondante, fréquentée par les deux-fois-nés.

5. Et c’est aussi là que le grand yogi et grand ascète Mārkaṇḍeya

a chanté l’hymne sur la lignée de Nṛga, le roi de la Terre.

6. En présence de Nṛga qui offrait un sacrifice, nous avons entendu

qu'Indra s'est enivré de Soma et les deux-fois-nés avec leurs aumônes.

7. Il y a la sainte forêt de Māṭhara, pleine de racines et de fruits, salutaire,

et un poteau sacrificiel, ô le meilleur des Bhārata, sur le mont Flot-de-Varuṇa.

8. Sur le versant Nord de la Praveṇī et dans le saint ermitage de Kaṇva,

on mentionne, à ce que dit la tradition, bois habités par des ascètes.

9. À Śūrpāraka, mon fils, il y a l’autel de Jamadagni au grand cœur,

le charmant lieu d'ablutions des Pierres et la Lune-de-l’Est, ô Bhārata.

10. Dans le pays des Mortels, ô fils de Kuntī, il y a le lieu d'ablutions d’Aśoka avec de nombreux ermitages,

au pays des Pāṇḍyas, il y a le lieu d'ablutions d'Agastya et celui de Varuṇa, ô Yudhiṣṭhira.

11. On mentionne de Saintes Jeunes Filles au pays des Pāṇḍyas, ô taureau parmi les hommes.

Je mentionnerai Tāmraparṇī, ô fils de Kuntī, écoute :

12. là, les Dieux ont désiré pratiquer une grande ascèse, dans un ermitage,

il s’agit de Gokarṇa, très célèbre dans les trois mondes, ô Bhārata,

13. l'eau y est fraîche et abondante, il est saint et salutaire, mon fils ;

il y a un lac d'accès extrêmement difficile pour les personnes qui n'ont pas perfectionné leur âme.

14. Il y a aussi, sur le mont de l’Assemblée-des-Dieux, le saint ermitage du disciple d’Agastya,

Tṛṇasomāgni, pourvu de beaucoup de fruits et de racines.

15. Il y a là le mont Vaiḍūrya, célèbre, fait de joyaux, salutaire,

et l’ermitage d’Agastya, plein de racines, de fruits et d'eau.

16. A Surāṣṭra, je mentionnerai aussi les sanctuaires sacrés,

les ermitages, les rivières, les montagnes et les lacs, ô roi.

17. A cet endroit aussi les brahmanes parlent de la Résurgence-de-la-Cruche,

et, au bord de l’Océan, de Prabhāsa, le lieu d'ablutions des Trente Dieux, ô Yudhiṣṭhira.

18. Il y a là ce qu’on appelle le Piṇḍāraka, fréquenté par les ascètes, propice,

et la grande montagne Ujjayanta qui apporte rapidement la perfection.

19. On mentionne qu’à ce sujet le meilleur des sages divins, Nārada,

récita un śloka antique ; écoute-le, Yudhiṣṭhira :

20. « A Surāṣṭra, sur la montagne sacrée fréquentée par les cerfs et les oiseaux

d’Ujjayanta, celui qui soumet son corps à l’ascèse, est honoré sur la voûte du firmament. »

21. Il y a là la sainte Dvāravatī, où demeure le Destructeur-de-Madhu 

en personne, ce Dieu antique ; car il est le Dharma éternel.

22. Et les brahmanes qui connaissent les Veda et les gens qui connaissent l'Âme Suprême

disent que Kṛṣṇa au grand cœur est le Dharma éternel.

23. Car on dit de Govinda qu’il est le purificateur parmi les purificateurs,

il est le saint parmi les saints, le bénéfique parmi les bénéfiques.

24. L’ensemble des trois mondes est l'éternel Dieu des Dieux aux yeux de lotus,

et Hari à l'âme inconcevable, le Destructeur-de-Madhu, y habite.

 

 

3. 87. Puis des lieux saints à l’ouest.

 

Livre III, chapitre 87

1. Dhaumya dit :

« Chez les Avantis, dans le pays de l’Ouest, je te décrirai

quels sont là-bas les sanctuaires purificateurs et saints.

2. Avec ses forêts de manguiers entrelacés de lianes, couronnée de buissons de roseaux,,

il y a là la sainte rivière Narmadā, qui coule vers l'ouest, ô Bhārata.

3. C’est là qu’on dit que se trouve la maison sacrée de l'ermite Viśravā,

c’est là qu’est né le Maître-des-trésors, Kubera, qui a l’homme pour monture.

4. Il y a là une grande et sainte montagne, nommée le mont Vaiḍūrya, propice,

et des arbres aux feuilles vertes, aux fleurs et aux fruits divins.

5. Au sommet de cette montagne, se trouve le Lac du Sage,

couvert de fleurs de lotus rose, ô roi, fréquenté par les Dieux et les Gandharvas.

6. On voit là, ô Mahārāja, un endroit plein de merveilles, sur cette montagne

sainte, pareille au paradis, divine, perpétuellement fréquentée par les sages divins.

7. Il y a là aussi une rivière riche en lacs et en lieux d'ablutions, celle d’un sage de sang royal,

Viśvāmitra, la sainte rivière Pārā, ô vainqueur des villes ennemies,

8. sur la rive de laquelle, au milieu de gens de bien, Yayāti, le fils de Nahuṣa,

tomba et recouvra les mondes éternels du Dharma.

9. Là il y a aussi le Lac Saint, mon fils, et la montagne Maināka,

et un mont du nom d’Asita, ô héros, plein de racines et de fruits.

10. Il y a là le saint ermitage de Kakṣasena, ô Yudhiṣṭhira,

et l'ermitage de Cyavana, célèbre partout, ô fils de Pāṇḍu.

Là-bas, même avec peu d’ascèse, les hommes réussissent, seigneur.

11. Il y a Jambūmārga, ô Mahārāja, l'ermitage des sages

à l’âme absorbée par l’étude et en paix, ô le meilleur des hommes, avec des troupes d'oiseaux et d’antilopes.

12. Il y a aussi, ô roi, toujours remplie d'ascètes, la très sainte

Ketumālā, et la Medhyā, et la forêt de la Gaṅgā, ô roi de la Terre,

et la célèbre forêt de l’Indus, sainte, fréquentée par les deux-fois-nés.

13. Il y a le saint étang de l’Aïeul, du nom de Puṣkara, ô Bhārata,

l'ermitage cher aux anachorètes de Vikhanas, aux Accomplis et aux sages.

14. C’est là aussi que, pour en faire l’éloge, le Seigneur-des-créatures chanta

à Puṣkara, ô le premier des Kuru, un chant, ô le meilleur des vertueux :

15. « L’homme d’esprit qui, même en pensée, aspire à Puṣkara,

ses péchés disparaissent, et il se réjouit sur la voûte céleste. »

 

 

3. 88. Enfin des lieux saints au nord.

 

Livre III, chapitre 88

1. Dhaumya dit :

« Pour la région du Nord, ô tigre parmi les rois, je vais te dire

les lieux saints et les saint sanctuaires.

2. Il y a la Sarasvatī, qui apporte la sainteté, pleine de lacs, couronnée de forêts,

qui coule vers l’Océan à grands flots, là où se trouve la Yamunā, ô Pāṇḍava.

3. Il y a là un lieu d'ablutions très saint, la Descente-du-Figuier, salutaire,

où, après avoir offert un sacrifice, les deux-fois-nés vont se purifier dans les eaux de la Sarasvatī.

4. On parle d’un lieu sacré, divin, propice, la Tête-d’Agni, ô irréprochable,

où Sahadeva offrit un sacrifice en arrachant un mimosa [25].

5. C'est à cause de cela que, chanté par Indra, ô Yudhiṣṭhira,

ce chant fait le tour du monde, chanté par les deux-fois-nés :

6. « Les feux amoncelés par Sahadeva le long de la Yamunā

étaient au nombre de cent fois cent mille et les aumônes au nombre de cent mille. »

7. C’est là aussi que le roi Bharata, le très glorieux Tourneur-de-Roue-de-Souveraineté,

offrit vingt-sept et huit sacrifices de cheval.

8. J’ai jadis entendu dire, mon fils, que le célèbre ermitage

de celui qui réalise les souhaits des deux-fois-nés, Saraka, est extrêmement saint.

9. La rivière Sarasvatī a toujours été honorée par les hommes de bien, ô fils de Pṛthā,

c'est là que les sages Vālakhilyās, ô Mahārāja, offraient des sacrifices.

10. Là il y a la célèbre et très sainte Dṛṣadvatī, ô Yudhiṣṭhira,

il y a là Vaivarṇya et Varṇa, deux hommes très saints, ô roi des hommes,

11. tous deux connaisseurs des Veda, savants dans les Veda, savants dans la science et les Veda,

faisant perpétuellement des sacrifices en de saintes cérémonies, ô le meilleur des Bhārata.

12. Les Dieux se rassemblèrent en multitudes, avec Indra, avec Varuṇa, autrefois,

et ils pratiquèrent des ascèses à Viśākhayūpa, c’est pourquoi il est très saint.

13. Le grand sage, l’éminent Jamadagni à la grande gloire,

puissant, offrait des sacrifices aux Palāśakas, charmants lieux saints,

14. où tous les fleuves supérieurs vinrent en personne vers ce sage éminent,

recevant chacun l’eau de l’autre, et ils l’entourèrent pour lui rendre hommage.

15. Et c’est là aussi, ô Mahārāja, que Viśvāvasu lui-même a chanté

alors ce śloka, ô héros, en voyant la valeur de cet homme au grand cœur :

16. « Quand Jamadagni au grand cœur offrit des sacrifices aux Dieux,

toutes les rivières vinrent et lui firent des libations de miel. »

17. Ornée par les Gandharvas, les Yakṣas, les Rākṣasas et les Apsaras,

cette montagne, demeure des gens de l'Himālaya et des Kinnaras, le plus grand des sommets,

18. fut fendue avec impétuosité par la Gaṅgā à la Porte-de-la-Gaṅgā, ô Yudhiṣṭhira,

et l’on dit qu’elle est sainte, ô roi, et fréquentée par des troupes de sages brahmanes.

19. Il y a Sanatkumāra, ô fils de Kuru, ainsi que le saint Kanakhala,

et la montagne appelée Puru où est né Purūravas,

20. où Bhṛgu pratiquait l’ascèse, fréquenté par la troupe des grands sages ;

c'est son ermitage, ô roi, cette grande montagne connue comme le Mont de Bhṛgu.

21. Celui qui a été, et qui sera, et qui est, ô taureau parmi les hommes,

c'est Nārāyaṇa, l’Éternel Seigneur Viṣṇu, l’Être Suprême.

22. Près de la sainte et grande Badarī, il a un très glorieux

ermitage, et l’on dit qu’il est saint, et célèbre dans les trois mondes.

23. La Gaṅgā, qui transporte de l'eau chaude, transporte à l’Ouest de l’eau froide

et du sable doré, ô roi, vers la grande Badarī.

24. Là les sages et les Dieux éminents à la grande force

viennent sans cesse et rendent hommage au tout-puissant Dieu Nārāyaṇa.

25. Là où se trouve Dieu Nārāyaṇa, Esprit Suprême et Éternel,

il y a le monde entier, fils de Pṛthā, les lieu d'ablutions et les sanctuaires.

26. Il est le Saint, il est l’Être Suprême, il est le lieu d'ablutions, il est la forêt des ascèses,

et là se trouvent les sages divins, les Accomplis et tous les ascètes.

27. Là où réside le Dieu primordial, le grand yogi, le Destructeur-de-Madhu,

c’est là aussi le saint parmi les saints, qu’il n’y ait là aucun doute !

28. Voilà donc, ô roi, les lieux saints qui sont sur la Terre, ô roi de la Terre,

je t’ai mentionné, ô le meilleur des hommes, les lieu d'ablutions et les sanctuaires.

29. Ils sont fréquentés par les Vasus, les Sādhyas, les Ādityas, les Maruts et les Aśvins,

les sages au grand cœur semblables à Brahmā.

30. Si tu les parcours, ô fils de Kuru, en compagnie des taureaux parmi les brahmanes

et de tes frères éminents, tu te débarrasseras de tes appétits. »

 

 

3. 89. Arrivée de Lomaśa. Il raconte qu’Arjuna, qu’il a vu assis sur le trône d’Indra, a acquis l’arme “Tête de Brahmā” et qu’Indra les engage à visiter les lieux saints.

 

Livre III, chapitre 89

1. Vaiśampāyana dit :

« Pendant que Dhaumya s’adressait ainsi à lui, ô descendant des Kuru,

Lomaśa, l’illustrissime sage, arriva là-bas.

2. Le roi, l'aîné des Pāṇḍava, avec sa troupe, et les brahmanes

se levèrent pour le Bienheureux, comme au ciel les immortels pour Śakra.

3. Yudhiṣṭhira, le roi du Dharma, le salua respectueusement, comme il convient,

et lui demanda la raison de sa venue et le but de son voyage.

4. Interrogé par le fils de Pāṇḍu, le sage au grand esprit fut satisfait

et répondit d'une voix douce, réjouissant les fils de Pāṇḍu :

5. « Pendant que je parcourais, ô fils de Kuntī, tous les mondes au hasard,

je suis allé à la demeure de Śakra et j'ai vu là  le Seigneur des Dieux.

6. J'ai aussi vu ton frère, ce héros, l’Ambidextre,

venu partager le trône de Śakra ; là j’ai eu une grande stupeur,

de voir, ô tigre parmi les hommes, le fils de Pṛthā arrivé là.

7. Alors là-bas le Seigneur des Dieux m'a dit : « Va vers les fils de Pāṇḍu. »

Et me voilà venu immédiatement pour te voir, toi et tes frères.

8. À la demande du Dieu-souvent-invoqué et du fils de Pṛthā au grand cœur,

je vais te dire, mon fils, quelque chose qui te fera grandement plaisir, ô fils de Pāṇḍu.

9. avec tes frères et Kṛṣṇa, ô roi, écoute ceci :

tu avais dit à l'homme aux grands bras d’aller chercher des armes, ô taureau des Pāṇḍava ;

10. le fils de Pṛthā a obtenu de Rudra cette arme, grande et sans égale,

celle qu’on nomme Tête-de-Brahmā, que Rudra par son ascèse avait acquise.

11. Cette arme, issue de l’ambroisie, a été obtenue de Rudra par l’Ambidextre,

et cela avec son mantra, avec le moyen de la faire revenir, avec son mode d'expiation et de bénédiction.

12. Le foudre, et d’autres armes comme en particulier la massue, ô Yudhiṣṭhira,

ont été données par Yama, Kubera, Varuṇa et Indra, ô fils de Kuru,

et le fils de Pṛthā, d’une vaillance sans limite, a appris à utiliser ces armes divines.

13. Du fils de Viśvāvasu [26] il a appris le chant et la danse, et la mélodie,

et la musique, comme il convient, selon les règles.

14. Et le fils de Kuntī, après s’être ainsi exercé au maniement des armes, a accédé au Veda des Gandharvas ;

le Rechigneur, le cadet de votre cadet, demeure là tranquillement.

15. Quelle parole le plus grand des Dieux m’a dite et dans quel but,

eh bien je vais te le dire, ô Yudhiṣṭhira, écoute-moi :

16. « Seigneur, tu iras dans le monde des hommes, ça ne fait pas de doute,

et là tu diras cette parole à Yudhiṣṭhira, ô le meilleur des deux-fois-nés :

17. « Ton frère Arjuna, après s’être ainsi exercé au maniement des armes, viendra vite,

après avoir accompli pour les Dieux une grande tâche, qui est impossible aux habitants du ciel.

18. Quant à toi-même, concentre-toi avec tes frères sur l’ascèse,

car il n’y a rien d’égal à l’ascèse, et on ne trouve rien de plus grand que l’ascèse.

19. Je connais bien Karṇa, ô taureau des Bhārata,

et au combat il ne vaut pas le seizième de ce que vaut le fils de Pṛthā.

20. Et aussi la peur qui est dans ton esprit à son égard, ô dompteur d'ennemis,

je la dissiperai aussi, quand l’Ambidextre sera de retour.

21. Et ton projet, ô héros, concernant ce pèlerinage aux lieux d'ablutions,

Lomaśa te dira tout à ce sujet, sans aucun doute.

22. Et sur tout ce qui concerne le fruit lié à l’ascèse dans les lieux d'ablutions, ô Bhārata,

ce qu’en dira ce grand sage est digne de confiance, il n’en est pas autrement. »

 

 

3. 90. Arjuna également les engage à ce pèlerinage. Lomaśa est prêt à les accompagner. Yudhiṣṭhira renvoie à Hāstinapura les brahmanes qui les avaient accompagné.

 

Livre III, chapitre 90

1. Lomaśa dit :

« Et écoute aussi ce qui a été dit par Dhanaṃjaya, ô Yudhiṣṭhira :

« Accorde à mon frère Yudhiṣṭhira le Dharma et la Fortune.

2. Car tu sais les Dharmas suprêmes et les ascèses, ô ascète,

et tu connais le Dharma éternel des rois illustres.

3. Seigneur, tu connais ce qui est la purification suprême pour les hommes,

et tu dois en munir le Pāṇḍava dans la sainteté des lieux d'ablutions.

4. Afin que le fils de Pṛthā aille aux lieux d'ablutions et offre des vaches,

tu dois t’y mettre de toute ton âme, m’a dit le Victorieux.

5. Sous ta protection, Seigneur, il devrait visiter tous les lieux d'ablutions,

protégé des Rākṣasas dans les passages difficiles et périlleux.

6. Comme Dadhīca protégeait le Roi des Dieux, tout comme aussi Aṅgiras le Soleil,

de même protège le fils de Kuntī des Rākṣasas, ô le meilleur des deux-fois-nés.

7. Car il y a beaucoup de démons, de Rākṣasas pareils à des montagnes,

mais si tu protèges les fils de Kuntī de près, ils ne les surpasseront pas. »

8. Ainsi, sur l’ordre d’Indra et selon les instructions d’Arjuna,

te protégeant des dangers, je voyagerai avec toi.

9. J'ai déjà vu les lieux d'ablutions deux fois auparavant, ô fils de Kuru,

je vais les voir une troisième fois avec toi, Seigneur.

10. Ce pèlerinage des lieux d'ablutions qui dissipe les peurs, ô Yudhiṣṭhira,

a été fait par de saints sages de sang royal, ô Mahārāja, comme Manu et d’autres.

11. Aucun homme malhonnête, aucun homme à l'âme imparfaite, aucun homme sans instruction, aucun criminel,

ne se baigne dans les lieux d'ablutions, ô fils de Kuru, ni un homme à l'esprit tordu.

12. Mais toi dont la pensée est dans le Dharma, toi qui connais le Dharma, toi qui es en accord avec la vérité,

tu seras encore plus délivré de tous tes péchés.

13. Tu deviendras comme le roi Bhagīratha, et comme Gaya et d’autres rois,

comme Yayāti aussi, ô fils de Pāṇḍu et Kuntī ! »

14. Yudhiṣṭhira dit :

« Ma joie m'empêche de trouver une réponse à ce que tu dis !

Car quel nom est supérieur à celui dont le roi des Dieux se souviendrait ?

15. Quel nom est supérieur à celui que, Seigneur, tu rencontres,

à celui dont le frère est Dhanaṃjaya, à celui dont Vāsava se souvient ?

16. Ce que Monseigneur m’a dit au sujet de la visite des lieux d'ablutions,

j’en avais déjà pris ma décision là-dessus, lorsque Dhaumya a parlé.

17. Du moment que tu penses, ô brahmane, venir pendant cette visite des lieux d'ablutions,

alors je partirai très certainement, j’y suis totalement résolu ! »

18. Vaiśampāyana dit :

« Lomaśa dit au Pāṇḍava qui était résolu à partir :

« Voyage léger, ô Mahārāja, car en étant léger tu iras sans contrainte. »

19. Yudhiṣṭhira dit :

« Que les brahmanes et les ascètes qui vivent d'aumônes repartent,

ainsi que les citoyens qui m'ont suivi pour rendre hommage à leur roi.

20. Qu'ils aillent chez le Mahārāja Dhṛtarāṣṭra,

il leur donnera en temps voulu les pensions auxquelles ils sont accoutumés.

21. Si le seigneur des hommes ne vous donnait pas la subsistance à laquelle vous êtes accoutumés,

le roi de Pāñcāla vous les donnera pour me faire plaisir et me rendre service. »

22. Vaiśampāyana dit :

« Alors la plupart des citoyens, portant de lourds fardeaux,

auxquels se joignaient les brahmanes et les ascètes partirent vers la Cité-des-Éléphants.

23. Et par affection pour le roi du Dharma, le roi, fils d’Ambikā, les reçut

tous, et il les satisfit comme il convient avec ses richesses.

24. Puis le roi fils de Kuntī, en compagnie des brahmanes équipés légèrement

et de Lomaśapassa trois nuits, tout content, à Kāmyaka.

 

 

3. 91. Les ermites de la forêt demandent à Yudhiṣṭhira de pouvoir l’accompagner dans son pèlerinage. Visite de Vyāsa et de Nārada. Départ pour le pèlerinage.

 

Livre III, chapitre 91

1. Vaiśampāyana dit :

« Lorsque le fils de Kuntī partit, les brahmanes qui vivaient dans la forêt

vinrent vers lui, ô roi, et lui dirent ces mots :

2. « Ô roi, tu vas partir vers les lieux d'ablutions sacrés avec tes frères

avec le sage divin, Lomaśa au grand cœur.

3. Nous aussi, ô Mahārāja, daigne nous emmener, ô Pāṇḍava,

car nous ne pouvons pas y aller sans toi, ô fils de Kuru.

4. Les lieux difficiles et dangereux sont pleins de bêtes sauvages,

et les lieux d'ablutions sont inaccessibles aux hommes en petit nombre, ô Seigneur des hommes.

5. Tes honorables frères sont des héros, toujours d’excellents archers :

protégés par ces honorables héros, nous pourrions nous aussi y aller.

6. Grâce à toi, Seigneur, nous pourrions en effet accéder au fruit splendide

des lieux d'ablutions, ô gardien de la Terre, et à celui de nos pratiques religieuses, ô Seigneur des peuples.

7. Protégés par ta bravoure, nous deviendrions purs après nous être baignés dans les lieux d'ablutions,

et nous serions débarrassés du mal après avoir vu les lieux d'ablutions, ô roi.

8. Toi aussi, Seigneur, tu te baigneras à ceux du roi Kārtavīrya, ô Bhārata,

et d’Aṣṭaka, le sage de sang royal, et de Lomapāda,

9. et de l'héroïque empereur Bharata, ô roi,

et tu atteindras sûrement les mondes difficiles d’accès, après t’être baigné dans ces lieux d'ablutions.

10. Les lieux d'ablutions de Prabhāsa et d’ailleurs, le Mahendra et les autres montagnes,

la Gaṅgā et les autres rivières, le Plakṣa et les autres arbres majestueux,

nous voulons les voir en ta compagnie, ô roi.

11. Si tu as pour les brahmanes quelque affection, ô roi,

accomplis vite que nous disons, et tu accèderas alors au bonheur.

12. Car les lieux d'ablutions, ô puissant roi, sont toujours remplis

de Rākṣasas qui font obstacle à l’ascèse : daigne nous en préserver !

13. Les lieux d'ablutions dont ont parlé Dhaumya et le sage Nārada,

et ceux dont a parlé le très grand ascète Lomaśa, le sage divin,

14. parcours-les tous comme il convient, ô roi,

débarrassé de tes péchés, en notre compagnie, et protégé par Lomaśa ! »

15. Devant leur hommage, inondé de larmes de joie,

entouré par Bhīmasena et ses autres frères héroïques,

le taureau des Pāṇḍava dit « D’accord ! » à tous les sages.

16. Et après avoir pris congé de Lomaśa et de Dhaumya le chapelain,

le plus grand des Pāṇḍava, maître de lui-même, accompagné de ses frères,

et de Draupadī au corps sans défauts, songea au départ.

17. Alors, l’éminent Vyāsa, ainsi que Nārada et Parvata,

ces sages, vinrent à Kāmyaka pour voir le Pāṇḍava.

18. Le roi Yudhiṣṭhira leur rendit hommage comme il convient,

et après avoir reçu les honneurs, les éminents parlèrent à Yudhiṣṭhira :

19. « Yudhiṣṭhira, les jumeaux et Bhīma, pratiquez la droiture dans votre esprit,

purifiés dans votre esprit, et immaculés allez aux lieux d'ablutions !

20. Car la maîtrise du corps, disent les brahmanes, est le vœu des hommes,

la pensée qui purifie l’esprit est un vœu divin, disent les deux-fois-nés.

21. Car un esprit exempt de souillures convient aux héros, ô roi,

et, ayant adopté une pensée amicale, étant purs, allez aux lieux d'ablutions.

22. Purifiés par des sentiments et des vœux qui maîtrisent le corps,

ayant adopté un vœu divin, vous obtiendrez le fruit, comme il a été dit ! »

23. Les Pāṇḍava, en compagnie de Kṛṣṇa, y consentirent, disant « Qu’il en soit ainsi ! »,

et ils eurent tous leur voyage béni par les ermites divins et humains.

24. Ils embrassèrent les pieds de Lomaśa et de l’Îlien,

de Nārada, ô roi, le sage divin, et de Parvata.

25. Et, accompagnés de Dhaumya et des autres habitants de la forêt, les héros

partirent de là le jour où la pleine lune de Mārgaśīrṣī est laissée derrière lui par Puṣya [27].

26. Ayant emmené des chaudrons de terre, portant le chignon, la peau d'antilope noire et le vêtement d’écorce,

ceints de cuirasses impénétrables, ils suivirent le chemin des lieux d'ablutions.

27. Avec Indrasena, et aussi des domestiques, avec une caravane de quatorze chars,

et avec d'autres serviteurs s’occupant de la cuisine,

28. avec leurs armes, ceints de leurs épées, équipés de carquois et de flèches,

les héros Pāṇḍava partirent face à l'Est, ô Janamajaya. »

 

 

3. 92. Yudhiṣṭhira demande à Lomaśa pourquoi ses ennemis sans vertu prospèrent. Lomaśa lui montre que cette prospérité ne peut durer : les Asuras ont été vaincus par les Dieux. Les Dieux ont fréquenté les lieux saints, et cela a été à l’origine de leur victoire finale.

 

Livre III, chapitre 92

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Je ne pense pas être dépourvu de vertus, ô le meilleur des sages divins,

et pourtant je suis tourmenté par les malheurs, comme aucun autre roi sur Terre.

2. Et mes ennemis, je pense, n'ont aucune vertu et ne se plaisent pas non plus au Dharma,

et pourtant, ô Lomaśa, ils prospèrent dans ce monde : pour quelle raison ? »

3. Lomaśa dit :

« Tu n’as en aucune façon à être malheureux, ô roi, fils de Pṛthā,

de ce que les gens qui se réjouissent de l’absence de Dharma prospèrent par leur absence de Dharma.

4. Un homme prospère dans l’absence de Dharma, il voit alors de bonnes choses,

il bat alors ses ennemis, mais il périt jusqu’à la racine.

5. Car j’ai vu, ô roi, les Daityas et les Dānavas :

certes ils ont prospéré dans l’absence de Dharma, mais en retour ils sont allés à leur perte.

6. Autrefois, dans l’Âge des Dieux, j'ai vu tout cela, Seigneur,

les Dieux se plaisaient au Dharma, les Asuras l’abandonnaient.

7. Les Dieux sont allés dans les lieux d’ablution, les Asuras n’y sont pas allés, ô Bhārata ;

provoqué par l’absence de Dharma, l'orgueil les a d'abord envahis.

8. De l'orgueil est née l’arrogance, de l’arrogance fut engendrée la colère,

de la colère est née l’impudence, et leur effronterie a détruit leur conduite.

9. Lorsqu’ils furent devenus effrontés, que la pudeur les eut quittés, que leur conduite fut détruite, qu’ils pratiquèrent n’importe quoi,

l’Indulgence, la Fortune et le Dharma les quittèrent sans tarder.

La Fortune alla vers les Dieux, et l’Infortune vers les Asuras, ô roi.

10. Envahis par l’infortune, leur esprit gâté par l'orgueil,

les Daityas et les Dānavas furent alors envahis par la discorde.

11. Les Dānavas, envahis par l’infortune ainsi que par la discorde,

dominés par l'orgueil, ô fils de Kuntī, privés de rites, ayant perdu l’esprit,

12. dominés par l’arrogance, furent sans tarder touchés par la destruction,

et, sans gloire, les Daityas finirent alors par disparaître entièrement.

13. Les Dieux, en revanche, allaient dans les océans, les rivières et les lacs,

pratiquant le Dharma, ainsi que dans les sanctuaires sacrés.

14. Par des ascèses, des sacrifices, des dons, des bénédictions, ô Pāṇḍava,

ils se débarrassèrent de tous les maux et atteignirent le bonheur.

15. Car ainsi, en faisant des dons, en accomplissant les rites en tous points,

les Éveillés allèrent aux lieux d'ablutions et atteignirent ainsi la plus haute prospérité.

16. De même, toi aussi, ô roi des rois, en te baignant avec tes frères dans les lieux d'ablutions,

tu connaîtras à nouveau la fortune : c’est là la voie éternelle.

17. Car c’est ainsi que le roi Nṛga, c’est ainsi que Śibi, le fils d'Uśīnara,

Bhagīratha, Vasumanas, Gaya, Pūru, Purūravas,

18. pratiquant constamment l’ascèse, en touchant l’eau,

allant aux lieux d'ablution, ont été rendus purs, et en allant voir les hommes au grand cœur ;

19. ils ont gagné une gloire sacrée et des richesses, ô Seigneur des peuples ;

ainsi toi aussi, ô roi des rois, tu gagneras une grande prospérité,

20. tout comme l’a fait Ikṣvāku avec ses fils, ses gens et ses parents,

ainsi que Mucukunda, Māndhātā et le roi Marutta,

21. qui ont obtenu une renommée sacrée, comme les Dieux l'ont fait par la puissance de l’ascèse,

et comme la totalité des sages divins : c’est ainsi que toi aussi tu la trouveras.

22. Mais les fils de Dhṛtarāṣṭra, asservis par leur orgueil et leur égarement,

sans tarder périront comme les Daityas, ça ne fait pas de doutes. »

 

 

3. 93. Début du pèlerinage. Forêt Naimiṣa, rivière Gomatī, Prayāga, Gayā. Lomaśa raconte le sacrifice de Gaya.

 

Livre III, chapitre 93

1. Vaiśampāyana dit :

« Ainsi les héros et leur compagnie, logeant çà et là,

arrivèrent peu à peu, ô roi, à la forêt de Naimiṣa.

2. Puis, aux lieux d'ablution sacrés de la rivière Gomatī, ô roi, les Pāṇḍava

ayant fait leurs ablutions, offrirent des vaches et de l’argent.

3. Là, après avoir satisfaisait les Dieux, les Ancêtres et les brahmanes par des oblations, encore et encore,

au Lieu d'ablutions de la Jeune Fille, au Lieu d'ablutions du Cheval et au Lieu d'ablutions des Vaches, les fils de Kuru,

4. les Pāṇḍava, après avoir séjourné à Vālakoṭi, sur le plateau du mont Vṛṣa,

firent tous leurs ablutions dans la rivière Bāhudā, ô roi.

5. C’est à Prayāga, sur le divin lieu de sacrifices des Dieux, ô roi de la terre,

qu’ils séjournèrent, après avoir baigné leurs corps, et ils se livrèrent à une extrême ascèse,

6. au confluent de la Gaṅgā et de la Yamunā, en accord avec la Vérité,

et, délivrés du mal, ces hommes au grand cœur donnèrent des richesses aux brahmanes.

7. Puis c’est à l'autel du Seigneur-des-créatures, fréquenté par une foule d’ascètes

que les fils de Pāṇḍu allèrent, ô roi, en compagnie des brahmanes, ô Bhārata.

8. Les héros demeuraient là, et ils se livrèrent à une extrême ascèse,

réjouissant constamment les deux-fois-nés avec des offrandes de produits de la forêt.

9. De là, ils allèrent vers la montagne vénérée par le connaisseur du Dharma,

le sage de sang royal, le saint Gaya, ô roi à l’éclat incomparable,

10. où se trouve le lac de la Tête-de-Gaya, ainsi que la sainte Mahānadī,

et un lieu d'ablutions fréquenté par les sages, très saint, le sublime Lac-de-Brahmā.

11. C'est là que le bienheureux Agastya a rejoint Vaivasvata

et c’est là que vécut le Dharma éternel lui-même, ô roi.

12. C'est l’endroit d'où jaillissent toutes les rivières, ô Seigneur des peuples,

et où le Dieu Suprême Porteur-du-trident est toujours présent.

13. Là, les héros Pāṇḍava offrirent alors les sacrifices saisonniers

selon le grand rite des sages, là où se trouve le grand Banian-Impérissable.

14. Les brahmanes ascétiques s'y rassemblèrent par centaines,

puis ils firent alors le sacrifice saisonnier selon le rite des sages.

15. Là, les brahmanes, constamment engagés dans leur savoir et leurs ascèses, connaissant à fond les Veda,

faisaient les récits sacrés des hommes au grand cœur, assis sur leurs sièges.

16. C'est là qu'un brahmane, plongé dans le savoir et les vœux, fidèle à son vœu de chasteté,

Śamaṭha, raconta, ô roi, l’histoire de Gaya, le fils d'Amūrtarayas.

17. « Le fils d'Amūrtarayas, Gaya, le meilleur des sages de sang royal,

entends de moi, ô Bhārata, ses saintes actions.

18. Son sacrifice ici avait beaucoup de nourriture, beaucoup d’aumônes,

il y avait là des montagnes de nourritures, ô roi, par centaines et par milliers,

19. des ruisseaux de beurre clarifié, et des rivières de lait caillé, nombreux, par centaines,

et des torrents de sauces très coûteuses, par milliers.

20. Jour après jour, de la nourriture était fournie à tous ceux qui le demandaient,

mais les brahmanes, ô roi, mangeaient une autre nourriture, bien purifiée.

21. Là, au moment de la distribution des aumônes, la clameur des prières monta au ciel,

et l’on ne pouvait rien discerner, sinon le bruit des prières, ô Bharata.

22. La terre, l'espace, le ciel et la voûte céleste, étaient remplis

de ce bruit saint qui se propageait, c'était aussi une grande merveille.

23. Là les hommes chantaient des chants, ô taureau des Bhārata,

rassasiés de nourriture et de boisson agréables, dans toutes les directions, brillamment :

24. « Quels êtres veulent aujourd’hui manger au sacrifice de Gaya ?

Où y a-t-il vingt-cinq montagnes de restes de nourriture ?

25. Aucun homme n'a fait auparavant, et aucun homme ne fera plus tard,

ce que Gaya, le sage divin d'une splendeur sans mesure, a fait lors de ce sacrifice.

26. Comment les Dieux, pleinement rassasiés d'offrandes par Gaya,

pourront-ils à nouveau recevoir d’autres choses données par d’autres ? »

27. Au sacrifice de cet homme au grand cœur, de très nombreuses chansons de ce genre

ont été chantées près de ce lac, ô fils de Kuru. »

 

 

3. 94. Suite du pèlerinage. Durjaya. Lomaśa raconte l’Histoire d’Agastya. L’Asura Ilvala a le pouvoir de ressusciter les morts : il transforme son jeune frère Vātāpi en chèvre, le donne à manger à des brahmanes, puis le rappelle à la vie, au grand dam du brahmane à qui il perce les flancs pour sortir. Agastya voit ses ancêtres suspendus la tête en bas dans une caverne. Ils lui réclament une descendance. Agastya ne trouve pas de femme digne de lui donner un enfant : il en fabrique alors une, en recueillant ce qui est le plus parfait chez différentes créatures, puis la confie au roi de Vidarbha en désir d’enfant. On l’appelle Lopāmudrā : elle grandit en beauté à la cour du roi. Son père ne trouve pas à la marier.

 

Livre III, chapitre 94

1. Vaiśampāyana dit :

« Puis, le roi, le fils de Kuntī, aux généreuses aumônes, partit,

et, arrivé à l'Ermitage d'Agastya, il resta à Durjayā.

2. Là, le roi, le meilleur des orateurs, interrogea Lomaśa :

« Pour quelle raison, du fait d’Agastya, Vātāpi s’est-il éteint ici ?

3. Et quel était le pouvoir de ce Daitya, ce tueur d'hommes ?

Qu’est-ce qui a-t-il soulevé la colère d’Agastya au grand cœur ? »

4. Lomaśa dit :

« Il y avait un Daitya du nom d’Ilvala, ô fils de Kuru,

qui vivait jadis dans la ville de Maṇimatī, et Vātāpi était son jeune frère.

5. Ce fils de Diti dit à un brahmane ascétique :

« Bienheureux, accorde-moi un fils égal à Indra ! »

6. Le brahmane ne lui donna pas un fils ressemblant à Vāsava,

et l'Asura entra dans une violente colère contre le brahmane.

7. Celui qui, parti dans le séjour de Vaivasvata, était invoqué par sa voix

revenait dans son corps et réapparaissait vivant.

8. Alors il transforma l'Asura Vātāpi en une chèvre bien préparée,

et, après l'avoir donnée à manger au brahmane, il le fit revenir en l’invoquant.

9. Perçant le flanc du brahmane, le grand Asura

Vātāpi  sortit de lui en riant, ô roi, Seigneur des peuples !

10. De cette façon, ô roi, en nourrissant les brahmanes encore et encore,

le Daitya les tuait, Ilvala avait l’esprit mauvais.

11. Et à cette époque aussi, le bienheureux Agastya

vit ses Ancêtres pendus au-dessus d’un trou, la tête en bas [28].

12. Il demanda aux Ancêtres pendus : « Que faites-vous là, Bienheureux ? »

« C’est à cause de notre descendance ! » lui répondirent ces interprêtes du Sacré.

13. Ils lui dirent : « Nous sommes tes propres ancêtres

et nous avons fini pendus dans cette grotte, parce que nous sommes en mal de descendance.

14. Si toi, Agastya, tu devais engendrer une descendance sublime,

ce serait pour nous la délivrance de cet enfer et toi, mon fils, tu atteindrais ta destinée. »

15. Cet homme de splendeur, qui ne songeait qu’à la Vérité et au Dharma, leur dit :

« J'accomplirai, ô mes Ancêtres, votre désir, et que la fièvre quitte votre esprit ! »

16. Réfléchissant à la perpétuation de sa progéniture, le bienheureux sage

ne vit aucune femme pareille à lui pour porter son enfant.

17. Puis sur telle ou telle créature il collecta tel ou tel membre inégalable

et avec ces mêmes membres il façonna une femme sublime.

18. Puis, comme le roi de Vidarbha était affligé par son désir d'avoir un enfant,

lorsqu'il l’eut façonnée, l’anachorète, le grand ascète, la lui donna pour lui-même.

19. Et c'est là qu'elle naquit, belle comme un éclair à multiples branches,

et elle grandit, resplendissante de beauté, avec un visage rayonnant.

20. Et, dès qu’il la vit à sa naissance, le roi de Vidarbha,

plein de joie, la présenta aux deux-fois-nés, ô Bhārata.

21. Tous les brahmanes lui souhaitèrent la bienvenue, ô souverain de la Terre,

les deux-fois-nés lui donnèrent le nom de Lopāmudrā.

22. Arborant une beauté sublime, ô Mahārāja, elle grandit

vite, comme un lotus dans les eaux, comme l’aigrette brillante du feu.

23. Quand elle atteignit l’adolescence, ô roi des rois, une centaine de jeunes filles bien parées

et une centaine d'esclaves soumises à ses volontés attendaient la belle demoiselle.

24. Entourée de ses cent esclaves et au milieu de ses cent jeunes filles,

la jeune fille était assise, rayonnante, comme dans le ciel l’étoile Rohiṇī [29], Seigneur.

25. Et même si elle avait atteint l’adolescence et parfaite dans ses manières et sa conduite,

aucun homme ne la demandait en mariage, par peur de l’homme au grand cœur.

26. Pourtant, la jeune fille au langage vrai, qui surpassait même en beauté les Apsaras,

contentait son père par ses manières ainsi que ses proches.

27. Voyant la princesse de Vidarbha, si accomplie, devenue une jeune femme, son père

réfléchit dans son esprit : « À qui puis-je donner ma fille ? »

 

 

3. 95. Agastya la réclame pour femme. Il l’épouse, et part avec elle dans la forêt mener une vie d’austérités, et elle s’y adapte parfaitement. Mais quand il veut avoir un enfant d’elle, elle demande que cela se fasse sur un lit confortable comme celui qu’elle avait autrefois et que, pour l’occasion, elle ait des bijoux précieux et qu’il porte guirlandes et ornements.

 

Livre III, chapitre 95

1. Lomaśa dit :

« Quand Agastya pensa qu'elle était capable de tenir une maison,

il alla vers le roi de Vidarbha et lui dit :

2. « Roi, mon esprit me pousse à m’établir, pour avoir un fils :

je te choisis, ô roi, accorde-moi Lopāmudrā ! »

3. Quand l’anachorète lui eut ainsi parlé, le roi fut désemparé,

incapable de refuser, mais ne désirant pas non plus l’accorder.

4. Le roi alla vers sa femme et lui dit :

« C'est là un grand sage puissant, en colère il pourrait me brûler avec le feu de sa malédiction !... »

5. Voyant le roi et sa femme aussi affligés,

Lopāmudrā alla vers eux à temps et leur dit cette parole :

6. « Ne va pas, ô roi, entrer dans un tourment à cause de moi !

Accorde-moi à Agastya, protège-toi grâce à moi, père. »

7. Sur ce que lui disait sa fille, c’est à Agastya au grand cœur que le roi

accorda alors Lopāmudrā, dans les règles, ô Seigneur des peuples.

8. S'étant trouvé une femme, Agastya dit à Lopāmudrā :

« Jette ces vêtements et ces ornements précieux ! »

9. Ils étaient beaux, coûteux et fins

ces vêtements, mais la jeune fille aux cuisses fuselées et aux grands yeux s’en débarrassa.

10. Alors elle prit des vêtements faits de feuilles, d’écorce et de peaux d’antilope,

et la femme aux yeux longs adopta les vœux et le mode de vie de son mari.

11. Le bienheureux, le meilleur des sages se rendit à la Porte-de-la-Gaṅgā,

et il s’adonna à une terrible ascèse en compagnie de sa docile épouse.

12. Alors, avec amour et un grand respect, elle servit son mari,

et le seigneur Agastya trouvait la plus grande satisfaction en sa femme.

13. Puis, après un long temps, ô Seigneur des peuples, le bienheureux sage

regarda Lopāmudrā qui, rayonnante dans son ascèse, se baignait.

14. Comme sa façon de le servir, et sa pureté, et sa discipline,

et sa beauté le satisfaisaient, il invita sa femme à copuler avec lui.

15. Les mains jointes, toute rougissante, la jeune femme rayonnante

dit au bienheureux cette parole empreinte d'amour :

16. « Sans aucun doute un mari acquiert une femme pour avoir des enfants,

mais le plaisir que je te donne, daigne, ô sage, me le donner.

17. Daigne coucher avec moi, ô brahmane, sur un lit aussi beau

que celui que j’avais dans la maison de mon père, sur une terrasse.

18. Je voudrais que, portant une guirlande et paré d'ornements,

tu t’approches de moi comme je le désire, tandis que je serais parée de bijoux divins. »

19. Agastya dit :

« Mais, Lopāmudrā, on ne trouve pas chez moi des richesses telles

que celles qu'on trouve, ma jolie, chez ton père, femme à la taille fine !... »

20. Lopāmudrā dit :

« Tu as le pouvoir, avec ton ascèse de réunir ici, ô Seigneur, en un instant,

tout ce qu'il y a de richesse dans le monde des vivants ! »

21. Agastya dit :

« Faire comme tu l’as dit, ce serait gaspiller mon ascèse :

ordonne-moi de façon à ce que mon ascèse ne se perde pas ! »

22. Lopāmudrā dit :

« Il me reste peu de temps de ma période de fécondité, ô ascète,

et je ne veux pas coucher avec toi autrement, pas question !

23. Je ne veux pas non plus t’arracher ton Dharma, ô ascète,

mais tâche d’accomplir cela selon mon désir. »

24. Agastya dit :

« Si c’est là ton désir, ma jolie, si ton esprit l’a décidé,

eh bien, j'y vais, ma chère : reste ici à faire ce que tu veux ! »

 

 

3. 96. Agastya va trouver successivement trois rois, pour leur demander une part de richesse : mais, après avoir examiné leurs comptes, il trouve les dépenses égales aux recettes et juge que s’il prend quelque chose, ce serait au détriment du peuple. On lui conseille d’aller trouver Ilvala qui est très riche.

 

Livre III, chapitre 96

1. Lomaśa dit :

« Sur ce, ô fils de Kuru, Agastya alla mendier de l’argent

auprès du roi Śrutarvan, qu'il savait plus riche que les autres rois.

2. Lorsque le roi en eut connaissance, il s’approcha du sage né dans une cruche,

il l’accueillit, avec ses conseillers, à la frontière de son royaume avec de grands honneurs.

3. Après avoir apporté l’eau d’hommage selon la règle, le roi

joignit pieusement ses mains et lui demanda humblement le but de sa venue.

4. Agastya dit :

« Sache que je suis venu chercher fortune, ô roi :

dans la mesure du possible, donne-m’en une part, sans que cela lèse les autres. »

5. Lomaśa dit :

« Le roi lui indiqua la totalité de ses revenus et de ses dépenses :

« Maintenant que tu sais, prends ce que tu penses être de la richesse ! »

6. Voyant que les revenus et les dépenses étaient égaux, le deux-fois-né à l'esprit équitable

estima que toute prise serait une souffrance pour les gens.

7. Il emmena Śrutarvan avec lui et se rendit chez Vadhryaśva ;

celui-ci les reçut tous deux à la frontière de son royaume, comme il convient.

8. Vadhryaśva leur offrit l’eau d’hommage et celle pour les pieds,

et, après leur en avoir demandé la permission, il les interrogea sur le but de leur venue.

9. Agastya dit :

« Sache que nous sommes venus ici tous deux parce que nous voulons de l’argent, ô roi,

dans la mesure du possible, donne-nous en une part, sans que cela lèse les autres. »

10. Lomaśa dit :

« Le roi leur indiqua la totalité de ses revenus et de ses dépenses 

« Maintenant que vous savez, prenez ce qui reste. »

11. Voyant que les revenus et les dépenses étaient égaux, le deux-fois-né à l'esprit équitable

estima que toute prise serait une souffrance pour les gens.

12. Ils allèrent alors chez le riche Trasadasyu, le fils de Purukutsa,

Agastya, Śrutarvan et le roi Vadhryaśva.

13. Et Trasadasyu les reçut tous comme il convient,

ô Mahārāja, à la frontière de son royaume, où il était venu sur sa monture.

14. Cet excellent roi, descendant d'Ikṣvāku, les honora selon la règle,

et quand ils se furent reposés, il les interrogea sur le but de leur venue.

15. Agastya dit :

« Sache que nous sommes venus ici parce que nous voulons de l’argent, ô roi,

dans la mesure du possible, donne-nous en une part, sans que cela lèse les autres. »

16. Lomaśa dit :

« Le roi leur indiqua la totalité de ses revenus et de ses dépenses :

« Maintenant que vous savez, prenez ce qui reste. »

17. Voyant que les revenus et les dépenses étaient égaux, le deux-fois-né à l'esprit équitable

estima que toute prise serait une souffrance pour les gens.

18. Alors tous ces rois, après s’être rassemblés, dirent ceci

au grand anachorète, ô Mahārāja, en se regardant l’un l’autre :

19. « Il y a bien sur la Terre ce Dānava, ô brahmane, le riche Ilvala :

allons tous vers lui maintenant, et demandons-lui de l’argent ! »

20. Ils pensèrent tous alors qu'il serait bon d'aller mendier auprès d'Ilvala ;

et ensemble, ô roi, ils se précipitèrent donc chez Ilvala. »

 

 

3. 97. Agastya va trouver Ilvala. Ilvala lui donne à manger son jeune frère. Agastya le digère, et Ilvala ne peut le faire revenir à la vie. Agastya réclame une part de richesse. Ilvala la donnera si Agastya devine ce qu’il a l’intention de donner. C’est bien sūr jeu d’enfant pour Agastya, qui repart avec tout ce qu’il lui faut. Il propose à Lopāmudrā d’enfanter, soit mille fils, soit cent qui en valent dix chacun, soit dix qui en valent cent chacun, soit un qui en vaut mille. Elle choisit un seul fils. Et, après sept années, naît Dṛḍhasyu.

 

Livre III, chapitre 97

1. Lomaśa dit :

« Quand il sut que les rois étaient accompagnés par le grand sage

et qu’ils étaient arrivés à la frontière de son royaume, Ilvala, accompagné de ses conseillers, alla leur rendre hommage.

2. Puis l'éminent Asura leur offrit alors l'hospitalité

en leur cuisinant donc, ô fils de Kuru, son frère Vātāpi.

3. Alors tous les sages de sang royal furent abattus et défaillirent

lorsqu'ils virent le grand Asura Vātāpi cuisiné comme du mouton.

4. Alors Agastya, le meilleur des sages, dit aux sages de sang royal :

« Ne soyez pas pris de dégoût, je vais manger le grand Asura ! »

5. Le grand anachorète prit la meilleure place et s'assit.

Et Ilvala, le seigneur des Daityas, le servit en éclatant de rire.

6. Agastya mangea alors Vātāpi en entier,

et quand il eut fini de manger, l'Asura Ilvala lui adressa alors une invocation.

7. Alors un vent [30] sortit d’Agastya au grand cœur,

et Ilvala fut abattu quand il vit que le grand Asura avait été digéré.

8. Les mains jointes, avec ses conseillers, il lui dit cette parole :

« Pourquoi êtes-vous venus ? Parlez, que puis-je faire pour vous ? »

9. En éclatant de rire, Agastya répondit alors à Ilvala :

« Tu es un Seigneur, ô Asura, nous le savons tous, et un Seigneur des Trésors.

10. Et ces gens ne sont pas très riches, et j'ai un grand besoin de richesse.

Dans la mesure du possible, donne-nous en une part, sans que cela lèse les autres. »

11. Alors, en saluant le sage, Ilvala lui dit cette parole :

« Si tu sais quelle richesse je suis prêt à donner, je te la donnerai. »

12. Agastya dit :

« Tu es prêt à donner aux rois dix mille vaches chacun, ô Asura,

et autant d'or, ô grand Asura.

13. Et à moi, c’est le double, ainsi qu'un char fait d'or,

et deux chevaux aussi rapides que la pensée que tu es prêt à donner, ô grand Asura :

qu’on inspecte immédiatement le char : il est manifestement en or. »

14. Lomaśa dit :

« Il fut établi que le char, ô fils de Kuntī, était fait d'or,

et, ébranlé, le Daitya donna des richesses supérieures.

15. Et les chevaux Vivāja et Suvāja furent attelés au char.

Tous deux  transportèrent rapidement ces richesses à l’ermitage d’Agastya,

ainsi que tous les rois avec Agastya en un clin d’œil, ô Bhārata.

16. Après avoir pris congé d’Agastya, les sages de sang royal partirent :

l'anachorète avait fait tout ce que Lopāmudrā voulait qu’il fasse.

17. Lopāmudrā dit :

« Tu as fait là, Seigneur, tout ce que je désirais.

Engendre-moi immédiatement un enfant qui soit le plus puissant ! »

18. Agastya dit :

« Je suis content de ta conduite, femme belle et rayonnante,

mais j’ai une hésitation concernant l’enfant ; je vais te la dire, écoute.

19. Aie un millier de fils, ou une centaine, chacun en valant dix,

ou dix, chacun équivalant à cent, ou bien encore un seul en valant mille. »

20. Lopāmudrā dit :

« Que j’aie un seul fils en valant mille, ô ascète,

car un fils sage et vertueux vaut mieux que plusieurs sans vertu ! »

21. Lomaśa dit :

« Qu’il en soit ainsi » promit l'anachorète, et il s’unit

au moment opportun à elle qui avait le même caractère, en homme plein de foi avec une femme pleine de foi.

22. Puis, après avoir déposé l’embryon, il partit dans la forêt.

Pendant qu'il vivait dans la forêt, l'embryon grandit pendant sept automnes.

23. Et lorsque la septième saison des pluies fut revenue, un grand chantre inspiré sortit,

flamboyant de puissance, du nom de Dṛḍhasyu, ô Bhārata,

récitant les Veda avec leurs annexes et les Upaniṣads, très glorieux.

24. Ce grand et splendide sage devint le fils de ce sage.

Enfant, ce fils splendide dans la maison de son père

apporta une charge de bois pour le sacrifice, et il devint ainsi Idhmavāha [31].

25. En voyant son fils ainsi doté, l’anachorète se réjouit ;

et ses Ancêtres atteignirent les mondes qu'ils désiraient, ô roi.

26. C'est le célèbre ermitage d'Agastya, qui fleurit en toutes saisons,

et c'est ainsi que Vātāpi, fils de Prahrāda, fut tué par Agastya.

27. Voici son charmant ermitage, ô roi, plein de vertus ;

et voici la sainte Bhāgīrathī, dans laquelle tu devrais te baigner à ton gré.

 

 

 3. 98. Au début des temps, les Kāleya conduits par Vṛtra attaquent les Dieux. Ceux-ci vont demander l’aide de Brahmā : qu’Indra se fasse un foudre avec les os de l’ascète Dadhīca. Les Dieux vont trouver Dadhīca qui leur donne ses os de bon cœur. Tvastṛ fabrique le foudre.

 

Livre III, chapitre 98

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Je souhaite, sur les exploits de ce célèbre grand sage

Agastya, entendre un exposé plus longuement détaillé, ô le meilleur des deux-fois-nés. »

2. Lomaśa dit :

« Alors écoute, ô roi, la geste divine, merveilleuse, surhumaine

d'Agastya, ô Mahārāja, et le pouvoir de ce sage à l’esprit sans limite.

3. Il y avait à l’Âge d’Or d’épouvantables Dānavas, ivres de combats,

connus sous le nom de Kāleyās, des bandes extrêmement dangereuses.

4. S’appuyant sur Vṛtra, brandissant toutes sortes d’armes,

ils poursuivaient de toutes parts les Dieux dirigés par le grand Indra.

5. Alors les Trente Dieux s’efforcèrent jadis de tuer Vṛtra,

et, plaçant à leur tête le Destructeur-de-remparts, ils s'approchèrent de Brahmā.

6. Tous avaient les mains jointes, et Celui-qui-est-tout-en-haut leur dit :

« Je sais parfaitement, ô Dieux, la tâche que vous voulez entreprendre.

7. Je vais vous dire par quel moyen vous tuerez Vṛtra.

Il existe un grand sage, connu sous le nom de Dadhīca, aux pensées profondes.

8. Allez tous ensemble vers lui et demandez-lui une faveur.

Ce sage au cœur loyal vous l'accordera avec une très grande joie au cœur.

9. Vous tous réunis qui désirez la victoire, Seigneurs, vous devez lui dire :

« Donne tes propres os dans l’intérêt des trois mondes ! »

Abandonnant son corps, il vous donnera ses os.

10. Avec ses os, assemblez un foudre vraiment épouvantable, dur,

grand, tueur d’ennemis, acéré, à six pointes, au bruit terrifiant.

11. Avec ce foudre, le Dieu aux Cent Sacrifices tuera Vṛtra.

Tout vous a été dit, alors exécutez-le vite. »

12. Lorsqu’il leur eut ainsi parlé, les Dieux prirent congé de l’Aïeul,

et, plaçant Nãräyana à leur tête, ils se rendirent à l'ermitage de Dadhica,

13. sur l'autre rive de la Sarasvatī, entouré de toutes sortes d'arbres et de lianes,

résonnant des bourdonnements des chants d’abeilles, pareils aux chanteurs d’hymnes védiques,

mêlant les sons des coucous mâles et résonnant des cris des perdrix.

14. Et des buffles, des sangliers, des gazelles et des yacks blancs aussi

passaient à côté, çà et là, débarrassés de la crainte du tigre.

15. Avec leurs femelles, des éléphants, dont les tempes fendues commençaient à sécréter de la frontaline,

se baignaient en s’amusant dans l’étang qu’ils remplissaient partout de bruit.

16. Il était rempli de lions et de tigres qui poussaient de grands rugissements

et d'autres animaux cachés qui vivaient dans les grottes et leurs tanières.

17. Ils arrivèrent à cet ermitage de Dadhīca, orné de places en places,

un vrai charme pour l’esprit, semblable au Paradis d’Indra.

18. Là ils virent Dadhīca, avec un rayonnement pareil à celui de l’Auteur du jour,

flamboyant de beauté, comme l’Aïeul dans sa splendeur.

19. Les Dieux, ô roi, s'inclinèrent respectueusement et saluèrent ses pieds,

et ils implorèrent tous la faveur, comme Celui-qui-est-tout-en-haut le leur avait dit.

20.      Sur ce, Dadhīca, au comble de la joie,

cria ceci aux Dieux éminents :

« J'agirai aujourd'hui, ô Dieux, dans votre intérêt,

et j’abandonne même mon propre corps ! »

21.      Ayant ainsi parlé, le meilleur des bipèdes,

maître de soi, abandonna immédiatement ses souffles vitaux.

Et alors qu'il gisait mort, les Dieux s’emparèrent

de ses os selon les instructions qu’ils avaient reçues.

22.      La mine réjouie à l’idée de leur victoire,

ils allèrent vers Tvaṣṭā et lui parlèrent de l’affaire ;

après avoir entendu leur parole, Tvaṣṭā,

la mine réjouie, s’appliqua pieusement.

23.      Il façonna un foudre puissant, d’aspect redoutable,

et après l'avoir fait, content, il dit à Śakra :

« Avec cet excellent foudre, ô Dieux,

Réduisez en cendres le redoutable ennemi des Dieux !

24.      Puis, une fois l’ennemi tué, avec tes troupes, tranquillement,

règne sur tout le troisième ciel, debout dans le ciel ! »

Et sur cette parole de Tvaṣṭā, le Destructeur-de-remparts,

joyeux, se saisit pieusement du foudre.

 

 

3. 99. Combat entre les Kāleya et les Dieux. Indra reçoit la force de Viṣṇu et des autres Dieux. Il tue Vṛtra. Les démons fuient dans l’océan. Ils décident de s’attaquer aux ascètes.

 

Livre III, chapitre 99

1. Lomaśa dit :

« Puis le Porteur-du-Foudre, protégé par les puissantes divinités,

attaqua Vṛtra, qui continuait à couvrir le ciel et la terre,

2. gardé de toutes parts par les gigantesques Kālakeyas

qui brandissaient leurs armes comme des montagnes avec leurs pics.

3. Alors une bataille commença entre les Dieux et les Dānavas

en un moment, ô le meilleur des Bhārata, grande, faisant trembler la Terre.

4. Tandis que leurs bras héroïques brandissaient et croisaient leurs épées,

le vacarme devint très tumultueux, tandis qu’elles s’abattaient sur les corps,

5. et que les têtes tombaient du ciel sur la terre,

ressemblant, ô roi, à des noix de rônier tombées de leur tige.

6. Revêtus de cuirasses d’or, armés de massues de fer, les Kāleyās

se précipitèrent contre les Trente Dieux comme des montagnes brûlées par un incendie.

7. Ils se précipitaient en groupes impétueux, et leur impétuosité,

les Trente Dieux furent incapables d’y résister : ils s’enfuirent, brisés par la peur.

8. En les voyant s’enfuir effrayés, le Destructeur-de-remparts aux Mille Yeux,

tandis que Vṛtra continuait de grandir, entra dans une grande consternation.

9. Voyant que Śakra était entré dans la consternation, l'éternel Viṣṇu

plaça en lui sa propre splendeur, augmentant ainsi sa puissance.

10. Lorsque les troupes des Dieux virent Śakra fortifié par Viṣṇu,

elles placèrent chacune en lui leur propre splendeur, tout comme les sages brahmanes immaculés.

11. Śakra, bien fortifié par Viṣṇu, de même que par les divinités

et les sages éminents, devint puissant.

12.      Voyant que le roi des Trente Dieux avait recouvré sa force,

Vṛtra poussa de grands rugissements,

et son cri fit que la Terre, les points cardinaux,

l’éther, le ciel et les montagnes aussi, tout trembla.

13.      Alors le grand Indra fut extrêmement tourmenté

d’entendre ce grand et épouvantable hurlement,

et, submergé par la peur, il lança vite

son grand foudre pour le tuer, ô roi.

14.      Frappé par le foudre de Śakra, il tomba,

le grand Asura, portant son collier d’or,

comme jadis la grande, l’immense montagne,

le Mandara, lâché par la main de Viṣṇu.

15.      Une fois l'éminent Daitya tué, frappé de terreur

Śakra se précipita dans un lac pour s’y plonger :

il ne pensait pas que sa main avait lâché le foudre,

et dans sa peur il ne pensait pas non plus avoir tué Vṛtra.

16.      Et tous les Dieux étaient contents, au comble de la joie,

et les grands sages firent l’éloge d’Indra ;

se regroupant en hâte, les Dieux tuèrent

tous les Daityas tourmentés par la mort de Vṛtra.

17.      Comme ils étaient alors en train d’être tués par les Trente Dieux,

ils entrèrent dans l'Océan, frappés de terreur,

plongeant dans la mer immense,

pleine de gros poissons, toute pleine de perles.

18.      Une fois réunis, ils firent une délibération

pour détruire les trois mondes, en ricanant ;

certains là-bas savaient très bien ce qu’ils avaient en tête,

exposant tel ou tel stratagème.

19.      Et là, au fil du temps,

il leur vint, en réfléchissant, un épouvantable projet :

« Ceux qui ont la sagesse et pratiquent l’ascèse,

c’est ceux-là en premier qu’il faut détruire !

20.      Car tous les mondes sont soutenus par l’ascèse,

alors dépêchez-vous de détruire les ascèses,

car quels que soient les ascètes qui sont sur la Terre,

ils pratiquent l’ascèse, ils connaissent le Dharma et sont savants,

il faut les massacrer au plus vite ;

quand ils auront disparu, le monde aura disparu ! »

21.      Ils s’accordèrent tous sur ce projet,

au comble de la joie, de détruire le monde,

comptant sur la place forte bornée par les grandes vagues,

l’Océan plein de perles, le royaume de Varuṇa.

 

 

3. 100. Les démons sortent de l’océan toutes les nuits pour tuer les ermites et les brahmanes. Les sacrifices ne sont plus assurés et les Dieux dépérissent. Ils vont trouver Viṣṇu et lui demandent sa protection.

 

Livre III, chapitre 100

1. Lomaśa dit :

« Lorsqu'ils eurent trouvé refuge dans l'Océan, le réceptacle des eaux de Varuṇa,

les Kāleyās se préparèrent à la destruction des trois mondes.

2. La nuit, pleins de colère, ils dévoraient tout le temps des anachorètes

qui étaient dans des ermitages ou des sanctuaires sacrés.     

3. Dans l'ermitage de Vasiṣṭha, des brahmanes avaient été dévorés par ces scélérats,

cent quatre-vingt-huit, et neuf autres ascètes.

4. Ils se rendirent au saint ermitage de Cyavana, fréquenté par les deux-fois-nés,

des anachorètes qui se nourrissaient de fruits et de racines, et ils en mangèrent cent.

5. C'est ainsi que la nuit ils agissaient, ils vivaient dans la mer houleuse pendant le jour ;

à l'Ermitage de Bharadvāja, vingt jeunes brahmanes disciplinés,

qui se nourrissaient de vent et d'eau, furent abattus.

6. De cette façon, les Dānavas parcouraient tous les ermitages

pendant la nuit, en tous sens, enivrés par la confiance qu’ils avaient dans la force de leurs bras,

et les Kāleyās, ces envoyés de la Mort, tuaient de nombreuses troupes de deux-fois-nés.

7. Les humains n’avaient pas connaissance, ô le meilleur des hommes,

de ce que les Daityas faisaient aux malheureux ascètes.

8. Au matin, ils retrouvaient, amaigris par le jeûne,

les anachorètes gisant sur le sol dans des corps sans vie.

9. Des cadavres sans chair, exsangues, privé de moelle et d'intestins, désarticulés,

remplissaient la Terre, disséminés comme des tas de coquilles.

10. Des coupes jetées çà et là, des cuillères d'offrandes brisées,

des oblations à Agni éparpillées recouvraient la Terre.

11. Le monde était privé de récitations du Veda et de l'invocation vaṣaṭ, privé de la pratique des festivals et des sacrifices,

privé d’énergie, sous la peur des Kāleyās qui l’oppressait.

12. Et dépérissant ainsi, ô Seigneur des hommes, les hommes,

occupés à se défendre, effrayés, couraient de peur dans toutes les directions.

13. Certains allaient dans des grottes, d'autres se réfugiaient derrière des cascades,

d'autres par crainte de la mort mouraient de peur.

14. Il y avait aussi des héros maîtres archers, d’un orgueil extrême,

qui faisaient tout leur possible contre les Dānavas.

15. Mais ils ne les trouvèrent pas, car ils s’étaient réfugiés dans l'Océan ;

et ils aboutirent à un total épuisement et trouvèrent la mort.

16. Comme le monde était près de disparaître et qu’il était privé de la pratique des festivals et des sacrifices,

les Trente Dieux entrèrent dans une grande peine, ô Seigneur des hommes.

17. Ils se réunirent avec le grand Indra et, effrayés, ils tinrent conseil,

rendant hommage à Nārāyaṇa, l'Immanent, l’Invincible.

18. Les Dieux assemblés parlèrent alors au Destructeur-de-Madhu :

« Tu es pour nous et le Créateur, le Protecteur et le Maître du monde, ô Seigneur !

C’est par Toi qu’a été créé tout cela, et tout ce qui bouge, et tout ce qui ne bouge pas.

19. C’est toi, ô Dieu aux yeux de lotus, qui jadis a sauvé la Terre, alors qu’elle était perdue,

de l’Océan, en prenant la forme d'un sanglier, pour le bien de l’univers.

20. Le très puissant et antique Daitya Hiraṇyakaśipu

a été détruit par toi, ô Être suprême, quand tu as pris la forme d'un homme-lion.

21. Le grand Asura Bali aussi, qui était invulnérable à tous les êtres,

tu l’as chassé des trois mondes en prenant la forme d'un nain [32].

22. L’Asura, maître archer, connu sous le nom de Jambha,

qui semait cruellement le trouble dans les sacrifices, tu as causé sa chute.

23. Avec de tels exploits dont on ne connaît pas la somme,

tu es notre dernier recours, ô Destructeur-de-Madhu, nous qui sommes opprimés par la peur !

24. C'est pourquoi, ô Dieu, Seigneur des Dieux, nous t’informons de cela pour le bien du monde :

protège et les mondes, et les Dieux et Śakra de ce grand danger ! »

 

 

3. 101. Viṣṇu leur conseille de détruire l’océan, où les Kāleya trouvent refuge. Les Dieux vont trouver Agastya. Rappel des hauts faits d’Agastya.

 

Livre III, chapitre 101

1. Les Dieux dirent :

« C'est grâce aux offrandes de ce monde que les quatre classes de toutes les créatures se maintiennent ;

celles-ci par leur existence font exister les habitants du ciel avec leurs oblations aux Dieux et aux Ancêtres.

2. Car ainsi les mondes se maintiennent en s’appuyant les uns sur les autres ;

et c'est par ta grâce qu’ils ne sont pas perturbés, c’est grâce à toi qu’ils sont protégés.

3. Aujourd’hui, ce suprême danger atteint les mondes,

et nous ne savons pas par qui pendant la nuit sont tués les brahmanes.

4. Quand les brahmanes auront été détruits, la Terre ira à sa perte ;

Quand la Terre aura été détruite, le troisième ciel ira à sa perte.

5. Que par ta grâce, ô Seigneur de l'univers aux bras puissants, tous les mondes

n’aillent pas à leur perte, protégés par toi ! »

6. Viṣṇu dit :

« La raison de la perte des créatures, ô Dieux, m’est entièrement connue,

et je vous la dirai aussi, Seigneurs ; écoutez, débarrassés de la fièvre de la douleur.

7. Connues sous le nom de Kāleyās, il y a des bandes extrêmement dangereuses,

ils s’appuient sur Vṛtra pour opprimer l'univers entier.

8. En voyant Vṛtra tué par le sage Dieu aux Mille Yeux,

ils ont protégé leur vie en pénétrant dans le domaine de Varuṇa.

9. Ils ont pénétré dans l'Océan épouvantable, grouillant de crocodiles et de monstres,

et, pour détruire les mondes, la nuit ils tuent des anachorètes ici-bas.

10. Mais ils ne peuvent pas être tués, car ils sont partis se réfugier dans l'Océan.

Vous devez concentrer votre pensée, Seigneurs, sur la destruction de l’Océan,

et, à part Agastya, qui d’autre est capable d’assécher la mer houleuse ? »

11. Lomaśa dit :

« Après avoir entendu la déclaration que Viṣṇu leur avait adressée, les Dieux

prirent congé de Celui-qui-est-tout-en-haut et se rendirent à l'ermitage d'Agastya.

12. Là, ils trouvèrent le fils au grand cœur de Varuṇa, flamboyant de splendeur,

honoré par les sages assis autour de lui, comme l’Aïeul l'est par les Dieux.

13. Ils s’approchèrent du fils impérissable et au grand cœur de Mitrāvaruṇa,

qui se tenait devant son ermitage, avec sa masse d’ascèses, et ils le célébrèrent pour ses actes.

14. Les Dieux dirent :

« Quand, autrefois les mondes étaient tourmentés par Nahuṣa, tu as été leur refuge

et, pour le bien du monde, cette écharde dans le monde a été privée de la souveraineté sur les Dieux.

15. En colère contre le Soleil, le Vindhya, la meilleure des montagnes, soudainement

a commencé à croître, mais il n’a pas transgressé tes ordres et la montagne a cessé de croître.

16. Lorsque le monde était couvert de ténèbres et que les créatures étaient accablées par la mort,

elles sont venues vers toi, leur protecteur, et ont atteint une sérénité totale.

17. Lorsque nous avons peur du danger, toi, Seigneur béni, tu es éternellement notre refuge.

C'est pourquoi dans notre détresse nous te demandons une faveur, car tu es un dispensateur de faveurs ! »

 

 

 3. 102. Comment Agastya a empêché le mont Vindhya de continuer à grandir. Les Dieux demandent à Agastya de boire l’océan. Agastya se rend avec eux au bord de l’océan.

 

Livre III, chapitre 102

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Pourquoi soudainement le Vindhya a-t-il commencé à croître, crispé par la colère ?

Je souhaite entendre cela en détails, ô grand anachorète. »

2. Lomaśa dit :

« Le roi des montagnes, le grand mont Meru, le sommet d’or,

était contourné par le Soleil, à son lever et à son coucher, rituellement par la gauche.

3. En voyant cela, le Mont Vindhya dit au Soleil :

« De la même manière, Seigneur, que tu contournes constamment le Meru

et que tu le fais rituellement par la gauche, fais de même pour moi, ô Lumineux ! »

4. A ces mots, le Soleil répondit au Seigneur des montagnes :

« Ce n'est pas de mon propre gré, ô montagne, que je fais ce tour rituel par la gauche :

c'est là le chemin qui m'a été assigné par Celui qui a créé le monde. »

5. A ces mots, sur le coup de la colère, la montagne commença soudainement à grandir,

désirant obstruer le chemin du Soleil et de la Lune, ô tourmenteur de tes ennemis.

6.         Alors tous les Dieux se rassemblèrent

et avec Indra s’approchèrent du grand roi des montagnes.

Ils essayèrent par tous les moyens de l’écarter,

mais il refusa de faire ce qu'ils lui disaient.

7.         Alors ils se rendirent à l’ermitage de l’anachorète

ascétique, l’éminent connaisseur du Dharma,

Agastya, qui flamboyait d’une puissance tout à fait prodigieuse.

et ensemble les Dieux lui parlèrent de l’affaire.

8. Les Dieux dirent :

« Le chemin du Soleil et de la Lune et la route des étoiles

sont obstrués par Vindhya, ce roi des montagnes, en proie à sa colère.

9. Personne d’autre ne peut l’écarter, ô le meilleur des deux-fois-nés,

à part toi, ô Bienheureux ! Écarte-le ! »

10. Lomaśa dit :

« Lorsque le brahmane entendit les paroles des Dieux, il se dirigea vers la montagne.

Il alla vers Vindhya et, s’étant approché avec sa femme, il lui dit :

11. « Je désire, Seigneur, que tu me donnes le passage, ô la meilleure des montagnes,

je pars en direction du Sud pour quelque affaire.

12. Attends jusqu’au moment de mon retour ;

et quand je serai revenu, ô roi des montagnes, grandis à ton gré ! »

13. Ayant ainsi conclu un accord avec Vindhya, ô tourmenteur de tes ennemis,

le fils de Varuṇa, jusqu'à aujourd'hui, n'est pas revenu du Sud.

14. Je t’ai entièrement raconté comment le Vindhya ne grandit pas,

à cause de la puissance d’Agastya, puisque tu me le demandes.

15. Maintenant, comment, ô roi, les Kāleyās furent anéantis par tous les Dieux,

après avoir reçu la faveur d'Agastya, je vais te le dire, écoute.

16. Après avoir entendu la prière des Trente Dieux, le fils de Mitrāvaruṇa dit :

« Pourquoi êtes-vous venus, pourquoi voulez-vous une faveur de ma part ? »

A ces mots, les Dieux répondirent à l’anachorète :

17.      « Nous désirons que par toi, ô grand anachorète, soit

bu le grand Océan, ô sage au grand cœur.

Alors nous tuerons, eux et leurs descendants,

ceux qu’on nomme les Kāleyās, ces ennemis des Dieux ! »

18. Après avoir entendu la prière des Trente Dieux, l’anachorète dit « D’accord !

Je réaliserai votre souhait, Seigneurs, et un grand bonheur pour les mondes. »

19. Après avoir ainsi parlé, le très vertueux alla vers l’Océan, le Seigneur des rivières,

en compagnie de sages ayant atteint la perfection de l’ascèse et des Dieux.

20. Des hommes, des serpents, des Gandharvas, des Yakṣas et des Chimères

suivirent le sage au grand cœur, souhaitant voir ce prodige.

21. Puis, ils allèrent ensemble vers l’Océan au bruit terrible,

qui semblait danser avec ses vagues et bondir avec le vent,

22. rire avec ses masses d'écume et trébucher dans ses cavernes,

grouillant de toutes sortes de crocodiles, avec une multitude d’oiseaux de toutes sortes.

23. En compagnie d’Agastya, les Dieux avec les Gandharvas, les grands serpents

et les sages bienheureux s’approchèrent de la grande mer.

 

 

 3. 103. Agastya boit l’océan et le met à sec. Les Dieux exterminent les Kāleya, puis demandent à Agastya de restituer l’océan. Agastya répond qu’il l’a déjà digéré : qu’ils trouvent un autre moyen de le remplir. Les Dieux vont trouver Brahmā.

 

Livre III, chapitre 103

1. Lomaśa dit :

« Lorsqu'ils furent arrivés à l'Océan, le fils de Varuṇa, le bienheureux sage,

dit aux Dieux réunis et aux sages réunis :

2. « Moi, pour le bien-être du monde, je vais boire la demeure de Varuṇa.

Vous, Seigneurs, ce que vous avez à faire, préparez-vous vite à le faire ! »

3. Après avoir dit ces mots, le fils impérissable de Mitrāvaruṇa

but l'Océan avec colère, sous les yeux du monde entier.

4. Quand ils virent l’Océan bu, les Dieux et Vāsava

furent pris d’une extrême stupeur et ils lui rendirent hommage avec des louanges :

5. « Tu es notre Sauveur, le Dispensateur des mondes, le Créateur des mondes,

c'est par ta grâce que l'univers et les Immortels ne connaîtront pas l’extermination !

6.         Tandis que le sage au grand cœur était honoré par les Trente Dieux,

et que les trompettes des Gandharvas résonnaient de tous côtés

et que des fleurs divines étaient répandues sur lui,

il vidait de son eau la grande mer.

7.         Lorsqu’ils virent la grande mer vidée de son eau,

tous les Dieux ensemble furent au comble de la joie.

Ils prirent les excellentes armes divines

et, pleins d’entrain, ils tuèrent les Dānavas.

8.         Ils furent exterminés par les Trente Dieux au grand cœur,

très puissants, impétueux, dans un grand bruit ;

ils ne pouvaient pas soutenir l’impétuosité

des impétueux Dieux du ciel au grand cœur.

9. Les Dānavas étaient massacrés par les Trente Dieux, dans un bruit effrayant,

et ils livrèrent un combat tumultueux pendant un moment, ô Bhārata.

10. Ils avaient déjà été brûlés par les anachorètes aux âmes parfaites grâce à leur ascèse,

ils avaient résisté comme ils pouvaient auparavant, et ils étaient massacrés par les Trente Dieux.

11. Avec leurs ornements de plaques d'or, les bracelets et les boucles d’oreilles qu’ils portaient,

bien que tués, ils étaient tout brillants, comme des kiṃśukas en fleurs.

12. Certains des Kāleyās avaient survécu, ô le meilleur des hommes,

et ils fendirent la divine Terre nourricière, et se réfugièrent au fond du septième enfer souterrain.

13. Voyant les Dānavas tués, les Trente Dieux glorifièrent

ce taureau parmi les anachorètes avec diverses louanges, et ils lui dirent ces mots :

14. « C'est par ta grâce, ô Bienheureux, que les mondes ont atteint un grand bonheur,

et c’est par ton éclat que les Kāleyās à la vaillance cruelle ont été abattus.

15. Maintenant remplis, ô sage au grand bras, l'Océan, ô Créateur des mondes,

rejettes-y à nouveau l’eau que tu as bue ! »

16. A ces mots, le Bienheureux taureau parmi les anachorètes répondit :

« J'ai déjà digéré l'eau. Trouvez un autre moyen

pour remplir l’Océan, faites de votre mieux, Seigneurs. »

17. Quand ils entendirent la réponse de ce grand sage à l’âme absorbée par l’étude,

les Dieux assemblés furent étonnés et abattus.

18. Ils prirent congé les uns des autres et s'inclinèrent devant le taureau parmi les anachorètes.

Tous les gens, ô Mahārāja, se dispersèrent comme ils étaient venus.

19. Les Trente Dieux s'approchèrent de l’Aïeul en compagnie de Viṣṇu,

après s'être consultés encore et encore sur la manière de remplir l'Océan.

Et, les mains jointes, ils parlèrent tous du remplissage de l'Océan.

 

 

3. 104. Histoire de Bhagīratha et de la descente de la Gaṅgā. Le roi Sagara se livre à des austérités pour obtenir un fils. Śiva, satisfait, accorde soixante mille fils à une des épouses de Sagara, qui devront périr tous ensemble, et un fils à l’autre épouse, qui continuera la dynastie. Śaibyā, une des épouses, donne naissance à un fils, Vaidharbhī, l’autre à un potiron. Une voix céleste lui dit de placer chaque graine dans un pot rempli de beurre clarifié.

 

Livre III, chapitre 104

1. Lomaśa dit :

« Alors Brahmā, l’Aïeul du monde, dit aux Dieux rassemblés :

« Partez tous, ô Éveillés, où bon vous semble, où il vous plaira.

2. Après une longue période de temps, la mer houleuse reviendra à son état naturel,

trouvant comme moyen les parents du Mahārāja Bhagīratha. »

3. Yudhiṣṭhira dit :

« Comment les parents étaient-ils le moyen, ô brahmane, et quel était le moyen, ô anachorète ?

Comment l'océan a-t-il été rempli par les efforts de Bhagīratha ?

4. Je souhaite entendre cela en détails, ô ascète,

pendant que tu racontes, ô brahmane, la geste sublime des rois. »

5. Vaiśampāyana dit :

« À ces mots du roi du Dharma au grand cœur, le prince des brahmanes

raconta la grandeur du cœur de Sagara au grand cœur. »

6. Lomaśa dit :

« Il y avait, né dans la lignée d'Ikṣvāku, un roi du nom de Sagara,

majestueux, plein de beauté, de courage et de force, et il était sans fils.

7. Il anéantit les Haihayās et les Tālajaṅghās, ô Bhārata,

il mit sous son autorité les autres rois, et il régna sur son propre royaume.

8. Il avait deux épouses fières de leur beauté et de leur jeunesse,

une princesse de Vidarbha, ô le meilleur des Bhārata, et une fille de Śibi.

9. Le roi, qui désirait un fils, se livra à une très grande ascèse,

s'étant réfugié au mont Kailāsa, ô roi des rois, en compagnie de ses deux épouses.

10. Tandis qu'il s’adonnait à une très grande ascèse, accompagnée de la pratique du yoga,

il s'approcha du Dieu au grand cœur, à trois yeux, le destructeur de Tripura,

11. Śaṃkara, l’Être, le Seigneur, Celui qui brandit le trident, le Porteur du trident,

Śiva à trois yeux, le Puissant Seigneur, le Polymorphe, l’Époux d’Umā.

12. Dès que, en compagnie de ses deux épouses, il vit le Dieu qui exauce les vœux, le roi

au grand bras se prosterna et il le supplia de lui donner un fils.

13. Affectueusement, le Destructeur dit à cet excellent roi et à ses épouses :

« Au moment même où tu as fait ce vœu, ô roi, il t’a été accordé.

14. Soixante milliers de fils, des héros orgueilleux au combat,

naîtront d'une de tes épouses, ô le meilleur des hommes.

15. Et tous ensemble ils périront, ô roi,

mais un seul héros qui maintiendra ta lignée naîtra d’une de tes femmes. »

A ces mots, Rudra disparut sur place.

16. Sur ce, le roi Sagara retourna à sa demeure,

en compagnie de ses deux femmes, mon fils, l’esprit tout en joie.

17. Puis ses deux épouses aux yeux de lotus, ô meilleur des hommes,

la princesse de Vidarbha et la fille de Śibi, se retrouvèrent enceintes.

18. Et avec le temps, la princesse de Vidarbha donna naissance à une courge,

et la fille de Śibi enfanta un fils, un garçon d'une beauté divine.

19. Le roi prit alors la décision de se débarrasser de la courge,

mais, venant du ciel, il entendit une voix grave et sonore :

20. « Roi, n’agis pas imprudemment, ne rejette pas tes fils !

Retire les graines à l’intérieur de la courge et conserve-les soigneusement,

21. sème-les séparément dans des pots humides, pleins de beurre clarifié,

et tu obtiendras alors soixante mille fils, ô roi.

22. Le Dieu Suprême t’a expliqué la naissance de tes fils,

n’aie pas à l’esprit de procéder autrement que cela ! »

 

 

3. 105. Des graines du potiron naissent les soixante mille fils annoncés, cruels et orgueilleux. Sagara entreprend un sacrifice du cheval. Le cheval, gardé par les fils de Sagara, disparaît dans l’océan à sec, volé peut-être. Sagara demande à ses fils de fouiller toute la terre pour retrouver le cheval. Ils reviennent bredouille. Leur père les renvoie : qu’ils ne reviennent pas sans le cheval. Ils trouvent une crevasse dans le fond de l’océan, creusent jusqu’aux mondes inférieurs et voient le cheval à côté de l’ermite Kapila.

 

Livre III, chapitre 105

1. Lomaśa dit :

« Lorsqu'il entendit cela venant du ciel, le roi, ô le meilleur des rois,

fit avec confiance ce qu'on lui disait, ô taureau des Bhārata.

2. Et soixante mille fils d'un éclat inégalable

naquirent par la grâce de Rudra au sage de sang royal, ô roi.

3. Ils étaient épouvantables, cruels dans leurs actes, et rampaient partout dans l'espace,

méprisant, à cause de leur nombre, tous les gens en même temps que les Immortels.

4. Même les Trente Dieux, de même que les Gandharvas et les Rākṣasas, étaient harcelés,

ainsi que toutes les créatures, par ces héros belliqueux.

5. Comme les gens étaient massacrés par les fils de Sagara à l'esprit lourd,

ils allèrent, avec tous les Dieux, chercher refuge auprès de Brahmā.

6. Le Bienheureux Aïeul de tous les mondes leur dit :

« Repartez, vous tous les Trente Dieux, avec les gens, comme vous êtes venus.

7. Dans très peu de temps, il y aura un grand massacre des fils de Sagara,

vraiment épouvantable, à cause de leurs propres actes, ô Dieux. »

8. A ces mots, les Dieux et les gens, ô Seigneur des hommes,

prirent congé de l’Aïeul et repartirent comme ils étaient venus.

9. Après qu’un long temps se fut écoulé, ô taureau des Bhārata,

le vaillant  roi Sagara fut consacré par sacrifice du cheval,

et son cheval parcourait la Terre, bien protégé par ses fils.

10. Il alla vers l'Océan sans eau, à l’aspect terrifiant.

Bien que surveillé avec soin, il disparut.

11. Alors, les fils de Sagara, mon fils, pensant que cet excellent étalon avait été volé,

revinrent et dirent à leur père que le coursier avait disparu, qu’il avait été volé.

Il leur dit : « Partez à la recherche du cheval dans toutes les directions ! »

12. Sur l'ordre de leur père, dans toutes les directions, ils cherchèrent

l’étalon, ô Mahārāja, et sur toute la surface de la Terre.

13. Puis tous les fils de Sagara revinrent les uns vers l’autres

mais ils ne trouvèrent pas le coursier et le voleur de chevaux.

14. Ils revinrent vers leur père et, joignant les mains devant lui, ils lui dirent :

« Avec ses mers, ses forêts et ses îles, avec ses rivières mâles et femelles et ses grottes,

avec ses montagnes et ses lieux boisés, la Terre, ô roi, a été entièrement

15. fouillée par nous, ô roi, selon tes ordres, ô seigneur,

mais nous n'avons trouvé ni le cheval ni le voleur du cheval... »

16. Lorsqu'il entendit leurs paroles, le roi fut plein de colère,

et, sous l’empire des Dieux, il leur dit à tous cette parole, ô roi :

17. « Partez, pour ne jamais revenir ! Cherchez encore le cheval,

car sans ce cheval sacrificiel, vous ne devez pas revenir, mes fils ! »

18. Les fils de Sagara reçurent donc ces instructions,

et ils recommencèrent à fouiller encore la Terre entière.

19. Alors les héros virent que la Terre avait été creusée ;

les fils de Sagara s’approchèrent du trou et creusèrent,

et à l’aide de bêches et de pioches, ils creusèrent alors dans l’Océan.

20. Pendant qu'il était creusé par l’ensemble des fils de Sagara, le domaine de Varuṇa

entra dans une souffrance extrême, déchiré de toutes parts.

21. Asuras, Serpents, Rākṣasas et toutes sortes de créatures

poussaient des cris de douleur en étant frappés par les fils de Sagara.

22. On voyait des centaines, des milliers de créatures,

la tête tranchée, sans vie, avec les genoux, les os et le crâne fracassés.

23. Ils avaient ainsi creusé l'Océan, repaire des makaras,

beaucoup de temps s’était écoulé, et le cheval ne se montrait pas.

24. Puis, dans la région du nord-est de l'Océan, ô roi de la terre,

les fils de Sagara, pleins de colère, creusèrent dans le septième enfer,

et là ils virent l’étalon qui errait sur le sol,

25. et Kapila au grand cœur, masse incomparable de splendeur,

flamboyant par ses ascèses, comme le feu par ses flammes.

 

 

3. 106. Ils se précipitent pour récupérer le cheval, sans saluer l’ermite. Kapila les réduit en cendres d’un seul regard. Sagara envoie Aṃśumat, le fils de son fils Asamanjas qu’il avait banni pour sa mauvaise conduite, chercher le cheval. Aṃśumat trouve le cheval et Kapila : il honore l’ermite et lui dit ce qu’il est venu chercher. Kapila, satisfait lui donne le cheval. Sagara termine son sacrifice du cheval, règne longtemps. Aṃśumat lui succède, puis son fils Dilīpa, puis son fils Bhagīratha.

 

Livre III, chapitre 106

1. Lomaśa dit :

« En voyant l’étalon, ô roi, leurs poils se hérissèrent de joie,

et sans prêter attention à Kapila au grand cœur, pressés par le temps,

pleins de colère, ils se précipitèrent pour attraper le cheval.

2. Alors, ô Mahārāja, Kapila, le meilleur des anachorètes, se mit en colère,

ce Kapila, le meilleur des anachorètes, qu’on appelle Vāsudeva.

3. Il ouvrit grand un œil et leur lança son éclat,

et avec son très grand éclat il brûla les fils de Sagara à l'esprit lourd.

4. Après les avoir vus réduits en cendres, le très grand ascète Nārada

se rendit auprès de Sagara et il le lui dit.

5. Lorsque le roi entendit cette épouvantable nouvelle sortir des lèvres de l’anachorète,

il resta un moment abattu, puis il songea à la parole de Sthāṇu,

et il se consola lui-même et pensa à son étalon.

6. Il fit venir Aṃśumān, le fils d’Asamajñas [33],

son petit-fils, ô tigre des Bhārata, et il lui dit ces mots :

7. « Ces soixante mille fils à l’éclat sans limite

ont rencontré l’éclat de Kapila et ont couru au trépas à cause de moi.

8. J'ai aussi abandonné ton propre père, enfant irréprochable,

pour protéger le Dharma, dans mon désir d’être utile aux gens de la ville. »

9. Yudhiṣṭhira dit :

« Pourquoi Sagara, ce tigre parmi les rois, a-t-il abandonné son propre fils

ce héros difficile à abandonner ? Dis-le moi, ô ascète ! »

10. Lomaśa dit :

« Sagara avait eu un fils connu sous le nom d'Asamañjas,

que la fille de Śibi avait mis au monde. Il attrapait les jeunes fils des gens de la ville

par les sabots, malgré leurs lamentations, et ils jetait ces enfants chétifs à la rivière.

11. Alors, les gens de la ville se rassemblèrent, inondés de peur et de chagrin,

et, debout, les mains jointes, ils adressèrent tous cette supplique à Sagara :

12. « Tu es notre protecteur, ô Mahārāja, contre des dangers tels que les roues de l'ennemi :

alors daigne nous protéger de l’épouvantable danger qu’est Asamañjas ! »

13. Lorsqu'il entendit les paroles épouvantables des gens de la ville, le meilleur des rois

resta un moment abattu, puis il dit ceci à ses conseillers :

14. « Que mon fils Asamañjas soit banni de la ville immédiatement.

Si vous voulez me faire plaisir, faites-le rapidement ! »

15. A ces mots du roi des hommes, les conseillers, ô roi,

s'empressèrent de faire comme le roi leur avait dit, comme il leur avait expliqué.

16. Voilà, je t’ai tout raconté sur la façon dont Sagara au grand cœur

a banni son fils, parce qu’il désirait le bien des gens de la ville.

17. Ce que Sagara a dit au maître archer Aṃśumān,

je vais te le dire. Écoute-moi pendant que je le raconte.

18. Sagara dit :

« Le bannissement de ton père, la destruction de mes fils,

ainsi que la perte de mon cheval me tourmentent, mon fils.

19. Aussi, comme je suis tourmenté par le malheur et égaré par les obstacles à mon sacrifice,

en ramenant le cheval, mon petit-fils, tire-moi de cet enfer ! »

20. Lomaśa dit :

« À ces mots de Sagara au grand cœur, Aṃśumān

se rendit avec tristesse à l'endroit où la terre avait été déchirée.

21. Par ce même chemin il entra dans l'Océan

et il vit Kapila au grand cœur et le cheval.

22. En voyant cette masse de splendeur, l’antique et le meilleur des sages,

il s'inclina, la tête baissée jusqu’au sol, et il lui expliqua l’affaire.

23. Alors, Kapila au grand éclat fut content d’Aṃśumān

et le sage au cœur loyal lui dit : « Je suis celui qui exauce les vœux », ô Bhārata.

24. L'autre choisit alors comme premier vœu le cheval pour le sacrifice,

et il choisit comme second vœu l'eau pour l’offrande à ses Ancêtres, dans son désir de les purifier.

25. Kapila au grand éclat, ce taureau parmi les anachorètes, lui dit :

« Sois béni, je te donne tout ce dont tu as envie, ô irréprochable.

26. Sur toi sont fondées la patience, le Dharma et la Vérité.

Grâce à toi, Sagara a atteint son but, grâce à toi ton père a un fils.

27. Et, par ta puissance, les fils de Sagara iront au ciel,

et ton petit-fils fera descendre la rivière au triple cours [34] du troisième ciel,

pour purifier les fils de Sagara, après avoir contenté le Seigneur Suprême.

28. Sois béni, emmène l’étalon destiné au sacrifice, ô taureau parmi les hommes !

Il faut accomplir, mon fils, le sacrifice de Sagara au grand cœur. »

29. A ces mots de Kapila au grand cœur, Aṃśumān

partit, après avoir pris l’étalon, vers l’enclos du sacrifice du roi au grand cœur.

30. Il salua les pieds de Sagara au grand cœur

qui huma doucement sa tête, et il l’informa de tout.

31. Il lui raconta ce qu'il avait vu et entendu sur la destruction des fils de Sagara,

et que l'étalon était revenu vers l’enclos du sacrifice.

32. En entendant cela, le roi Sagara quitta son chagrin pour ses fils

et, après avoir honoré Aṃśumān, il acheva le rituel.

33. Son sacrifice terminé, Sagara reçut l’hommage de tous les Dieux

et il adopta l'Océan, le domaine de Varuṇa, en tant que son fils.

34. Après avoir régné très longtemps sur son royaume, le roi aux yeux bleus comme le lotus,

ayant confié sa charge à son petit-fils, alla au troisième ciel.

35. Aṃśumān au cœur loyal régna la Terre

ceinturée par l’Océan, ô Mahārāja, comme son grand-père l'avait fait.

36. Il lui naquit un fils du nom de Dilīpa, connaisseur du Dharma ;

après lui avoir confié le royaume, Aṃśumān parvint lui aussi au terme de sa vie.

37. Mais Dilīpa, lorsqu'il apprit le grand massacre de ses Ancêtres,

fut accablé de tristesse et réfléchit à leur destin.

38. Le roi fit de très grands efforts pour faire descendre la Gaṅgā,

mais il eut beau s’évertuer de toutes ses forces, elle ne descendit pas.

40. Après lui avoir donné l’onction royale, Dilīpa se retira dans la forêt,

et, grâce à sa perfection acquise par l’ascèse, le roi, ô taureau des Bhārata,

quitta la forêt pour le troisième ciel, après un certain temps, ô Bhārata.

 

 

3. 107. Bhagīratha, pour le repos de ses ancêtres, entreprend des austérités terribles sur le mont Himavant. Gaṅgā, la rivière céleste, lui apparaît et il lui demande de laver les cendres de ses ancêtres, les fils de Sagara, afin qu’ils puissent parvenir au ciel. Mais Gaṅgā sait que la terre ne pourrait supporter sa chute depuis le ciel : qu’il demande à Śiva d’amortir la chute. Bhagīratha continue ses austérités sur le mont Kailāsa, et Śiva lui apparaît.

 

Livre III, chapitre 107

1. Lomaśa dit :

« Ce roi, maître archer, empereur, grand aurige,

devint la joie des cœurs et des yeux du monde entier.

2. Le roi au grand bras apprit que Kapila au grand cœur

avait provoqué la mort épouvantable de ses Ancêtres et leur impossibilité à atteindre le troisième ciel.

3. Après avoir confié le royaume à son conseiller, le roi des hommes, le cœur affligé,

partit sur le versant de l'Himālaya pour y pratiquer l’ascèse.

4. Souhaitant se concilier la Gaṅgā, après avoir consumés ses péchés par l’ascèse,

il regarda, ô meilleur des hommes, l’Himālaya, la sublime montagne.

5. ornée de pics aux formes diverses et riches en minéraux,

et entouré de tous côtés par des nuages apportés par le vent.

6. Elle était ornée de rivières, de tonnelles et de berges escarpées, regorgeant d'eau,

habitée par des lions et des tigres blottis dans des tanières et des cavernes,

7. et par toutes sortes d'oiseaux qui gazouillaient leurs chants variés,

ainsi que des drongos, des cygnes, des gallinules, des poules d'eau,

8. des paons, des piverts, des coucous, des faisans,

ainsi que des bartavelles aux yeux soulignés de noir aussi, chérissant leurs oisillons,

9. elle était remplie de lacs charmants et d’étangs pleins de lotus roses,

toute décorée par les chants harmonieux des hérons,

10. et ses plateaux rocheux étaient fréquentés par les Kinnaras et les Apsaras,

partout les arbres avaient été griffés par les pointes des défenses des éléphants des points cardinaux,

11. elle était parcourue par les génies magiciens, toute pleine de toutes sortes de pierres précieuses,

et habitée par des serpents gorgés de venin, à la langue flamboyante.

12. Il s'approcha de l'Himālaya qui tantôt était pareil à de l’or,

tantôt était semblable à de l’argent, tantôt paraissait une masse de khol.

13. C’est là que le meilleur des hommes s’est livré à une effroyable ascèse,

se nourrissant de fruits, de racines et d’eau pendant mille ans.

14. Quand un millier d’années divin se fut écoulé, la grande rivière

Gaṅgā s'est manifestée sous une forme corporelle.

15. La Gaṅgā dit :

« Que veux-tu de moi, Mahārāja ? Que dois-je te donner ?

Parle, ô le meilleur des hommes, j'exécuterai ta parole ! »

16. Lomaśa dit :

« A ces mots, le roi répondit à la fille de l'Himālaya :

« Mes Ancêtres, ô grande rivière qui exauce les vœux, ont été par Kapila

conduits vers le royaume de Vaivasta, alors qu'ils cherchaient leur cheval.

17. Ces soixante mille fils de Sagara au grand cœur

ont rencontré l’éclat de Kapila et ils ont instantanément couru au trépas.

18. Pour eux morts,  n’y aura pas de séjour au ciel

tant que tu n’auras pas purifier leurs corps avec tes eaux.

19. Conduis au ciel, ô Bienheureuse, mes Ancêtres, les fils de Sagara,

je t'en supplie, pour eux, ô grande rivière ! »

20. Lorsqu'elle eut entendu les paroles du roi, Gaṅgā, celle qui est vénérée par le monde,

fut très contente et elle dit ces mots à Bhagīratha :

21. « J'accomplirai, ô Mahārāja, ce que tu demandes, il n’y a là aucun doute.

Mais mon flot impétueux, en se précipitant, sera difficile à supporter quand je tomberai du ciel.

22. Personne n’est capable, dans les trois mondes, de le supporter, ô roi,

hormis le meilleur des Éveillés, le Seigneur Suprême à la Gorge Bleue.

23. Concilie-toi, ô roi au grand bras, par ton ascèse le Destructeur [35] qui exauce les vœux :

quand je tomberai, le Dieu me retiendra par la tête.

Et il exaucera ton désir dans son désir du bonheur de tes Ancêtres.

24. Après avoir entendu cette parole, ô roi, le Mahārāja Bhagīratha

alla au mont Kailasa et il se concilia Śaṃkara.

25. Ainsi, après un certain temps, le meilleur des hommes le rencontra

et il obtint de lui la faveur de recevoir le fardeau de la Gaṅgā, ô roi,

pour permettre à ses Ancêtres de séjourner au ciel.

 

 

3. 108. Śiva accepte de recevoir Gaṅgā sur sa tête. Ils vont ensemble au mont Himavant, Bhagīratha invoque Gaṅgā, et la rivière divine plonge du ciel sur la tête de Śiva et se divise en trois. Elle demande à Bhagīratha où elle doit aller, et celui-ci la conduit jusqu’à l’océan où sont les cendres des fils de Sagara. Gaṅgā remplit à nouveau l’océan.

 

Livre III, chapitre 108

1. Lomaśa dit :

« Après avoir entendu l'appel de Bhagīratha et pour faire plaisir aux habitants du ciel,

le Bienheureux répondit au roi : « Qu’il en soit ainsi.

2. Je recevrai, ô roi au grand bras, quand elle tombera du ciel, le fardeau

de la céleste et divine rivière, sainte et propice, pour toi, ô le meilleur des rois ! »

3. Ayant dit cela, ô roi au grand bras, il se rendit dans l'Himālaya

entouré de ses terrifiants compagnons, brandissant des armes de toutes sortes.

4. Il prit position là et dit à Bhagīratha, le meilleur des hommes :

« Prie, ô roi au grand bras, la rivière, fille du Roi-des-Montagnes :

quand la meilleure des rivières tombera du troisième ciel, je recevrai son fardeau ! »

5. En entendant cette parole que Śarva lui adressait, le roi

s'inclina pieusement, et il adressa ses pensées à la Gaṅgā.

6. Alors la charmante rivière aux eaux pures, touchée par les pensées du roi

et voyant le Seigneur qui se tenait là, tomba du ciel tout d’un coup.

7. En la voyant plonger, les Dieux en compagnie des grands sages,

les Gandharvas, les Serpents et les Rākṣasas accoururent dans leur désir de voir cela.

8. Ainsi tomba du ciel Gaṅgā, la fille de l’Himālaya,

dans de grands tourbillons s’agitant dans les airs, grouillante de poissons et de crocodiles.

9. Et le Destructeur reçut, ô roi, le fardeau de la Gaṅgā, la ceinture du ciel,

quand elle tomba sur son front, comme un collier de perles.

10. Serpentant, elle se divisa en trois parties, ô roi, en allant vers l’océan,

avec la troupe de ses eaux pleines d’écume, pareilles à des rangées de cygnes.

11. Tantôt sinueuse comme un serpent, tantôt dégringolant çà et là,

enveloppée dans sa robe d'écume, elle avançait comme une bonne femme ivre,

tantôt elle faisait un bruit très fort avec le brouhaha de ses eaux.

12. Après avoir pris de très nombreux aspects, alors qu'elle plongeait du ciel,

en atteignant la surface de la terre, elle dit à Bhagīratha :

13. « Fais-moi voir, ô Mahārāja, par quel chemin je dois passer :

je suis descendue sur terre pour toi, ô roi de la terre. »

14. Après avoir entendu ces paroles, le roi Bhagīratha se rendit

à l'endroit où étaient les corps des fils de Sagara au grand cœur,

afin de les purifier, ô le meilleur des hommes, avec cette eau sainte.

15. Après avoir reçu le fardeau de la Gaṅgā, le Destructeur, à qui tous les mondes rendent hommage,

se rendit avec les Trente Dieux au Kailāsa, la meilleure des montagnes.

16. Et le roi s’approcha de l'Océan avec la Gaṅgā

et avec son flot il remplit l'Océan, le domaine de Varuṇa.

17. Le roi adopta la Gaṅgā comme sa fille

et offrit l'eau à ses Ancêtres, et son vœu fut exaucé.

18. Voilà, tout t’a été raconté : comment la Gaṅgā au triple cours,

pour remplir l'Océan, est descendue sur Terre,

19. et comment l’Océan a été bu, et pour quelle raison, par le sage au grand cœur,

et comment Vātāpi, le tueur de brahmanes, a été mené à sa perte, Seigneur,

par Agastya, ô Mahārāja : c’est ce que tu m’as demandé. »

 

 

3. 109. Suite du pèlerinage des Pāṇḍava. Mont Hemakūta. Lomaśa raconte l’Histoire de Ṛṣabha. Cet ermite irascible, pour ne pas être dérangé, ordonne à la montagne et au vent de chasser quiconque parlerait. Ainsi, si quelqu’un parle, un orage se déclenche immédiatement et il se produit des chutes de pierres. Rivière Nandā, que les Dieux ont rendu inaccessible pour ne pas être dérangés. Rivière Kauśikī.

 

Livre III, chapitre 109

1. Vaiśampāyana dit :

« Puis le fils de Kuntī voyagea par étapes, ô taureau des Bhārata,

jusqu'aux rivières Nandā et Aparanandā, qui dissipent le péché et la peur.

2. Quand il atteignit le salubre Mont-d'Or,

le roi vit de très nombreuses choses incompréhensibles et prodigieuses.

3. Là les paroles se transformaient en nuages pluvieux et en milliers de rochers,

et les gens, ne pouvant en faire l’ascension, étaient découragés.

4. Le vent y soufflait constamment, et constamment le Dieu y répandait la pluie,

et le soir et le matin on y voyait le bienheureux Porteur d’offrandes [36].

5. En voyant toutes ces sortes de prodiges, le Pāṇḍava

interrogea à nouveau Lomaśa au sujet de ce prodige.

6. Lomaśa dit :

« Écoute attentivement, ô roi, ce que je vais te dire

comme je l’ai entendu jadis, ô tourmenteur de tes ennemis.

7. Sur ce sommet du mont Ṛṣabha vivait un ascète nommé Ṛṣabha.

Cet ascète était âgé de plusieurs centaines d'années et était très irascible.

8. Comme d'autres gens lui parlaient, il dit avec colère à la montagne :

« Si quelqu'un venait à parler ici, tu devras jeter des rochers ! »

9. Après avoir convoqué le vent, l'ascète lui dit : « Pas de bruit ! »

Et ainsi un homme qui parle est arrêté par un nuage de pluie.

10. Ainsi, certaines actions, ô roi, sont accomplies par ce grand sage,

et certaines dans sa colère sont interdites.

11. Jadis, lorsque les Dieux allèrent vers la rivière Nandā, ô roi, d'après ce que dit la tradition,

des hommes qui avaient la vision des Dieux les suivirent soudain.

12. Les Dieux, menés par Śakra, ne voulaient pas être vus,

et ils rendirent la région inaccessible en lui donnant l’apparence d’obstacles montagneux.

13. Depuis lors, ô fils de Kuntī, les hommes sont incapables

de regarder cette montagne, et à plus forte raison de l’escalader.

14. Cette grande montagne ne peut pas être vue par un homme qui n’a pas pratiqué l’ascèse,

ni non plus être escaladée, ô fils de Kuntī : aussi sois maître de ta parole.

15. Ici, tous les Dieux offraient constamment de sublimes sacrifices,

et on voit encore aujourd'hui leurs traces, ô Bhārata.

16. Ce chiendent a une apparence de pâturin, et le sol en est jonché.

Et ces nombreux arbres ont la forme de poteaux sacrificiels, ô Seigneur des peuples.

17. Les Dieux et les sages vivent encore ici aujourd'hui, ô Bhārata,

et le soir et le matin, on voit leur feu porteur de sacrifice.

18. Ceux qui se baignent ici, ô fils de Kuntī, leur mal est immédiatement détruit ;

aussi, ô le meilleur des Kuru, fais ici tes ablutions avec tes frères.

19. Puis, après avoir baigné ton corps dans la Nandā, tu iras vers la Kauśikī,

où Viśvāmitra pratiquait auparavant des ascèses incomparables. »

20. Vaiśampāyana dit :

« Puis, après avoir baignés là leurs corps, le roi et sa troupe

allèrent vers la sainte et belle rivière Kauśikī, dont les eaux sont propices.

 

 

3. 110. Ermitage Puṇya. Lomaśa raconte l’Histoire de Ṛṣyaśṛṅga. Durant son bain, un ascète farouche, Vibhāndaka, aperçoit l’apsaras Urvaśī, sa semence s’échappe : une gazelle la boit, à qui naîtra un fils muni d’une corne sur la tête, Ṛṣyaśṛṅga. Le roi Lomapāda a offensé les brahmanes, et Indra cesse de pleuvoir sur son royaume. On lui conseille de faire venir l’ermite Ṛṣyaśṛṅga pour amadouer Indra. Le roi envoie des courtisanes séduire le jeune ascète qui n’a jamais vu de femmes.

 

Livre III, chapitre 110

1. Lomaśa dit :

« C'est la sainte et divine rivière, la Kauśikī, ô taureau des Bhārata,

et ici resplendit le charmant ermitage de Viśvāmitra.

2. Il y a aussi l'ermitage, appelé Saint, de Kaśyapa au grand cœur,

dont le fils est Corne-d'Antilope, un ascète qui était maître de ses sens.

3. C'est lui qui, par la puissance de son ascèse, fit pleuvoir Vāsava :

pendant une sécheresse, par peur de lui, le Tueur de Bala et de Vṛtra fit tomber la pluie.

4. Ce puissant et splendide fils de ce Kaśyapa était né d’une antilope,

et il avait accompli ce grand miracle dans le royaume de Lomapāda.

5. Quand il eut fait revenir les récoltes, le roi Lomapāda lui donna

sa fille Paisible, comme Savitā donna Sāvitrī. »

6. Yudhiṣṭhira dit :

« Comment Corne-d'Antilope, est-il né d'une antilope, étant le fils du fils de Kaśyapa ?

Et comment, avec cette union dans une matrice interdite, a-t-il pratiqué l’ascèse ?

7. Et pourquoi, par peur de ce garçon sage, Śakra,

le Tueur de Bala et de Vṛtra, a-t-il fait tomber la pluie alors qu’il y avait de la sécheresse ?

8. Quelle beauté possédait Paisible, la fille du roi, fidèle à ses vœux,

qui séduisit le cœur de cet homme pareil à une antilope ?

9. Alors qu’on a entendu dire que Lomapāda était un sage de sang royal respectueux du Dharma,

comment se fait-il que dans son royaume le Punisseur de Pāka ne faisait pas pleuvoir ?

10. Tout cela, ô Bienheureux, comment a agi Corne-d'Antilope,

daigne me le dire en détail et en toute vérité, à moi qui désire l’entendre. »

11. Lomaśa dit :

« Vibhāṇḍaka était un sage brahmane dont l’âme était absorbée par l’ascèse,

à la virilité féconde, un homme de bien, qui avait le même éclat que le Seigneur-des-créatures.

12. Écoute comment est né son fils, le majestueux Corne-d'Antilope,

au bord d'un grand lac, un garçon d’un grand éclat, respecté par les anciens.

13. Le fils de Kaśyapa était allé à ce grand lac, se livrant à l’ascèse

longuement, et le sage, épuisé, était respecté par les sages divins.

14. Son sperme se répandit quand il vit l'Apsaras Urvaśī,

pendant qu'il se baignait dans l'eau, ô roi, et une antilope le but,

15. avec l'eau, car elle était assoiffée, et elle devint enceinte, ô roi,

par l’infaillibilité du Destin, nécessairement déterminé par les Dieux.

16. De cette antilope lui naquit un fils, un grand sage,

Corne-d'Antilope qui, s’adonnant perpétuellement à l’ascèse, grandit dans la forêt.

17. Cet enfant au grand cœur avait, ô roi, une corne d'antilope sur la tête,

et il devint ainsi célèbre sous le nom de Corne-d'Antilope.

18. Il n'avait jamais vu d’autre homme auparavant que son père,

de sorte que son esprit était toujours tourné vers une vie de chaste brahmane, ô roi.

19. A cette époque, un ami de Daśaratha,

du nom de Lomapāda, était le roi d'Aṅga.

20. Il refusa ce que désiraient les brahmanes, d’après la tradition,

et les brahmanes abandonnèrent ce seigneur de la Terre.

21. Et le roi ayant accidentellement commis une faute envers son chapelain,

le Dieu aux mille yeux cessa de faire pleuvoir, et ses sujets furent tourmentés.

22. Le roi interrogea des brahmanes, érudits et adonnés à l’ascèse,

capables de faire pleuvoir le Seigneur des Dieux :

23. « Comment Parjanya ferait-il pleuvoir ? Qu’on trouve un moyen ! »

Comme il les pressait, les érudits lui dirent leurs propres pensées.        

24. Mais un éminent anachorète parmi eux dit au roi :

« Les brahmanes, ô roi des rois, sont en colère contre toi : tu dois expier !

25. Fais venir Corne-d'Antilope, le fils d’un anachorète, ô roi :

il vit dans la forêt, ignorant des femmes, trouvant son plaisir dans la droiture.

26. Si ce grand ascète descendait, ô roi, dans ton royaume,

immédiatement Parjanya ferait pleuvoir, ça ne fait pour moi aucun doute ! »

27. En entendant cette parole, le roi fit une expiation pour lui-même :

il s'en alla et revint lorsque les deux-fois-nés se furent apaisés,

et voyant leur roi revenir, les sujets le reçurent.

28. Alors le roi d'Aṅga convoqua ses conseillers, qui étaient experts en mantras,

et il s'efforça de décider d’un mantra pour faire venir Corne-d'Antilope.

29. Inébranlable, il trouva un stratagème avec ses conseillers

très savants dans les textes sacrés et connaissant bien les règles de conduite.

30. Le roi fit venir les meilleures prostituées

et le prince dit aux courtisanes qui étaient habiles en toutes sortes de choses :

31. « Trouvez le moyen de m’amener Corne-d'Antilope, le fils d’un sage,

dans mon royaume, belles filles, en le séduisant et en lui inspirant confiance ! »

32. Les jeunes femmes, craignant le roi qui leur faisait peur et craignant une malédiction,

blêmissant et défaillant, lui dirent que la chose était impossible.

33. Mais alors une seule, une vieille femme, dit au roi :

« Je m’efforcerai, ô Mahārāja, d’amener cet ascète !

34. Daigne accepter les désirs que j’ai en tête,

et alors je pourrai séduire Corne-d'Antilope, le fils du sage ! »

35. Le roi consentit à tout ce qu’elle projetait,

et il lui donna d'abondantes richesses et toutes sortes de joyaux.

36. Puis, après avoir pris avec elle des femmes, ô roi de la terre,

pleines de beauté et de jeunesse, elle partit immédiatement pour la forêt.

 

 

 3. 111. Elles construisent un ermitage flottant et s’approchent de l’ermitage de Ṛṣyaśṛṅga. La fille du roi, Śantā, va trouver Ṛṣyaśṛṅga : il la prend pour un jeune novice. Elle lui offre des mets précieux, joue à la balle, l’embrasse et s’en va. Vibhāndaka rentre à l’ermitage et constate le désarroi de son fils.

 

Livre III, chapitre 111

1. Lomaśa dit:

« Elle fit faire un ermitage flottant pour l’accomplissement de l’intérêt des affaires du roi,

selon les instructions du roi et avec toute son intelligence, ô Bhārata.

2. Il était orné d’arbres artificiels, avec toutes sortes de fleurs et de fruits,

munis de toutes sortes de bosquets et de plantes grimpantes donnant des fruits savoureux à souhait.

3. Il était gracieux à l’extrême, il ravissait l’esprit à l’extrême,

cet ermitage flottant qu’elle avait fait, charmant, offrant un spectacle tout à fait prodigieux.

4. Puis elle amarra cette embarcation non loin de l’ermitage du fils de Kaśyapa,

et elle envoya des hommes en reconnaissance vers le lieu où se trouvait cet anachorète.

5. Ensuite, la courtisane décida qu’il fallait agir et, voyant une occasion,

elle envoya au fils de Kaśyapa une fille appréciée pour son esprit.

6. Là la femme experte alla vers l’homme toujours adonné à l’ascèse,

s’approcha de l’ermitage et vit le fils du sage.

7. La courtisane dit :

« Est-ce que, ô anachorète, les ascètes vont bien ?

Est-ce que tes fruits et tes racines sont abondants ?

Est-ce que tu te plais, Seigneur, dans cet ermitage ?

C’est toi que je suis venu voir aujourd’hui.

8.         Est-ce que l’ascèse des ascètes progresse ?

Est-ce que ton père est toujours plein d’éclat ?

Est-ce qu’il est content de toi, ô brahmane ?

Est-ce que les récitations des textes sacrés sont faites, ô Corne-d'Antilope ? »

9. Corne-d'Antilope dit :

« Seigneur, tu resplendis comme une abondante lumière,

tu dois être salué respectueusement.

Je vais t’offrir l’eau pour les pieds à ton gré,

ainsi que des fruits et des racines, conformément au Dharma.

10.      Assieds-toi comme il te plait sur ce coussin de pâturin,

couvert d’une peau d'antilope noire et confortable.

Et où est ton ermitage, quel est son nom ?

Car tu observes ton vœu, ô brahmane, à la manière d'un dieu. »

11. La courtisane dit :

« Mon ermitage, ô fils du fils de Kaśyapa, est charmant,

il est à trois lieues au-delà de cette montagne.

Là-bas, les salutations respectueuses ne sont pas de notre Dharma,

et nous ne touchons pas à l’eau pour laver les pieds. »

12. Corne-d'Antilope dit :

« Je te donnerai des fruits mûrs,

des noix de cajou et des myrobalans,

des parūṣakas, des badames, des phalsas.

Et sers-toi à ta guise de noix de charoli. »

13. Lomaśa dit :

« Mais elle, rejetant tout cela,

lui donna alors des nourritures très précieuses ;

Corne-d'Antilope les trouva très savoureuses,

elles étaient très belles et lui donnèrent beaucoup de plaisir.

14. Elle lui offrit des guirlandes très parfumées,

des vêtements chamarrés et brillants,

et les meilleures liqueurs : il s’en réjouit,

et il s’amusa, et il éclata de rire.

15.      Elle s’amusait avec une balle, telle, séparée de sa racine,

une plante grimpante portant des fruits,

coulant ses membres contre ses membres,

étreignant encore et encore Corne-d'Antilope.

16.      Elle inclinait et cassait les branches en fleurs

des arbres : des sarjas, des ashoks, des ilakas ;

comme si elle avait été confuse d’être accablée par l'alcool,

elle séduisit le fils du grand sage.

17.      Puis après avoir vu que Corne-d'Antilope changeait,

après avoir harcelé son corps encore et encore,

en le fixant, elle partit lentement,

prenant comme prétexte l’oblation à Agni.

18.      Quand elle fut partie, enivré par la passion,

Corne-d'Antilope perdit l’esprit.

Privé de sa vie qui était partie,

il poussait des soupirs et était l’image du chagrin.

19.      Peu après, avec les yeux fauves d'un lion,

couvert de poils jusqu'aux ongles,

récitant les textes sacrés, concentré sur sa conduite et sa méditation,

Vibhāṇḍaka, le fils de Kaśyapa apparut.

20.      Après s’être approché, il vit son fils assis,

songeur, seul, tout retourné,

poussant des soupirs constamment, les yeux levés au ciel.

Vibhāṇḍaka parla à son pauvre fils :

21.      « Pourquoi donc aucun bois pour le feu sacré n’a été préparé ?

Et est-ce que l’offrande à Agni a été attisée par toi aujourd’hui ?

La petite et la grande cuillères ont-elles été bien nettoyées ? Et la vache pour le lait de l’offrande

accompagnée de son veau, est-ce que tu l’as préparée aujourd’hui ?

22.      Tu n'as pas l'air tel que tu étais auparavant, mon fils,

Tu es  songeur et distrait.

Pourquoi donc es-tu aujourd’hui à ce point malheureux ?

Je te demande qui est venu ici aujourd'hui ! »

 

 

3. 112. Ṛṣyaśṛṅga raconte la visite du jeune novice et demande à son père s’il peut partir le rejoindre.

Livre III, chapitre 112

1.         Corne-d'Antilope dit :

« Ici est venu un étudiant portant le chignon des ascètes,

ni petit, ni trop grand, jovial,

à la peau dorée et avec de grands yeux couleur de lotus,

aussi resplendissant qu'un fils des Dieux.

2.         Il est d’une très grande beauté, flamboyant comme Savitā,

ses yeux sont très blancs et très noirs comme des perdrix,

ses tresses sont d’un bleu céruléen, brillantes et parfumées,

attachées avec une cordelette d'or et très longues.

3.         Et aussi, au niveau de la gorge, un collier

brille comme l’éclair dans l’atmosphère,

et sous la gorge il a deux globes

où ne poussent pas de poils, très charmants !

4.         Et dans la zone du nombril, il a la taille fine,

et ses hanches sont excessivement larges ;

et aussi, à l’intérieur de son vêtement d’écorce, brille

une ceinture comme la mienne, mais en or.

5.         Et il y a une autre chose chez lui, une merveille à voir,

un bourdonnement apparaît sur ses pieds,

et de même sur ses mains, sonores, sont attachés

des colliers de perles en guise de chapelet, comme le mien.

6.         Et quand il les agite,

ils caquettent comme des cygnes fous sur un étang ;

ses vêtements sont une merveille à voir,

ils ne sont pas comme les miens, ils sont beaux.

7.         Et sa bouche est une merveille à voir,

ce qu’elle dit réjouit vraiment le cœur,

sa voix est comme celle du coucou,

et l’écouter bouleverse profondément mon cœur.

8.         Comme la forêt, au milieu du mois du printemps,

agitée par le vent s’exhale,

de même il exhale un parfum sublime de pureté,

quand il est frôlé par le vent, père.

9.         Et ses tresses aussi sont bien disposées, divisées en parties égales,

séparées en deux, elles resplendissent à égalité sur son front,

et ses oreilles sont comme toutes couvertes de cercles

multicolores et d’une très grande beauté.

10.      De même, il frappe de sa main droite

un fruit rond multicolore,

et quand il touche le sol encore et encore,

cet objet prodigieux rebondit bien haut.

11.      Et aussi il le frappe et tourne autour de lui,

il frémit comme un arbre agité par le vent ;

je le voyais comme un fils des Immortels,

et une joie et un plaisir extrêmes, père, sont nés en moi.

12.      Étreignant mon corps encore et encore,

me saisissant par mes nattes et inclinant mon visage,

il a approché son visage de mon visage

et a fait un bruit, et cela a fait naître en moi une joie extrême !

13.      Il n’a pas fait non plus grand cas de l’eau pour les pieds,

ni de ces fruits que je suis allé chercher ;

« Telle est ma manière de vivre » m’a-t-il dit,

et il m'a donné d'autres fruits nouveaux.

14.      Ces fruits, je les ai mangés,

leur goût n’était pas comparables à ceux-là,

ils n'avaient pas non plus une peau comme ceux-là,

et il n’y avait pas en eux de noyaux comme ceux-là.

15.      Il m'a donné des boissons très savoureuses

à boire, d’un air magnanime ;

et quand je les ai bues, une joie extraordinaire

m’a pris, et la terre semblait osciller.

16.      Ces guirlandes multicolores et parfumées,

attachées par lui avec des rubans,

il les a dispersées ici, et il est parti vers son

ermitage, resplendissant d’ascèse.

17.      Son départ m'a laissé démoralisé,

et mon corps semble brûler de partout.

Je veux vite revenir près de lui,

et qu'il revienne ici pour toujours.

18.      Je m'en vais près de lui, père.

Quel est le nom de cette pratique religieuse ?

Je veux l'observer en sa compagnie,

puisqu’il pratique cette ascèse avec violence ! »

 

 

3. 113. Vibhāndaka met son fils en garde contre les démons qui rôdent, et repart cueillir des fruits. La fille du roi revient, Ṛṣyaśṛṅga la suit dans son ermitage flottant et ils vont chez Lomapāda. Indra pleut et Ṛṣyaśṛṅga épouse Śantā, la fille du roi. Vibhāndaka rentre à l’ermitage, comprend ce qui s’est passé, et part pour la ville : mais le roi avait prévu la colère de l’ermite et parsemé sa route de troupeaux abondants et de bergers qui devaient lui dire que tout appartenait à son fils Ṛṣyaśṛṅga. Ainsi est fait, l’ermite se calme, il est accueilli dignement par le roi. Dés que son fils est né, Ṛṣyaśṛṅga retourne à son ermitage avec Śantā.

 

Livre III, chapitre 113

1. Vibhāndaka dit :

« Ce sont des Rākṣasas qui rôdent, mon fils,

sous cette forme merveilleuse à voir :

ils sont d'une beauté incomparable et très redoutables,

et ils songent toujours à faire obstacle à l’ascèse.

2.         Étant d’une très très grande beauté, mon fils,

ils séduisent par divers stratagèmes.

Ils font tomber du haut de leur bonheur et de leur monde,

par leurs violentes actions, les anachorètes qui vivent dans les forêts.

3.         Un anachorète maître de lui-même ne saurait les fréquenter,

en aucune façon, s’il désire accéder aux mondes des gens de bien.

Ils prennent plaisir à faire obstacle aux ascètes,

en nuisant aux ascèses, ô fils exempt de mal.

4.         Ceux qui ne sont pas des gens de bien, mon fils, utilisent

ces breuvages, ils sont mauvais et ne doivent pas être bus !

Et ces guirlandes multicolores, brillantes et parfumées,

la tradition ne dit pas qu’elles sont pour les anachorètes ! »

5. Lomaśa dit :

« Après avoir dit « Ce sont des démons » pour arrêter son fils,

Vibhāndaka partit à sa recherche.

Comme il ne l’avait pas retrouvée au bout de trois jours,

il retourna alors à son ermitage.

6.         Tandis que le fils de Kaśyapa était reparti

pour cueillir des fruits, selon la règle ascétique,

cette courtisane revint

pour séduire Corne-d'Antilope, l’anachorète.

7.         En la voyant Corne-d'Antilope se réjouit,

et il tomba à ce moment-là dans une sorte de confusion,

et il lui dit : « Seigneur, allons tous deux

à ton ermitage, tant que mon père n’est pas là ! »

8.         Alors, ô roi, le fils unique du fils de Kaśyapa,

elle le fit monter de cette façon dans le bateau qu’elle détacha,

le séduisant par toutes sortes de moyens,

et ils allèrent vers le roi d’Aṅga.

9.         Après avoir fait arrêter ce navire tout à fait splendide

qui avait fait la traversée et avait l’aspect d’un ermitage,

il le fit haler sur le rivage et en fit

un joli bois nommé « L’ermitage du roi »

10.      Le roi installa dans le gynécée

l’enfant de Vibhāṇḍaka, son fils unique,

et il vit soudain le Dieu se mettre à pleuvoir,

et le monde était rempli d’eau.

11.      Et Lomapāda, dont les désirs étaient comblés,

donna sa fille Paisible à Corne-d'Antilope.

Et il fit en sorte de prévenir la colère

il fit mettre du bétail le long des routes.

12.      Au cas où Vibhāndaka approcherait, le roi

disposa de nombreux bestiaux et d’héroïques bergers :

« Si, en quête de son fils, le grand sage

Vibhāndaka vous interrogeait,

13.      il faut lui dire, messieurs, vos mains jointes sur le front :

« Ces vaches et ces champs cultivés sont à ton fils.

Qu’est-ce qui te ferait plaisir que nous fassions pour toi, ô grand sage ?

Nous sommes tous tes serviteurs, et nous sommes attachés à ta voix. » »

14.      Puis l’anachorète aux violentes colères arriva

à son ermitage, après avoir cueilli des fruits et des racines ;

il chercha là son fils, ne

le vit pas, et il entra dans une extrême colère.

15.      Puis, déchiré par sa colère,

soupçonnant que c'était l’ordre du roi,

il alla à à Campā dans son désir de mettre le feu

au roi d’Aṅga et à son domaine.

16.      Épuisé et affamé, le descendant de Kaśyapa

tomba sur de grands campements de vachers,

et il fut honoré comme il convient par les vachers,

et il y passa la nuit comme un roi.

17.      Recevant d’eux un accueil tout à fait respectueux,

il leur dit : « A qui appartenez-vous, braves gens ? »

Alors ils s'approchèrent tous et lui dirent :

« Cette richesse nous est distribuée par ton fils. »

18.      Lieu après lieu, il fut honoré,

et écoutant leur doux bavardages,

la plus grande partie de sa colère s’apaisa ;

et il s'approcha du roi d'Aṅga qui était dans sa citadelle.

19.      Ce taureau parmi les hommes lui rendit hommage,

et il vit son fils, comme le Dieu Indra au ciel ;

là il vit aussi Paisible, sa belle-fille,

s’élevant comme un éclair à multiples branches.

20.      En voyant les villages, les troupeaux et son fils,

et Paisible, son extrême colère s'apaisa ;

Vibhāndaka accorda une suprême faveur

au roi de la Terre, ô roi des rois.

21.      Le grand sage laissa là son fils,

à la splendeur pareille à celle du soleil ou du feu, et il lui dit :

« Une fois qu'un fils sera né, tu reviendras dans la forêt,

après avoir fait tout ce qui est cher à ce roi ! »

22.      Corne-d'Antilope fit ce qu’il lui disait,

et il alla à l’endroit où était son père.

Et Paisible le servait comme il convient,

comme dans les airs la docile Rohiṇī sert Soma,

23.      ou comme la charmante Arundhatī sert Vasiṣṭha,

ou encore comme Lopāmudrā sert d'Agastya,

ou comme Damayantī l'a été pour Nala,

comme Śacī pour le Porteur-du-foudre,

24.      et comme Indrasenā, la descendante de Naḍa,

la femme toujours docile de Mudgala.

Ainsi, pendant que Corne-d'Antilope était dans la forêt,

pleine de joie, elle le servait, ô roi des rois.

25.      Ici brille son saint ermitage,

le Grand Lac, resplendissant de sa sainte renommée.

En se baignant ici, on fait ce qui doit être fait et l’on est parfaitement purifié.

Va visiter d’autres lieu d'ablutions, ô roi. »

 

 

3. 114. Suite du pèlerinage. Rivière Vaitaraṇī. Mont Mahendra.

 

Livre III, chapitre 114

1. Vaiśampāyana dit :

« Alors le Pāṇḍava se mit en route vers la rivière Kauśikī, ô Janamejaya,

et il visita l'un après l'autre tous les sanctuaires.

2. Il voyagea jusqu'à l'Océan à l'estuaire de la Gaṅgā, ô roi,

et il prit son bain au milieu des cent cinq rivières.

3. Puis, le roi de la Terre alla le long du rivage de l’Océan

en compagnie de ses frères, et le héros alla chez les Kaliṅgas, ô Bhārata.

4. Lomaśa dit :

« Voici Kaliṅgas, ô fils de Kuntī, où coule la Vaitaraṇī [37],

où même Dharma a offert un sacrifice aux Dieux, après s’y être réfugié.

5. Toute pleine de sages, terrain sacrificiel, ornée de montagnes,

la rive nord que voici est toujours fréquentée par les deux-fois-nés.

6. Par la même voie qui mène vers les Dieux, d'autres sages

aussi sont allés au ciel, après avoir jadis célébré ici des sacrifices.

7. En ce même endroit Rudra, ô roi des rois, a emporté la victime lors du sacrifice ;

et Rudra a dit de la victime, ô seigneur des hommes : « Ceci est ma part ! ».

8. Quand il eut pris la victime, les Dieux lui dirent, ô taureau des Bhārata :

« Ne nuis pas à la propriété d'autrui, ne mange pas en entier ce qui est notre Dharma ! »

9. Puis, ils louèrent Rudra avec de nobles paroles,

le réjouirent par une offrande végétale et lui rendirent honneur.

10. Sur quoi il relâcha l'animal et suivit la Route des Dieux.

Voici un śloka sur Rudra, écoute attentivement, ô Yudhiṣṭhira :

11. « La meilleure part non gâtée de toutes les parts,

les Dieux ont décidé, par peur, qu’elle serait éternellement à Rudra. »

12. Un homme qui touche l'eau en chantant ici cet hymne,

son chemin est la Route des Dieux, et son œil brille. »

13. Vaiśampāyana dit :

« Ensuite, tous les Pāṇḍava ainsi que Draupadī descendirent

vers la Vaitaraṇī, et ces bienheureux réjouirent leurs Ancêtres par des libations.

14. Yudhiṣṭhira dit :

« Après m’être baigné dans cette rivière, ô bienheureux ascète,

regarde, Lomaśa, je suis allé au-delà de la conditon humaine !

15. Je vois devant moi tous les mondes, grâce à ta faveur, ô Vertueux !

Et voici le son des anachorètes de Vikhanas au grand cœur, quand ils murmurent leurs prières ! »

16. Lomaśa dit :

« Il est à trois cent mille lieues, Yudhiṣṭhira,

l’endroit d’où tu entends ce son ! Assieds-toi en silence, ô Seigneur des peuples !

17. On voit ici, ô roi, la charmante forêt de l’Auto-engendré,

l’endroit, ô fils de Kuntī, où le majestueux Démiurge universel a offert son sacrifice.

18. Lors de ce sacrifice, la Terre fut donnée à Kaśyapa au grand cœur

par l’Auto-engendré en guise d'honoraire, avec ses montagnes et ses zones boisées.

19. A peine fut-elle donnée, ô fils de Kuntī, que la Terre commença à sombrer,

et elle dit avec colère au Seigneur souverain des mondes :

20. « Tu n’as pas à me donner à un mortel, ô Bienheureux,

ton don a été vain : j'irai au Rasātala [38] ! »

21. Mais quand il la vit abattue, le bienheureux sage Kaśyapa

apaisa alors la Terre, ô Seigneur des peuples.

22. Apaisée par son ascèse, la Terre, ô Pāṇḍava,

sortit à nouveau de l'eau et se dressa sous la forme d'un autel.

23. Elle apparut, ô roi, sous la forme d’un autel aux belles proportions.

En y montant, ô Mahārāja, tu deviendras vigoureux.

24.      C’est moi qui prononcerai la bénédiction pour toi,

comme c’est toi qui y monteras aujourd’hui ;

car quand il est touché par un mortel, cet autel

rentre dans l’Océan, ô Ājamīḍha.

25.      « Tu es Agni, tu es Mitra, tu es la matrice et les eaux divines,

le sperme de Viṣṇu, le nombril de l’immortalité » :

en prononçant ainsi, ô Pāṇḍava, cette parole véridique,

monte vite sur cet autel ! »

26. Vaiśampāyana dit :

« Puis quand la bénédiction eut été faite, Yudhiṣṭhira

au grand cœur alla vers cet autel qui rentre dans l’Océan ;

et quand il eut exécuté tout ce qu’il lui avait commandé,

il alla à Mahendra et y passa la nuit.

 

 

3. 115. Yudhiṣṭhira passe la nuit à Mahendra. Il demande à Akṛtavraṇa si Rāma doit venir. Akṛtavraṇa raconte l’Histoire de Rāma. Le roi Gādhi a une fille splendide, Satyavatī. Un brahmane aux grands mérites, Ṛcīka, descendant de Bhṛgu, la demande en mariage. La dot est de mille chevaux blancs avec une oreille noire. Ṛcīka les demande à Varuṇa et épouse Satyavatī. Bhṛgu vient les voir et leur offre un vœu : elle demande un fils pour elle même et un pour sa mère. Bhṛgu leur accorde : sa mère devra embrasser un figuier sacré, elle un figuier ordinaire. Mais elles se trompent : ainsi naîtront un brahmane qui se conduira comme un kṣatriya (ce sera Rāma) et un kṣatriya qui se conduira comme un brahmane (ce sera Viśvāmitra). Satyavatī obtient que ce ne soit pas son fils qui soit ainsi, mais son petit-fils. Elle donne naissance à Jamadagni.

 

Livre III, chapitre 115

1. Vaiśampāyana dit :

« Après que le roi de la Terre eut passé là une nuit,

lui et ses frères donnèrent aux ascètes les plus grandes marques de respect.

2. Et Lomaśa lui nomma tous les ascètes qui étaient là,

les descendants de Bhṛgu, d’Aṅgiras, de Vasiṣṭha et de Kaśyapa.

3. En les rencontrant, le sage de sang royal les salua les mains jointes ;

et il interrogea le héros Akṛtavraṇa, compagnon de Rāma :

4. « Quand donc le bienheureux Rāma se montrera-t-il aux ascètes ?

A cette occasion, je souhaite moi aussi voir le descendant de Bhṛgu. »

5. Akṛtavraṇa dit :

« Ta venue est connue de Rāma qui connaît son âme,

et Rāma a de l’affection pour toi : il se montrera à toi rapidement.

6. Les ascètes voient Rāma le quatorze et le huit.

Lorsque cette nuit se sera écoulée, ce sera le quatorze. »

7. Yudhiṣṭhira dit :

« Seigneur, tu as accompagné ce héros au grand bras, le fils de Jamadagni,

tu as été le témoin oculaire de tous ses exploits qui ont précédé.

8. Seigneur, raconte cela : comment par Rāma furent vaincus

au combat tous les nobles guerriers, de quelle manière et pour quelle raison ? »

9. Akṛtavraṇa dit :

« A Kanyakubja, il y avait un un grand roi d'une très grande puissance,

connu dans le monde sous le nom de Gādhi, et il était parti vivre dans la forêt.

10. Alors qu'il vivait dans la forêt, une fille lui naquit, pareille à une Apsaras.

Ṛcīka, descendant de Bhṛgu, la demanda en mariage, ô Bhārata.

11. Et le roi dit au brahmane très attachés à ses vœux :

« Il y a une coutume dans notre lignée, qui est apparue au temps de nos anciens.

12. Sache, ô le meilleur des deux-fois-nés, que la dot à payer est un millier de chevaux

rapides, blancs, avec une oreille noire d’un côté.

13. Il ne faut pas non plus te dire, Seigneur issu de Bhṛgu « Il faut donner » :

ma fille doit être donnée à un homme au grand cœur comme toi. »

14. Ṛcīka dit :

« Je donnerai mille chevaux blancs, rapides,

avec une oreille noire d’un côté, et que ta fille soit mon épouse ! »

15. Akṛtavraṇa dit :

« Après avoir promis qu’il en serait ainsi, ô roi, il dit à Varuṇa :

« Il faut me donner, pour la dot, un millier de chevaux

rapides, blancs, avec une oreille noire d’un côté ! »

16. Varuṇa lui donna alors les mille chevaux,

et l'endroit où les chevaux ont surgi est très célèbre sous le nom du Lieu d'ablutions-des-Chevaux.

17. Et au bord de la Gaṅgā, à Kanyakubja, Gādhi lui donna

sa fille Satyavatī, et les Dieux furent les témoins du marié.

Ayant obtenu mille chevaux et ayant vu les habitants du ciel,

18. et ayant pris femme selon le Dharma, Ṛcīka, le meilleur des deux-fois-nés,

fit l’amour avec sa femme à la taille fine comme il le désirait et comme il lui plaisait.

19. Après le mariage, ô roi, l'aîné des Bhṛgu qui voulait voir son fils avec la mariée

leur rendit visite, et il se réjouit de les avoir vus.

20. Tandis que le gourou, auquel les troupes des Dieux rendent hommage, était assis, le mari et la femme

lui rendirent hommage, assis autour de lui, se tenant les mains jointes.

21. Puis le bienheureux Bhṛgu dit, plein de joie, à sa belle-fille :

« Choisis un vœu, ma jolie, car je te donnerai ce que tu désires. »

22. Elle pria le gourou d'avoir un fils

pour elle et sa mère, et il lui fit cette faveur.

23. Bhṛgu dit :

« Au moment de votre période de fécondité, toi et ta mère baignez-vous pour le rite de la naissance d’un fils,

et embrassez chacune un arbre, elle un figuier, et toi un udumbara. »

24. Akṛtavraṇa dit :

« Mais quand elles ont embrassé les arbres, elles les ont confondus.

Et un jour Bhṛgu vint, et il comprit la confusion.

25. Bhṛgu au grand éclat dit à sa belle-fille Satyavatī :

« Ton fils sera un brahmane qui vivra comme un noble guerrier ;

26. le fils de ta mère sera un noble guerrier qui aura la conduite d'un brahmane,

il sera un grand héros qui suivra la voie des hommes de bien. »

27. Mais elle supplia son beau-père encore et encore :

« Que mon fils ne soit pas tel, mais plutôt mon petit-fils ! »

28. « Qu’il en soit ainsi ! » lui dit-il, ô Pāṇḍava, lui donnant satisfaction.

Le moment venu, elle donna naissance à son fils Jamadagni,

doté de splendeur et d'éclat, joie des descendants de Bhṛgu.

29. L'enfant éclatant grandit, et par son étude des Veda

il surpassait avec son grand éclat de nombreux sages, ô Pāṇḍava.

30. Il assimila l’intégralité du Veda du tir à l'arc, ô taureau des Bhārata,

et les quatre sortes d’armes, et sa splendeur était pareille à celle du Soleil.

 

 

3. 116. Jamadagni épouse Reṇukā et en a cinq fils, Rāma le plus jeune. Un jour Reṇukā voit le roi Citraratha se baigner avec ses femmes et a de mauvaises pensées. Jamadagni s’en aperçoit, et demande successivement à ses fils de tuer leur mère : les quatre premiers refusent, et sont maudits, Rāma s’exécute et coupe avec sa hache la tête de sa mère. Jamadagni le félicite et lui offre un vœu : il choisit que sa mère revive, que son père oublie son offense et que ses frères soient libérés de leur malédiction. Un jour, le roi Kārtavīrya arrive et dévaste l’ermitage. Rāma le combat et coupe ses mille bras. Par vengeance, les fils de Kārtavīrya tuent Jamadagni durant l’absence de Rāma.

Livre III, chapitre 116

1. Akṛtavraṇa dit :

« Jamadagni, ce grand ascète attaché à étude des Veda,

se livra alors à l’ascèse, subjuguant les Dieux par sa discipline.

2. Il alla voir le roi Prasenajit, ô roi,

et demanda en mariage Reṇukā, et le roi la lui donna.

3. Lorsqu'il eut obtenu Reṇukā comme épouse, le descendant de Bhṛgu 

se livra alors à l’ascèse avec sa femme docile dans son ermitage.

4. Quatre garçons naquirent d'elle, et Rāma était le cinquième ;

mais Rāma était le premier de tous, bien que né le dernier.

5. Alors que tous ses fils étaient allés cueillir des fruits,

Reṇukā, un jour, alla se baigner, fidèle à ses vœux.

6. En chemin, ô roi, Reṇukā vit par hasard

le roi de Mārttikāvata, nommé  Citraratha.

7. Quand elle le vit jouer dans l'eau avec ses femmes, orné de guirlandes de lotus,

prospère, Reṇukā ressentit alors du désir pour lui.

8. Avec cette pensée débauchée, elle se mouilla dans l'eau, l’esprit égaré ;

elle rentra à l’ermitage, en tremblant, et son mari comprit.

9. Voyant qu'elle avait perdu sa dignité et qu’elle avait renoncé à sa splendeur brahmanique,

l'homme puissant au grand éclat la blâma avec des huées.

10. Sur ce, le fils aîné de Jamadagni, nommé Rumaṇvān,

entra, ainsi que Suṣeṇa, Vasu et Viśvāvasu.

11. Le Bienheureux les incita l'un après l'autre à tuer leur mère,

mais eux, pleins de confusion et de perplexité, ne dirent rien.

12. Alors, dans sa fureur, il les maudit, et ayant été maudits, ils perdirent la raison,

et soumis au Dharma des bêtes ou des oiseaux, ils furent vite complètement abrutis.

13. Puis Rāma, ce tueur de héros ennemis, revint à l'ermitage,

et avec une grande colère le grand ascète Jamadagni lui dit :

14. « Tue cette mauvaise mère, n’aie pas de peine, mon fils ! »

Alors Rāma prit sa hache et coupa la tête de sa mère.

15. Alors, ô Mahārāja, Jamadagni au grand cœur

vit sa colère partir immédiatement et, apaisé, il lui dit ceci :

16. « Sur mon ordre, tu as accompli là, mon enfant, un acte difficile à accomplir.

Choisis ce que tu désires, ô connaisseur du Dharma, autant que le souhaite ton cœur ! »

17. Il fit le vœu que sa mère ressusciterait et qu’elle oublierait ce meurtre,

il ne serait pas touché par ce crime, et ses frères retrouveraient leur état normal.

18. Être sans rival au combat, vivre longtemps, ô Bhārata,

le grand ascète Jamadagni lui donna tout ce qu’il désirait.

19. Un jour aussi, alors que ses fils étaient partis, ô Seigneur,

l'héroïque Kārtavīrya, roi des marais, s’approcha.

20. Quand il arriva à l’ermitage, la femme du sage le reçut avec honneur,

mais lui, ivre de folie guerrière, ne fut pas satisfait de l’hommage qu’on lui rendait.

21. Il saccagea tout dans l’ermitage, enleva de force à la vache sacrée

son veau, tandis qu’elle gémissait, et abattit les grands arbres.

22. Quand Rāma fut de retour, son père lui-même lui raconta,

et en voyant la vache mugir, Rāma fut envahi par la colère.

23. Tombant sous l’empire de la colère, il se précipita sur Kārtavīrya,

et le fils de Bhṛgu, tueur de héros ennemis, engagea le combat avec lui.

24. Il trancha avec ses flèches acérées ses bras pareils à des massues ferrées,

ils étaient au nombre de mille, ô roi, après avoir saisi son arc brillant.

25. Les héritiers d'Arjuna [39], rendus furieux contre Rāma,

se précipitèrent alors sur Jamadagni alors qu'il était dans son ermitage sans Rāma.

26. Ils tuèrent le puissant ascète, qui refusait de se battre,

tandis que lui, encore et encore, criait « Rāma ! Rāma ! », étant sans protecteur.

27. Après que les fils de Kārtavīrya ô Yudhiṣṭhira, eurent assassiné

Jamadagni avec leurs flèches, ces dompteurs de leurs ennemis repartirent comme ils étaient venus.

28. Et quand ils se furent retirés, laissant Jamadagni dans cet état,

le descendant de Bhṛgu revint à l'ermitage, portant du bois de chauffage.

29. Le héros, voyant son père tombé sous l’empire de la mort,

alors qu’il ne méritait pas d’être dans cet état, se lamenta, en proie à une grande affliction.

 

 

3. 117. Rāma pleure son père, et jure de tuer tous les kṣatriya. Il tue tous les fils de Kārtavīrya, tous les guerriers qui les accompagnent, et vingt et une fois, vide la terre de ses kṣatriya. A Samantapañcaka, il remplit cinq lacs de leur sang. Ṛcīka le calme, et Rāma donne la terre à Kaśyapa, puis se retire au mont Mahendra. Rāma rencontre Yudhiṣṭhira.

Livre III, chapitre 117

1. Rāma dit :

« Par ma faute tu as été tué par les vils et stupides

héritiers de Kārtavīrya, comme une antilope par des flèches dans une forêt !

2. Comment, père, toi qui connaissais le Dharma, qui restais dans la voie des gens de bien,

as-tu pu avoir une telle mort, toi qui entre toutes les créatures étais innocent ?

3. Quel mal n'ont-ils pas fait ceux qui, Seigneur, alors que tu étais dans l’ascèse,

que tu n’avais pas un esprit belliqueux, que tu étais âgé, t’ont tué avec des centaines de flèches acérées ?

4. Et que diront-ils donc à leurs compagnons et amis

après avoir tué sans vergogne un homme qui n’avait pas un esprit belliqueux, qui connaissait le Dharma, qui étais seul ? »

5. Akṛtavraṇa dit :

« Ainsi il se lamenta beaucoup, ô roi, pitoyablement et de toutes sortes de façons, ô roi,

et le grand ascète accomplit tous les rites funéraires pour son père.

6. Et Rāma, le vainqueur des villes ennemies, brûla son père dans le feu,

et il jura aussi de massacrer tous les nobles guerriers, ô Bhārata.

7. Plein de fureur, le héros excessivement fort et puissant saisit son arme

et tua à lui seul les fils de Kārtavīrya, pareil à la Mort.

8. Et les nobles guerriers qui étaient leurs partisans, ô taureau des nobles guerriers,

Rāma, le meilleur des combattants, les écrasa tous.

9. Vingt et une fois, ce seigneur fit que la Terre soit sans nobles guerriers,

et il fit à Samantapañcaka cinq lacs de sang.

10. Dans ceux-ci, le rejeton de la lignée de Bhṛgu offrit des libations à ses Ancêtres :

il vit Ṛcīka en personne et celui-ci retint Rāma.

11. Sur ce, avec un grand sacrifice, le majestueux fils de Jamadagni

satisfit le roi des Dieux, et il donna la Terre aux prêtres.

12. Il donna un autel d'or à Kaśyapa au grand cœur,

lui donnant dix brasses de long et neuf de haut, ô Seigneur des peuples.

13. Avec l’approbation de Kaśyapa, les brahmanes le mirent alors en morceaux

et se le partagèrent : c’est à cause de cela, ô roi, qu’ils sont connus sous le nom de « Ceux-qui-parcourent-la-forêt-de-Khāṇḍava » [40].

14. Depuis qu’il a donné la Terre à Kaśyapa au grand cœur [41],

Rāma à la puissance illimitée vit sur le mont Mahendra, roi des montagnes.

15. C’est ainsi qu’il eut une querelle avec les nobles guerriers qui vivaient dans le monde,

et qu’aussi la Terre fut conquise par Rāma, à l’éclat illimité. »

16. Vaiśampāyana dit :

« Puis, le quatorze, à la date convenue, Rāma au grand cœur

se montra à ces brahmanes, ainsi qu'au roi du Dharma avec ses frères.

17. Le seigneur roi des rois, l'honora, en compagnie de ses frères,

et le meilleur des rois donna d’éminentes marques d’honneur aux deux-fois-nés.

18. Après avoir honoré le fils de Jamadagni et avoir reçu son hommage, le puissant roi

passa la nuit sur le mont Mahendra puis partit vers le Sud. »

 

 

3. 118. Suite du pèlerinage. Rivière Godavarī, Śūrpāraka, l’Océan, Prabhāsa. Là, Balarāma et Kṛṣṇa viennent leur rendre visite.

Livre III, chapitre 118

1. Vaiśampāyana dit :

« Parcourant les lieu d'ablutions, le très puissant

roi en vit des saints et charmants,

tous ornés de brahmanes,

çà et là sur l’Océan, ô Bhārata.

2.         Après être resté là à faire ses ablutions,

avec ses frères, fils et petits-fils de rois,

le fils de Pāṇḍu, ô fils de Parikṣit, alla

vers la très sainte rivière Praśastā qui coule vers l’Océan.

3.         Là aussi, après s’y être baigné, ce roi très puissant

réjouit ses Ancêtres et les Dieux par des libations ;

après avoir fait des dons aux chefs des deux-fois-nés,

il alla vers la rivière Godāvarī qui coule vers l’Océan.

4.         Puis, dans le pays Draviḍa, ce roi sans péché, ô roi,

s'approcha de la mer, qui est sainte pour le monde,

au lieu d'ablutions d'Agastya, qui est saint et purificateur,

et le héros vit les lieux d'ablutions des Femmes [42].

5.   C'est là qu'il a entendu parler de l’exploit impossible aux autres

d’Arjuna, le plus grand des archers,

tandis qu’il était honoré par des foules de sages suprêmes,

et le fils de Pāṇḍu en conçut une joie extrême.

6.         Après avoir lavé ses membres dans tous ces lieux d'ablutions,

en compagnie de la Noiraude, et accompagné par ses frères,

après avoir célébré la vaillance d’Arjuna,

le seigneur des rois était heureux sur la Terre.

7.         Après avoir offert des milliers de bovins,

dans ces lieux d'ablutions de cette sublime rivière,

joyeux, en compagnie de ses frères, il célébra

le don des bovins fait par Arjuna.

8.         Ces saints lieux d'ablutions

de l’Océan et beaucoup d’autres, ô roi,

il s’y rendit successivement, comblant ses désirs,

et il vit le très saint Śūrpāraka.

9.         Après avoir passé une certaine étendue au bord de l'océan,

il s'approcha d'une forêt célèbre sur la Terre,

où les Dieux pratiquaient autrefois leur ascèse,

et recherchée donc par les rois les plus saints.

10.      Là, le roi aux grands bras musclés vit

l'autel du plus grand des archers,

le fils de Ṛcīka, entouré de foules

d’ascètes, ô roi saint, digne de vénération.

11.      Puis le seigneur de la Terre vit les sanctuaires des Vasus,

des bandes des Maruts et des deux Aśvins,

de Vaivasvata, des Ādityas et du Seigneur des trésors,

d’Indra, de Viṣṇu et du Tout-Puissant Savitā,

12.      de Bhaga, de la Lune et de l’Auteur du jour,

du Seigneur des Eaux et des troupes des Sādhyas,

de Dhātā et des Ancêtres, le roi au grand cœur,

et de Rudra, ô roi, avec sa troupe,

13.      de Sarasvatī et des troupes des Accomplis,

de Pūṣā, et tous les autres Immortels,

il vit leurs sanctuaires

qui charment l’esprit, ce roi.

14.      Dans ces sanctuaires, après avoir observé ses différents jeûnes

et distribué des pierres précieuses de grand prix,

ayant baigné ses membres à tous ces lieux d'ablutions,

il retourna vers Śūrpāraka.

15.      De ce lieu d'ablutions au bord de l’Océan,

il partir à nouveau avec ses frères,

et il alla avec eux au lieu d'ablutions de Prabhāsa,

renommé sur Terre chez les grands deux-fois-nés.

16.      C'est là qu'il se baignait, avec ses larges yeux rouges,

avec ses frères en même temps que la Noiraude,

et il satisfit les troupes des Dieux et des Ancêtres,

et les brahmanes firent de même avec Lomaśa.

17.      Pendant douze jours il se nourrit d'eau et de vent,

faisant jour et nuit ses ablutions,

allumant des feux sacrés tout autour de lui,

le meilleur des connaisseurs du Dharma se consumait dans l’ascèse.

18.      Rāma et le Tourmenteur-des-hommes apprirent

qu’il voyageait en se livrant à une terrible ascèse,

et les deux plus éminents de tous les Vṛṣṇi avec leurs troupes

allèrent vers Yudhiṣṭhira Ājamīḍha.

19.      Quand les Vṛṣṇi aperçurent les fils de Pāṇḍu

gisant par terre, les membres couverts de crasse,

quand ils virent Draupadī qui ne méritait pas cela,

très malheureux, dans leur affliction ils poussèrent de grands gémissements.

20.      Alors il alla vers Rāma et le Tourmenteur-des-hommes,

vers Sāmba, le fils de Kṛṣṇa, et le petit-fils de Śini,

et vers les autres Vṛṣṇi, et il leur rendit

hommage conformément au Dharma, avec entrain.

21.      Et ceux-ci à leur tour rendirent hommage à tous les fils de Pṛthā,

et ils furent de même honorés par les fils de Pāṇḍu,

et entourant Yudhiṣṭhira, ô roi,

ils vinrent s’asseoir près de lui, comme les troupes des Dieux autour d’Indra.

22.      Et tout ce qu’avaient fait leurs ennemis,

et leur séjour dans la forêt, et comment le fils de Pṛthā,

le fils du roi des Dieux, était allé voir Indra pour avoir des armes,

il le raconta en toute confiance à Kṛṣṇa.

23.      Et, confiants, ils écoutèrent ses paroles,

et voyant alors leur extrême maigreur,

ces hommes très puissants de Daśārha 

laissèrent couler de leurs yeux des larmes nées de leur peine et de leur chagrin.

 

 

3. 119. Balarāma se lamente de la mauvaise fortune des Pāṇḍava et de la bonne fortune des Kaurava. Mais, en fin de compte, la victoire des Pāṇḍava est certaine.

Livre III, chapitre 119

1. Janamejaya dit :

« Quand les Vṛṣṇi et les Pāṇḍava se sont rencontrés au lieu d'ablutions de Prabhāsa,

qu'ont-ils fait et quelles étaient leurs conversations, ô ascète ?

2. Car tous ces hommes au grand cœur, experts dans toutes les armes,

les Vṛṣṇi et les Pāṇḍava, étaient mutuellement amis. »

3. Vaiśampāyana dit :

« Lorsqu'ils se rencontrèrent au lieu d'ablutions sacré de Prabhāsa sur l'Océan,

les Vṛṣṇi entourèrent les héroïques Pāṇḍava et leur rendirent hommage.

4. Là-dessus, avec la splendeur d’une goutte de lait de vache, du jasmin, du lotus et de l’argent,

portant une guirlande de fleurs de la forêt, armé de son araire, Rāma parla à l’homme aux yeux de lotus :

5.         « Non, Kṛṣṇa, pratiquer le Dharma ne mène pas au bien-être,

et l’absence de Dharma chez un homme ne le mène pas à sa perte,

du moment que Yudhiṣṭhira, qui a un grand cœur, qui porte le chignon des ascètes,

qui s’est réfugié dans la forêt, est tourmenté dans son habit d’écorce.

6.         En même temps Duryodhana règne sur la Terre,

et le sol ne s’ouvre pas sous lui.

Un comportement sans Dharma a plus de poids que le Dharma :

c’est ce que pourrait penser un homme simple d’esprit.

7.         En même temps, alors que Duryodhana ne cesse de prospérer,

et que le pauvre Yudhiṣṭhira est privé de son royaume,

que doivent donc faire maintenant les créatures ?

C’est là le doute qui naît secrètement chez les hommes.

8.         Car c’est un roi dont la puissance est le Dharma,

prenant son plaisir dans le Dharma, ferme dans ses vœux, généreux !

Car si le fils de Pṛthā quittait son royaume et son bonheur,

comment prospèrerait-il en s’écartant du Dharma ?

9.         Comment donc Bhīṣma et Kṛpa le brahmane,

et Droṇa, et le roi, l’aîné de la lignée,

atteignent-ils le bonheur, après avoir banni les fils de Pṛthā ?

Quelle honte que ces scélérats soient les chefs des Bhārata !

10.      Que dira donc ce chef de la terre

quand il rencontrera ses Ancêtres dans l’autre monde, ce criminel ?

« J'ai agi comme il convient envers mes fils »,

après avoir privé des fils innocents de leur royaume ?

11.      Il n’a pas cette vision de l’esprit pour discerner avec précision

ce qu’il a bien pu faire, bien qu’étant aveugle,

étant né sur Terre parmi les roi de la Terre :

bannir les fils de Kuntī de son royaume !

12.      Sûrement, dans la terre du monde de leurs Ancêtres, en abondance,

des arbres sortant de terre, ayant l’aspect de l’or [43], couverts de fleurs,

sont vus par le fils de Vicitravīrya et son fils,

après le forfait qu’ils ont, hélas, commis !

13.      Ne les a-t-il donc pas entendu, quand il les interrogeait, ces hommes

aux épaules très larges et aux grands yeux rouges,

puisqu’il a envoyé sans hésitation dans la forêt

Yudhiṣṭhira et ses frères, puissamment armés ?

14.      Une prospère armée d'ennemis 

pourrait être détruite à mains nues par cet homme aux longs bras :

juste en entendant le cri de guerre de Ventre-de-loup,

les combattants se chient et se pissent dessus !

15.      Cet impétueux héros, amaigri par la faim, la soif et le voyage,

s’il les rencontrait avec dans ses mains toutes sortes d’armes et de traits,

en se souvenant de ce séjour particulièrement horrible dans la forêt,

il ne laisserait aucun survivant, il n’y a aucun doute pour moi !

16.      Car pour la vaillance et la force, il n’y a personne

sur Terre qui lui sera semblable parmi les hommes ;

même avec un corps amaigri par le froid, la chaleur, le vent et la chaleur du soleil,

il ne laisserait dans la bataille aucun survivant parmi ses ennemis !

17.      Après avoir vaincu sur un seul char les rois d’Orient,

avec leur suite dans des combats, Ventre-de-loup,

ce grand guerrier impétueux, revint avec succès,

et c’est cet homme qui dans la forêt est tourmenté dans son habit d’écorce.

18.      Celui qui à Dantakūra a vaincu les Dieux parmi les hommes,

les rois des pays du Sud assemblés,

Sahadeva, regardez-le aujourd’hui,

devenu ascète avec son habit d’ascète !

19. Et le héros qui, sur un seul char, a vaincu les rois,

du côté de l’Ouest, ivre de combats,

vit dans la forêt de racines et de fruits,

et aujourd’hui il va portant le chignon des ascètes, le corps couvert de saleté.

20.      Pendant le riche sacrifice du roi héroïque,

la fille qui a surgi de la surface de l’autel,

comment supporte-t-elle aujourd’hui ce séjour pénible

dans cette forêt, elle qui est vertueuse et mérite le bonheur ?

21.      Comment les fils de ces Dieux,

le Premier-des-trois-buts-de-l’homme, le Vent,

le Roi des Dieux aussi, ou encore les Aśvin [44],

vivent-ils dans la forêt avec peu de confort, alors qu’ils méritent le bonheur ?

22.      Car depuis que le fils de Dharma, avec sa femme, a perdu,

et qu’il a été banni avec sa fratrie et sa suite,

et que Duryodhana a prospéré,

comment la Terre ne s’écroule-t-elle pas avec ses montagnes ? »

 

 

3. 120. Sātyaki propose de marcher immédiatement sur les Kaurava. Il les défera, et Abhimanyu régnera tandis que Yudhiṣṭhira et ses frères finiront d’accomplir leur exil. Kṛṣṇa répond que Yudhiṣṭhira n’acceptera jamais un pays qu’il n’a pas conquis lui-même. Yudhiṣṭhira leur donne rendez-vous, quand le temps sera venu. Les Vṛṣṇi prennent congé. Suite du pèlerinage. Rivière Payoṣnī.

Livre III, chapitre 120

1. Sātyaki [45] dit :

« Non, Rāma, ce n'est pas le moment de se lamenter :

ce qui est aujourd’hui le futur, tous

nous le pratiquons bien comme un temps non écoulé,

même si Yudhiṣṭhira ne dit rien.

2.         Car ceux qui ont des protecteurs dans ce monde,

n’entreprennent pas une tâche d’eux-mêmes :

dans leurs tâches, il y a des protecteurs,

ô Rāma, comme Śibi et les autres avec Yayāti.

3.         Ainsi, Rāma, ceux dont les protecteurs entreprennent

les tâches en ce monde de leur propre chef,

ces héros parmi les hommes, ayant des protecteurs,

ne tombent pas dans le souci à la manière de ceux qui sont sans protection.

4.         Alors pourquoi celui-ci, ayant Rāma et le Tourmenteur-des-hommes,

Pradyumna, Sāmba et moi-même ensemble

et les protecteurs des trois mondes comme protecteurs,

vit-il dans la forêt avec ses frères de sang ?

5.         Eh bien, qu’aujourd’hui se mette en marche l’armée de Daśārha,

avec ses nombreuses armes de toutes sortes et ses armures chamarrées,

que le fils de Dhṛtarāṣṭra aille dans le séjour de Yama,

avec ses parents, vaincu par les forces des Vṛṣṇi !

6.         Car dans ta colère, cette Terre aussi

tu pourrais l’enserrer : lève-toi, ô Porteur de l'arc Śārṅga !

Triomphe du fils de Dhṛtarāṣṭra et de toute sa descendance,

comme le Roi des Dieux, le grand Indra, l’a fait de Vṛtra !

7.         Le fils de Pṛthā est pour moi un frère, un ami,

un gourou, il est comme l’alter-ego du Tourmenteur-des-hommes !

C'est pourquoi il accomplit là un exploit

élevé, suprême, insurmontable.

8.         Les pluies de ses flèches, moi, avec mes excellentes armes

je les arrêterai toutes dans la bataille, je m’en rendrai maître !

Et avec mes excellentes flèches pareilles à des flammes à venin de serpent

j’arracherai sa tête de son tronc, ô Rāma !

9.         Et moi, avec mon épée acérée, dans le combat,

j’arracherai violemment sa tête de son tronc,

puis je tuerai tous ses partisans,

Duryodhana et tous les Kuru.

10.      Que les gens de la Terre, pleins de joie, me regardent dans le combat,

là, avec mes armes, ô descendant de Rohiṇī,

détruisant à moi seul les chefs des guerriers Kuru,

comme quand, le temps venu, le feu de la Mort le fait de grandes broussailles.

11.      Les flèches acérées envoyées par Pradyumna ne peuvent pas

être supportées par Kṛpa, Droṇa, Vikarṇa et Karṇa !

Je connais l’héroïsme de ton fils,

et comment le descendant de Kṛṣṇa tient bon au combat !

12.      Que Sāmba, à la force de ses bras, punisse Duhśāsana,

avec son cocher et son char, en l’arrachant de force !

Car il n’y a rien qui soit infaisable dans le combat

pour le fils extrêmement combatif de Jāmbavatī !

13.      Car, quand il était encore enfant, il a repoussé

puissamment l'armée du Daitya Śambara ;

dans cette bataille il a tué Aśvacakra

aux cuisses arrondies, aux grands bras musclés !

Quel homme dans une bataille avec Sāmba

résisterait après être arrivé entre ses bras ?

14.      De la même façon qu’après avoir pénétré à l’intérieur de la Mort,

le moment venu un homme ne saurait lui échapper,

de même, après avoir pénétré à l’intérieur de ses bras, dans la bataille,

qui donc en reviendrait vivant ?

15.      Droṇa et Bhīṣma, ces deux grands auriges,

et Somadatta entouré de ses fils,

et toutes leurs armées, Vāsudeva

les consumera en entrecroisant ses flèches de feu !

16.      Qu’y a-t-il donc d’infaisable, dans les mondes

avec tous leurs Dieux, pour Kṛṣṇa,

quand il a dans ses mains ses excellentes armes et ses flèches,

et qu’il est armé de son disque sans égal au combat ?

17.      Qu’Aniruddha [46] aussi, avec à la main son bouclier de cuir et son épée,

fasse que cette terre soit jonchée

par les fils irréfléchis de Dhṛtarāṣṭra, massacrés et privés de leurs têtes,

comme l’autel est jonché de pâturin pendant les sacrifices de soma !

18.      Que Gada, Ulmuka, Bāhuka, Bhānu et Nītha,

et le héros dans la bataille, le jeune Niśaṭha,

et ces guerriers extrêmement combatifs, Sāraṇa et Cārudeṣṇa,

déploient des exploits dignes de leur lignée !

19.      Conduite par les chefs de guerre des Vṛṣṇi, des Bhoja et des Andhaka,

qu’une armée d’héroïques et nobles guerriers se rassemble,

et après avoir tué au combat les fils de Dhṛtarāṣṭra,

qu’elle fasse prospérer sa gloire dans le monde !

20.      Puis qu’Abhimanyu règne sur la Terre,

jusqu’à ce que le meilleur des connaisseurs du Dharma,

Yudhiṣṭhira au grand cœur, ait accompli le vœu

tel que le meilleur des Kuru l’a prononcé lors de la partie de dés.

21.      Une fois l’ennemi vaincu par les flèches que nous aurons envoyées,

le Roi du Dharma jouira alors de la Terre,

débarrassée des fils de Dhṛtarāṣṭra, avec ses cochers et ses fils tués,

car c’est la tâche qu’il nous faut accomplir avant tout, et qui donne la gloire. »

22. Vāsudeva dit :

« Sans conteste, ô descendant de Madhu, cela est vrai ;

nous comprenons ta parole, homme plein d’entrain,

mais une terre non gagnée par ses propres bras,

le taureau des Kuru ne saurait en aucune façon en avoir envie.

23.      Car que ce soit par convoitise, par peur, par cupidité,

jamais Yudhiṣṭhira n’abandonnerait son Dharma,

ni Bhīma et Arjuna, ou les deux jumeaux,

ni non plus la Noiraude, la fille de Drupada.

24.      Car ces deux-là au combat sont sur Terre incomparables,

Ventre-de-loup et Dhanaṃjaya ;

et pourquoi ne devrait-il pas régner sur toute la Terre

celui à qui les enfants de Mādrī rendent hommage ?

25.      Mais quand le roi de Pāñcāla au grand cœur

avec le Kekaya, le roi de Cedi et nous,

nous combattrons et attaquerons nos ennemis,

le Bon-Guerrier quittera le monde des vivants ! »

26. Yudhiṣṭhira dit :

« Ce que tu dis là, ô Mādhava, n’est pas étonnant,

mais ce que je dois le plus protéger c’est la Vérité, pas mon royaume.

Kṛṣṇa est le seul à me connaître tel que je suis,

et moi je connais Kṛṣṇa tel qu’il est.

27.      Quand ce grand héros parmi les hommes saura

que c’est le temps de l’héroïsme, ô Mādhava,

alors toi, dans le combat, ô grand héros des Śini [47],

tu vaincras le Bon-Guerrier, avec le Chevelu.

28.      Que maintenant les héros de Daśārha retournent :

je suis inébranlable avec mes protecteurs, les protecteurs du monde des hommes !

Prenez soin du Dharma, ô hommes incommensurables,

je vous reverrai quand nous nous rencontrerons, étant heureux ! »

29. Vaiśampāyana dit :

« Ils se saluèrent réciproquement et prirent ainsi congé,

embrassant les aînés et tous les enfants,

et les grands héros Yadu rentrèrent chez eux,

et le roi de son côté visita les lieux d'ablutions.

30.      Après avoir renvoyé Kṛṣṇa, le roi du Dharma

s’installa au voisinage de la rivière Payoṣṇī,

aménagée par le roi de Vidarbha, facile à traverser,

dont l’eau est mêlée de soma pressuré.

 

 

3. 121. Lomaśa relate les sacrifices fameux qui ont été offerts sur la Payoṣnī . Rivière Narmadā.

Livre III, chapitre 121

1. Lomaśa dit :

« Nṛga avait avait surveillé là un sacrifice, et le Destructeur-de-remparts 

s’en était réjoui, d’après ce que dit la tradition, ô roi, et dans sa joie il s’était enivré de soma.

2. Ici les Dieux, en compagnie d’Indra et des Seigneurs-des-créatures, 

ont fait une offrande avec toutes sortes de grands sacrifices, dotés de nombreuses aumônes.

3. Ici, le roi fils d'Amūrtarayas a satisfait le Seigneur

Porteur-du-foudre avec le soma, lors de sept sacrifices de chevaux.

4. Lors de ses sept sacrifices, était en or tout

ce qui est généralement fait de bois et de terre lors d'un rite.

5. Lors de ses sacrifices, sept rituels sont devenus célèbres.

Sur chacun de ses sept poteaux sacrificiels il y avait des anneaux au-dessus.

6. A ses sacrifices, des poteaux sacrificiels dont l’or rayonnait

furent érigés par les Dieux eux-mêmes et Indra, ô Yudhiṣṭhira.

7. Lors de ces éminents sacrifices du roi de la Terre Gaya,

Indra s'enivrait de soma, et les deux-fois-nés de leurs honoraires.

8. Comme les grains de sable dans le monde, ou comme les étoiles dans le ciel,

ou comme les gouttes de pluie qui tombent sont innombrables,

9. aussi innombrables étaient les richesses que Gaya offrit

aux prêtres surveillants, ô Mahārāja, lors de ses sept sacrifices.

10. Et si l’on pouvait calculer d’après ce qu’on a en raconté,

il ne serait pas possible de calculer les honoraires donnés par ce bienfaiteur.

11. Et avec des vaches en or façonnées par le Démiurge universel,

il réjouit les brahmanes, qui s'étaient rassemblés, venue de toutes sortes de pays.

12. À cause des sanctuaires, il restait peu d’espace dans la terre de Gaya

au grand cœur qui sacrifiait ici et là, ô Seigneur des peuples.

13. Par ses actes, il a obtenu les mondes d'Indra, ô Bhārata,

et celui qui se baignerait dans la Payoṣṇī le rejoindrait dans son monde.

14. C'est pourquoi, ô roi des rois sans reproche, si ici avec tes frères

tu te baignes, ô gardien de la Terre, tu seras débarrassé du mal. »

15. Vaiśampāyana dit :

« Après s’être baigné dans la Payoṣṇī avec ses frères, ce meilleur des hommes,

éclatant, irréprochable, alla avec ses frères

vers le mont Vaiḍūrya et la grande rivière Narmadā.

16. Alors le bienheureux sage Lomaśa lui expliqua tous

les charmants lieux d'ablutions çà et là, ô Seigneur des peuples.

17. Comme il convient et comme cela lui plaisait, il marcha avace ses frères

donnant encore et encore de l’argent au brahmanes, par milliers.

18. Lomaśa dit :

« On va ainsi, ô fils de Kuntī, dans le même monde que les Dieux et les rois,

quand on a vu le mont Vaiḍūrya et qu’on a descendu la Narmadā.

19. C’est ici la jonction, ô le meilleur des hommes, du troisième âge du monde et du deuxième :

une fois qu'on y est parvenu, ô fils de Kuntī, on est libéré de tous les maux.

20. Ce lieu se distingue, mon ami, comme étant celui du sacrifice de Śaryāti,

où Kauśika [48] en personne a bu le soma avec les deux Aśvin.

21. Et aussi le grand ascète Cyavana, fils de Bhṛgu, se mit en colère

contre Indra le Grand, et ce seigneur paralysa Vāsava,

et aussi il obtint la princesse Sukanyā pour épouse. »

22. Yudhiṣṭhira dit :

« Comment le bienheureux Punisseur de Pāka [49] a-t-il été paralysé par lui,

et pourquoi aussi le grand ascète fils de Bhṛgu s’est-il mis en colère ?

23. Et comment, ô brahmane, les Nāsatya [50] ont-ils été transformés en buveurs de soma ?

Raconte-moi comment tout cela est arrivé, ô bienheureux.

 

 

3. 122. Lomaśa raconte l’Histoire de Sukanyā. Cyavana, le fils de Bhṛgu, se livre à des austérités terribles. Il reste sans bouger, à tel point que son corps est recouvert par une fourmilière. Le roi Śaryāti passe par là avec sa fille Sukanyā. Sukanyā aperçoit deux yeux dans une fourmilière, et les crève d’une épine. Réaction immédiate de Cyavana, qui bloque les fonctions naturelles de l’armée de Śaryāti. On découvre ce qui s’est passé et on s’empresse autour de Cyavana. Celui-ci pardonne à condition de recevoir Sukanyā pour épouse. Et Sukanyā devient l’épouse heureuse d’un ermite austère.

Livre III, chapitre 122

1. Lomaśa dit :

« Le grand sage Bhṛgu avait un fils du nom de Cyavana, fils de Bhṛgu,

et cet homme glorieux pratiquait l’ascèse près de ce lac.

2. Pareil à un poteau, cet homme au grand éclat resta dans la position du héros [51],

ô Pāṇḍava, pendant très longtemps, au même endroit, ô Seigneur des peuples.

3. Ce sage devint une fourmilière recouverte de plantes grimpantes

après un très long temps, ô roi, toute pleine de fourmis.

4. Ainsi enveloppé, ce sage paraissait en tous sens un tas de terre,

et il se livrait à l’ascèse, ô roi, tout couvert par la fourmilière.

5. Longtemps après, un roi du nom de Śaryāti

vint à ce lac tout à fait enchanteur pour s’y promener.

6. Il avait un harem de quatre mille femmes,

et aussi son unique fille, splendide, du nom de Sukanyā.

7. Celle-ci, entourée de ses amies, parée de tous ses bijoux,

arriva en se promenant à la fourmilière du fils de Bhṛgu.

8. Là, la jeune fille aux belles dents, regardant les arbres majestueux

qui charmaient l’esprit et les examinant avec soin, se promenait, entourée de ses amies.

9. Avec sa beauté, sa jeunesse, sa passion et son ivresse

elle cassait les branches les plus fleuries des arbres de la forêt.

10. Elle avait été laissée seule par ses amies, elle avait un seul vêtement et tous ses atours,

et le sage fils de Bhṛgu la vit circuler comme un éclair.

11. Ce sage à la sublime splendeur se réjouit de la voir seul à seule,

et ce sage brahmane, au cou émacié, plein de la force de l’ascèse,

il appela la belle, mais elle ne l’entendit pas.

12. Alors Sukanyā, voyant dans la fourmilière les yeux du fils de Bhṛgu,

par curiosité, avec une épine, victime de l’égarement de son esprit,

13. disant « Qu’est-ce que c’est que ça ? » lui creva un œil.

Au comble de la fureur d’avoir son œil crevé, il se mit en colère contre elle,

et il bloqua alors les excréments et l’urine dans l’armée de Śaryāti.

14. Excréments et urine bloqués, l’armée souffrait de cette constipation,

et voyant ce qui se passait, le roi s’interrogeait :

15. « Il est constamment voué à l’ascèse, vieux, particulièrement colérique,

qui a fait du tort ici aujourd’hui au fils de Bhṛgu au grand cœur ?

Que cela ait été fait sciemment ou non, dites la vérité sans délai ! »

16. Tous les soldats lui dirent : « Nous n’avons pas connaissance d’un tort,

que votre Seigneurie le trouve par tous les moyens selon son bon plaisir. »

17. Alors ce gardien de la Terre interrogea lui-même, avec aménité ou avec rudesse,

le groupe de ses amis, mais ils ne lui apprirent rien non plus.

18. Alors, voyant l’armée accablée par la constipation et tourmentée par le chagrin,

et son père abattu aussi, Sukanyā lui dit alors ceci :

19. « Tandis que je me promenais, j'ai vu dans une fourmilière une créature qui brillait,

et la prenant pour une luciole, je me suis approchée et je l’ai percée… »

20. En entendant cela, Śaryāti se précipita rapidement vers la fourmilière,

et là il vit le fils de Bhṛgu, vieilli dans l’ascèse, vieilli en âge.

21. Alors le roi de la Terre, les mains jointes sur son front, le supplia au sujet de son armée :

« Daigne pardonner ce que cette jeune fille a fait par ignorance ! »

22. Cyavana, le fils de Bhṛgu, dit alors ensuite au roi :

« Elle est pleine de beauté et de noblesse, dominée par la confusion et l’égarement,

23. ta fille, ô roi : si je la reçois en cadeau,

je pardonnerai, ô roi, ce que je te dis là est la vérité! »

24. En entendant la parole du sage, Śaryāti sans hésiter

donna sa fille à Cyavana au grand cœur.

25. Après avoir reçu la jeune fille, Cyavana s’apaisa

et, ayant obtenu sa grâce, le roi et son armée s’en retournèrent.

26. L'irréprochable Sukanyā, ayant pris pour mari un ascète,

le servait constamment, dans l’amour, l’ascèse et la discipline.

27. Veillant sur les feux et les hôtes avec bienveillance,

la femme au visage rayonnant se concilia rapidement Cyavana.

 

 

3. 123. Les Aśvin l’aperçoivent qui se baigne nue. Ils lui font la cour. Comment peux-tu appartenir à un vieillard ?. Ils lui proposent de redonner jeunesse à son mari : elle pourra alors choisir entre eux trois. Cyavana accepte ce marché, entre dans l’eau, et en ressort jeune et beau comme les Aśvin. Mais Sukanyā choisit son époux, qui, pour remercier les Aśvin, leur promet une part de soma du sacrifice.

Livre III, chapitre 123

1. Lomaśa dit :

« Après un certain temps, parmi les Dieux, les deux Aśvin, ô roi,

virent Sukanyā qui venait de faire ses ablutions et qui était sans voile.

2. Lorsqu'ils la virent avec son beau corps, semblable à la fille du roi des Dieux,

les Aśvin Nāsatya se précipitèrent vers elle et lui dirent :

3. « À qui es-tu, femme aux belles cuisses, et que fais-tu dans la forêt ?

Nous voulons te connaître, ma chère, dis-le-nous, ma belle ! »

4. Sukanyā se rhabilla et dit à ces deux éminents Dieux

qu'elle était la fille de Śaryāti et la propriété et l'épouse de Cyavana.

5. Les Aśvin éclatèrent de rire et lui dirent encore :

« « Comment se fait-il que ton père ait donné une belle fille comme toi à un homme d’âge avancé ?

6. Tu rayonnes au milieu de la forêt comme un éclair à multiples branches,

même parmi les Dieux, nous ne voyons pas de femme qui t'égale, fille rayonnante !

7. Pourvue de tous les ornements et portant un superbe vêtement,

tu serais vraiment resplendissante avec ton corps irréprochable, et pas couverte de poussière et de boue.

8. Pourquoi une femme telle que toi se dévoue-t-elle à un mari

décrépit par la vieillesse, ma jolie, et qui n’a plus part aux plaisirs de l’amour ?

9. Une personne incapable de te protéger et de te nourrir, femme au sourire éblouissant ?

Le mieux est que tu rejettes Cyavana et que tu choisisses l'un de nous deux

pour ton mari, toi qui a l’aspect d’un rejeton des Dieux : ne gâche pas ta jeunesse ! »

10. A ces mots Sukanyā dit ceci aux deux Dieux :

« J’aime mon mari Cyavana, ne vous faites pas d’idées ! »

11. Tous deux lui dirent à nouveau : « Nous sommes les grands médecins des Dieux :

nous rendrons ton mari jeune et plein de beauté.

12. Puis parmi nous deux et lui, choisis un seul époux,

Informe-le de cette offre, femme au beau visage ! »

13. À leur demande, elle s'approcha du fils de Bhṛgu

et elle dit au fils de Bhṛgu les paroles qu’ils avaient dites.

14. Lorsqu'il entendit cela, Cyavana dit à sa femme : « Qu'il soit fait ainsi ! »

Et ayant obtenu l'accord de son époux, elle leur dit : « Qu'il soit fait ainsi. »

15. Les Aśvin, entendant sa parole « Qu'il soit fait ainsi. »

dirent à la princesse : « Que ton époux entre dans l’eau ! »

16. Sur quoi Cyavana, qui désirait la beauté, entra rapidement dans l'eau,

et les Aśvin aussi entrèrent dans le lac, Seigneur.

17. Puis au bout d’un moment, ils sortirent tous du lac,

arborant tous une beauté divine, jeunes, portant de jolies boucles d'oreilles

arborant une égale beauté, augmentant l'amour de son cœur.

18. Ils lui dirent tous ensemble : « Choisis l’un de nous, femme rayonnante,

celui que tu désires, ma chère, en qualité d'époux, femme au beau teint,

et aussi parce que tu l’aimes, choisis-le, ô très belle femme. »

19. Quand elle les vit tous se tenant devant elle, arborant une égale beauté,

réfléchissant en esprit et en pensée, la princesse choisit son prpopre époux.

20. Ayant obtenu son épouse et la beauté juvénile qu'il désirait, Cyavana

au grand éclat, joyeux, dit ces mots aux deux Nāsatya :

21. « Comme je suis plein de beauté et que je possède la jeunesse

grâce à vous deux, Seigneurs, alors que je suis vieux, et que j’ai obtenu cette femme pour épouse,

22. je ferai donc de vous deux, par amitié, des buveurs de soma,

en dépit du regard du roi des Dieux, je vous dis là la vérité ! »

23. Après avoir entendu cela, les Aśvin, l’esprit joyeux, retournèrent au ciel,

et Cyavana et Sukanyā s’ébattirent comme des Dieux.

 

 

3. 124. En présence de Śaryāti, Cyavana offre un sacrifice, et réserve une part de soma pour les Aśvin. Indra l’en empêche : les Aśvin sont des médecins besogneux, ils n’en sont pas dignes. Cyavana donne quand même le soma aux Aśvin et Indra lance son foudre sur lui. Cyavana lui paralyse le bras et suscite un démon terrible, Mada, qui se précipite sur Indra.

Livre III, chapitre 124

1. Lomaśa dit :

« Alors, ayant appris que Cyavana avait été rendu jeune, Śaryāti,

tout content alla avec son armée à l’ermitage du fils de Bhṛgu.

2. En voyant Cyavana et Sukanyā pareils à deux enfants de Dieux,

le roi Śaryāti fut aussi ravi que s'il avait conquis toute la Terre.

3. Le roi et sa femme furent bien accueillis par le sage,

et le roi au grand cœur vint s’asseoir auprès de lui et lui tint des propos aimables.

4. Alors le fils de Bhṛgu, ô roi, lui dit ceci d'une voix apaisante :

« Je vais célébrer un sacrifice pour toi, roi, prépare le nécessaire. »

5. Alors, envahi d’une joie extrême, le roi Śaryāti

accueillit respectueusement, ô Mahārāja, la proposition de Cyavana.

6. Un jour faste, propre au sacrifice, avec toute la prospérité qu’il désirait,

Śaryāti fit aménager un sublime terrain sacrificiel.

7. Puis, Cyavana, ô roi, le fils de Bhṛgu, célébra pour lui un sacrifice,

et il y avait là des merveilles : apprends de moi quelles elles étaient.

8. Cyavana prit alors du soma pour les divins Aśvin,

et Indra arrêta la coupe qui avait été prise pour eux.

9. Indra dit :

« Ces deux Nāsatya ne méritent pas le soma, à mon avis

Puisqu’ils sont les médecins des fils des Dieux, à cause de ce qu’ils font ils n’en sont pas dignes ! »

10. Cyavana dit :

« Ne méprise pas ces deux Dieux au grand cœur qui sont supérieurs en beauté et en richesse,

car ils m'ont rendu, ô Généreux, le plus beau, comme si j’étais exempt de vieillesse !

11. En dehors de toi et des autres Éveillés, pourquoi ne mériteraient-ils pas le jus du soma ?

Les deux Aśvin aussi sont des Dieux, ô roi des Dieux, sache-le, ô Destructeur-de-remparts ! »

12. Indra dit :

« Ce sont des médecins, des travailleurs, prenant la forme qui leur plaît,

ils circulent dans le monde des mortels : comment pourraient-ils ici  mériter le soma ? »

13. Lomaśa dit :

« Alors que Vāsava répétait ces mêmes mots,

le fils de Bhṛgu sans jeter un regard sur lui, prit la coupe.

14. Mais comme il allait prendre l’excellent soma pour les deux Aśvin,

le Dieu Tueur-de-Bala le regarda et lui dit cette parole :

15. « Si, pour eux, tu prends le soma de ton propre chef,

je te lancerai mon foudre à l’aspect effrayant, insurpassable ! »

16. A ces mots le fils de Bhṛgu, souriant, regarda Indra

et il prit selon les règles une sublime coupe de soma pour les deux Aśvin.

17. L'époux de Śacī lui lança alors son foudre à l’aspect effrayant,

et, tandis qu’il le lançait, le fils de Bhṛgu lui paralysa le bras.

18. Après l’avoir paralysé, Cyavana versa une libation dans le feu en récitant des mantras,

désirant faire de la sorcellerie, le sage au très grand éclat était prêt à faire du mal au Dieu.

19. Alors, par la puissance de l’ascèse du sage, la sorcellerie devint

un grand Asura du nom d’Ivresse, très puissant, avec un corps gigantesque,

dont le corps ne pouvait être identifié par les Dieux et les Asuras.

20. Sa gueule était effrayante, grande, avec des dents aux pointes acérées,

une de ses mâchoires touchait le sol, et l’autre allait jusqu’au ciel.

21. Ses quatre crocs étaient longs de cent centaines de lieues,

ses autres dents faisaient dix lieues,

pareilles pour l’aspect à des remparts, offrant l’apparence de pointes de lances.

22. Ses bras étaient pareils à des montagnes, chacun long d'une myriade de lieues,

ses yeux étaient semblables au Soleil et à la Lune, sa gueule comparable à la Mort.

23. Léchant constamment sa bouche avec une langue avide, aussi mobile que l’éclair,

ouvrant sa bouche horrible à voir, comme s'il allait engloutir le Monde de force,

24. il courut furieusement vers le Dieu aux cent sacrifices pour le dévorer,

faisant résonner les mondes de son grand et terrifiant rugissement.

 

 

3. 125 Indra, terrifié, accorde le soma aux Aśvin. Cyavana se calme et libère Indra. Suite du pèlerinage. Forêt Saindhava, mont Arcīka, rivière Yamunā.

Livre III, chapitre 125

1. Lomaśa dit :

« Quand le Dieu aux cent sacrifices vit Ivresse avec son visage effrayant

approcher pour le dévorer, avec sa gueule ouverte, pareil à la mort,

2. Le bras paralysé, se léchant sans cesse, dans sa peur, les commissures des lèvres,

le roi des Dieux, accablé par la peur, dit à Cyavana :

3. « A partir d'aujourd'hui les Asvins sont dignes du soma, ô fils de Bhṛgu,

Ce mot que je te dis sera vrai pour l’avenir, ô brahmane.

4. Ton entreprise n'est pas faite en vain : que ce soit là une règle absolue.

Je sais moi-même, ô sage brahmane, que tu n’agiras pas en vain.

5. Tout comme tu as rendu aujourd'hui les Aśvin dignes du soma,

Puisse ta force se manifester encore davantage, ô fils de Bhṛgu !

6. Puisse la renommée de Sukanyā et de son père se répandre dans le monde.

Je considère comme établie la splendeur de ta force.

Aussi fais-moi grâce, qu’il en soit comme tu le désires ! »

7. A ces paroles de Śakra, chez Cyavana au grand cœur

la colère disparut rapidement, et il libéra le Destructeur-de-remparts.

8. Le puissant sage répartit Ivresse, ô roi, entre l'alcool, les femmes,

les dés et la chasse, avec lesquels elle est créée encore et encore.

9. Après avoir ainsi neutralisé Ivresse, après avoir réjoui Śakra d’une goutte de soma

ainsi que les Aśvin en même temps que les Dieux, après avoir célébré un sacrifice pour le roi,

10. et après avoir fait connaître sa puissance à tous les mondes, le meilleur des orateurs

s’ébattit dans la forêt en compagnie de la dévouée Sukanyā.

11. C’est là son étang qui brille, ô roi, résonnant d'oiseaux.

Ici, après avoir satisfait, avec tes frères, les Ancêtres et les Dieux par des offrandes,

12. après avoir vu cela, ô gardien de la terre, et l’Œil-de-Sable [52], ô Bhārata,

va à la forêt de Sindhu et visite les canaux,

et partout dans Puṣkara, ô Mahārāja, touche l’eau.

13. Il y a le mont Ārcīka, séjour des sages,

toujours en fruits, toujours irrigué, la sublime demeure des Maruts.

Voici plusieurs centaines de sanctuaires des Trente Dieux, Yudhisthira :

14. voici le lieu d'ablutions de la Lune autour duquel viennent s’asseoir les sages,

ainsi que les anachorètes de Vikhanas, de même que les Vālakhilyās.

15. Il y a trois pics sacrés et trois cascades :

tous tu dois en faire le tour et t’y baigner à ta guise.

16. Et c'est ici, ô roi fils de Kuntī, que Śāṃtanu et Śunaka,

ainsi que Nara et Nārāyaṇa, ont rejoint l’Éternel.

17. Ici, les Dieux et les Ancêtres, constamment allongés avec les grands sages,

ont pratiqué l’ascèse sur le mont Ārcīka : honore-les, ô Yudhiṣṭhira !

18. Là, les sages mangent des bouillies de riz, d’orge et de pois cuits dans du lait, ô Seigneur des peuples.

Et il y a là la rivière Yamunā aux flots inépuisables, et Kṛṣṇa y trouve le plaisir dans l’ascèse.

19. Les jumeaux, Bhīmasena et la Noiraude, ô tourmenteur de tes ennemis,

tous nous irons là, très émaciés, très ascétiques.

20. C'est là la cascade sacrée d'Indra, ô roi des hommes,

où sont montés le Créateur, le Dispensateur et Varuṇa.

21. Ils demeurent ici, ô roi, indulgents et dans le plus grand respect du Dharma ;

cette excellente et splendide montagne est celle de l’amitié et de la droiture.

22. C'est là la Yamunā, ô roi, fréquentée par une multitude de sages de sang royal,

où il y a des tas de sacrifices de toutes sortes, ô roi, sainte et qui dissipe le péché et la peur.

23. C'est ici que le roi maître archer Māndhātā en personne célébrait des sacrifices,

ainsi que Sahadeva Somaka, ô fils de Kuntī, le plus grand des donateurs.

 

 

3. 126. Lomaśa raconte l’Histoire de Māndhātṛ. Le roi Yuvanāśva est sans descendance. Il se livre à des austérités terribles. Une nuit, il vient rendre visite au fils de Bhṛgu : celui-ci dort. Yuvanāśva, assoiffé, boit l’eau d’une jarre posée sur l’autel. Au matin, le fils de Bhṛgu demande qui a bu l’eau : elle était incantée pour la femme de Yuvanāśva, afin que celui-ci puisse avoir un fils. C’est donc Yuvanāśva qui portera ce fils. Au bout de cent ans, il naît, en perçant le flanc de son père. Indra lui fait sucer son doigt, et il grandit immédiatement. C’est le roi Māndhātṛ, célèbre pour ses sacrifices.

Livre III, chapitre 126

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Māndhātā était un tigre parmi les hommes, célèbre dans les trois mondes.

Comment est né, ô grand brahmane, cet éminent roi, fils de Yauvanāśva ?

Et comment cet homme à la splendeur sans mesure a-t-il atteint ce but ultime ?

2. Les trois mondes lui étaient aussi soumis qu'à Viṣṇu au grand cœur.

C’est là ce que je souhaite entendre, la geste de ce sage,

3. et comment le nom de Māndhātā a été donné à cet homme qui avait un éclat pareil à celui de Śakra,

et la naissance de cet homme au courage sans égal : car tu sais bien raconter. »

4. Lomaśa dit :

« Écoute attentivement, ô roi, comment le nom de Māndhātā

de ce roi au grand cœur est invoqué dans les mondes.

5. Il y avait un roi de la Terre, Yuvanāśva, qui était né dans la lignée d'Ikṣvāku,

et ce gardien du monde célébrait des sacrifices avec de très nombreuses aumônes.

6. Cet excellent connaisseur du Dharma accomplissait des milliers de sacrifices de chevaux

avec toutes sortes d’autres magnifiques rituels accompagnés d’aumônes appropriées.

7. Mais ce roi au grand cœur et ferme dans ses vœux, était sans descendance,

et, ayant confié son royaume à ses conseillers, il vivait en permanence dans la forêt.

8. Ayant dompté lui-même ses propres sens selon les indications qu’on voit dans les traités,

le cœur desséché par la soif, il entra dans l'ermitage de Bhṛgu.

9. Cette nuit-là même, ô roi des rois, le fils de Bhṛgu au grand cœur,

un grand sage, avait exécuté un rite propitiatoire pour donner un fils à Yuvanāśva, le fils de Sudyumna.

10. Il avait préparé une grande jarre d'eau purifiée à l’aide de mantras ;

et elle était là, ô roi des rois, ayant été placée là auparavant :

après l’avoir absorbée, sa femme enfanterait un fils pareil à Śakra.

11. Après avoir déposé la jarre sur un banc, les grands sages s’étaient endormis,

fatigués par leur veille nocturne ; le fils de Sudyumna les dépassa.

12. Le roi, la gorge sèche, tourmenté par la soif, cherchant ardemment quelque chose à boire,

entra dans l'ermitage avec lassitude et demanda à boire.

13. Mais lorsque le roi épuisé, la gorge sèche, cria,

personne ne l'entendit : c'était comme le cri d'un oiseau.

14. Alors, voyant la jarre pleine d'eau, le roi

courut vers elle impétueusement et, ayant bu, répandit l’eau.

15. Lorsque le roi tourmenté par la soif eut bu l'eau fraîche,

le sage entra dans un repos parfait, et il se sentit très bien.

16. Bientôt les sages se réveillèrent en même temps que le roi,

et ils virent tous la jarre vidée de son eau.

17. Ils se sont réunis et ont demandé : « Qui a fait ça ? »

Yuvanāśva répondit la vérité : « C’est moi. »

18. Le bienheureux fils de Bhṛgu lui dit : « Ce n’est pas convenable,

car cette eau avait été mise en réserve pour avoir un fils et elle avait été collectée à force d’ascèse.

19. Car je l’avais déposée là comme un objet sacré, en m’astreignant à une ascèse implacable,

pour que tu aies un fils, ô sage de sang royal, d'une grande valeur et d'une grande force,

20. un fils d'une grande force, d’une grande vaillance, possédant la puissance de l’ascèse,

qui, grâce à sa vaillance, pourrait même envoyer Śakra dans le séjour de Yama !

21. Tel était le rite par lequel, ô roi, je l'avais amenée.

Le fait que tu aies consommé cette eau, ô roi, est un acte inconvenant aujourd’hui.

22. Mais aujourd’hui il ne nous est pas possible de faire autrement,

car sans doute ce que tu as fait là a été fait par une volonté divine.

23. Avec cette eau que, assoiffé, tu as bue, qui avait été sanctifiée par les mantras et les rites,

ô Mahārāja, et que j’avais amassée par la force de mon ascèse,

tu enfanteras toi-même un fils qui aura autant de force.

24. Nous accomplirons nous-mêmes ici pour toi ce rite propitiatoire tout à fait prodigieux,

de sorte à ce que tu enfantes, étant plein de force, un fils pareil à Śakra ! »

25. Cent ans passèrent pour ce roi au grand cœur,

et un fils incomparable, pareil au Soleil, perça son flanc gauche,

26. et il sortit, plein d’un grand éclat, et la Mort ne pénétra pas

le roi Yuvanāśva, ce qui était vraiment prodigieux !

27. Alors Śakra au grand éclat vint le voir

et Śakra mit son index dans sa bouche.

28. « C'est moi qu'il sucera ! » lui expliqua le Porteur du foudre.

Et c’est ainsi qu’Indra et les habitants du ciel le nommèrent Māndhātā [53].

29. Après avoir goûté l'index que Śakra lui avait offert, l’enfant

grandit, ô gardien de la Terre, jusqu'à une hauteur de treize coudées.

30. Les Veda et les Veda de l’arc et toutes les armes divines étaient à la disposition

de ce souverain, ô Mahārāja, à chaque fois qu'il y pensait.

31. L'arc nommé Ājagava, des flèches qui étaient faites de corne

et une armure impénétrable venaient le rejoindre immédiatement.

32. Il reçut l’onction de Śakra le Généreux en personne, ô Bhārata,

et par son Dharma il conquit les trois mondes, comme Viṣṇu avec ses trois enjambées [54].

33. Sans entrave, la roue du souverain au grand cœur roulait,

et les joyaux affluaient d’eux-mêmes vers le sage de sang royal.

34. Sa riche terre, ô roi de la riche Terre, était pleine de richesses,

et il offrait de nombreux sacrifices de toutes sortes accompagnés d’aumônes très appropriées.

35. Après avoir fait des tas de sanctuaires, ce roi au grand éclat eut une abondance de Dharma,

et, avec une splendeur sans mesure, il occupa, ô roi, la moitié du trône de Śakra.

36. En seulement quelques jours, ce sage constamment attaché au Dharma soumit

la Terre à son autorité, avec ses mines de joyaux et ses cités.

37. Des autels, ô Mahārāja, destinés à des sacrifices riches en aumônes

envahissaient les quatre coins de la Terre, il n’y avait pas d’endroit qui fût laissé à découvert.

38. Ce roi au grand cœur donna dix mille milliards

de vaches, dit-on, aux brahmanes, ô Mahārāja.

39. Après une sécheresse de douze ans, l'homme au grand cœur

fit pleuvoir pour augmenter les moissons, sous les yeux du Porteur du foudre.

40. Le grand roi du Gāndhāra, issu de la lignée de la Lune,

comme un grand nuage pluvieux qui gronde, fut violemment tué par ses flèches.

41. Quatre sortes de créatures furent vaincues, ô roi, par cet homme au grand cœur,

par sa propre ascèse, et les mondes ont été fixés aussi par son éclat.

42. C'est là le terrain où il offrait des sacrifices aux dieux, resplendissant comme le Soleil :

regarde dans ce lieu très saint, au milieu du champ des Kuru.

43. Voilà, je t’ai raconté toute la grande geste de Māndhātā

et son éminente naissance, ô roi, sur laquelle tu m’interroges. »

 

 

3. 127. Lomaśa raconte l’Histoire de Jantu. Le roi Somaka avait cent femmes et un seul fils, Jantu, obtenu dans sa vieillesse. Jantu est pourri par ses cent mères. Une fourmi le pique et les cent femmes poussent des cris perçants, au grand effroi de Somaka. Il se plaint de n’avoir qu’un seul fils. Son prêtre lui propose un rite spécial : on sacrifiera Jantu, les femmes respireront la fumée du sacrifice et auront chacune un enfant.

Livre III, chapitre 127

1. Yudhiṣṭhira dit :

« De quelle valeur était le roi Somaka, ô le meilleur des orateurs ?

Je souhaite entendre parler de ses exploits et de sa puissance tels qu'ils furent réellement. »

2. Lomaśa dit :

« Yudhiṣṭhira, il y avait un roi respectueux du Dharma, nommé Somaka,

il avait une centaine d'épouses, ô roi, du même rang.

3. Ce même roi, malgré de grands efforts, ne parvenait pas

à avoir un fils avec elles au bout d’un si long temps.

4. Un jour, après avoir vieilli et avoir continué à faire de gros efforts,

un fils nommé Jantu lui naquit de cette centaine de femmes.

5. Une fois né, toutes les mères l’entourèrent et se rassemblèrent autour de lui,

le suivant toujours pour faire tout ce qui pouvait lui plaire, ô Seigneur des peuples.

6. Puis un jour, une petite fourmi rouge le mordit à la fesse

et le gamin, mordu, hurla, ô roi, de douleur.

7. Alors toutes les mères poussèrent des cris, au comble de la douleur,

entourant Jantu toutes ensemble, et le bruit était étourdissant.

8. Le roi entendit soudain ce cri de souffrance,

alors qu'il était assis avec ses prêtres au milieu de l'assemblée de ses conseillers.

9. Alors le roi envoya voir ce que c’était,

et le chambellan lui raconta ce qui arrivait à son fils.

10. Et Somaka et ses conseillers se levèrent en hâte,

ils entrèrent dans le gynécée, et le dompteur de ses ennemis consola son fils.

11. Après avoir réconforté son fils, le roi sortit du gynécée

et en compagnie de ses prêtres, ô roi, et avec ses conseillers il s'assit.

12. Somaka dit :

« Maudit soit le fait de n’avoir ici-bas qu’un seul fils ! Le mieux serait de ne pas avoir de fils !

Puisque les créatures sont constamment malades, n’avoir qu’un seul fils est une peine !

13. Ce tas d’une centaine de femmes, ô brahmane, je l’ai examiné, Seigneur,

je les ai épousées pour avoir des fils, et il n’y a avec elles aucune descendance !

14. C’est à peine si j’ai eu un seul fils, ce Jantu,

à force de persévérer avec toutes ! Y a-t-il un malheur pareil à celui-là ?

15. La vigueur de ma jeunesse est passée, et avec moi celle de mes femmes, ô le meilleur des deux-fois-nés,

leurs vies et la mienne dépendent de ce fils unique !

16. Y aurait-t-il donc un rite approprié avec lequel j’en aurais une centaine ?

Que ce rite soit grand, ou aisé, ou difficile à faire ? »

17. Un prêtre dit :

« Il existe assurément un rite par lequel on peut avoir cent fils.

Si tu peux le faire, Somaka, je te l'expliquerai, ô Somaka. »

18. Somaka dit :

« Que ce soit faisable ou que ça ne soit pas faisable, si cela peut me faire avoir une centaine de fils,

sache bien que c’est une chose de faite ! Ô bienheureux, explique-moi ! »

19. Le prêtre dit :

« Fais un sacrifice avec Jantu, ô roi, selon le rite que j’accomplirai :

Alors, Seigneur, tu auras cent fils en un rien de temps.

20. Quand sa graisse brûlera dans le feu sacrificiel, les mères en humeront la fumée,

et celles-ci t’enfanteront alors des fils d’une très grande puissance.

20. Quand sa graisse brûlera dans le feu sacrificiel, les mères en humeront la fumée,

et celles-ci t’enfanteront alors des fils d’une très grande puissance.

21. Jantu renaîtra de la même femme, et sera à nouveau ton fils :

et il aura une tache de naissance dorée sur le flanc gauche.

 

 

3. 128. Ainsi est fait, malgré les protestations des femmes. Après dix mois, naissent cent fils, Jantu l’aîné, de la même mère. Le prêtre meurt, et Somaka peu après. Il trouve son prêtre en enfer : c’est à cause du rite contraire à la loi qu’il a pratiqué. Somaka décide de rester avec lui en enfer. Ils retrouvent après les mondes qui leur reviennent.

Livre III, chapitre 128

1. Somaka dit :

« Brahmane, tout ce qui doit être fait, de quelque manière que ce soit, fais-le de quelque manière que ce soit :

dans ma résolution d’avoir un fils, je ferai tout ce que tu diras ! »

2. Lomaśa dit :

« Alors il fit un sacrifice pour Somaka avec Jantu,

mais les mères, prises de compassion, éloignèrent de force l'enfant.

3. Criant : « Ha, nous sommes perdues ! » et remplies d'un chagrin terrible,

les mères l’éloignèrent, le tenant par la main droite.

Mais le sacrificateur, le tenant par la main gauche, le tirait en arrière lui aussi.

4. Tandis qu’elles criaient comme des orfraies affligées, il éloigna d'elles le fils ;

et après l’avoir égorgé selon les règles, il fit brûler sa graisse.

5. Pendant que la graisse brûlait, les mères humèrent l'odeur,

et affligées elles tombèrent soudainement sur le sol, ô fils de Kuru.

Et toutes les femmes du roi devinrent alors enceintes.

6. Après dix mois, ô Seigneur des peuples, Somaka

vit naître une pleine centaine de fils de toutes les femmes, ô Bhārata.

7. Jantu naquit l'aîné, et de la même mère, ô Bhārata,

et elles l’aimaient autant, les autres, leurs propres fils, ne l’étaient pas autant.

8. Et il y avait la tache de naissance dorée sur son côté gauche.

Et doté de qualités, il devint le premier parmi cette centaine de fils.

9. Puis le gourou de Somaka alla dans l’autre monde,

et après un certain temps, Somaka partit aussi.

10. Et il le vit en train de rôtir dans un enfer épouvantable,

et il lui demanda : « Pourquoi es-tu en train de rôtir en enfer, ô deux-fois-né ? »

11. Son gourou, affreusement rôti par le feu, lui dit :

« J’ai fait un sacrifice pour toi, ô roi, c’est là le fruit de ce que j’ai fait… »

12. Lorsqu'il entendit cela, le sage de sang royal dit au roi du Dharma :

« J'entrerai là, je dois libérer mon sacrificateur,

car c'est à cause de moi que ce bienheureux rôtit dans le feu de l'enfer ! »

13. Dharma dit :

« Ce n’est jamais un autre qui jouit, ô roi, du fruit de celui qui le crée :

ces fruits que tu vois sont à toi, ô le plus grand des donateurs. »

14. Somaka dit :

« Je ne désire pas les mondes saints, sans ce maître du Brahman.

Je souhaite vivre avec lui dans ce séjour des Dieux,

15. ou en enfer, ô roi du Dharma, car je lui suis semblable par ce que j’ai fait :

ce fruit, qu’il soit saint ou pas, ô Dieu, doit être à nous deux. »

16. Dharma dit :

« Si tel est ton désir, ô roi, jouis de son fruit avec lui,

en restant avec lui un temps égal, et ensuite tu gagneras la voie des gens de bien. »

17. Lomaśa dit :

« Le roi aux yeux bleus comme le lotus fit ainsi en tout,

et il récupéra ses mondes heureux, qu’il avait conquis par son action,

avec son brahmane et gourou, car il aimait son gourou.

18. C'est là son saint ermitage qui resplendit devant nous.

Un homme qui passe patiemment six nuits ici obtient un bon chemin.

19. Nous y demeurerons aussi, ô roi des rois, débarrassés de la fièvre de la douleur,

pendant six nuits, maîtres de nous-mêmes. Prépare-toi, ô rejeton de Kuru. »

 

 

3. 129. Lomaśa relate les nombreux sacrifices qui ont été célébrés en cet endroit. Suite du pèlerinage. Rivière Sarasvatī.

Livre III, chapitre 129

1. Lomaśa dit :

« C'est ici, dit-on, ô roi, que le Seigneur-des-créatures célébra lui-même

un grand sacrifice jadis, nommé Sacrifice-Fait, qui dura mille ans.

2. Ambarīṣa, le fils de Nābhāga célébra un sacrifice le long de la Yamunā,

et par ses sacrifices et aussi son ascèse il atteignit la perfection ultime.

3. C'est là l’endroit très saint des sacrifices du fils de Nahuṣa, ô roi,

où, après avoir fait son sacrifice, il accorda dix milliards aux prêtres surveillants.

4. Regarde, fils de Kuntī, c’est là le site du sacrifice de l’empereur

Yayāti à l’éclat sans limites, qui rivalisait avec Śakra.

5. Regarde la terre où s’entassent des feux ayant toutes sortes d’aspects,

comme noyée et accablée sous les sacrifices de Yayāti.

6. Voici le mimosa à une feuille, et voici la sublime roselière ;

regarde ces lacs de Rāma, regarde l'ermitage de Nārāyaṇa.

7. C’est ici que le fils du fils de Ṛcīka [55], qui parcourait la Terre grâce à ses pratiques du yoga,

à l’éclat sans limites, a disparu, ô roi de la Terre, dans la rivière argentée.

8. Tandis que je récitais une liste généalogique, ô fils de Kuru, écoute

ce que disait une ogresse dont les ornements étaient faits de mortiers :

9. « Après avoir mangé du lait caillé à Yugaṃdhara, et avoir séjourné à Acyutasthala,

après t’être baignée [56] à Bhūtilaya, tu souhaites séjourner avec tes fils.

10. Si, après avoir passé une nuit ici, tu restes une deuxième,

ce que tu auras fait le jour et ce que tu auras fait la nuit sera inversé. »

11. Nous passerons ici le jour et la nuit, ô le meilleur des Bharata,

car c’est là, ô fils de Kuntī, la porte de Kurukṣetra, ô Bhārata.

12. C’est ici, ô roi, que fut fait un sacrifice avec les rites par le roi, fils de Nahuṣa,

Yayāti, avec beaucoup de pierres précieuses, et c’est là qu’Indra entra en joie.

13. Ce lieu d'ablutions sur la Yamunā est appelé Descente-du-Figuier,

et les érudits disent que c'est la porte de la voûte céleste.

14. Ici, les sages suprêmes, après avoir offert les sacrifices de Sarasvatī,

portant des poteaux sacrificiels et des mortiers, mon fils, allèrent prendre le bain de purification.

15. Au même endroit, le roi Bhārata relâcha son cheval sacrificiel

tacheté de noir, encore et encore, après avoir obtenu la Terre par le Dharma.

16. En ce lieu même, ô tigre parmi les hommes, Marutta siégea à une session sacrificielle

sublime, protégé par Saṃvarta, le premier des sages divins.

17. En se baignant ici, ô roi des rois, on voit tous les mondes,

et l’on est aussi purifié d’une mauvaise action après avoir fait ses ablutions, ô Bhārata. »

18. Vaiśampāyana dit :

« Après s'y être baigné avec ses frères, loué par les grands sages,

l'aîné des Pāṇḍava adressa cette parole à Lomaśa :

19. « Je regarde tous les mondes grâce à mon ascèse, ô seigneur qui tire ta puissance de la Vérité ;

et en me tenant ici, je vois le meilleur des Pāṇḍava, le Héros-aux-blancs-chevaux [57]. »

20. Lomaśa dit :

« Cela même, ô roi au grand bras, les sages suprêmes le voient.

Regarde cette sainte Sarasvatī, pleine de ceux dont elle est le seul refuge !

21. En te baignant ici, ô le meilleur des hommes, tu seras débarrassé du mal.

Ici, les sages divins font des sacrifices avec les rites de Sarasvatī,

tout comme les sages, ô fils de Kuntī, de même aussi que les sages de sang royal.

22. C'est là l'autel du Seigneur-des-créatures, qui fait cinq lieues de côté.

Et c'est là le champ de Kuru [58] au grand cœur, habitués des sacrifices.

 

 

3. 130. Prabhāsa, la rivière Vipāsā, le Kashmir, la rivière Jalā où le roi Uśīnara a été éprouvé par Indra. Lomaśa raconte l’Histoire du faucon et de la colombe. Indra sous la forme d’un faucon poursuit Agni sous la forme d’une colombe. La colombe vient se réfugier dans le giron d’Uśīnara

Livre III, chapitre 130

1. Lomaśa dit :

« Ici les mortels, après avoir accompli leurs ascèses, vont au ciel, ô Bhārata.

Les hommes qui désirent mourir, ô roi, viennent ici par milliers.

2. Car cette bénédiction a été utilisé par Dakṣa autrefois pendant qu’il faisait un sacrifice :

« Les hommes qui mourront ici auront gagné le ciel. »

3. Ceci est la sainte Sarasvatī, divine rivière aux flots rapides,

et ceci est ce qu’on appelle la Disparition de Sarasvatī, ô Seigneur des peuples.

4. C’est la porte du royaume des Niṣādas, par haine desquels Sarasvatī

est entrée dans la terre, ô héros : « Que les gens de Niṣāda ne me voient pas ! ».

5. Et ceci c'est la Source de Camasa où l'on peut voir la Sarasvatī,

là où les fleuves saints et divins qui coulent vers l’Océan se jetaient en elle.

6. Et ceci est le grand lieu d'ablutions de l’Indus, ô dompteur de tes ennemis, où Agastya

a été rencontré par Lopāmudrā et où elle l’a choisi pour mari.

7. Ici resplendit le lieu d'ablutions de Prabhāsa, ô toi qui brilles comme le Soleil,

il est aimé d’Indra, saint, purificateur, destructeur du mal.

8. Le lieu d'ablutions sublime que l’on voit s’appelle le Pas de Viṣṇu,

et voici la charmante rivière Vipāśā éminemment purificatrice.

9. C'est à cet endroit même que, par chagrin pour son fils, le bienheureux sage Vasiṣṭha,

s'étant entravé lui-même, s'est jeté dans la rivière, et en est ressorti sans entrave.

10. C'est là la région du Cachemire, sainte pour tous, ô dompteur de tes ennemis,

et habitée par les grands sages : regarde-la avec tes frères.

11. C’est là que tous les éminents sages, et le fils de Nahuṣa,

ainsi qu’Agni et le fils de Kaśyapa ont conversé ensemble, ô Bhārata.

12. Ici, au Mahārāja, resplendit la porte du lac Mānasa ;

son versant a été fait au milieu de la montagne par l’illustre Rāma.

13. Ceci est la célèbre Brèche-du-Vent, qui tire sa puissance de la Vérité,

c’est une porte que ne franchissait pas celui qui était au nord de Videha.

14. Voici ce qu’on appelle Ujjānaka, où Yavakrī trouva la paix,

ainsi que le bienheureux sage Vasiṣṭha accompagné d'Arundhatī.

15. Et c’est là un lac plein de pâturin où le lotus rose est couché dans le pâturin,

et aussi l’ermitage de Rukmiṇī où elle s’apaisa, délivrée de la colère.

16. Le résumé des méditations, tu l’as entendu, ô descendant de Pāṇḍu ;

tu verras, ô Mahārāja, la grande montagne qu’est le Mont de Bhṛgu,

17. et la Jalā et l’Upajalā près de la rivière Yamunā,

où Uśīnara, après y avoir fait un sacrifice, surpassait Vāsava.

18. Afin de savoir s'il était égal aux Dieux, ô Seigneur des peuples,

Vāsava s’approcha du roi, de même qu’Agni, ô Bhārata.

19. Désireux de mettre à l’épreuve Uśīnara au grand cœur, ces dispensateurs de faveurs,

allèrent à son sacrifice, Indra s’étant transformé en faucon, et Agni en colombe.

20. La colombe, par peur du faucon, vint sur la cuisse du roi,

et, cherchant un abri, ô roi, s’y réfugia, tourmentée par la peur.

 

 

3. 131. Le faucon la réclame : il a faim. Uśīnara, partagé entre le devoir d’asile et le devoir d’hospitalité, offre des nourritures de remplacement au faucon, mais celui-ci est intraitable : il veut la colombe. Il finit par accepter l’équivalent du poids de la colombe en chair qu’Uśīnara se découperait sur lui-même: mais le roi n’en finit pas de se découper vif, la balance ne s’équilibre jamais. Les Dieux se font reconnaître et félicitent Uśīnara.

Livre III, chapitre 131

1. Le faucon dit :

« Tous les rois disent, ô roi, qu’il n’y a qu’une seule manière d’avoir une âme dans le Dharma ;

alors pourquoi veux-tu faire un acte qui est hors du Dharma ?

2. Je suis tourmenté par la faim, ô roi, la nourriture qui m’est attribuée,

ne va pas la détruire par envie du Dharma : tu abandonnes le Dharma ! »

3. Le roi dit :

« D’un air tremblant, cherchant protection, effrayé par toi, ô grand oiseau,

cet oiseau est venu auprès de moi, désireux de vivre.

4. Ainsi cette colombe s’est présentée ici comme mon hôte pour être en sécurité :

si je ne la lui accorde pas, c’est une faute extrême contre le Dharma ! Comment toi, ô faucon, considères-tu cela ?

5. La colombe a l'air tremblante, agitée, ô faucon,

elle est auprès de moi parce qu’elle veut vivre : l’abandonner est interdit ! »

6. Le faucon dit :

« C'est par la nourriture que toutes les créatures prospèrent, ô roi de la terre,

c’est grâce à la nourriture qu’elles s’accroissent, grâce à elle que les êtres vivent.

7. Même dans le cas d’un bien difficile à abandonner, on peut vivre pendant longtemps ;

mais en renonçant à la nourriture, on ne peut pas vivre longtemps.

8. Si l’on m’arrache aujourd’hui ma nourriture, mes souffles, ô Seigneur des peuples,

abandonneront mon corps et emprunteront le chemin de la non-renaissance.

9. Quand je serai mort, un fils et une femme respectueux du Dharma disparaîtront ;

en protégeant cette colombe, tu feras disparaître de nombreux souffles.

10. Un Dharma qui enfreint le Dharma, ce n’est pas un Dharma, c’est un mauvais Dharma,

mais un Dharma qui ne va à l'encontre de rien, c’est là le Dharma, ô toi qui tires ta puissance de la Vérité.

11. Lorsque les choses sont en conflit, ô roi, après avoir déterminé le pour et le contre,

là où l’on ne trouve pas d’infraction, c’est là le Dharma selon lequel il faut se comporter.

12. Après avoir déterminé le pour et le contre, pour décider ce qui est le Dharma et ce qui n’est pas le Dharma,

là où il y a avantage, c’est là, ô roi, que tu dois déterminer ce qu’est le Dharma. »

13. Le roi dit :

« Ce que tu dis est empreint d’une grande beauté, ô le meilleur des oiseaux !

Est-ce que tu es Suparṇa, le roi des oiseaux ? Et tu es un connaisseur du Dharma à n’en pas douter,

à voir comme ce que tu dis, longuement et excellemment, est empreint de Dharma !

14. Il n’y a rien qui te soit inconnu, à ce que je vois.

Comment peux-tu penser que l’abandon de celui qui cherche refuge est une bonne chose ?

15. Ce que tu entreprends là, ô oiseau, c’est pour de la nourriture.

Mais il est possible aussi de faire autrement, et tu auras même davantage de nourriture :

16. Du taureau, ou du sanglier, ou de l’antilope, ou même du buffle,

qu’on en prépare aujourd’hui pour toi, ou autre chose que tu désireras ! »

17. Le faucon dit :

« Ni de sanglier, ni de taureau, ni d’antilopes, ni d’autres choses de ce genre

ne sont ma nourriture, ô Mahārāja, que ferais-je de cette nourriture ?

18. La nourriture qui m’est attribuée par les Dieux, ô taureau des nobles guerriers,

abandonne-la, ô roi de la Terre, cette colombe qui est à moi !

19. Les faucons mangent des colombes, telle est la loi éternelle.

Ne va pas, ô roi, si tu ne connais pas le chemin, grimper sur le tronc d’un bananier plantain [59] ! »

20. Le roi dit :

« Règne sur le prospère royaume des Śibis, ô toi qui est honoré par une multitude d’oiseaux ;

ou bien, quoi que tu veuilles, ô faucon, je te donnerai tout,

sauf cet oiseau, ô faucon, qui est venu chercher refuge !

21. Que devrais-je faire pour que toi tu renonces, ô le meilleur des oiseaux ?

Dis-le et je le ferai, car je ne te donnerai pas

car je n'abandonnerai pas cette petite colombe ! »

22. Le faucon dit :

« Uśīnara, si tu as de l’affection pour la colombe, ô roi,

coupe un morceau de ta chair dont le poids soit équivalent à celui de la colombe.

23. Quand ta chair sera l’équivalent de celle de la colombe, ô roi,

il faudra alors me la donner, cela me satisfera. »

24. Le roi dit :

« Je considère comme une faveur, ô faucon, ce que tu me demandes ;

aussi je vais te donner maintenant de ma chair un poids équivalent à celui de la colombe. »

25. Lomaśa dit :

« Alors le roi, qui était un éminent connaisseur du Dharma, se coupa un morceau de sa chair,

et il pesa, ô fils de Kuntī, un poids supérieur à celui de la colombe.

26. Mais une fois pesée dans la balance, la colombe était la plus lourde.

Et à nouveau, le roi Uśīnara trancha des bouts de chair et les donna.

27. Et quand il n’y eut plus de sa chair pour égaler le poids de la colombe,

alors, après avoir tranché sa chair comme cela, il monta lui-même sur la balance.

28. Le faucon dit :

« Je suis Indra, ô connaisseur du Dharma, et cette colombe est le Porteur d’offrandes !

Nous sommes venus tous deux dans l’enclos du sacrifice pour t’éprouver dans le Dharma.

29. Du fait que tu aies tranché des bouts de chair sur tes membres, ô ô Seigneur des peuples,

ta gloire resplendissante subjuguera les mondes !

30. Aussi longtemps que les hommes dans le monde parleront de toi, ô roi,

aussi longtemps ta gloire et les mondes te resteront éternellement ! »

31. Lomaśa dit :

« Alors, fils de Pāṇḍu, le siège de ce roi au grand cœur,

contemple-le avec moi, il est saint et il délivre de tout mal.

32. C'est ici que toujours les Dieux et les anachorètes éternels

sont vus, ô roi, par les saints brahmanes au grand cœur.

 

 

3. 132 Lomaśa raconte l’Histoire d’Aṣṭāvakra. Uddālaka donne sa fille Sujātā à un de ses disciples, Kahoda. L’enfant, encore dans le sein de sa mère fait une remarque à son père qui le maudit : il naîtra avec les “huit difformités”. A la demande de Sujātā, Kahoda va demander une aide matérielle au roi Janaka, mais Bandin, un grand spécialiste de la dispute scolastique le défait et le fait jeter dans l’océan, comme tous ceux qu’il défait. On cache à Aṣṭāvakra la mort de son père, et il grandit en croyant qu’Uddālaka est son père, et Śvetaketu, le fils d’Uddālaka, son frère. Quand, à douze ans, il apprend la vérité, il part avec Śvetaketu chez le roi Janaka pour disputer avec Bandin.

Livre III, chapitre 132

1. Lomaśa dit :

« Celui qui est connu comme un connaisseur des mantras à la sagesse éminente

sur la Terre, Śvetaketu, le fils d'Uddālaka,

regarde son saint ermitage, ô roi des rois,

possédant des arbres ayant perpétuellement des fruits.

2.         Ici Śvetaketu a vu en personne

Sarasvatī ayant pris forme humaine ;

« J’apprendrai l’éloquence » disait

Śvetaketu à Sarasvatī qui venait d’apparaître.

3.         En ce temps-là, les deux meilleurs connaisseurs du Sacré

étaient alors l’oncle maternel et son neveu,

Aṣṭāvakra le fils de Kahoḍa,

et Śvetaketu le fils d'Uddālaka, ô roi.

4.         Et ces deux brahmanes, qui étaient oncle et neveu,

entrèrent lors d’une controverse dans le terrain sacrificiel

du grand roi des Videhas,

et ils soumirent tous deux l’incomparable Bandin. »

5. Yudhiṣṭhira dit :

« De quel pouvoir était ce brahmane

qui a soumis Bandin qui était si doué ?

Et pourquoi était-il appelé un Aṣṭāvakra ?

Expose-moi tout cela, ô Lomaśa, exactement. »

6. Lomaśa dit :

« Uddālaka avait un élève discipliné

qui portait le nom de Kahoḍa, ô roi.

Un élève attentif, soumis à l’autorité de son maître.

Longtemps il poursuivit ses études.

7.         Or les brahmanes et les élèves se moquaient de lui ;

et son gourou, ayant appris ces railleries,

lui donna immédiatement son savoir,

et comme épouse sa fille Sujātā.

8.         Il lui vint un enfant, pareil au feu,

et il parla à son père en train d’étudier :

« Tu as passé toute la nuit à étudier,

mais ton approche, ô père, n’est pas tout à fait correcte ! »

9.         Le grand sage, blâmé au milieu de ses élèves,

lança dans sa colère une malédiction sur l'enfant dans le ventre de sa mère :

« Puisque tu parles alors que tu es dans le ventre de ta mère,

eh bien tu seras tordu huit fois ! »

10.      Et c'est exactement ainsi qu'est né, tordu,

le célèbre grand sage Aṣṭāvakra [60].

Son oncle maternel était Śvetaketu,

et il était du même âge que lui.

11.      Pendant ce temps, Sujātā était tourmentée,

tandis que son fils grandissait dans son ventre.

Elle alla trouver son mari à l’écart et lui dit ceci,

désirant de l’argent alors qu’il était dépourvu de biens :

12.      « Comment ferai-je sans argent, ô grand sage ?

J’en suis à mon dixième mois,

et tu n’as aucun bien avec lequel,

quand j’aurai accouché, je pourrais surmonter ce malheur ! »

13.      A ces paroles de sa femme, Kahoḍa

s'en alla vers Janaka pour avoir de l’argent,

mais Bandin, qui s’y connaissait en joutes oratoires,

saisit alors le brahmane et le noya dans les eaux [61].

14.      Uddālaka apprit alors de son cocher

qu’il avait été noyé dans les eaux lors d’une joute oratoire.

A ce moment-là il alors à Sujātā :

« Cette affaire doit être cachée à Aṣṭāvakra. »

15.      Et elle garda très bien ce bon conseil,

et même une fois né le brahmane n’en apprit rien.

Et Aṣṭāvakra prenait aussi Uddālaka pour son père,

et Śvetaketu pour son frère.

16.      Puis, douze ans plus tard, Śvetaketu,

alors qu’Aṣṭāvakra était assis sur les genoux de mon père,

le saisit par la main et l’entraîna en pleurs,

lui disant : « Ce ne sont pas là les genoux de ton père ! »

17.      Ce qui lui avait été dit à ce moment-là de façon blessante,

resta dans son cœur et fut pour lui une grande douleur.

Il rentra chez sa mère en pleurs,

et lui demanda : « Où est donc mon papa ? »

18.      Sujātā, avec une mine très bouleversée,

effrayée par la malédiction, lui raconta tout ;

après avoir appris toute la vérité de sa mère,

le brahmane parla à Śvetaketu :

19.      « Allons tous deux au sacrifice du roi ]anaka,

on dit que son sacrifice est plein de merveilles !

Là nous écouterons la controverse des brahmanes,

et nous mangerons là-bas une excellente nourriture !

Nous y trouverons la sagacité,

car le murmure des prières est salutaire et agréable. »

20.      Tous deux, oncle et neveu, allèrent

au sacrifice opulent du roi ]anaka.

Aṣṭāvakra en chemin rencontra un roi,

et, l’écartant, il lui dit ceci :

 

 

3. 133. Le portier ne veut pas les laisser entrer : ils sont trop jeunes. Mais Aṣṭāvakra le convainc. Le roi lui pose des énigmes, et le juge digne d’affronter Bandin, malgré son jeune āge.

Livre III, chapitre 133

1. Aṣṭāvakra dit :

« Le chemin est à l’aveugle, le chemin est au sourd,

le chemin est à la femme, le chemin est au porteur,

le chemin est au roi s'il ne rencontre aucun brahmane,

s'il en rencontre un, le chemin est au brahmane ! »

2. Le roi dit :

« Je t’abandonne maintenant le chemin :

va à ton gré où tu veux aller.

On ne trouve pas un sage qui soit moins lourd de péchés.

Même Indra s'incline devant les brahmanes ! »

3. Aṣṭāvakra dit :

« Nous sommes venus voir le sacrifice, mon ami,

notre curiosité est intense et grandissante.

Nous sommes venus tous deux en hôtes pour entrer ensemble :

nous attendons ton autorisation, ô portier.

4.         En allant assister au sacrifice du fils d’Indradyumna,

nous voulons y prendre la parole et voir le roi Janaka.

La colère, cette maladie extrême,

ne nous la fais pas attraper tout de suite, ô portier ! »

5. Le portier dit :

« Nous suivons les instructions de Bandin :

« Veille à l’ordre que je proclame :

les jeunes brahmanes n’entrent pas ici,

les vieux, qui sont savants, entrent, les meilleurs des deux-fois-nés. » »

6. Aṣṭāvakra dit :

« Si l’entrée est ici faite pour les vieux,

il est convenable, ô portier, que j’entre,

car nous sommes vieux et notre comportement est conforme à nos vœux.

Par le pouvoir de la connaissance, nous méritons d’entrer !

7.         Nous aimons l’étude et nous sommes maîtres de nos sens,

nous sommes parvenus au sommet dans l’acquisition du savoir.

Comme on dit, les jeunes ne sont pas une chose méprisable :

même un jeune feu brûle si on le touche ! »

8. Le portier dit :

« Proclame que Sarasvatī apprécie le savoir [62],

qu’elle est l’unique syllabe OM, brillant sous de nombreuses formes !

Regarde ta propre personne, un gamin !

Pourquoi te vantes-tu ? Avoir la perfection dans l’art oratoire est difficile ! »

9. Aṣṭāvakra dit :

« On ne connaît pas la maturité au développement du corps,

comme le noyau du cotonnier à son développement !

Ce qui est minuscule, avec un petit corps, a de la maturité s’il produit des fruits,

et celui qui ne porte pas de fruits ne connaît pas l’état de maturité. »

10. Le portier dit :

« C’est des hommes mûrs ici-bas que les jeunes reçoivent

leur sagesse, et avec le temps ils deviennent mûrs.

Car en peu de temps la connaissance n’est pas possible.

Pourquoi, étant un enfant, parles-tu comme un homme mûr ? »

11. Aṣṭāvakra dit :

« On n’est pas un ancien parce qu’on a la tête grisonnante,

les Dieux savent qu’est un ancien celui qui, bien qu’étant enfant, a du discernement.

12. Ce ne sont pas par les années, ni par les cheveux grisonnants, ni par la fortune, ni par les relations,

que les sages ont défini le Dharma : c’est celui qui connaît le Veda qui est grand pour nous.

13. Je suis venu pour voir Bandin à la cour du roi.

Annonce-moi, ô portier, au roi aux guirlandes de lotus bleu !

14.      Tu nous verras aujourd’hui parler, ô portier,

avec les érudits au fur et à mesure que la joute oratoire grandira !

Et assurément tu pourras rire soit de ma supériorité, soit de mon infériorité,

quand tous les gens aujourd’hui auront été réduits au silence ! »

15. Le portier dit :

« Comment pourrais-tu accéder, toi qui a dix ans, à un sacrifice

qui n’est accessible qu’à des savants érudits ?

Je vais m’efforcer de trouver un stratagème pour toi :

quand tu seras entré, fais les efforts qui conviennent ! »

16. Aṣṭāvakra dit :

« Holà ! Ô roi ! Le meilleur des géniteurs !

Honneur à toi ! Tout ce qui est riche est à toi !

N'es-tu pas l’artisan des rites sacrés ?

Le roi Yayāti n’était-il pas le seul jadis ?

17.      L’érudit Bandin saisit les connaisseurs du Veda,

dans une joute oratoire il les brise sans hésiter,

et par des hommes de main, avec ton accord,

il les fait tous jeter à l’eau pour les noyer, d’après ce que nous avons entendu dire.

18.      Ayant entendu cela de la bouche même des brahmanes,

je suis venu pour dire une énigme du Veda.

Où est ce Bandin, que je le rencontre

et l’éclipse, comme le Soleil le fait des étoiles ? »

19. Le roi dit :

« Tu espères, toi, vaincre Bandin,

sans connaître la force en paroles de l’adversaire ?

Ceux dont la valeur est reconnue peuvent parler ainsi !

D’autres brahmanes, accoutumés aux joutes oratoires, l’ont déjà vu... »

20. Aṣṭāvakra dit :

« C’est qu’il n’a pas été amené à débattre avec des gens tels que moi :

c’est à cause de cela que, transformé en lion, il parle sans crainte.

Après m'avoir rencontré aujourd’hui, il sera abattu au sol,

comme sur la route un chariot dont l’essieu fragile est brisé ! »

21. Le roi dit :

« Qu’est-ce qui a six moyeux, douze essieux, vingt-quatre articulations,

et trois cent soixante rayons ? Celui qui en connaît la signification est un sage supérieur. »

22. Aṣṭāvakra dit :

« Qu’avec ses vingt-quatre articulations, ses six moyeux, ses douze jantes,

et ses trois cent soixante rayons, la roue en perpétuel mouvement te protège ! »

23. Le roi dit :

« Semblables à deux juments attelées, volant comme le faucon parmi les habitants du ciel,

qui a engendré un bébé en elles ? Et quel bébé ont-elles enfanté ? »

24. Aṣṭāvakra dit :

« Puissent constamment ces deux-là ne pas être dans ta maison, et même celle de tes ennemis !

Celui qui a le vent pour cocher a engendré le bébé, et elles l’ont enfanté [63]. »

25. Le roi dit :

« Qu'est-ce donc qui dort en ne fermant pas les yeux ? Qu'est-ce donc qui à sa naissance ne bouge pas ?

Qu'est-ce donc qui n'a pas de cœur ? Qu'est-ce donc qui grossit en s’élançant ? »

26. Aṣṭāvakra dit :

« Un poisson dort sans fermer les yeux. Un œuf pondu ne bouge pas.

Une pierre n'a pas de cœur. Une rivière grossit en s’élançant. »

27. Le roi dit :

« Je ne pense pas que tu sois humain, tu es de nature divine.

Je ne pense pas que tu sois un gamin, tu es un homme mûr.

Il n'y a pas d'égal à toi pour débiter des mots !

Aussi je t’accorde de franchir la porte. Voici Bandin ! »

 

 

3. 134. La dispute entre Aṣṭāvakra et Bandin consiste à énumérer, chacun son tour ce qui va par un, par deux, par trois, etc…. Bandin reste sec à treize et Aṣṭāvakra complète la sentence : il a ainsi remporté la dispute et demande que Bandin soit jeté dans l’océan comme les autres. Bandin explique qu’il est le fils de Varuṇa, et que, par ce moyen, il envoyait des brahmanes à son père pour sa session sacrificielle. Les brahmanes noyés, Kahoḍa en tête, émergent de l’océan. Après le sacrifice, Bandin entre dans l’océan, Kahoda et Aṣṭāvakra retournent chez eux

Livre III, chapitre 134

1. Aṣṭāvakra dit :

« Ici, ô roi, avec leurs redoutables armées,

parmi ces rois sans égal qui se sont réunis,

il n’y a pas de place pour le désir de savoir chez ceux qui parlent

comme sur un grand étang des oies qui font du bruit !

2.         Tu ne me parleras pas aujourd’hui en te prenant pour un grand querelleur,

pareil au cours des rivières, après avoir obtenu l’enjeu du pari !

Sois ferme, Bandin, aujourd’hui devant moi

qui suis comme l’éclat du Dévoreur-d’offrandes allumé. »

3. Bandin dit :

« Ne réveille pas le tigre qui dort,

ni le serpent venimeux qui ne cesse de lécher les coins de sa gueule :

si tu cognes sa tête en le frappant avec le pied,

tu ne t’en sortiras pas sans être mordu, sache-le !

4.         Celui qui par orgueil, parce qu’il a de la robustesse,

alors qu’il est très faible, essaie de fendre une montagne,

se brise la main et les ongles,

et l’on ne voit même pas d’entaille sur la pierre.

5. Tous les rois à côté du roi de Mithilā ou les montagnes à côté du Maināka

semblent petits, comme les veaux à côté du taureau. »

6. Lomaśa dit :

« Aṣṭāvakra, en rugissant dans cette assemblée,

plein de colère dit à Bandin, ô roi :

« Quand j’aurais dit une parole, dis-moi la réponse,

et je dirai aussi la réponse à ta parole ! »

7. Bandin dit :

« Un seul feu s’allume de beaucoup de manières,

un seul Soleil illumine tout cela,

un seul héros, roi des Dieux, exterminateur,

et Yama est le seul roi des Ancêtres. »

8. Aṣṭāvakra dit :

« Deux sont Indra et Agni, ils avancent comme deux amis,

deux sages divins sont Nārada et Parvata,

deux sont les Aśvin, et deux les roues du char,

la femme et le mari ont été créés par deux par le Dispensateur. »

9. Bandin dit :

« Par trois rites est engendrée cette créature,

trois prêtres compétents conduisent la Boisson de Vigueur,

les prêtres officiants accomplissent les trois libations de Soma,

trois sont les mondes, trois sont les corps célestes, dit-on. »

10. Aṣṭāvakra dit :

« Quadruples sont les étapes de la vie des brahmanes,

quatre prêtres compétents conduisent ce sacrifice,

les points cardinaux sont quatre, et quatre sont les castes,

la vache aussi a quatre pattes, c’est ce qu’on dit toujours. »

11. Bandin dit :

« Cinq sont les feux, cinq pieds a le quintil,

les sacrifices sont aussi cinq, et cinq sont les fondements des vertus,

quand on observe le Veda les femmes à cinq mèches sont cinq ,

dans le monde sont célèbres cinq rivières sacrées. »

12. Aṣṭāvakra dit :

« Six vaches sont, dit-on, le salaire pour l’établissement d’un seul feu,

six sont les saisons pour la roue du temps,

six sont les sens aussi, et six les Pléiades,

six sacrifices avec le Soma du jour, on le voit dans tous les Veda. »

13. Bandin dit :

« Sept sont les bêtes domestiques, sept les sauvages,

sept hymnes védiques conduisent un seul sacrifice,

sept sont les sages, et sept les marques d’honneur,

et il y a sept cordes, comme on sait, à la vīṇā. »

14. Aṣṭāvakra dit :

« Huit śāṇas font cent mānas,

de même qu’a huit pieds le śarabha [64] tueur de lions,

huit sont les Trésors, on le sait, parmi les Dieux,

et le poteau de tout sacrifice est fait avec huit côtés. »

15. Bandin dit :

« Neuf stances sont récitées lors de l’allumage des bûches pour les Ancêtres,

de même on dit que la création se fait de neuf façons,

le vers bṛhatī est désigné comme ayant neuf syllabes,

le calcul des nombres se fait toujours avec neuf éléments. »

16. Aṣṭāvakra dit :

« Dix sont, dit-on, les âges de l’homme en ce monde,

un millier plein c’est, dit-on, dix centaines,

pendant dix mois une femme enceinte porte son enfant,

il y a dix Daśerakā, les Dāśā, les Dix-Lacs [65]. »

17. Bandin dit :

« Onze bêtes pour le sacrifice du onzième jour [66],

onze sont aussi les poteaux de sacrifice dans ce cas,

onze sont les changements des êtres qui respirent,

onze sont, dit-on, au ciel parmi les Dieux les Rudras. »

18. Aṣṭāvakra dit :

« On dit que l’année a douze mois,

le vers de la strophe de la Terre est de douze syllabes,

douze jours est, dit-on, la durée d’un sacrifice ordinaire,

il y a douze Ādityas, racontent ici-bas les brahmanes. »

19. Bandin dit :

« Le treizième jour est, dit-on, grandement redoutable,

et la Terre compte treize continents… »

20. Lomaśa dit :

« Ayant seulement dit cela, Bandin s’arrêta,

et Aṣṭāvakra dit l’autre moitié du śloka :

« Pendant treize jours Keśī [67] a couru,

on dit que les vers libres font treize syllabes ou plus. »

21.      Alors un grand brouhaha s’éleva,

lorsqu’ils virent que le fils du barde se taisait,

la tête baissée, très songeur à ce moment-là,

tandis qu’aussi Aṣṭāvakra était proclamé.

22.      Pendant que cette cohue se produisait

dans le sacrifice opulent du roi Janaka,

tous les brahmanes s’approchèrent d’Aṣṭāvakra,

convaincus, et lui rendirent hommage, les mains jointes.

23. Aṣṭāvakra dit :

« Cet homme après avoir vaincu des brahmanes érudits

lors d’une joute oratoire, les a apparemment noyés dans l’eau.

Cette règle, qu’aujourd’hui ce bandin

la subisse ! Saisissez-le et noyez-le dans les eaux ! »

24. Bandin dit :

« Je suis le fils du roi Varuṇa !

Chez lui il y a eu une session sacrificielle de douze ans,

en même temps que la tienne, ô Janaka :

c’est pour cela que je lui ai envoyé d’éminents deux-fois-nés !

25.      Après avoir assisté au sacrifice de Varuṇa,

ils reviendront tous ici à nouveau !

J'honore l'honorable Aṣṭāvakra

à cause de qui je rejoindrai mon père ! »

26. Aṣṭāvakra dit :

« Ces brahmanes ont été noyés dans les eaux de l'Océan,

ils ont été vaincus par la parole et l’intelligence, bien qu'instruits ;

avec mon intelligence, j'ai cueilli le mot,

afin que les gens de bien le récoltent      .

27.      Comme le feu flamboyant de Jātavedā [68] épargne les maisons

des gens de bien et ne les brûle pas de sa flamme,

de même, quand de jeunes garçons parlent de manière pitoyable,

les gens de bien récoltent leur mot.

28.      Tu écoutes, excité comme si tu avais pris du śleṣmātaka [69], avec une force affaiblie,

ou bien les flatteries t’enivrent-elles ?

Comme un éléphant qu’on aiguillonne, ô Janaka,

tu n’écoutes pas ces paroles qui sont les miennes ! »

29. Janaka dit :

« J’écoute tes mots à l’aspect divin,

surhumains, et tu as aussi réellement un aspect divin,

car tu as vaincu Bandin dans cette controverse,

Bandin est à toi maintenant, comme tu le désires ! »

30. Aṣṭāvakra dit :

« Il n’y a aucun intérêt pour moi que ce Bandin soit vivant, ô roi :

si son père est Varuṇa, noie-le dans l’Océan ! »

31. Bandin dit :

« Je suis bien le fils du roi Varuṇa,

je n’ai pas de crainte d’être noyé dans l’eau !

Dans un moment Aṣṭāvakra que voici verra

son père Kahoḍa, disparu depuis longtemps. ! »

32. Lomaśa dit :

« Alors, tous les brahmanes, honorés par Varuṇa au grand cœur,

émergèrent tous en présence de Janaka.

33. Kahoḍa dit :

« C'est dans ce but que les gens désirent des fils, ô Janaka, à cause de ce qu’ils font.

Ce que j'étais incapable de faire, mon fils l’a fait.

34. A celui qui n’a pas de force naît un fils fort, à l’imbécile naît un fils érudit,

et à l’ignorant naît un fils savant, ô Janaka. »

35. Bandin dit :

« Avec sa hache aiguisée, puisse Antaka [70] lui-même, ô roi,

couper les têtes de tes ennemis dans la mêlée ! Bonne chance à toi !

36.      Le grand hymne est chanté, ainsi que l’éminente louange ;

et, comme il convient, le soma est bu ici lors du sacrifice ;

les Dieux en personne, lors de la cérémonie d’offrandes de Janaka,

ont pris joyeusement leurs parts sacrées. »

37. Lomaśa dit :

« Quand, ô roi, eurent émergé tous

les brahmanes, encore plus magnifiques,

une fois que le roi Janaka lui eut donné congé,

Bandin entra dans l’eau de l’Océan.

38.      Aṣṭāvakra rendit hommage à son père,

et il fut honoré par les brahmanes comme il convient.

Et il retourna à son éminent ermitage,

après avoir vaincu Bandin, en compagnie de son oncle maternel.

39.      Tu es ici, ô fils de Kuntī, en compagnie de tes frères,

tu as passé une nuit agréable avec les brahmanes, confiant.

Pur dans tes actes et fidèle dans ta dévotion, en ma compagnie

tu parcouras d’autres lieux saints, ô Ājamīḍha. »

 

 

3. 135. Suite du pèlerinage. Rivière Madhuvilā, monts Kanakhala, rivière Gaṅgā, ermitages de Śtūlaśiras, ermitage de Raibhya. Lomaśa raconte l’Histoire de Yavakrīta. Bharadvāja et Raibhya vivent ensemble dans un ermitage, avec leurs fils, Yavakrīta pour Bharadvāja et Arvāvasu et Parāvasu pour Raibhya. Yavakrīta, jaloux de Raibhya et de ses fils, se livre à des austérités impossibles pour acquérir le Veda. Indra pour le dissuader, prend l’apparence d’un vieux brahmane et entreprend de faire un barrage sur la Gaṅgā en jetant dans l’eau des poignées de sable. Yavakrīta se moque de lui : il n’y arrivera jamais !. Juste comme Yavakrīta n’obtiendra jamais le veda, malgré son obstination dans les austérités. Indra donne un vœu : le veda se manifestera à volonté à lui et à son père.

Livre III, chapitre 135

1. Lomaśa dit :

« Voici qu’apparaît la Madhuvilā, ô roi, avec tous ses bras,

et voici ce qu’on appelle le Kardamila, lieu d'ablutions de Bharata.

2. Après que le Maître-de-la-Grâce eut tué Vṛtra, il fut, comme on sait, affligé d’infortune ;

en se baignant dans tous ces bras, il fut libéré de tous ses péchés.

3. Voici Vinaśana dans une vallée du mont Maināka, ô taureau parmi les hommes,

où Aditi cuisinait autrefois de la nourriture pour avoir des fils.

4. En gravissant ce roi des montagnes, ô taureau parmi les hommes,

vous éloignerez l’infortune qui prive de gloire et de renommée.

5. Voici les Kanakhala, ô roi, des montagnes aimées par les sages,

et ici apparaît la Gaṅgā, ô Yudhiṣṭhira, la grande rivière.

6. Ici, le bienheureux Sanatkumāra atteignit l’accomplissement suprême ;

ô Ājamīḍha, en te baignant dans cet endroit, tu seras libéré de tous tes péchés.

7. Et au lac nommé des Eaux-Pures, et à la montagne Mont-de-Bhṛgu,

et à la Gaṅgā tranquillement, ô fils de Kuntī, baigne-toi avec tes compagnons.

8. Voici qu’apparaît le charmant ermitage de Sthūlaśiras ;

ici renonce à l’orgueil, ô fils de Kuntī, ainsi qu’à la colère.

9. Voici qu’apparaît l'illustre ermitage de Raibhya, ô fils de Pāṇḍu,

où le fils de Bharadvāja, Yavakrīta, le chantre inspiré, mourut. »

10. Yudhiṣṭhira dit :

« Comment était le majestueux sage Bharadvāja ?

Et comment Yavakrīta, le fils du sage, est-il mort ?

11. Je désire entendre comment tout cela s’est passé, ô Lomaśa,

car je me réjouis fort qu’on me raconte les exploits de ceux qui sont comme les Dieux. »

12. Lomaśa dit :

« Bharadvāja et Raibhya étaient devenus amis,

et tous deux vivaient là, au fond de la forêt, toujours dans la joie.

13. Raibhya eut deux fils, Arvāvasu et Parāvasu,

et Yavakrī était le fils de Bharadvāja, ô Bhārata.

14. Raibhya et ses fils étaient des érudits, l'autre était un ascète,

mais aussi depuis leur enfance leur amitié était sans égal, ô Bhārata.

15. Yavakrī vit que son père, étant un ascète, n’était pas honoré,

et il vit que Raibhya et ses fils étaient honorés par les brahmanes, ô irréprochable.

16. Cet homme plein d’éclat bouillait de colère, submergé par la rage,

et il s’adonna à une effroyable ascèse pour connaître les Veda, ô fils de Pāṇḍu.

17. Dans un grand feu ardent il consumait son corps,

et cette très grande ascèse fit naître du souci chez Indra.

18. Alors Indra vint voir Yavakrīta, ô Yudhiṣṭhira,

et il lui demanda : « Dans quel but te livres-tu à cette ascèse extrême ? »

19. Yavakrī dit :

« Que les Veda, même ceux ignorés par les deux-fois-nés, ô toi qui es honoré par les troupes des Dieux,

m’apparaissent ! C’est dans cette pensée que je m’adonne à cette ascèse extraordinaire !

20. C'est pour réciter les Veda que j’ai entrepris cela, ô Punisseur de Pāka ;

par l’ascèse je désire connaître toutes les connaissances, ô Kauśika.

21. Il faut beaucoup de temps, seigneur, pour que, de la bouche d’un gourou, les Veda puissent

être acquis ; c’est pourquoi j’assume cet effort extrême ! »

22. Indra dit :

« C’est là une impasse, ô sage brahmane, que tu veux suivre !

Que veux-tu faire avec cette destruction, ô brahmane ? Va apprendre de la bouche d’un gourou ! »

23. Lomaśa dit :

« A ces mots, Śakra partit, et Yavakrī encore, ô Bhārata

d’une vaillance sans limite, mit encore davantage d’efforts dans son ascèse.

24. Avec l’ascèse effroyable, ô roi, que pratiquait le grand ascète,

il tourmenta encore davantage le roi des Dieux, d’après ce que nous avons entendu dire.

25. Ainsi, alors que le grand anachorète se livrait à cette intense ascèse,

le Dieu tueur de Bala s’approcha de lui et l’arrêta à nouveau :

26. « Le but que tu as entrepris est impossible, et tu ne fais pas preuve de sagesse en pensant

que les Veda apparaîtront ainsi à ton père et à toi ! »

27. Yavakrī dit :

« Ce que je désire, ô roi des Dieux, ne se réalise pas ainsi ?

Avec une grande discipline, je m’adonnerai à une ascèse encore plus effroyable !

28.      Dans le feu ardent, je m’efforcerai de sacrifier mes membres

un par un, sache-le, ô Généreux,

si tu ne fais pas exactement ce que je désire,

tout ce que je souhaite ici-bas, ô roi des Dieux ! »

29. Lomaśa dit :

« Reconnaissant la résolution de cet anachorète au grand cœur,

le Dieu sage, dans sa sagesse, réfléchit à un moyen de l'en empêcher.

30. Indra prit alors l’apparence d'un brahmane ascétique,

âgé de plusieurs centaines d'années, faible et tuberculeux.

31. Au lieu d'ablutions où Yavakrīta faisait habituellement ses actions de purification,

dans la Bhāgīrathī, il fit un barrage avec des boules de sable.

32. Comme le meilleur des deux-fois-nés ne faisait pas ce qu’il lui disait,

alors, avec des boules de sable, Śakra se mit à remplir la Gaṅgā.

33. Jetant sans arrêt des poignées de sable dans la Bhāgīrathī,

Śakra commença un barrage, faisant la leçon à Yavakrīta.

34. Yavakrīta le vit s’efforcer de construire un barrage

et, éclatant de rire, ce taureau parmi les anachorètes lui dit ces mots :

35. « Que se passe-t-il là, ô brahmane ? Que cherches-tu à faire ?

Car ton effort, vraiment trop grand, est fait en vain !... »

36. Indra dit :

« Je boucherai la Gaṅgā avec un barrage, le chemin sera facile,

car les gens, mon garçon, sont tourmentés encore et encore quand ils la traversent. »

37. Yavakrī dit :

« Il est absolument impossible pour toi de boucher ce grand torrent :

Renonce à ce qui est impossible, entreprends quelque chose de possible ! »

38. Indra dit :

« De la même façon que, seigneur, tu as entrepris cette ascèse pour acquérir le Veda,

de même ce labeur que j’ai entrepris est une chose impossible. »

39. Yavakrī dit :

« Si, de même que ton entreprise est vaine, ô souverain des Trente Dieux,

de même tu penses que la mienne l’est aussi, ô Punisseur de Pāka,

40. que soit fait ce qui serait possible pour moi, ô souverain des troupes des Dieux,

et donne-moi d’autres privilèges par lesquels je serai supérieur aux autres ! »

41. Lomaśa dit :

« Indra lui accorda les privilèges que le grand ascète avait dit :

« Les Veda t’apparaîtront à toi et à ton père, comme tu le désires.

42. et ce que tu désires d’autre tu l’obtiens ! Yavakrī, va-t’en ! »

Celui-ci, ayant obtenu ce qu’il souhaitait, alla vers son père et lui dit :

 

 

3. 136. Bharadvāja le met en garde contre la vanité en lui racontant l’Histoire de Vāladhi. Ce brahmane, après la mort de son fils, se livre à de terribles austérités pour obtenir un fils immortel : comme cela est impossible, les Dieux lui accordent un fils dont la durée de vie sera égale à celle de la montagne voisine. Son fils, Medhāvin, est orgueilleux du don qu’il a reçu, il insulte les ermites. Danuṣākṣa veut le réduire en cendres, sans succès. Il brise alors la montagne, et Medhāvin tombe mort. Ainsi, qu’il ne provoque pas Raibhya et ses fils.

Livre III, chapitre 136

1. Yavakrī dit :

« Les Veda vont apparaître à nous deux, à moi et à toi, père,

et nous serons supérieurs aux autres, maintenant que j’ai obtenu ainsi ces privilèges ! »

2. Bharadvāja dit :

« Tu vas avoir de l’orgueil, fils, après avoir obtenu les privilèges comme tu le désirais !

Plein d’orgueil, tu périras vite misérablement !

3. À ce sujet, on cite aussi ces vers cités par les Dieux :

il y avait jadis un sage, mon fils, du nom de Bāladhi, un vaillant.

4. Craignant le chagrin provoqué par la mort d’un fils, il s’adonna à une ascèse très difficile ;

« Que mon fils soit immortel ! » dit-il quand il l’eut.

5. Les Dieux lui firent cette grâce, mais il n’était pas semblable aux immortels.

« Il n’y a pas de mortel immortel : sa vie sera sujette à caution. »

6. Bāladhi dit :

« Comme ces montagnes se dressent éternellement, ô excellents Dieux,

indestructibles, qu’elles soient la caution de la vie de mon fils ! »

7. Bharadvāja dit :

« Là-dessus, un fils lui naquit, le toujours irascible Medhāvin,

et celui-ci, après avoir entendu cela, agit orgueilleusement et méprisa les sages.

8. Rabaissant les anachorètes, il parcourait cette Terre.

Il arriva chez le très puissant et sage Dhanuṣākṣa.

9. Medhāvin l’humilia, et le puissant brahmane le maudit :

« Deviens de la cendre ! », et malgré ces mots, il ne se transforma pas en cendres.

10. Voyant que Medhāvin était indemne, Dhanuṣākṣa

le puissant détruisit sa caution avec des buffles.

11. Une fois sa caution détruite, le garçon mourut immédiatement ;

alors son père, prenant son fils mort dans ses bras, se lamenta.

12. Et en le voyant se lamenter très fort et tristement, les anachorètes en retour

dirent cette strophe, dite jadis dans les Veda : apprends-la de moi :

13. « Un mortel ne peut en aucune manière être maître de transgresser ce qui lui est destiné :

avec les buffles, Dhanuṣākṣa a fendu les montagnes. »

14. Ainsi, les jeunes qui ont reçu des privilèges, plein d’arrogance et d’impétuosité,

périssent rapidement : ne sois pas comme cela, seigneur.

15. Ce Raibhya est très puissant, et ses deux fils tout autant ;

fais en sorte, inlassablement, mon fils, de ne pas les approcher !

16. Car s'il est en colère, il est capable, mon fils, de t'écraser dans sa colère.

Ce grand sage est un savant, un ascète, et il est irascible ! »

17. Yavakrī dit :

« Je ferai ainsi, père, ne m’inflige pas de peine, en aucune façon,

car, seigneur, Raibhya est pour moi aussi vénérable que mon père. »

18. Lomaśa dit :

« Yavakrī, après avoir parlé gentiment à son père, en toute sécurité

prenait plaisir à manquer de respect aux autres sages, avec une joie extrême.

 

 

3. 137. Yavakrīta séduit de force la belle-fille de Raibhya. Celui-ci, furieux, s’arrache deux mèches de cheveux qu’il jette dans le feu et en naissent une femme splendide et un rākṣasa terrible. Il les charge de tuer Yavakrīta. La femme le séduit et lui dérobe son bol, ce qui l’empêche de se purifier. Le rākṣasa alors le poursuit et Yavakrīta essaie de se purifier dans lacs et rivières, mais les trouve toutes à sec. Il essaie de se réfugier chez son père, mais est arrêté par le portier aveugle. Il est rejoint par le rākṣasa et tué.

Livre III, chapitre 137

1. Lomaśa dit :

« Se déplaçant alors en toute sécurité, Yavakrī

alla au mois de Mādhava vers l'ermitage de Raibhya.

2. Là, il vit dans le saint ermitage orné d'arbres en fleurs

sa belle-fille qui se promenait, pareille à une Kinnara, ô Bhārata.

3. Yavakrī dit : « Sois à ma disposition ! »,

à cette fille pudique, sans pudeur, ayant perdu l’esprit.

4. Connaissant son caractère (et craignant sa malédiction)

et la dignité de Raibhya, elle dit « D’accord », et elle partit avec lui.

5. L’ayant emmenée dans un endroit solitaire, il se répandit en elle, ô Bhārata.

Raibhya retourna alors à son ermitage, ô dompteur de tes ennemis.

6. Et voyant en larmes, accablée, sa belle-fille, l’épouse de Parāvasu,

il la réconforta d’une voix douce et l’interrogea, ô Yudhiṣṭhira.

7. La belle femme lui raconta tout ce que Yavakrī avait dit

et ce qu'elle-même avait alors répondu après réflexion.

8. Quand Raibhya apprit le comportement de Yavakrīta,

semblant lui brûler l'esprit, une grande colère naquit en lui.

9. Alors, envahi par la rage, l’ascète à la colère violente

s’arracha l’une de ses tresses et la jeta en offrande dans un feu bien préparé.

10. Alors surgit une femme qui égalait l’autre en beauté.

Et il s’arracha une autre tresse et la jeta à nouveau en offrande dans le feu.

11. Alors surgit un Rākṣasa aux yeux épouvantables, effrayant à voir,

Ils dirent alors tous deux à Raibhya : « Que devons-nous faire ? »

12. Le sage en colère leur dit : « Tuez Yavakrīta ! ».

Ils dirent : « D’accord ! », et ils partirent, désireux de le tuer.

13. La sorcière qui avait été créée par le sage au grand cœur s'approcha de lui,

et, après lui avoir fait perdre la tête, elle lui vola son pot à eau, ô Bhārata.

14. Yavakrīta étant devenu impur depuis qu’il était privé de son pot à eau,

le Rākṣasa l’assaillit en brandissant une pique.

15. Le voyant fondre sur lui, la pique à la main, désireux de le tuer,

Yavakrī se leva rapidement et courut vers l’emplacement d’un étang.

16. Voyant l'étang à sec, Yavakrī se précipita à nouveau

vers toutes les rivières, mais elles aussi étaient toutes asséchées.

17. Poursuivi par l’épouvantable Rākṣasa la pique à la main,

il courut précipitamment, effrayé, vers le feu sacré de son père.

18. Mais lorsqu'il entra, un garde aveugle, de la caste des serviteurs,

le retint de force à la porte, et il s’arrêta, ô roi.

19. Pendant que le serviteur tenait Yavakrīta, le Rākṣasa

le frappa de sa pique, et, le cœur percé, il tomba.

20. Après avoir tué Yavakrīta, le Rākṣasa retourna vers Raibhya ;

Raibhya le laissa partir, et il vécut avec cette femme.

 

 

3. 138. Bharadvāja, rentrant à son ermitage, constate que les feux ne le saluent plus : il interroge le portier et apprend la mort de son fils. Bharadvāja se lamente, maudit Raibhya : il sera tué par son fils aîné. Bharadvāja se donne la mort sur le bûcher funéraire de son fils.

Livre III, chapitre 138

1. Lomaśa dit :

« Bharadvāja, ô fils de Kuntī, ayant fait sa prière quotidienne,

rentra dans son ermitage, rapportant un fagot de bois pour le feu sacré.

2. Quand ils le voyaient auparavant, tous les feux se levaient pour l’accueillir,

mais ce jour-là les feux ne se levèrent pas, parce que son fils était mort.

3. Remarquant ce changement dans le feu sacré, le grand ascète

dit au serviteur aveugle, le gardien de maison, resté assis :

4. « Pourquoi, serviteur, les feux ne m'accueillent-ils pas avec joie en me voyant,

et pourquoi toi non plus, comme tu l'as fait auparavant ? Est-ce que tout est en sécurité ici à l'ermitage ?

5. Mon fils simple d'esprit n'est pas allé chez Raibhya ?...

Dis-le-moi vite, car mon esprit ne voit pas ses doutes se dissiper. »

6. Le serviteur dit :

« En effet, il est allé chez Raibhya ton imbécile de fils !

C’est pourquoi il est couché ici, tué par un Rākṣasa plus fort que lui.

7. Poursuivi par le Rākṣasa, la pique à la main,

jusqu’au lieu des feux, je l'ai retenu à la porte avec mes bras.

8. Et il a donc été tué là, alors qu'il cherchait de l'eau car il était certainement impur,

et ce rapide Rākṣasa, la pique à la main, l’a achevé. »

9. Lomaśa dit :

« Bharadvāja, après avoir entendu ces paroles déplaisantes de son serviteur,

prit son fils mort et, très malheureux, il se lamenta :

10. « N'avais-tu pas pratiqué l’ascèse pour avoir le pouvoir des brahmanes

en disant : « Que les Veda qui sont ignorés des deux-fois-nés apparaissent clairement. »

11. Ainsi, toi qui te comportais bien avec les brahmanes au grand cœur,

qui étais sans reproche envers toutes les créatures, tu t’es mis à avoir des manières grossières.

12. Je t'avais interdit, mon fils, d’aller voir la maison de Raibhya,

mais tu es allé vers ce misérable qui pareil au Temps, à la Mort et à Yama.

13. Cet homme d’un grand éclat, sachant que je suis vieux et que tu étais mon seul fils,

est pourtant tombé sous l’empire de la colère, avec une extrême méchanceté.

14. Et étant tombé dans le deuil de mon fils, à cause de ce qu’a fait Raibhya,

étant privé de toi, mon fils, je vais abandonner la vie qui était sur Terre ce qui m’était le plus cher.

15. De même que moi, étant tombé dans le deuil de mon fils, je vais abandonner mon corps, étant coupable,

de même puisse son fils aîné tuer Raibhya rapidement, sans qu’il ait commis de faute !

16. Heureux les hommes de bonne naissance qui n’ont pas de fils :

sans tomber dans le deuil d’un fils, ils vivent à leur guise.

17. Et ceux dont l'esprit est violemment bouleversé par le chagrin dû à la mort d'un fils,

et qui, tourmentés, maudissent leurs amis les plus chers, qui pourrait être plus méchant qu'eux ?

18. J’ai vu mon fils mort et j'ai maudit l’ami que j’aimais :

qui d'autre fera l’expérience d’un malheur pareil ? »

19. Après s’être ainsi lamenté de diverses façons, Bharadvāja incinéra son fils,

et ensuite il entra lui-même dans le feu ardent.

 

 

3. 139. Parāvasu tue son père par mégarde, le prenant pour un animal sauvage dans la nuit. Il charge son frère Arāvasu d’expier pour lui ce meurtre de brahmane. Satisfaits de sa conduite, les Dieux donnent un vœu à Arāvasu : il choisit que Raibhya, Bharadvāja et Yavakrīta revivent et que son frère soit pardonné de sa faute de parricide et l’oublie. Et tous revivent. Yavakrīta s’étonne que Raibhya ait pu le tuer malgré sa connaissance du Veda : c’est parce qu’il a appris le Veda par un long apprentissage, en se soumettant à un guru, alors que Yavakrīta l’a acquis par une voie rapide.

Livre III, chapitre 139

1. Lomaśa dit :

« A la même époque le souverain Bṛhaddyumna,

l’éminent et majestueux seigneur sacrificiel de Raibhya, tint une session sacrificielle.

2. Les deux fils de Raibhya, Arvāvasu et Parāvasu,

avaient été choisis comme assistants du sacrifice par le sage Bṛhaddyumna.

3. Tous deux, avec la permission de leur père, ô fils de Kuntī, partirent,

tandis que Raibhya et la femme de Parāvasu restaient à l'ermitage.

4. Puis, comme il voulait la voir, Parāvasu rentra seul à la maison

et il vit son père dans la forêt, enveloppé dans une peau d'antilope noire.

5. C’était la fin de la nuit, ses yeux tombaient de sommeil, il restait un peu d’obscurité,

et il pensa que son père, qui marchait dans la forêt touffue, était une antilope.

6. Croyant que son père était une antilope, il le tua,

sans faire exprès, voulant protéger son corps.

7. Après avoir accompli pour lui tous les rites funéraires, ô Bhārata,

il revint à la session sacrificielle et dit ces mots à son frère :

8. « Tu n'es en aucune façon capable de conduire ce sacrifice seul.

Or j'ai tué notre père, croyant que c’était une antilope.

9. Pour nous, accomplis avec bienveillance le rite pour le meurtre d’un brahmane,

car je suis compétent pour accomplir ce sacrifice tout seul, ô anachorète. »

10. Arvāvasu dit :

« Conduis, Seigneur, la session sacrificielle du sage Bṛhaddyumna,

et moi j’accomplirai à ta place le rite pour le meurtre d’un brahmane, maîtrisant mes sens. »

11. Lomaśa dit :

« Lorsqu’il eut réalisé le rite pour ce meurtre de brahmane, ô Yudhiṣṭhira,

l'anachorète Arvāvasu revint à la session sacrificielle.

12. Alors Parāvasu, voyant son frère s’approcher,

dit ces mots à Bṛhaddyumna qui assistait à la session :

13. « Que ce tueur de brahmane n’entre pas voir le sacrifice :

ce tueur de brahmane, d'un simple coup d'oeil, t’écraserait, ça ne fait pas de doutes ! »

14. Les serviteurs, ô roi, chassèrent alors Arvāvasu

qui disait encore et encore : « Ce n’est pas moi qui ai commis ce meurtre de brahmane ! »

15. Alors que les serviteurs le traitaient encore et encore de tueur de brahmanes, ô Bhārata,

il ne reconnut pas avoir commis lui-même ce meurtre de brahmane :

« C’est mon frère l’a commis, et je l’ai protégé ! ».

16. Les Dieux étaient satisfaits des actes d'Arvāvasu, ô roi.

Ils le choisirent lui, et ils chassèrent Parāvasu.

17. Puis les Dieux, précédés par Agni, lui accordèrent un vœu : 

et il choisit que son père ressuscite,

18. et que son frère soit déclaré innocent et qu’il ne se souvienne plus du meurtre de son père,

et que Bharadvāja et Yavakrīta ressuscitent tous deux.

19. Alors tous réapparurent, ô Yudhiṣṭhira.

Et Yavakrīta dit aux Dieux, précédés par Agni :

20. « J'avais étudié les textes sacrés, j'avais accompli mes vœux,

alors comment Raibhya a-t-il pu, moi, un érudit et un ascète,

me frapper ainsi au moyen de ce rite, ô les meilleurs des Immortels ? »

21. Les Dieux dirent :

« N'agis pas, ô Yavakrīta, comme tu le dis, ô anachorète,

car c’est sans gourou que tu avais tranquillement étudié les Veda.

22. tandis que lui, après avoir péniblement satisfait ses gourous par ses actes,

après un long temps, dans la souffrance, a accédé aux plus éminents textes sacrés. »

23. Lomaśa dit :

« Ainsi, après avoir ainsi parlé à Yavakrīta, les Dieux, précédés par Agni,

après les avoir tous ressuscités, retournèrent au troisième ciel.

24. C'est là son saint ermitage où les arbres sont toujours en fleurs et en fruits.

Après avoir passé la nuit ici, ô tigre parmi les rois, tu seras libéré de tous tes péchés.

 

 

3. 140. Suite du pèlerinage vers le nord. La région est infestée de rākṣasa. Yudhiṣṭhira charge Bhīma de veiller sur Draupadī.

Livre III, chapitre 140

1. Lomaśa dit :

« L’Uśīrabīja, le Maināka et le Mont Blanc, ô Bhārata,

tu les as franchis, ô fils de Kuntī, ainsi que la Montagne Noire, ô roi.

2. Ici resplendit la septuple Gaṅgā, ô taureau des Bharata,

un endroit pur et charmant, où le feu est toujours allumé.

3. Cependant, de nos jours, un mortel ne peut pas le voir ;

adonnez-vous à la contemplation en restant concentrés, et vous verrez ces lieux d'ablutions.

4. Nous entrerons dans le Mont Blanc et le Mont Mandara,

où résident les Yakṣas qui vivent au milieu des joyaux et aussi Kubera, le roi des Yakṣas.

5. Soixante-huit mille Gandharvas au déplacement rapide,

et quatre fois plus de Kimpuruṣās et de Yakṣas,

6. sous toutes leurs formes et apparences diverses et avec toutes sortes d’armes,

sont assis, ô le meilleur des hommes, auprès du seigneur des Yakṣas, Māṇibhadra.

7. Leur richesse est vraiment immense, et ils vont pareils au vent,

et ils pourraient même certainement faire tomber le roi des Dieux de son siège.

8. Mon ami, gardées par ces êtres puissants et protégées par des démons,

ces montagnes, ô fils de Pṛthā, sont difficilement accessibles : tu dois te livrer à une extrême concentration !

9. Il y a d'autres compagnons de Kubera, terribles, avec ses amis les Rākṣasas ;

nous les rencontrerons, ô fils de Kuntī : prépare-toi à être brave.

10. Le mont Kailāsa, ô roi, fait six cents lieues ;

c'est là que les Dieux se rassemblent, c’est là qu’est la rivière Viśālā, ô Bhārata.

11. Innombrables, ô fils de Kuntī, sont les Yakṣas, les Rākṣasas, les Kinnaras,

les Serpents, les grands oiseaux et les Gandharvas près de la demeure de Kubera.

12. Plonge-toi au milieu d’eux, ô fils de Pṛthā, maintenant, en pratiquant l’ascèse et le contrôle de toi-même,

protégé par moi, ô roi, et la force de Bhīmasena.

13. Puisse le succès t’être accordé par le roi Varuṇa et Yama, victorieux au combat,

et la Gaṅgā, et la Yamunā, et les montagnes !

14.      Au sommet de la montagne d’or d’Indra,

j’entends ton grondement, ô déesse Gaṅgā,

puisses-tu protéger, ô agréable, de ces montagnes

ce roi des hommes respecté par tous sous le nom d’Ājamīḍha !

Sois la protectrice de ce roi qui désire

entrer dans ces montagnes, ô fille des montagnes ! »

15. Yudhiṣṭhira dit :

« Jamais auparavant Lomaśa n’a été aussi troublé !

Protégez tous la Noiraude, sans négligence !

Car il pense que cette région est la plus difficile à franchir.

Aussi livrez-vous ici à une totale purification ! »

16. Vaiśampāyana dit :

« Puis il dit à Bhīma aux illustres prouesses :

« Protège la Noiraude en restant sur tes gardes, ô Bhīmasena ;

Arjuna n’est pas près de nous, il nous manque,

c’est à toi de te charger de la Noiraude dans ces moments pénibles. »

17.      Puis le roi au grand cœur s’approcha des jumeaux,

il huma doucement leurs têtes, les caressa,

et d'une voix étouffée par les larmes, le roi leur dit :

« N’ayez pas peur, mais allez-y en restant attentifs ! »

 

 

141. Yudhiṣṭhira leur propose de continuer seul dans cette région dangereuse : Draupadī aura de la peine à suivre. Bhīma la portera s’il faut. Halte chez le roi Subāhu. Ils continuent vers l’Himavant.

Livre III, chapitre 141

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Ces créatures invisibles et ces puissants Rākṣasas,

il est possible d’aller vers elles, ô Ventre-de-loup, par le feu et l’ascèse.

2. Chasse, ô fils de Kuntī, la faim et la soif en montrant successivement ta force,

et compte sur ta force et ta dextérité, ô rejeton de Kuru !

3. Tu as entendu les paroles du sage au sujet du mont Kailāsa :

réfléchis avec sagesse, ô fils de Kuntī, à la manière de faire voyager la Noiraude.

4. Ou bien, ô puissant, en compagnie de Sahadeva et de Dhaumya,

des cuisiniers, des inspecteurs des cuisines, de tous les serviteurs,

5. avec les chars et les chevaux, et les autres brahmanes qui ne peuvent supporter les tourments du voyage,

retourne t’en, accompagné de tous ceux-là, ô Bhīma aux grands yeux.

6. Et mangeant peu, fermes dans nos vœux, nous trois nous continuerons,

moi, Nakula et le grand ascète Lomaśa.

7. En attendant mon retour, installé à la Porte du Gange,

loge ici, protège Draupadī jusqu'à mon retour. »

8. Bhīma dit :

« La princesse est accablée de fatigue, et aussi malheureuse, ô Bhārata,

et assurément cette belle femme ne marche que parce qu’elle veut revoir le Héros-aux-blancs-chevaux.

9. Chez toi aussi, un violent déplaisir va croissant de ne pas le voir ;

à plus forte raison si tu ne voyais plus Sahadeva, moi-même et la Noiraude, ô Bhārata !

10. Qu’on fassent retourner les chars si l’on veut, et tous les serviteurs,

les cuisiniers et les inspecteurs des cuisines, puisque c’est ton idée, Seigneur.

11. Car moi-même, je ne veux pas t’abandonner ici, Seigneur, jamais,

sur cette montagne pleine de Rākṣasas, et dans ces lieux difficiles et accidentés !

12. Et aussi cette éminente princesse, ferme dans ses vœux,

sans toi, ô tigre parmi les hommes, ne supporterait pas de rebrousser chemin.

13. De même Sahadeva, qui t’est toujours dévoué,

ne reviendrait jamais, car je connais son esprit.

14. D’ailleurs ici, ô Mahārāja, nous voulons tous voir l’Ambidextre,

nous le désirons ardemment, c'est pourquoi nous voyagerons ensemble.

15. S'il est impossible avec nos chars de traverser cette montagne pleine de ravins,

nous irons à pieds, ne sois pas découragé, ô roi.

16. Je porterai la princesse du Pāñcāla partout où elle ne pourra pas marcher ;

telle est ma résolution, ne sois pas découragé, ô roi.

17. De même ces deux héros délicats qui font la joie de Mādrī,

je leur ferai traverser les endroits difficiles s’ils n’en sont pas capables ! »

18. Yudhiṣṭhira dit :

« Puisque tu parles ainsi, puisse ta force, ô Bhīma, croître

afin que tu puisses porter Draupadī pendant ce long trajet,

19. ainsi que les jumeaux ! Bonne chance ! Il n’y a pas d’autre solution !

Puissent ta force, ta gloire, ton Dharma et ta renommée croître,

20. toi qui es capable de porter tes deux frères en même temps que la Noiraude !

Puisses-tu ne pas te lasser, homme aux grands bras, puisses-tu ne pas connaître de défaite ! »

21. Vaiśampāyana dit :

« Alors la Noiraude qui charmait les esprits, en éclatant de rire, dit cette parole :

« Je marcherai, tu n’as pas à t’inquiéter pour moi, ô Bhārata ! »

22. Lomaśa dit :

« Par l’ascèse, on peut accéder au mont Gandhamādana.

Et nous nous adonnerons tous à l’ascèse, ô fils de Kuntī.

23. Nakula, Sahadeva, Bhīmasena, ô roi,

moi et toi, ô fils de Kuntī, verrons le Héros-aux-blancs-chevaux ! »

24. Vaiśampāyana dit :

« Tandis qu'ils conversaient ainsi, ils aperçurent le grand pays de Subāhu

avec joie, ô roi, riche en chevaux et en éléphants,

25. rempli de peuples de l'Himālaya et de Taṅgaṇas, tout plein de centaines de Kuṇindas,

sur l'Himālaya, lieu apprécié des Immortels, tout plein de nombreuses merveilles.

26. Et aussi, quand il les vit, Subāhu, le seigneur des Kuṇindas,

les reçut avec honneur, à la frontière de son royaume.

27. Là ils furent honorés par lui, et ils passèrent tous une bonne nuit ;

et quand le soleil brilla, ils se mirent en route vers la montagne de l'Himālaya,

28. et sous la conduite d’Indrasena, les serviteurs ansi que les inspecteurs des cuisines,

les cuisiniers et toute la suite de Draupadi, ô roi,

29. furent confiés au roi, seigneur des Kuṇindas, par ces grands auriges

très puissants, et les fils de Kuru partirent à pieds.

30. Et tous les Pāṇḍava, en compagnie de la Noiraude, se hâtèrent de partir doucement

de ce pays, au comble de la joie, dans leur désir de revoir Dhanaṃjaya.

 

 

3. 142. Yudhiṣṭhira se lamente : Arjuna lui manque. Eloge d’Arjuna. Ils continuent à pied vers le mont Gandhamādana et Badarī, à la recherche d’Arjuna

Livre III, chapitre 142

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Bhīmasena, vous deux les jumeaux et la princesse de Pāñcāla, écoutez.

La réalité n’a pas disparu : voyez-la, nous errons dans les bois.

2. Ce que nous disons l’un à l’autre, c’est « Nous sommes faibles, affligés,

nous marchons aussi dans un endroit impossible, dans notre désir de voir Dhanaṃjaya. »

3. Cela me brûle les membres, comme le Feu un tas de flocons de coton,

de ne pas voir l'héroïque Dhanaṃjaya à mes côtés !

4. Tandis que je désire ardemment le voir, et que je reste avec mes jeunes frères dans cette forêt,

le fait qu’on ait tiré par les cheveux la fille du Chef-de-l’armée-sainte [71], ô héros, me brûle.

5. Je ne vois pas le fils de Pṛthā né avant Nakula, à éclat sans limites,

l’invincible, le puissant archer, et cela me consume Ventre-de-loup !

6. Les charmants lieux d'ablutions, les forêts et les lacs,

je les ai parcourus avec vous, dans mon désir de la voir.

7. Depuis cinq ans, ce héros fidèle à sa parole, Dhanaṃjaya

le Rechigneur, je ne le vois pas, et cela me consume Ventre-de-loup !

8. Ce héros à la peau sombre, aux cheveux épais, avec sa démarche de lion majestueux,

je ne le vois pas avec ses grands bras, et cela me consume Ventre-de-loup !

9. Cet expert en armes, habile au combat, modèle des archers,

ce meilleur des hommes, je ne le vois pas, et cela me consume Ventre-de-loup,

10. parcourant les multitudes de ses ennemis comme le Temps, comme la Mort en colère,

comme un éléphant en rut, Dhanaṃjaya aux épaules de lion !

11. Celui qui n’est  pas inférieur à Śakra par la valeur et la puissance,

le frère aîné des jumeaux, le fils de Pṛthā, le Héros-aux-blancs-chevaux, à la vaillance sans limite,

12. pénétré par une grande douleur, irrémédiable à cause de ce que j’ai fait moi-même,

je ne le vois pas cet Arjuna invincible, à l’arc puissant !

13. Lui qui pratique toujours le pardon, même s’il est insulté par un inférieur,

et qui, à celui qui suit le droit chemin, donne protection pour qu’il n’ait pas peur,

14. mais qui, pour celui qui s’adonne au mensonge et cherche à tuer par tromperie,

fût-il lui-même le Porteur-du-foudre, serait un poison mortel.

15. De même quand un ennemi demande grâce, ce héros puissant est sans cruauté,

et le très puissant Rechigneur, à l’âme sans limite, la lui accorde pour qu’il n’ait pas peur.

16. Il est notre refuge à tous, dans la bataille il est le destructeur des ennemis,

il est le pilleur de tous leurs joyaux, il est celui qui apporte le bonheur à nous tous.

17. Grâce à sa vaillance, j'ai possédé autrefois des joyaux célestes

en abondance et qui se sont multipliés, et c’est le Bon-Guerrier qui les a obtenus…

18. Par la force de ses bras, ô héros, j'ai possédé autrefois une grand-salle

faite de toutes sortes de joyaux, célèbre dans les trois mondes, ô Pāṇḍava.

19. Pareil à Vāsudeva par la vaillance, pareil à Kārtavīrya [72] au combat,

invincible et invaincu dans le combat, je ne vois pas Arjuna.

20. Il est né après le puissant Soustrait [73], après toi, invincible Bhīma,

et après Vāsudeva, ce valeureux tueur d'ennemis.

21. Le Destructeur-de-remparts lui est comparable par la force de ses bras et sa puissance,

le Vent par sa vitesse, la Lune par son visage, la Mort éternelle par sa colère.

22. Étant tous désireux de voir ce tigre parmi les hommes,

nous allons entrer, ô héros au grand bras, dans la montagne Gandhamādana.

23. Là se trouvent le grand Jujubier et l'ermitage de Nara et de Narāyana.

Toujours peuplée de Yakṣas, nous verrons cette sublime montagne,

24. et le charmant étang aux lotus de Kubera, gardé par les Rākṣasas.

Nous voyagerons à pied, en pratiquant une grande ascèse.

25. Si l’on n’a pas pratiqué l’ascèse, cet endroit est inaccessible, ô Ventre-de-loup,

ni si l’on est cruel, cupide ou agité, ô Bhārata.

26. C'est là que nous irons tous, Bhīma, à la recherche des traces d'Arjuna,

avec nos armes, après avoir ceint nos épées, en compagnie de brahmanes très attachés à leurs vœux.

27. Les mouches, les moustiques, les taons, les tigres, les serpents,

celui qui ne se maîtrise pas les rencontre, ô fils de Pṛthā, celui qui se maîtrise ne les voit pas.

28. Après avoir maîtrisé notre esprit, nous entrerons dans la montagne Gandhamādana,

après avoir restreint notre nourriture, dans notre désir de voir Dhanaṃjaya. »

 

 

3. 143. Sur leurs gardes, ils pénètrent dans la région du mont Gandhamādana. Une tempête se lève, le ciel se couvre de poussière. Le vent se calme et une pluie torrentielle se met à tomber.

Livre III, chapitre 143

1. Vaiśampāyana dit :

« Ces héros, équipés de leurs arcs bandés, de leurs carquois, avec leurs flèches,

ayant attaché leurs bracelets sur leurs bras et leurs protège-doigts, munis de leurs épées, d'un éclat sans borne,

2. prenant les meilleurs des deux-fois-nés, ces archers les meilleurs de tous,

accompagnés de la fille de Pāñcāla, ô roi, se dirigèrent vers le Gandhamādana.

3. Ils virent des lacs et des rivières, des montagnes et des forêts,

et des arbres qui jetaient beaucoup d'ombre au sommet de la montagne,

des endroits toujours couverts de fruits et de fleurs, fréquentés par des troupes de sages divins.

4. Ces héros, concentrant leur esprit sur leur esprit, se nourrissant de racines et de fruits,

parcoururent des endroits qui étaient élevés ou bas, des passages accidentés et étroits,

voyant de nombreuses espèces de bêtes sauvages de toutes sortes.

5. Ces hommes au grand cœur entrèrent dans cette montagne peuplée de sages, d’Accomplis et d’Immortels,

chère aux Gandharvas et aux Apsaras, fréquentée par les Kinnaras.

6. Tandis que les héros pénétraient dans la montagne Gandhamādana,

il y eut une grande averse accompagnée de vents violents, ô Seigneur des peuples.

7. La poussière s’éleva avec de grandes masses de feuilles,

et elle couvrit la terre, l’atmosphère et le ciel de ténèbres.

8. On ne distinguait rien, le ciel étant couvert par la poussière,

et il leur était même impossible de se parler l’un l’autre.

9. Et ils ne se voyaient pas l’un l’autre, leurs yeux étant aveuglés par les ténèbres,

tandis qu’ils étaient entraînés par le vent, les pierres et la poussière, ô Bhārata.

10. Les arbres brisés par le vent et tombés brutalement sur le sol

et les autres plantes faisaient naître un grand vacarme.

11. « Est-ce que le ciel tombe sur la terre ? Est-ce que les montagnes se fendent ? »

pensaient-ils tous, égarés par le vent.

12. Et ainsi, effrayés par le vent, ils cherchaient en tâtonnant de leurs mains

des arbres à proximité, des fourmilières, des accidents de terrain pour s’y blottir.

13. Alors le puissant Bhīmasena, brandissant son arc,

saisissant la Noiraude par chance, se mit contre un arbre et s’y réfugia.

14. Le roi du Dharma et Dhaumya se blottirent dans un grand hallier,

et Sahadeva qui avait saisi les oblations à Agni derrière un rocher.

15. Nakula, les autres brahmanes et le grand ascète Lomaśa

trouvèrent des arbres et, tout tremblants, çà et là s’y blottirent.

16. Et, le vent ayant faibli et cette poussière s‘étant apaisée,

avec de grosses gouttes une brusque averse arriva.

17. Alors des pluies torrentielles, accompagnées de coups de tonnerre, les entourant de tous côtés,

tombèrent là sans arrêt, agitées par un vent rapide.

18. Puis, coulant vers l’Océan, des eaux se répandant de tous côtés

apparurent, souillées, écumantes, ô Seigneur des peuples.

19. Poussant un flot abondant qui faisait nager les barques dans l’écume,

elles tourbillonnaient à grand bruit, entraînant les végétaux.

20. Quand la pluie cessa, que le vent retrouva son équilibre,

que l'eau alla dans les creux du sol et que le soleil se montra,

21. ils sortirent tous lentement et se regroupèrent, ô Bhārata,

et à nouveau les héros se mirent en route pour le mont Gandhamādana.

 

 

3. 144. Draupadī, épuisée, s’évanouit. Les Pāṇḍava l’entourent et la réconfortent. Bhīma appelle à la rescousse son fils Ghaṭotkaca.

Livre III, chapitre 144

1. Vaiśampāyana dit :

« A peine les Pāṇḍava au grand cœur s’étaient-ils mis en route

que Draupadī, qui n'avait pas l'habitude de marcher à pied, s'effondra.

2. Épuisée et envahie par la souffrance due au vent et à la pluie,

et à cause de sa délicatesse, la glorieuse princesse du Pāñcāla s'évanouit.

3. Une fois tombée évanouie, la femme aux yeux noirs de ses deux bras

également ronds étreignit ses cuisses.    

4. Serrant ses cuisses ensemble, pareilles à une trompe d’éléphant,

elle tomba soudain à terre, tremblant comme un bananier.

5. Quand la femme aux belles hanches tomba comme une liane suspendue,

le vaillant Nakula se précipita et la rattrapa.

6. Nakula dit :

« Ô roi, la fille aux yeux noirs du roi de Pāñcāla

est tombée à terre de fatigue ! Regarde-la !

7. Cette femme à la démarche douce, qui ne mérite pas le malheur, est tombée dans un malheur extrême,

réconforte-la, ô Mahārāja, elle est accablée de fatigue ! »

8. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots, le roi fut extrêmement malheureux,

et Bhīma et Sahadeva coururent immédiatement vers elle.

9. Le fils de Kuntī la regarda, avec son visage blême et émacié.

Et le roi au cœur loyal la prit sur ses genoux et se lamenta douloureusement.

10. « Comment se fait-il, alors qu’elle était habituée à des lits largement étalés dans des appartements protégés,

que cette femme au beau teint, qui méritait le bonheur, soit là, tombée à terre ?

11. Comment se fait-il que les pieds très délicats et le visage pareil à un lotus

de celle qui mérite ce qu’il y a de mieux, à cause de moi maintenant, soient devenus noirs ?

12. Qu'ai-je fait dans ma passion pour le jeu, par absence de sagesse,

d’emmener la Noiraude avec moi, alors que j'erre dans une forêt où se mêlent des troupes d’animaux sauvages ?

13. « La fille de Pāñcāla trouvera le bonheur, maintenant qu'elle a trouvé les Pāṇḍava pour maris ! »

disait le roi Drupada, son père, quand il eut donné sa fille aux grands yeux.

14. Tout cela elle ne l’a pas trouvé, car elle est tourmentée par l’épuisement et le chagrin,

elle gît, tombée à terre, à cause de mes actions d’homme mauvais ! »

15. Tandis que le roi du Dharma Yudhiṣṭhira gémissait ainsi,

avec Dhaumya à leur tête, tous les excellents deux-fois-nés vinrent à lui.

16. Ils le réconfortèrent et aussi l’honorèrent de leurs bénédictions,

murmurèrent de même des mantras qui tuent les Rākṣasas et accomplirent les rites.

17. Et tandis que les sages éminents récitaient des mantras pour l’apaiser,

et qu’elle était touchée par les mains fraîches des Pāṇḍava encore et encore,

18. servie par une brise fraîche mêlée d'eau,

la princesse de Pāñcāla retrouva du bien-être et reprit ses esprits petit à petit.

19. Et ils déposèrent la pauvre Noiraude sur des peaux d'antilope étalées

et firent se reposer la malheureuse qui reprenait connaissance.

20. Les jumeaux massèrent la plante rougie de ses pieds, objets de vénération,

de leurs mains calleuses, tout doucement.

21. Le roi du Dharma Yudhiṣṭhira la réconforta,

et le meilleur des Kuru adressa cette parole à Bhīmasena :

22. « Il y a beaucoup de montagnes escarpées et difficiles à franchir avec la neige :

comment, héros aux grands bras, la Noiraude les traversera-t-elle ? »

23. Bhīmasena dit :

« Toi, ô roi, la princesse et les jumeaux, taureaux parmi les hommes,

je vous porterai moi-même, ô roi des rois, ne livre pas ton esprit au désespoir !

24. Ou bien encore, ce fils que j’ai engendré, qui se déplace dans les airs, dont la force est comparable à la mienne,

Ghaṭotkaca, ô irréprochable, pourrait tous nous porter sur ton ordre ! »

25. Vaiśampāyana dit :

« Avec le consentement du roi Dharma, il pensa à son fils Rākṣasa,

et, à peine son père eut-il pensé à lui, que Ghaṭotkaca au cœur loyal

s'approcha, les mains jointes, et salua les Pāṇḍava,

26. et les brahmanes, et ils accueillirent ce fils au grand bras,

et ce héros qui tirait sa puissance de la Vérité dit à son père Bhīmasena :

27. « Tu as pensé à moi, Seigneur, et j’ai obéi et je suis vite venu.

Commande, ô héros au grand bras, et je ferai tout ce que tu diras, n’en doute pas ! »

Et, entendant cela, Bhīmasena embrassa le Rākṣasa.

 

 

3. 145. Ghaṭotkaca porte Draupadī, d’autres Rākṣasas chargent les Pāṇḍava et les brahmanes et tous partent par la voie des airs. Ils arrivent à l’ermitage de Nara et Nārāyaṇa. Description de l’ermitage. Les Pāṇḍava y séjournent.

Livre III, chapitre 145

1. Yudhiṣṭhira dit :

« Ce puissant héros connaisseur du Dharma, ce taureau parmi les Rākṣasas,

ce fils issu de ta propre poitrine, ô Bhīma, qui nous est dévoué, qu’il prenne sa mère [74] !

2. Avec l'aide de ta force, Bhīma à la vaillance vraiment effrayante,

je voyagerai avec la princesse de Pāñcāla, sain et sauf, jusqu’au Gandhamādana ! »

3. Vaiśampāyana dit :

« En entendant les paroles de son frère, Bhīma, ce tigre parmi les hommes,

expliqua à son fils, tourmenteur de ses ennemis :

4. « Fils d’Hiḍimbā, ta mère invincible est exténuée !

Toi tu peux aller où tu le veux, mon fils, et tu es fort : toi qui va dans le ciel, porte-la !

5. Fais-la monter sur ton épaule, si tu le veux bien, et au milieu de nous, dans les airs,

va, en volant bas, pour ne pas la tourmenter ! »

6. Ghaṭotkaca dit :

« Le roi du Dharma, Dhaumya, la princesse et les jumeaux,

même seul je suis de taille à les porter, à plus forte raison maintenant que j’ai de la compagnie ! »

7. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir ainsi parlé, Ghaṭotkaca porta la Noiraude,

ce héros allait au milieu des Pāṇḍava, et les autres Rākṣasas prirent les Pāṇḍava.

8. Lomaśa à la splendeur sans pareille suivit le chemin des Accomplis,

grâce à la propre puissance de son esprit, comme un deuxième Lumineux.

9. Des Rākṣasas à la vaillance vraiment effrayante rassemblèrent

tous les brahmanes sur l’ordre du roi des Rākṣasas et partirent.

10. Ainsi, après avoir vu des forêts et des bosquets très charmants,

et ils arrivèrent au Grand Jujubier.

11. Transportés par ces Rākṣasas rapides et puissants,

les héros parcoururent rapidement une grande distance en peu de temps.

12. Ils virent des contrées pleines de hordes de barbares et avec des mines de joyaux de toutes sortes,

et des piémonts recouverts de toutes sortes de minerais,

13. des endroits pleins de hordes de génies magiciens, et avec des singes et des Kinnaras,

avec aussi des Kimpuruṣās et des Gandharvas de toutes parts,

14. tout remplis des eaux des rivières et pleins de chants d’oiseaux de toutes sortes,

fréquentés par toutes sortes de bêtes sauvages et décorés de singes.

15. Après avoir traversé de nombreuses contrées, et même les Kuru du Nord,

ils virent la sublime montagne Kailāsa aux multiples merveilles.

16. Dans les environs, ils virent l’ermitage de Nara et Nārāyaṇa,

plein d’arbres merveilleux ayant perpétuellement des fleurs et des fruits.

17. Et ils virent le jujubier qui charme l’esprit, au tronc rond,

lisse, à l’ombre épaisse, d’une extrême beauté,

18. portant un feuillage lisse et épais, à la beauté délicate,

aux branches grandes et larges, d’une splendeur extrême,

19. avec des monceaux de fruits divins, extrêmement savoureux,

perpétuellement dégoulinants d’un miel divin, fréquenté par des troupes de grands sages,

avec des bandes d’oiseaux de toutes sortes, toujours fous de joie,

20. dans un endroit sans taons ni moustiques, et où l’eau, les racines et les fruits étaient abondants,

tout recouvert de prairie bleue, fréquenté par les Dieux et les Gandharvas,

21. dans une portion de terrain bien nivelée, naturellement pourvue de beauté,

devenant doux une fois touché par la neige, dans un endroit débarrassé de ses épines.

22. Quand ils s'en approchèrent, les héros au grand cœur, accompagnés des taureaux parmi les brahmanes,

tous descendirent alors doucement des épaules des Rākṣasas.

23. Et les Pāṇḍava, ô roi, accompagnés par les taureaux des deux-fois-nés, virent

le saint ermitage attaché à Nara et Nārāyaṇa,

24. exempt de ténèbres, saint, sans être touché par les rayons du soleil,

débarrassé des inconvénients de la faim, de la soif, du froid, de la chaleur, dissipant le chagrin,

25. avec une cohue de troupes de grands sages, doté d’une splendeur sacrée,

difficile d'accès, ô Mahārāja, pour les hommes en dehors du Dharma,

26. il est honoré par des offrandes et des sacrifices, divin, bien frotté d’onguents,

brillant de toutes parts d’oblations de fleurs divines,

27. rempli de grandes salles pour le feu sacrificiel, de belles cuillères de bois et de pots,

orné de grandes aiguières et de chaudrons de terre,

lieu de refuge pour toutes les créatures, résonnant de sons sacrés,

28. il faut recourir à ce divin ermitage qui dissipe la fatigue,

il est d’une beauté incomparable, embelli par les rites divins.

29. Se nourrissant de fruits et de racines, ayant dompté leurs passions,  vêtus d'écorce et de peaux d’antilope noire,

pareils au Soleil et à Vaiśvānara [75], absorbés par l’ascèse,

30. de grands sages, des ascètes occupés à se délivrer, maîtres de leurs sens,

étaient là, absorbés dans le Brahmā, bienheureux, enseignant le Veda.

31. En compagnie de ses frères, le fils de Dharma, le sage Yudhiṣṭhira

au grand éclat, s'approcha de ces sages, maître de lui-même, pur.

32. Doués de la connaissance divine, lorsqu’ils virent arriver Yudhiṣṭhira,

tous les grands sages allèrent à sa rencontre, tout joyeux,

prononçant des bénédictions, absorbés par leurs récitations.

33. Joyeux, pareils à des feux, ils lui offrirent l’hospitalité selon le rite approprié,

de l'eau pure, des fleurs, des racines et des fruits.

34. Joyeux, Yudhiṣṭhira, le fils de Dharma, reçut modestement

les dons d’hospitalité que lui amenaient les grands sages.

35. Ce sanctuaire ressemblait au séjour de Śakra, il était divinement parfumé, charmant l’esprit,

pareil au paradis d’Indra, et joyeux, en compagnie de la Noiraude, le fils de Pāṇḍu,

36. inébranlable, entra dans ce lieu plein de beauté, avec ses frères, ô irréprochable,

et en compagnie de brahmanes qui connaissaient à fond le Veda et les disciplines annexes du Veda.

37. Là le roi au cœur loyal regarda ce lieu vénéré par les Dieux et les sages divins,

le séjour de Nara et de Nārāyaṇa, orné par la Bhāgīrathī.

38. Les héros au grand cœur s'approchèrent avec les brahmanes

du divin jujubier aux fruits dégoulinant de miel, fréquenté par les troupes des grands sages.

39. Ils contemplèrent le mont Maināka, avec ses multitudes d’oiseaux de toutes sortes,

aux sommets d’or, ainsi que le salutaire lac Bindu,

40. et la salutaire Bhāgīrathī avec ses beaux lieux d'ablutions, aux eaux fraîches et pures,

avec une abondance de joyaux et de coraux, ornée d’arbres,

41. toute remplie de fleurs divines, faisant grandir la joie de l’esprit.

Et les Pāṇḍava au grand cœur les contemplaient en se promenant.

42. Offrant des oblations aux Dieux et aux Ancêtres encore et encore,

ces héros, taureaux parmi les hommes, séjournaient là en compagnie des brahmanes.

43. Là, regardant les divers ébats de la Noiraude,

les Pāṇḍava, avec l’éclat des immortels, tigres parmi les hommes, se réjouissaient.

 

 

3. 146. Les fleurs saughandika. Draupadī trouve une fleur de lotus merveilleusement parfumée, amenée par le vent. Elle demande à Bhīma d’aller en chercher d’autres. Bhīma part et escalade les monts Gandhamādana. Description de sa progression. Rencontre de Bhīma et Hanūmān. Il réveille le singe Hanūmān qui lui interdit de passer : à partir de là, le sentier est interdit aux hommes.

 

Livre III, chapitre 146

1. Vaiśampāyana dit :

« Là, ces tigres parmi les hommes s’astreignirent à une extrême pureté,

ces héros restèrent six nuits dans leur désir de voir Dhanaṃjaya,

et les Pāṇḍava s’ébattaient et s’amusaient

2. dans l’enceinte de cette forêt ravissante, qui charmait l’esprit de toutes les créatures,

avec ses arbres aux fleurs éclatantes, courbés par le poids de leurs fruits,

3. ornée de toutes parts de choses charmantes, pleine d’une foule de coucous,

au feuillage dense et épais, à l’ombre fraîche qui charmait l’esprit,

4. avec des lacs diaprés aux eaux tranquilles

qui resplendissaient de toutes part avec leurs lotus roses et bleus,

et en regardant les belles choses qui étaient là, les Pāṇḍava se réjouissaient.

5. Une brise saintement parfumée soufflait là, doucement caressante,

réjouissant tous les Pāṇḍava, ainsi que la Noiraude et les taureaux parmi les brahmanes.

6. Alors, d’aventure, un vent pur venant du nord-est

emporta un divin lotus aux mille pétales, semblable au soleil.

7. La princesse de Pāñcāla vit cette pure plante aquatique, divinement parfumée,

charmante, apportée par le vent et tombée au sol.

8. La belle femme s’approcha de ce lotus parfumé d'une beauté incomparable,

et, très joyeusement, ô roi, elle dit à Bhīmasena :

9. « Regarde cette fleur divine, Bhīma, si radieuse, incomparable,

possédant un parfum splendide, qui réjouit mon esprit !

10. Celle-ci, cependant, je l’offrirai au roi du Dharma, ô tourmenteur de tes ennemis :

me l’apporterais-tu pour m’être agréable de retour à l’ermitage de Kāmyaka ?

11. Mais, si je te suis chère, ô fils de Pṛthā, apporte-m'en beaucoup,

je veux les ramener dans notre ermitage de Kāmyaka ! »

12. Après avoir ainsi parlé à Bhīmasena, l’irréprochable princesse de Pāñcāla

alla alors porter la fleur au roi du Dharma.

13. Instruit du dessein de la reine, ce taureau parmi les hommes,

Bhīma aux prouesses effrayantes, désireux de faire plaisir à sa bien-aimée,

14. se tourna vers la direction de la brise d'où était venue la fleur,

et il partit rapidement, désireux de rapporter encore d’autres fleurs.

15. Il prit son arc plaqué d'or, ses flèches pareilles à des serpents venimeux,

pareil au roi des animaux en colère, pareil à un éléphant en rut.

16. Désirant faire plaisir à Draupadī, s’appuyant sur la force de ses bras,

le puissant héros vola à travers la montagne, oubliant toute peur dans son égarement.

17. Ce tueur de ses ennemis parcourut cette belle montagne, avec de noires plaques rocheuses,

couverte d’arbres, de lianes et de bosquets, fréquentée par les Kinnaras,

18. magnifique avec ses monts ayant toutes sortes de couleurs, avec ses minéraux, ses arbres, ses gibiers, ses oiseaux,

pleine de tous les ornements, comme si la terre brandissait son bras,

19. Les yeux fixés sur les pentes du Gandhamādana,

charmantes en toutes saisons, dans son cœur il réfléchissait à son plan.

20. Les oreilles, l’esprit et les yeux attachés aux chants des coucous

et aux bourdonnements des abeilles, le héros à la force sans limite avançait.

21. Le héros au grand éclat humait impétueusement l’impétueux parfum

qui s’élevait des fleurs poussant en toutes saisons, comme dans la forêt un éléphant en rut.

22. Sa fatigue lui était ôtée par son père, le vent du Gandhamādana,

aux caresses fraîches, et son poil se hérissait de joie.

23. Cette montagne habitée par les Yakṣas, les Gandharvas, les Dieux et les sages brahmanes,

le dompteur de ses ennemis la retourna pour trouver ces fleurs.

23. Cette montagne habitée par les Yakṣas, les Gandharvas, les Dieux et les sages brahmanes,

le dompteur de ses ennemis la retourna pour trouver ces fleurs.

24. Elle était comme enduite avec les doigts, formant des sections inégales,

brillantes, avec des minéraux fracturés, dorés, noirs comme le kohl, argentés.

25. Elle semblait danser comme avec des ailes, avec les nuages accrochés à ses flancs,

elle semblait recouverte de colliers de perles, avec ses eaux qui tombaient en cascades.

26. Elle était ravissante avec ses rivières, ses halliers, ses cascades, ses cavernes, ses ravins,

avec les nombreux paons qui se mettaient à danser au son des anneaux de chevilles des Apsaras.

27. Ses plateaux rocheux et ses pierres étaient entaillés par la pointe des défenses des éléphants qui gardent les points cardinaux,

et elle semblait avoir une jupe tombante avec ses eaux imperturbables qui jaillissaient et descendaient vers ses profondeurs.

28. Se gorgeant d’herbe tendre, confiantes, s’approchant en tournant autour de lui,

ignorant la peur, des gazelles l’observaient avec curiosité.

29. Écartant sans cesse, avec la force de ses cuisses, les enchevêtrements de lianes

en se jouant, l’illustre fils de Kuntī, fils du Vent, avançait.

30. Le jeune homme aux beaux yeux, déterminé à réaliser le souhait de sa bien-aimée,

était élancé, pareil à un palmier d’or, avec la robustesse d’un lion.

31. Il avait la démarche d’un éléphant en rut, il avait l’impétuosité d’un éléphant en rut,

il avait les yeux rouges d'un éléphant en rut, il avait la résistance d'un éléphant en rut.

32. Assises à côté de leurs bien-aimés, se tournant vers lui en gesticulant,

les femmes des Yakṣas et des Gandharvas l’observaient, sans être vues.

33. Comme s'il vendait une nouvelle incarnation de la beauté, le Pāṇḍava

parcourait les charmantes pentes du Gandhamādana.

34. Se souvenant des nombreux tourments que Duryodhana avait infligés,

et désireux de faire plaisir à Draupadī qui vivait dans la forêt,

35. il pensa : « Arjuna est allé au ciel, et moi je suis parti

chercher des fleurs : comment Yudhiṣṭhira fera-t-il donc ?

36. Certes, par affection pour eux et par méfiance de la forêt,

le meilleur des hommes, Yudhiṣṭhira, ne laissera pas partir Nakula et Sahadeva.

37. « Comment pourrais-je obtenir des fleurs rapidement ? » pensait-il,

et ce tigre parmi les hommes se mit en marche, aussi impétueux que le roi des oiseaux.

38. Ébranlant le sol de ses pieds, comme un tremblement de terre dans des jours fatals,

Ventre-de-Loup faisait trembler les troupeaux d'éléphants, rapide comme le vent,

39. écrasant de sa grande force les troupes de lions et de tigres,

déracinant de grands arbres et les écrasant puissamment avec sa poitrine,

40. le fils de Pāṇḍu entraînait dans son élan lianes et plantes grimpantes,

désirant escalader de plus en plus haut le sommet de la montagne, comme un éléphant,

tonnant très fort comme un nuage plein d’éclairs.

41. Son cri terrifiant et le son de son arc, ô Seigneur,

effrayaient les troupeaux de gibier, et ils s'enfuyaient de tous côtés.

42. Alors le héros au grand bras aperçut sur les pentes du mont Gandhamādana

une ravissante bananeraie qui s'étendait sur plusieurs lieues.

43. Le héros à la grande force y alla impétueusement pour les secouer,

brisant toutes sortes d’arbres, comme un grand éléphant aux tempes suintantes.

44. Arrachant les troncs des bananiers qui avaient la hauteur de plusieurs palmiers,

Bhīma, le meilleur parmi les forts, les lança vivement de tous côtés.

45. De nombreuses créatures de grande taille approchèrent,

ainsi que des bandes de cerfs barasinghas, des éléphants, des buffles qui vivaient dans les marais.

46. Des lions et des tigres furieux assaillaient Bhīmasena,

la gueule grande ouverte, avec une grande violence, en rugissant, vraiment terrifiants.

47. Bhīma, fils du Vent, recourant à la force de ses bras, dans sa fureur

leur était supérieur, tuant l’éléphant à coups d’éléphant, le lion à coups de lion,

et le puissant Pāṇḍava détruisait les autres en les frappant de la paume de la main.

48. Comme les lions, les tigres et les hyènes étaient tués par Bhīma,

tous s'enfuirent ventre à terre, effrayés, répandant leur urine et leurs excréments.

49. Puis, après les avoir laissés là, le héros au grand bras entra vite

dans la forêt, et l’illustre fils de Pāṇḍu remplit l’espace de son cri.

50. Et ce cri effrayant, ce hurlement de Bhīmasena,

fit trembler tout le gibier et les oiseaux qui allaient à l’intérieur de la forêt.

51. Et entendant soudain ce cri poussé par le gibier et les oiseaux,

les oiseaux aux ailes mouillées s'envolèrent par milliers.

52. Le taureau des Bhārata, examinant ces bandes d’oiseaux aquatiques,

les suivit et vit un lac charmant, très grand,

53. serein, que des bouquets de bananiers dorés doucement agités par le vent

semblaient éventer, s’étendant sur ses berges.

54. Descendant rapidement dans ce lac qui regorgeait de lotus rouges et bleus,

le héros puissant s’amusa puissamment, comme un grand éléphant déchaîné,

et après s’y être bien amusé un long moment, le héros d'une splendeur sans mesure en sortit.

55. Puis, plongeant impétueusement dans cette forêt dense,

le Pāṇḍava souffla de toutes ses forces dans sa conque sonore.

56. Le bruit de la conque, le cri de Bhīmasena

et le bruit effrayant de ses bras firent mugir les cavernes de la montagne.

57. En entendant le claquement violent de ses bras, pareil à l’impact d’un coup de foudre,

les lions qui dormaient dans les cavernes de la montagne laissèrent échapper un grand rugissement.

58. Les éléphants aussi, tremblants, effrayés par le rugissement des lions, ô Bhārata,

laissèrent échapper un énorme barrissement dont la montagne fut remplie.

59. Or ce bruit fut entendu dans son sommeil par le taureau parmi les singes,

un singe géant du nom d’Hanūmān, qui se mit à bâiller.

60. Il était au milieu d’une bananeraie, tombé sous l’empire du sommeil,

en bâillant il agita sa queue immense, qui se dressa

comme la bannière de Śakra, avec un bruit pareil à la foudre d’Indra.

61. Le claquement de sa queue résonna de toutes parts

dans le fond des cavernes de la montagne comme une éructation de vache qui mugit.

62. Le vacarme de sa queue, couvrant les barrissements des éléphants en rut,

se répercuta sur les diverses pentes de la montagne.

63. Lorsque Bhimasena l’entendit, ses poils se hérissèrent,

et il parcourut la bananeraie pour rechercher l’origine du bruit.

64. Alors, au milieu de la bananeraie, sur une grosse dalle de rocher,

le héros au grand bras vit le roi des singes qui se tenait là,

65. aveuglant comme une multitude d’éclairs, doré comme une multitude d’éclairs,

pareil à une multitude d’éclairs, palpitant comme une multitude d’éclairs.

66. Son cou court et massif reposait sur ses bras croisés ;

par rapport à son corps au tronc plus large, sa taille et ses hanches étaient fines.

67. Avec sa queue un peu recourbée à son extrémité, longue et aux poils frisés,

qui se tenait dressée, il resplendissait comme avec une bannière.

68. Il avait les lèvres rouges, une bouche avec une langue cuivrée, des oreilles rouges, des sourcils mobiles,

sa bouche avait des crocs à la pointe arrondie, rayonnant comme la lune.

69. Il était orné par les éclats blancs qui venaient de l’intérieur de sa bouche,

il avait une crinière massive et emmêlée comme une masse de fleurs d'askoks.

70. Il était au milieu des bananiers dorés, resplendissant de gloire,

embrasé par sa propre beauté, comme un feu flamboyant,

71. et cet excellent et héroïque singe, au corps immense, à la grande force,

l’examinait sans crainte de ses yeux dorés comme le miel.

72. S’approchant rapidement, Bhīma aux prouesses effrayantes

poussa un rugissement de lion pour attirer l’attention du primate.

73. Le cri de Bhīma fit trembler les bêtes et les oiseaux.

Le noble Hanūmān, clignant légèrement d’un œil,

le regarda avec mépris avec ses yeux dorés comme le miel.

74. Parlant en souriant au fils de Kuntī, le singe dit à l’homme :

« Pourquoi, alors que je suis malade et que je dormais agréablement, m’as-tu réveillé ?

75. Ne devrais-tu donc pas faire preuve de compassion envers les créatures, toi qui as la connaissance ?

Nous ne connaissons pas le Dharma, nous dépendons de celui de ceux qui sont issus de matrices animales.

76. Les hommes, étant doués de raison, ont de la compassion pour les êtres.

Comment des hommes tels que toi, doués de raison, s’attachent-ils

à des actes cruels qui souillent le corps, la parole et l’esprit et anéantissent le Dharma ?

77. Tu ne connais pas le Dharma, tu n’honores pas les anciens,

et par sottise tu détruis les animaux de la forêt.

78. Parle, qui es-tu ? Pourquoi es-tu venu dans cette forêt

abandonnée par les êtres humains et même par les hommes ?

79. A partir de ce point, cette montagne est extrêmement difficile d’accès et difficile à gravir :

à part pour les Accomplis qui y ont accès, ô héros, il n’y a pas d’accès.

80. Par compassion et par amitié, je t’arrête, homme fort :

à partir de ce point tu ne peux pas aller plus loin, sois tranquille, Seigneur !

81. Ces racines et ces fruits pareils à l’ambroisie,

mange-les et reviens en arrière, si tu peux saisir mes paroles ! »

 

 

3. 147. Bhīma lui demande le passage. Hanūmān prétend qu’il est trop malade pour se lever, mais que Bhīma soulève sa queue pour passer. Malgré sa force, Bhīma n’arrive pas à la soulever. Hanūmān se présente : il est fils de Vāyu, comme Bhīma, et a deux frères, Sugrīva et Vālin, fils du Soleil et d’Indra. Autrefois, Rāma, exilé dans la forêt, avait restitué la royauté à son frère Sugrīva en tuant Vālin : aussi Sugrīva l’a-t-il aidé à retrouver sa femme Sītā enlevée par le rākṣasa Rāvaṇa en envoyant les singes la chercher de partout. Hanūmān saute au-dessus de l’océan et voit Sītā dans le palais de Rāvaṇa. Rāma défait Rāvaṇa et récupère sa femme. Hanūmān obtient de vivre aussi longtemps que l’on racontera l’histoire de Rāma.

Livre III, chapitre 147

1. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir entendu les paroles de ce sage roi des singes,

l’héroïque Bhīmasena, tourmenteur de ses ennemis, lui dit :

2. « Qui es-tu, Seigneur ? Et pourquoi as-tu pris l'apparence d'un singe ?

Ma caste vient juste après celle des brahmanes, c’est un noble guerrier qui te parle.

3. Je suis fils de Kuru, de la lignée lunaire, j’ai été porté dans le ventre de Kuntī,

fils de Pāṇḍu, descendant de Vāyu, l’illustre Bhīmasena ! »

4. Accueillant la parole de Bhīmasena avec un sourire,

Hanūmān, descendant de Vāyu répondit au fils de Vāyu :

5. « Je suis un singe, et je ne te céderai pas le passage comme tu le souhaites.

Tu ferais bien de faire demi-tour, de peur d’obtenir ta destruction ! »

6. Bhīma dit :

« Que ce soit la destruction ou autre chose, ce n’est pas ce que je te demande, ô singe.

Lève-toi et accorde-moi le passage, de peur d’obtenir ta destruction ! »

7. Hanūmān dit :

« Je ne peux pas me lever, car je suis tourmenté par la maladie.

Si tu dois nécessairement avancer, avance en sautant par-dessus moi ! »

8. Bhīma dit :

« L’Esprit suprême est au-delà de toutes les qualités, il pénètre ton corps et y demeure :

il est l’objet de la connaissance, je ne le méprise pas, je ne lui saute pas par-dessus !

9. Si par l’étude des textes religieux je n’avais pas trouvé Celui qui crée les êtres,

j'aurais sauté par-dessus toi et cette montagne, comme Hanūmān a sauté par-dessus l'océan ! »

10. Hanūmān dit :

« Qui est cet Hanūmān qui a sauté par-dessus l'océan ?

Je te le demande, ô le meilleur des Kuru, dis-le moi si tu peux. »

11. Bhīma dit :

« C'est mon frère, il faut louer son mérite, il est doué de raison, de courage et de force,

extrêmement célèbre à cause du Rāmāyaṇa, un héros, un taureau parmi les singes.

12. Pour la femme de Rāma, cet Indra des singes sauteurs

a sauté d’un seul bond par-dessus l'océan large de cent lieues.

13. Ce grand héros est mon frère, et je l'égale en éclat,

en force, en prouesse et en combat : je suis capable de te mettre en déroute !

14. Lève-toi, cède-moi le passage, ou voie maintenant ma puissance !

si tu n’accomplis pas mon ordre, je te mènerai dans le séjour de Yama ! »

15. Vaiśampāyana dit :

« Voyant qu’il était ivre de sa force, orgueilleux de la puissance de ses bras,

se moquant de lui dans son cœur, Hanūmān lui dit ces mots :

16. « De grâce, je n'ai pas la force de me lever à cause de ma vieillesse, ô irréprochable !

Par compassion pour moi, écarte ma queue et passe ! »

17. Avec un sourire méprisant, Bhīma saisit de la main gauche

la queue du grand singe, mais il ne put pas la bouger.

18. Il la tira à nouveau avec ses deux bras, elle était dressée comme l'arc-en-ciel d'Indra,

et le puissant Bhīma ne put pas non plus l’arracher avec ses deux bras.

19. Relevant ses sourcils, écarquillant les yeux, fronçant les sourcils, se renfrognant,

Bhīma avait le corps en sueur, et il ne pouvait pas l’arracher.

20. Mais malgré ses efforts pour soulever et arracher la queue, l’illustre

Bhīma, qui se tenait à côté du singe, restait là, la tête baissée de honte.

21. Le fils de Kuntī se prosterna et, les mains jointes, prononça ces mots :

« De grâce, ô tigre parmi les singes, pardonne mes mauvaises paroles !

22. Que tu sois un Accompli, un Dieu, un Gandharva ou un Esprit-Caché,

je t’en prie, pour l’amour de moi dis-moi qui tu es, toi qui a pris l’apparence d’un singe ! »

23. Hanūmān dit :

« Puisque tu es curieux de savoir sur moi, ô dompteur d'ennemis,

tout entièrement, écoute, ô fils de Pāṇḍu.

24. Moi, c’est dans le champ de Kesarī [76], par le Vent, le souffle vital du monde,

que j’ai été engendré, ô homme aux yeux de pétales de lotus, je suis le singe nommé Hanūmān.

25. Le fils du Soleil, Sugrīva, et le fils de Śakra, Vālīn,

ces deux rois de tous les singes étaient suivis par tous les rois des troupeaux,

26. de grands héros, ô tourmenteur de tes ennemis, et j’avais

de l’amitié pour Sugrīva, comme le vent pour le feu.

27. Ayant été humilié par son frère pour une raison quelconque,

il vécut pendant longtemps avec moi à Ṛśyamūka.

28. Et un héros très puissant, du nom de Rāma, fils de Daśaratha,

Viṣṇu sous une forme humaine, parcourait cette terre.

29. Désirant faire plaisir à son père, avec sa femme et son frère cadet

cet éminent archer s’était retiré avec son arc dans la forêt de Daṇḍakā.

30. Sa femme fut enlevée de force dans Janasthāna par Rāvaṇa,

après que le sage descendant de Raghu eut été trompé par un simulacre d’antilope.

31. Sa femme ayant été enlevée, le descendant de Raghu recherchant avec son frère son épouse,

aperçut Sugrīva, taureau parmi les singes, au sommet d'une montagne.

32. Le descendant de Raghu au grand cœur se lia d'amitié avec lui,

et, après avoir tué Vālīn, il établit Sugrīva sur le trône,

et il envoya les singes à la recherche de Sītā.

33. Alors nous fûmes nous-mêmes envoyés avec des millions de singes à un endroit

où un vautour nous avait apporté des nouvelles de Sītā.

34. Alors, pour faire réussir l’entreprise de Rāma aux actes irréprochables,

je franchis d’un bond l'océan de cent lieues de large.

35. Je vis la reine, dans le palais de Rāvaṇa,

et je revins après lui avoir fait connaître mon nom.

36. Alors, une fois tous les Rākṣasas tués avec l’aide de l’héroïque Rāma,

on ramena sa femme, qui était perdue comme une récitation des Veda.

37. Lorsque Rāma fut parti, je demandai au héros :

« Tant que la geste de Rāma, ô héros tueur d'ennemis, sera dans les mondes,

puissé-je vivre aussi longtemps ! » « Qu’il en soit ainsi ! » lui dit-il.

38. Pendant dix fois mille ans et dix fois cents ans

Rāma régna sur son royaume, puis il monta au troisième ciel.

39. Et ici, mon ami irréprochable, constamment les Apsaras et les Gandharvas

me charment en chantant les exploits de ce héros.

40. Et cette route n’est pas accessible aux mortels, ô fils de Kuru,

et ainsi je te bloque l’accès à cette route fréquentée par les Dieux,

pour que personne ne t’attaque ou te maudisse, ô Bhārata.

41. Car c'est un chemin divin, réservé aux Dieux, les hommes ne passent pas par là.

Et l'étang pour lequel tu es venu est proche. »

 

 

3. 148. Bhīma demande à Hanūmān de se montrer sous la forme qu’il avait prise pour sauter au dessus de l’océan : ce n’est pas possible, car cela se passait dans un autre âge. Description des quatre âges

Livre III, chapitre 148

1. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots, le majestueux Bhīmasena au grand bras

se prosterna avec joie devant son frère, le cœur plein d’allégresse,

et d'une voix douce il dit à Hanūmān, le seigneur des singes :

2. « Rien n'est plus heureux pour moi que de te voir Seigneur.

C'est une très grande faveur pour moi ; c’est une plénitude de te voir !

3. Néanmoins, je voudrais que tu me fasses un plaisir, Seigneur :

quand tu as sauté par-dessus l’Océan où vivent les makaras,

la forme inégalable que tu avais alors, ô héros, je voudrais la contempler.

4. Ainsi je serai content, et je croirai ce que tu dis. »

A ces mots, le splendide singe éclata de rire et dit :

5. « Cette forme, il n’est pas possible de la voir, ni à toi, ni à personne d’autre :

car c’était alors une autre conjoncture du temps, ce n’est plus le cas actuellement.

6. Le temps est autre dans l’âge d’or, il est différent dans l’âge d’argent et l’âge de bronze,

c’est là de le temps de la destruction, je n’ai plus aujourd’hui cette forme.

7. La Terre, les rivières, les arbres et les montagnes, les Accomplis, les Dieux et les grands sages

se conforment au temps, comme le font les créatures, d’âge en âge,

car la force, le corps et la puissance disparaissent et réapparaissent.

8. Contente-toi de voir cette forme, rejeton de la lignée de Kuru !

Je me conforme à l’âge car il est très difficile de passer outre au Temps. »

9. Bhīma dit :

« Fais-moi le décompte des âges, et la manière dont chaque âge se déroule,

et quelle y est la nature du Dharma, du plaisir et de l’intérêt, et la forme, et la force, et l’existence et la non-existence. »

10. Hanūmān dit :

« Il y a ce qu’on appelle l’âge d’or, mon ami, dans lequel le Dharma est éternel.

Il est parfait, il n’y a rien à faire de plus dans ce temps-là, le meilleur des âges.

11. Là les Dharmas ne dépérissent pas, et les créatures ne disparaissent pas,

d'où son nom d’âge d’or qui avec le temps est devenu équivalent de l’excellence.

12. Des Dieux, des Dānavas, des Gandharvas, des Yakṣas, des Rākṣasas, des Serpents,

il n’y en a pas dans l’âge d’or, mon ami, il n’y a alors ni achat, ni vente.

13. Les sons des hymnes, des formules sacrificielles et du Ṛgveda n'existent pas, et il n'y a pas non plus de travail humain.

Rien que d’y penser le fruit est là, et le Dharma est le renoncement.

14. À cette jonction des âges, il n’y a ni maladie, ni diminution des facultés,

ni jalousie, ni non plus de pleur, ni d’orgueil, ni non plus de calomnie,

15. ni conflit, ni à plus forte raison de fatigue, ni haine, ni non plus d’hostilité,

ni peur, ni tourment, ni envie, ni égoïsme.

16. Alors le Sacré le plus haut est la voie la plus élevée des yogis,

il est l'âme de tous les êtres, et Nārāyaṇa est alors resplendissant.

17. Les brahmanes, les nobles guerriers, les travailleurs et les serviteurs sont bien distingués

pendant l’âge d’or, et les créatures sont satisfaites de leurs propres actions.

18. Étant au même stade de vie, ayant la même conduite, la même connaissance, la même intelligence, la même force,

les castes alors obtiennent leurs Dharmas en faisant les mêmes actions.

19. Étant attachées à un seul Veda, accomplissant les rites prescrits avec un seul mantra,

et ayant des Dharmas différents tout en ayant un seul Veda, elles sont dévouées à un seul Dharma.

20. Avec un sacrifice accompli en temps opportun, en rapport avec l’un des quatre stades de la vie,

en association avec des fruits qu’elles n’ont pas désirés, elle obtiennent la voie la plus élevée.

21. Joint à l’union avec l’Âme universelle, ce Dharma est bien reconnaissable

pendant l’âge d’or : il a quatre parties, il a quatre castes, il est éternel.

22. C'est là ce qu'on appelle l’âge d’or, dépourvu de la triade des trois essences.

Apprends aussi l’âge d’argent, pendant lequel commence le grand sacrifice.

23. Le Dharma est alors diminué d'un quart, et l'Impérissable [77] vire au rouge,

et les hommes, s’adonnant à la Vérité, ne songent qu’aux rites et au Dharma.

24. Puis les sacrifices apparaissent, ainsi que les Dharmas et toutes sortes de rites ;

pendant l’âge d’argent les choix dans la manière d’exister font naître les fruits des rites et des dons.

25. Ne songeant qu’à l’ascèse et aux dons, les gens ne s'écartent pas du Dharma,

ils s’en tiennent à leur propre Dharma et ils accomplissent convenablement les rituels pendant l’âge d’argent.

26. Et à l’âge de bronze le Dharma apparaît diminué de moitié,

Viṣṇu vire au jaune, et le Veda est en quatre parties.

27. Certains connaissent quatre Veda, d’autres trois Veda,

deux Veda ou un seul Veda aussi, tandis que d’autres n’ont aucun vers.

28. Tandis que les textes sacrés sont ainsi fragmentés, le rituel est accompli de beaucoup de manières,

et, adonné à l’ascèse et aux dons, la créature devient animée par la passion.

29. Et par la méconnaissance du Veda unique, les Veda deviennent nombreux,

et à cause du déclin de la Vérité, peu de gens restent fidèles à la vérité.

30. Chez ceux qui s’éloignent de la Vérité, les maladies deviennent nombreuses,

et les passions ainsi que les catastrophes sont causées par les divinités.

31. Tourmentés par elles, les hommes s’adonnent à une violente ascèse,

tandis que d’autres, ayant tel ou tel désir, désirant le ciel, font des sacrifices.

32. Ainsi, parvenues à l’âge de bronze, les créatures dépérissent par manque de Dharma.

A l’âge de fer, ô fils de Kuntī, le Dharma n’a plus qu’un seul quart.

33. Quand on atteint cet âge ténébreux, le Chevelu devient le noir Kṛṣṇa.

Les règles de vie védiques s’estompent, ainsi que le Dharma, le sacrifice et le rituel.

34. Les calamités, les maladies, la fatigue, les vices à commencer par la colère,

les catastrophes apparaissent, et les soucis ainsi que les maladies.

35. Au fur et à mesure que les âges suivent leur cycle, le Dharma se dégrade à nouveau,

et, le Dharma se dégradant, le monde se dégrade à nouveau.

36. Le monde étant affaibli, les êtres qui font avancer le monde vont à leur perte,

et les Dharmas causés par l’affaiblissement de l’âge sont pervertis en prières.

37. Voilà ce qu’on appelle l’âge de fer, il arrive bientôt.

Ceux qui vivent longtemps obéissent à cet âge.

38. Quant à ta curiosité de me connaître pleinement, ô dompteur de tes ennemis,

dans ces choses insignifiantes, qu’est-ce que ces manières chez un homme savant ?

39. Je t'ai dit tout ce que tu me demandes,

le total des âges, ô seigneur au grand bras. Salut à toi, obtiens l’accès ! »

 

 

3. 149. Bhīma insiste, et Hanūmān se met à grandir jusqu’à la taille d’une montagne. Bhīma le complimente, et Hanūmān l’autorise à passer. Il lui rappelle ses devoirs envers la loi.

Livre III, chapitre 149

1. Bhīma dit :

« Je ne partirai en aucune façon sans avoir vu ton ancienne forme :

si tu dois me faire une faveur, montre-toi à moi ! »

2. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots de Bhīma, le singe en souriant

lui fit voir la forme qu'il avait lorsqu'il avait sauté par-dessus l'océan.

3. Souhaitant faire plaisir à son frère, il prit une forme très grande,

et son corps grandit alors énormément en grandeur et en étendue.

4. Ayant pris cette forme qui cachait la bananeraie, le singe,

d'une splendeur sans mesure, se dressait là, atteignant la hauteur d’une montagne.

5. Se dressant avec son grand corps, comme une deuxième montagne,

avec ses yeux rouges, ses crocs acérés et ses sourcils froncés,

agitant sa longue queue, le singe, dressé, remplissait l'espace.

6. Observant l’aspect gigantesque de son frère, le descendant des Kuru,

Bhīma, était stupéfait et se réjouissait encore et encore.

7. Le voyant comme un soleil avec ses rayons, comme une montagne d’or,

comme un ciel en feu, Bhīma ferma les yeux.

8. Hanūmān, en souriant, dit à Bhīmasena :

« Voilà de quelle grandeur tu peux voir ma forme, ô irréprochable.

9. Je deviens encore plus grand aussi, autant que je le veux,

ô Bhīma, et au milieu des ennemis mon corps grandit démesurément par ma propre puissance. »

10. Quand il vit le corps d’Hanūmān, prodigieux, totalement effrayant,

pareil au mont Vindhya et au mont Mandara, le fils du Vent fut troublé.

11. Bhīma, les poils hérissés par la joie, joignant les mains,

parla alors avec confiance à Hanūmān qui se dressait devant lui :

12. « J’ai vu la taille immense de ton corps, Seigneur,

rétrécis-toi toi-même, ô très puissant !

13. Car je ne peux pas te regarder, comme le soleil levant,

tu es incommensurable et inaccessible, comme le mont Maināka !

14. Et mon esprit est grandement stupéfait, ô héros, maintenant,

que Rāma lui-même, alors qu’il t’avait à ses côtés, soit allé chez Rāvaṇa !

15. Tu as été capable de causer la ruine de Laṅkā avec ta puissance,

en t’appuyant sur la force de tes bras, malgré ses guerriers et ses chars !

16. « Car il n’y a rien d’impossible pour toi, fils du Vent,

et Rāvana avec ses troupes n’aurait pas suffi dans un combat avec toi seul ! »

17. A ces paroles de Bhīma, Hanūmān, ce taureau parmi les singes,

lui répondit ces mots d’une voix grave et affectueuse :

18. « C’est bien comme tu dis, ô Bhārata au grand bras,

Bhīmasena, ce vil Rākṣasa n’aurait pas suffi en face de moi !

19. Mais si j’avais tué ce Rāvaṇa, cette écharde du monde,

la gloire du descendant de Raghu aurait péri, j’ai donc laissé cela.

20. Ce héros, après avoir tué le roi Rākṣasa avec ses troupes,

conduisit Sitā dans sa propre cité et il établit sa gloire dans le monde.

21. Toi qui est doué d’une grande sagesse et qui aimes ce qui est agréable et salutaire pour ton frère, va

par ce chemin sûr et sécurisé, sous la protection du Vent.

22. Ce sentier, ô le meilleur des Kuru, te conduira à la forêt de Saugandhika,

tu y verras le jardin du Donneur de richesses, qui est gardé par des Yakṣas et des Rākṣasas.

23. Mais tu ne dois pas cueillir directement les fleurs toi-même,

car l’homme doit honorer les divinités avant tout.

24. Quand, ô taureau des Bhārata, par des offrandes, des sacrifices, des adorations et des mantras

les divinités sont vénérées, elles accordent la grâce, ô Bhārata.

25. N’agis pas, mon ami, de manière irréfléchie, conserve ton propre Dharma !

En t’en tenant à ton propre Dharma, observe et apprends le Dharma suprême.

26. Car si l’on ne connaît pas le Dharma et qu’on ne pratique pas les anciens,

le Dharma ne peut pas être compris, même par des gens pareils à Bṛhaspati.

27. Là où le Mal est appelé le Dharma, et le Dharma est nommé Mal,

il faut faire une distinction précise, et c’est là que ceux qui sont dépourvus de sagesse se trompent.

28. Le Dharma naît de la conduite, du Dharma proviennent les Veda,

des Veda viennent les sacrifices, par les sacrifices les Dieux sont raffermis.

29. Les divinités sont soutenues par les sacrifices énoncés par les règles de vie des Veda,

tandis que les hommes sont soutenus par les lignes de conduite de Bṛhaspati et Uśanas.

30. Grâce à la commercialisation, aux exploitations minières, au commerce, à l’agriculture, à l’élevage,

grâce à l’économie tout est entretenu, et grâce aux Dharmas et aux deux-fois-nés.

31. Le triple Veda, l’économie, le maintien de l’ordre sont les trois connaissances des érudits :

quand ces trois sont pratiqués comme il convient, les affaires du monde vont bien.

32. S'il n'y avait pas d'activités conformes au Dharma, la Terre serait privée du Dharma tiré des trois Veda,

elle serait privée aussi du maintien de l’ordre, il y aurait là un dérèglement.

33. Car si elles n’étaient pas dans l’économie et le Dharma, ces créatures périraient,

car quand ces trois Dharmas sont bien pratiqués, les créatures produisent.

34. Car le seul Dharma appartenant à une seule caste, c’est l’aumône volontaire des deux-fois-nés ;

le sacrifice, la lecture des textes sacrés et le don, ces trois activités sont communes, dit-on.

35. Recevoir des honoraires pour ces deux choses que sont le sacrifice et la lecture des textes sacrés concerne les brahmanes,

la protection concerne les nobles guerriers, la fourniture de nourriture est le Dharma des travailleurs.

36. Mais l'obéissance aux deux-fois-nés est déclarée être le Dharma des serviteurs,

de même que, pour ceux qui demeurent chez leur gourou, c’est l’absence de mendicité, d’oblations et de vœux.

37. Le Dharma des nobles guerriers, ô fils de Kuntī, ton Dharma, est de protéger le Dharma,

tourne-toi vers ton propre Dharma, en étant discipliné et maître de tes sens.

38. Après avoir délibéré avec les anciens, les hommes de bien, les sages et les érudits,

l’homme ferme châtie avec son bâton, l’homme vicieux est humilié.

39. Quand un roi use correctement de la punition et de la faveur,

les frontières de son pays sont bien établies.

40. C'est pourquoi, à propos du pays, de ta forteresse et des forces de tes ennemis et de tes alliés,

il faut continuellement savoir grâce à un espion ce qu’il en est : leur croissance et leur déclin.

41. Les rois ont quatre moyens : le conseil des sages, le courage,

la punition associée à la faveur, et la dextérité qui permet de faire ce qui doit être fait.

42. C’est par la négociation, la libéralité, l’intrigue, le châtiment et l’égalité d’humeur

que doivent être accomplies les choses qui doivent être faites, aussi bien en les combinant qu’en les distinguant.

43. Toutes les politiques sont enracinées dans le conseil, et il en est de même des espions, ô taureau des Bhārata,

la réussite vient des politiques bien conseillées, elle doit prendre conseil auprès de ceux qui savent cela.

44. Ce n’est pas une femme, un crétin, un cupide, un gamin ou un badin

qu’il faut consulter dans les affaires secrètes, ni ceux qui ont des signes de folie.

45. Il faut prendre conseil auprès des sages, faire faire des actions à ceux qui en sont capables,

et établir sa politique avec des gens fidèles, et écarter en toutes circonstances les imbéciles.

46. Il faut confier les affaires concernant le Dharma à des hommes respectueux du Dharma, les affaires de profit à des hommes instruits,

les femmes à des eunuques et les tâches cruelles à des hommes cruels.

48. Ceux qui ont bien réussi grâce à leur sagesse, qu’on les accueille avec bienveillance,

et qu’on réprime aussi ceux qui sont mal élevés et indisciplinés.

49. Quand un roi use correctement de la punition et de la faveur,

les frontières de son pays sont bien établies

50. C’est là, ô fils de Pṛthā, le Dharma qui t’est prescrit, terrible, difficile à suivre,

garde-le humblement en fonction du propre Dharma qui t’est attribué,

51. tout comme les brahmanes atteignent le ciel par l’ascèse, le Dharma, la maîtrise de soi et les oblations,

et les travailleurs atteignent la voie des hommes de bien par leur Dharma fait de dons, d'hospitalité et de rites.

52. Ainsi la noblesse guerrière va au ciel par la répression et la protection sur terre,

car en infligeant correctement le châtiment, dépourvus de désir et de haine,

dépourvus de cupidité, débarrassés de la colère, ils atteignent le droit de partager le monde des hommes de bien. »

 

 

3. 150. Hanūmān reprend sa taille et embrasse Bhīma. Il lui offre un vœu : doit-il détruire les Kaurava ?. Bhīma décline. Hanūmān lui promet de renforcer avec le sien propre son rugissement de guerre et disparaît. Bhīma continue son chemin dans les montagnes jusqu’à la forêt Saughandika, domaine de Kubera.

Livre III, chapitre 150

1. Vaiśampāyana dit :

« Puis, rétrécissant son corps immense qu’il pouvait faire grandir à sa guise,

le singe pressa à nouveau Bhīmasena dans ses bras.

2. Et tandis que Bhīma était embrassé par son frère, ô Bhārata, vite

sa fatigue disparut et tout fut propice.

3. Les yeux pleins de larmes, le singe couleur fauve s’adressa à nouveau

à Bhīma avec émotion, parlant d'une voix que les pleurs faisaient balbutier :

4. « Va, ô héros, dans ta propre demeure, tu dois te souvenir de moi dans tes récits,

et, ô le meilleur des Kuru, personne ne doit savoir que je suis ici.

5. C'est le moment et le lieu où, envoyées depuis la demeure du Donneur de richesses, ô puissant héros,

les femmes des Dieux et des Gandharvas viennent ici.

6. Mes yeux aussi ont trouvé du profit, et je me suis souvenu du descendant de Raghu

en touchant avec toi, Bhīma, un autre corps humain.

7. Que le fait de m’avoir vu, ô héros, fils de Kuntī, te soit profitable :

en mettant en avant notre fraternité, choisis un vœu, ô Bhārata !

8. S’il me faut aller à la Ville-qui-tire-son-nom-des-éléphants pour anéantir

ces vils fils de Dhṛtarāṣṭra, je le ferai !

9. Ou si je dois écraser cette ville avec un rocher,

je ferai immédiatement ce que tu désires, ô puissant héros ! »

10. Bhīmasena, en entendant la voix du singe au grand cœur,

répondit à Hanūmān, l’âme pleine de joie :

11. « Tu as tout fait pour moi, ô taureau parmi les singes !

Je te salue, singe au grand bras, je te demande pardon, fais-moi cette grâce :

12. Si nous tous les Pāṇḍava sommes sous la protection d’un protecteur tel que toi, ô héros,

grâce à ton éclat nous vaincrons tous nos ennemis ! »

13. A ces mots, Hanūmān dit à Bhīmasena :

« Par amour fraternel et par amitié, je te ferai une faveur.

14. Lorsque, après avoir plongé dans l'armée de tes ennemis hérissée de flèches et de lances,

tu pousseras, ô puissant héros, ton cri de lion,

je renforcerai ton cri avec le mien.

15. Me tenant sur la bannière du Victorieux [78], je pousserai des rugissements épouvantables

qui priveront tes ennemis de leur souffle de vie ! », et à ces mots il disparut.

16. Lorsque le meilleur des singes fut parti, Bhīma, le meilleur parmi les plus forts,

continua par ce chemin vers le grand Gandhamādana.

17. Se remémorant son corps et sa splendeur incomparable sur terre,

et songeant à la grandeur d’âme et à la majesté du fils de Daśaratha [79], il allait.

18. Il fouilla les charmantes forêts et les sous-bois

dans son désir de trouver la forêt de Saugandhika.

19. Il vit des forêts fleuries où s’épanouissaient des lotus de toutes sortes,

et des troupeaux d’éléphants en rut, trempés de boue, ô Bhārata,

pareils à une multitude de nuages de mousson en train de se répandre.

20. Dans la forêt des daims aux yeux tremblants, accompagnés de leurs femelles,

mâchant des bouchées d’herbe tendre, regardaient l’illustre héros qui se hâtait sur le chemin.

21. Sans peur, Bhīmasena se rua héroïquement dans cette montagne

peuplée de buffles, de sangliers et de tigres,

22. comme si, avec leur rameaux ployant sous les fleurs et leurs tendres bourgeons rouges,

les arbres dans la forêt l’invitaient en s’agitant.

23. Les enveloppes des bourgeons de lotus, qui semblaient des mains jointes, étaient visitées par des abeilles enivrées,

le chemin qu’il suivait traversait des forêts pleines de lotus avec de charmants lieux d'ablutions.

24. Le regard et les yeux fixés sur les sommets fleuris de la montagne,

avec les paroles de Draupadī comme viatique, Bhīma allait à toute allure.

25. Quand le jour revint, dans la forêt peuplée de toutes sortes de daims,

il vit une large rivière avec des lotus d’or immaculés.

26. Elle était pleine de canards folâtres et ornée de tadornes,

elle était disposée sur cette montagne comme une guirlande de lotus roses immaculés.

27. Dans cette rivière, le noble héros vit un grand massif de lotus parfumés,

qui fit naître la joie en lui, pareil par son éclat au soleil du matin.

28. Voyant cela, le fils de Pāṇḍu sut dans son esprit qu'il avait obtenu ce qu'il désirait,

et son esprit alla vers sa bien-aimée, affligée par son séjour dans la forêt.

 

 

3. 152. Bhīma explique qu’il vient cueillir des fleurs de lotus pour Draupadī. Les Yakṣas veulent l’en empêcher, mais Bhīma les ignore. Ils attaquent, mais Bhīma les défait. Ils vont se plaindre à Kubera qui leur dit que Bhīma peut prendre toutes les fleurs qu’il veut.

Livre III, chapitre 152

1. Bhīma dit :

« Je suis Bhīmasena, fils de Pāṇḍu, frère cadet du fils du Dharma ;

je suis arrivé avec mes frères au Grand Jujubier, ô Rākṣasas.

2. Là, la princesse du Pāñcāla a vu un lotus très parfumé, incomparable,

sans doute apporté par le vent, et elle en désire beaucoup.

3. Sachez, ô marcheurs de la nuit, que je suis venu ici cueillir des fleurs

pour ma bien-aimée épouse légitime, au corps sans défaut. »

4. Les Rākṣasas lui dirent :

« C'est là le terrain de jeu préféré de Kubera, ô taureau parmi les hommes,

il n’est pas possible à un homme soumis au Dharma des mortels de s’y ébattre.

5. Les sages divins, les Yakṣas et les Dieux, ô Ventre-de-loup,

après avoir salué le premier des Yakṣas, boivent et s’ébattent ici,

et les Gandharvas et les Apsaras jouent également ici, ô Pāṇḍava.

6. Quiconque, illégalement, au mépris du Seigneur des trésors,

désirerait s’amuser ici, devrait, ce scélérat, périr, sans aucun doute.

7. Sans en tenir compte, tu veux prendre de force des lotus d’ici !

Comment peux-tu dire que tu es le frère du roi du Dharma ? »

8. Bhīma dit :

« Rākṣasas, je ne vois pas ici le Seigneur des trésors à proximité,

et même si je voyais ce Mahārāja, je ne supporterais pas, moi, de le supplier !

9. Car les rois ne supplient pas, tel est le Dharma éternel ;

et moi je ne veux pas abandonner le Dharma de la noblesse guerrière, en aucune façon !

10. Ce charmant étang couvert de lotus, né d’une cascade de la montagne,

ne fait pas partie du domaine de Kubera au grand cœur.

11. Car il est autant à toutes les créatures ainsi qu'au Descendant de Viśravā.

Dans la mesure où les choses se présentent ainsi, qui devrait supplier qui ? »

12. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir dit cela à tous les Rākṣasas, Bhīmasena plongea,

et les Rākṣasas l’interdisaient héros majestueux en disant :

« Non ! Non, pas ça ! », le menaçant, furieux, de toutes parts.

13. Ne faisant aucun cas des Rākṣasas, le héros à la redoutable vaillance,

au grand éclat, plongea, et tous essayaient de l'arrêter.

14.      « Saisissez-le, attachez-le, taillez-le en pièces !

Faisons cuire et mangeons Bhīmasena ! »

dirent-ils avec colère, et ils le poursuivirent à toute allure,

brandissant leurs armes et roulant leurs yeux de tous côtés.

15.      Alors, saisissant sa lourde et grande massue,

pareille au bâton de Yama, munie de sangles d’or,

il se jeta sur eux, fougueusement,

et leur cria : « Ne bougez pas, ne bougez pas ! »

16.      Alors, avec des javelots, des lances à trois pointes et d’autres

armes qu’ils brandissaient, ils se jetèrent sur lui précipitamment,

les épouvantables Colériques, avides de le tuer,

et ils cernèrent Bhīma de tous côtés, avec fureur.

17.      Né du Vent et de Kuntī, ce puissant

héros fougueux, exterminateur de ses ennemis,

se complaisant toujours dans la Vérité et le Dharma,

invincible par ses prouesses face à ses ennemis,

18.      au grand cœur, détruisit les divers chemins

et les armes de ses ennemis ;

le héros tua tous ceux qui étaient les chefs,

plus d'une centaine, près de l'étang couvert de lotus.

19.      Voyant sa bravoure et sa puissance,

la puissance de son savoir, la puissance de ses bras,

incapables de le combattre en se rassemblant de tous côtés,

leurs chefs ayant été tués, ils s’enfuirent précipitamment.

20.      Aussi, étant lacérés, à toute allure

ils se dirigèrent vers le ciel, l’esprit égaré,

et ils coururent vers les sommets du Kailāsa,

ces Colériques tourmentés, mis en pièces par Bhīma.

21.      Ayant, à la façon de Śakra, attaqué une multitude de Dānavas et de Daityas

et vaincu au combat une multitude d’ennemis,

vainqueur, il plongea dans l’étaing couvert de lotus,

et à sa guise il cueillit les lotus.

22.      Puis, après avoir bu cette eau semblable à l’ambroisie,

sa vaillance et son éclat furent encore plus éminents ;

il arracha et rassembla les lotus

très parfumés, exhalant un éminent parfum.

23.      Puis les Colériques rencontrèrent

le Seigneur des trésors, après avoir été repoussés par la force de Bhīma,

et, extrêmement abattus, ils lui expliquèrent exactement

la force et la vaillance de Bhīma au combat.

24.      Après avoir entendu leurs paroles, le Dieu

éclata de rire et dit aux Rākṣasas :

« Que Bhīma prenne les fleurs à son gré,

je sais qu’il le fait pour la Noiraude. »

25.      Ils prirent alors congé du Seigneur des trésors,

et ils retournèrent auprès du premier des Kuru, exempts de colère,

et dans ce même étang de lotus ils virent Bhīma

s’ébattre seul comme il le désirait.

 

 

3. 153. Bhīma cueille les fleurs. Présages funestes. Yudhiṣṭhira s’inquiète pour Bhīma. Draupadī lui dit qu’il est parti cueillir des fleurs pour elle. Ils partent à sa rencontre, portés par les rākṣasa, et le trouvent au bord de l’étang, entouré des cadavres des yakṣa. Yudhiṣṭhira admoneste Bhīma, puis ils passent quelques jours au bord de l’étang.

Livre III, chapitre 153

1. Vaiśampāyana dit :

« Ainsi le taureau des Bhārata prit un grand nombre de ces fleurs très précieuses,

divines, aux nombreuses couleurs, immaculées.

2. Puis un grand coup de vent, rapide, soulevant le sable,

s’abattit, piquant, annonçant un combat.

3. Un énorme météore tomba, dans un bruit de tonnerre, éblouissant,

le soleil perdit son éclat, ses rayons furent obscurcis et il fut enveloppé de ténèbres.

4. Il y eut un coup de tonnerre terrible, et Bhīma persistait dans sa bravoure.

La terre trembla aussi, et une pluie de cendre tomba.

5. Les horizons étaient rouge sang, les bêtes et les oiseaux poussaient des cris stridents,

tout fut enveloppé de ténèbres, on ne distinguait plus rien.

6. En voyant ce prodige, Yudhiṣṭhira, le fils de Dharma,

le meilleur des orateurs dit : « Qui va nous dominer ?

7. Préparez-vous, je vous prie, vous les Pāṇḍava ivres de combat !

D'après les signes ce que je vois, nous allons bientôt accomplir des exploits… »

8. Puis, après avoir ainsi parlé, le roi chercha tout autour de lui,

et Yudhiṣṭhira, le fils de Dharma, ne vit pas Bhīma.

9. Le dompteur d'ennemis interrogea la Noiraude et les jumeaux, tous proches de lui,

au sujet de son frère Bhīma, aux exploits terribles dans le combat :

10. « Est-ce que Bhīma, ô fille de Pāñcāla, cherche à faire quelque chose,

ou bien a-t-il fait quelque chose de violent, ce héros à qui la violence est chère ?

11. Car tout à coup, tous ces présages qui annoncent une grande bataille

et qui font voir un terrible danger se manifestent de tous côtés ! »

12. La sage Noiraude, la reine bien-aimée au doux sourire,

voulant lui faire plaisir, répondit à ses paroles :

13. Une fleur très parfumée avait été apportée par Mātariśvā [80],

je l’ai reçue, et joyeuse aujourd’hui d’être avec Bhīmasena,

14. j’ai aussi dit au héros que, s’il en voyait encore beaucoup,

il les cueille toutes et qu’il revienne vite.

15. Et donc le Pāṇḍava au grand bras, pour me faire plaisir,

est parti d’ici en direction du nord-est, ô roi, pour me les offrir. »

16. Lorsqu’il eut entendu ses paroles, le roi dit ceci aux jumeaux :

« Allons vite ensemble là où est allé Ventre-de-loup !

17. Que les Rākṣasas portent les brahmanes, dans la mesure où ils sont fatigués, dans la mesure où ils sont émaciés,

et toi, Ghaṭotkaca pareil aux Immortels, porte la Noiraude.

18. Mon avis est que Bhīma, de toute évidence, est parti bien loin d’ici :

il est parti depuis longtemps et il est pareil au vent par sa vitesse.

19. Il est aussi véloce que le fils de Vinatā [81] pour franchir la Terre :

il pourrait aussi s’envoler dans les airs et se poser à sa guise.

20. Nous pourrions le rechercher, grâce à votre puissance, ô Rôdeurs de la nuit,

avant qu'il ne commette une faute envers les Accomplis qui enseignent le Veda. »

21. Ils acceptèrent tous, et conduits par le fils d'Hidimba

et connaissant bien l’emplacement de l'étang couvert de lotus de Kubera, ô taureau des Bhārata,

22. ils prirent les Pāṇḍava ainsi que les nombreux brahmanes,

et ils partirent accompagnés de Lomaśa, le cœur réjoui.

23. Ils cheminèrent tous ensemble et ils virent là dans cette forêt

le ravissant étang tout couvert de lotus roses en fleurs.

24. Ils virent Bhīma au grand cœur qui se tenait sur la rive,

et aussi les Yakṣas massacrés, aux yeux tout écarquillés.

25. Brandissant sa massue avec ses bras, il se tenait sur le bord de la rivière,

comme la Mort, son bâton à la main, au moment d’écraser les créatures.

26. En le voyant, le roi du Dharma l'embrassa encore et encore,

et il lui dit d'une voix douce : « Fils de Kuntī, qu’as-tu fait là ?

27. C’est hélas, si je puis dire, un acte irréfléchi, et qui déplait aux Dieux :

il ne faut plus recommencer ce que tu as fait, si tu veux me faire plaisir ! »

28. Après avoir ainsi réprimandé le fils de Kuntī, ils cueillirent les lotus,

et ils s’ébattirent dans cet étang de lotus comme des Immortels.

29. Au même moment, armés de pierres,

apparurent les gardiens de ce jardin aux corps gigantesques.

30. Lorsqu'ils virent le roi du Dharma et le sage divin Lomaśa,

Nakula et Sahadeva, et les autres taureaux parmi les brahmanes,

ils s’inclinèrent tous humblement et se prosternèrent, ô Bhārata.

31. Rassurés par le roi du Dharma, les rôdeurs de la nuit s’apaisèrent.

Alors, au vu de Kubera, ces taureaux parmi les hommes,

la progéniture de Kuru, demeurèrent là à se reposer pendant peu de temps.

 

 

 

 

 

 



[1] Les dieux lâchèrent un cygne avec un lotus dans le bec. Il devait laisser tomber ce lotus à l'endroit où Brahma devait procéder à un sacrifice. C'est à Puṣkara (« lotus bleu ») qu'il fit tomber ce lotus. C'est pourquoi Puṣkara est l'un des rares lieux en Inde où est consacré un temple au dieu Brahmâ.

[2] Skanda, évoqué comme l'adolescent abstinent, Kumāra.

[3] Le vājapeya « boisson de vigueur », rite royal de sacrifice du soma consacré à Indra et aux centaures, célébrant la virilité d'un roi d'âge mûr.

[4] Épithète d’Agni, le Dieu du feu.

[5] Śiva.

[6] Cérémonie à l’occasion du solstice d’hiver.

[7] Rudrakoṭi « dix millions de Rudras ».

[8] Rāma Paraśurāma qui détruisit vingt et une générations de nobles guerriers, dont il fit trois lacs de sang au Samantapañcaka (Mah. I,58).

[9] Kubera.

[10] Littéralement « qui enlève les poils de chien »…

[11] Vāmana « le Nain », cinquième avatar de Viṣṇu ; il s'incarna sur Terre pour combattre le daitya Bali, qui s'était approprié les trois mondes ; déguisé en brahmane nain, il fit le vœu d'obtenir trois enjambées de terre ; quand Bali le lui accorda, il se transforma en Géant cosmique pour couvrir les trois mondes.

[12] Maṅkaṇaka, prenant un jour son bain à la rivière, y fut rejoint par l’Apsaras Rambhā et ses suivantes ; il perdit sa semence, qu'il divisa en sept portions, donnant naissance à sept souffles divins.

[13] Kārttikeya « Élevé par les Pléiades », épithète de Skanda, fils de Brahmā ; le descendant de Bhṛgu est Uśanas.

[14] Guha « élevé en cachette », épithète de Skanda.

[15] A-naraka « le Non-Enfer ».

[16] Umā, épithète de Durgā-Pārvatī, épouse de Śiva-Rudra.

[17] Sārasvata est un sage, fils de Dadhīca, lui-même fils d'Atharvā, aussi appelé Aṅgirā.

[18] Rāhu, fils de Siṃhikā, dragon daitya qui dévore le Soleil ou la Lune durant les éclipses.

[19] Śākaṃbharī « qui porte des légumes », épithète de Durgā qui fit pousser des légumes de son propre corps pour sauver le monde d'une sécheresse de cent ans.

[20] Soit 365.000 ans, un jour des Dieux équivalant à une année humaine.

[21] Śiva. Lorsque Tāraka fut tué par Kārttikeya, ses trois fils se livrèrent à de grandes ascèses, et obtinrent de Brahmā de pouvoir se réfugier dans trois villes célestes (Tripura « Triple ville ») et de ne pouvoir périr que par une seule et même flèche ; ils commirent alors de grands sacrilèges, et les Dieux implorèrent Śiva de mettre fin à leurs crimes ; Śiva utilisa l'arc magique Śaivacāpa, faisant de Viṣṇu la flèche qui détruisit Tripura.

[22] Le sage Kāvya Uśanas « le Subjugateur », précepteur des Asuras, identifié au ciel.

[23] L'un des hymnes les plus sacrés du Ṛgveda, louant Savitā, aussi appelé sāvitrī, et attribué à Viśvāmitra ; tout aryen doit le prononcer soir et matin, face au soleil.

[24] « comme la couverture et le mulet » : très proches.

[25] Le bois du mimosa sert à allumer le feu sacré par friction, car « Agni s'y cache ».

[26] Citrasena.

[27] = Quand la pleine lune de novembre (Mārgaśīrṣī) entre dans la constellation du Cancer (Puṣya).

[28] Même situation dans l’histoire d’Astika (en I, 13 sq.) où Jaratkāru voit ses ancêtres suspendus au-dessus d’un abîme, la tête en bas, accrochés à une touffe d’herbe dont un rat ronge la racine.

[29] Aldébaran, l'étoile rouge (rohiṇī).

[30] Vātāpi signifie « gros pet ».

[31] Idhmavāha = porteur de bois.

[32] Vāmana « le Nain », fils de Kaśyapa et d'Aditi, cinquième avatar de Viṣṇu, descendit sur Terre pour combattre le daitya Bali, qui s'était approprié les trois mondes ; venant à une fête de Bali comme un brahmane nain, il fit le vœu d'obtenir trois enjambées de terre ; quand Bali le lui accorda, il se transforma en Géant cosmique pour couvrir les trois mondes.

[33] Asamajña = « bon à rien ».

[34] La Gaṅgā.

[35] Śiva.

[36] Le feu, Agni.

[37] Rivière souterraine menant les morts vers le royaume de Yama, l’équivalent du Styx.

[38] Le Rasātala, « monde humide » est le quatrième enfer souterrain.

[39] Arjuna Kārtavīrya, fils du roi Kṛtavīrya.

[40] Étymologisation populaire de khāṇḍavāyana par « Ceux-qui-parcourent (ayana) la-forêt-de-Khāṇḍava (khāṇḍava) » : il s’agit d’une famille de brahmanes, descendants des officiants de Paraśurāma, ainsi nommés parce qu'ils se partagèrent [khaṇḍ] l'autel de Kaśyapa.

[41] Cf. Mah. I,121, 19.

[42] Cf. Mah. I,208.

[43] La vision d’arbres en or présage une mort imminente.

[44] Yudhiṣṭhira est le fils de Dharma (le premier des trois buts de l’homme, avec la richesse et le plaisir), Bhīma est fils de Vāyu (le vent), Arjuna est fils d’Indra (le Roi des Dieux), et les jumeaux Nakula et Sahadeva sont les fils des Aśvin.

[45] Sātyaki « fils de Satyaka », est le patronyme du vṛṣṇi Yuyudhāna, ami de Kṛṣṇa.

[46] Aniruddha «qui se manifeste sans obstruction», fils de Pradyumna, déifié comme manifestation [vyūha] de Vāsudeva.

[47] Sātyaki.

[48] Indra.

[49] Indra, qui a vaincu le démon Pāka.

[50] Nāsatyau « les deux Amis », formule désignant les deux Aśvin.

[51] Le vīrasthāna ou vīrāsana est une posture assise avec un pied sur une cuisse, l'autre pied étant  ramené sous cette cuisse.

 

[52] Lieu inconnu.

[53] Étymologisation de Māndhātā par « māṃ dhātṛ », « celui qui me suce ».

[54] Allusion à Trivikrama « Qui fait trois enjambées », épith. de Viṣṇu-Vāmana, qui parcourut l'univers (les trois mondes) en trois pas pour en déposséder le démon-roi Bali.

[55] Le fils de Ṛcīka est Jamadagni, et son fils est Paraśurāma.

[56] Le féminin montre que l’ogresse s’adresse à une femme, sans qu’on sache trop de qui il s’agit. Serait-ce la citation d’une sorte de chanson populaire ?...

[57] Arjuna.

[58] kuror kṣetram le champ de Kuru, c’est-à-dire Kurukṣetra, lieu de la future grande bataille.

[59] Le bananier plantain est symbole de fragilité.

[60] Aṣṭāvakra : « huit fois (aṣṭā) tordu (vakra) ».

[61] Bandin, chapelain du roi Janaka, soumettait les brahmanes nouvellement arrivés à une joute oratoire, et, comme il était un orateur redoutable, il gagnait à chaque fois et faisait jeter le perdant à la mer.

[62] Sarasvatī est la déesse de la sagesse, de la parole sacrée et de la  science. Le portier veut dire que l’éloquence nécessite un long apprentissage, inaccessible à un gamin.

[63] Les deux juments sont sans doute l’éclair et la foudre : le Feu (Agni, « celui qui a le vent pour cocher ») fait naître en elles le feu, et quand la foudre tombe elle enfante le feu.

[64] Le śarabha est un animal fabuleux créé par Brahmā ; plus fort que le lion et l'éléphant, il a huit pattes et court à une vitesse prodigieuse.

[65] Jeu sur les mots intraduisible : l’adjectif numéral daśa « dix » semble se retrouver dans les noms de ces peuples.

[66] Présentation d'offrandes aux Ancêtres décédés le onzième jour après leur mort (à cette occasion les brahmanes sont nourris et la période d'impureté d'un brahmane prend fin).

[67] Keśī « Chevelu », Asura allié de Kaṃsa, qui se rendit à Gokula sous la forme d'un cheval pour tuer Kṛṣṇa, mais fut détruit par ce dernier, qui acquit ainsi le nom de Keśava.

[68] Épithète d’Agni, « celui qui engendre (jāta)  les Veda (veda) ».

[69] śleṣmātaka = Cordia latifolia, arbuste qui donne un fruit aux propriétés excitantes.

[70] Antaka, la Mort.

[71] Quand Yudhiṣṭhira, lors de la partie de dés, perd tout, y compris Draupadi, Duḥśāsana va la chercher et la traîne par les cheveux (Mah. II,60).

[72] Arjuna Kārtavīrya, roi des Haihayās, avait mille bras pour défendre le Dharma.

[73] Saṃkarṣaṇa, « Soustrait », est une épithète de Balarāma, qui avait été soustrait de la matrice de Devakī pour être transféré dans celle de Rohiṇī.

[74] Draupadī est en fait la belle-mère de Ghaṭotkaca, mais elle est appelée « mère » parce qu’elle appartient à la génération de sa mère, et donc digne de respect.

[75] Vaiśvānara « Celui qui est à tous les hommes », épithète du Feu ou du Soleil.

[76] Hanūmān est le fils du vent Pavana et de l’Apsaras Añjanā changée en singe par la malédiction d'un ṛṣi qu'elle avait insulté; son époux était le singe Kesarī ; pour avoir un fils, elle pria le dieu Pavana dont elle reçut la semence dans les oreilles, et enfanta ainsi Hanūmān.

[77] Kṛṣṇa.

[78] Arjuna.

[79] Rāma.

[80] = le vent : Mātariśvā est le chef des souffles.

[81] L’aigle Garuḍa.