(22) La mort de Jarāsaṃdha : 18-22

 

2. 18. Kṛṣṇa propose de partir avec Bhīma et Arjuna pour tuer Jarāsaṃdha. Yudhiṣṭhira accepte. Kṛṣṇa, Bhīma et Arjuna se déguisent en jeunes brahmanes en fin d’études (snātaka) et partent pour Magadha. (= 30 ślokas)

 

Livre II, chapitre 18

1. Vāsudeva dit :

« Haṃsa et Ḍibhaka sont tous deux tombés, Kaṃsa et son compagnon ont tous deux été abattus.

Voici venu le temps de tuer Jarāsaṃdha.

2. Il ne peut pas même être vaincu au combat par tous les Dieux et les Asuras,

mais il peut être vaincu dans un combat qui demande du souffle, d’après ce que nous comprenons.

3. En moi est la politique, la force en Bhīma, et Arjuna est le protecteur de nous deux,

nous accomplirons cela, ô roi, comme les trois feux.

4. Quand nous trois nous approcherons de lui sans escorte, ce roi

sans nul doute engagera le combat avec l’un de nous.

5. Et avec son mépris du monde et avec sa fermeté, quand il sera attaqué

il entreprendra certainement de se battre avec Bhīmasena.

6. Son aiguillon est le très puissant Bhīmasena au bras puissant,

comme la Mort pour la destruction du monde agité.

7. Si ton cœur sait, si tu as confiance en moi,

confie-moi vite Bhīmasena et Arjuna. ».

8. Vaiśampāyana dit :

« Quand le bienheureux lui eut ainsi parlé, Yudhiṣṭhira lui répondit,

en regardant Bhīma et le fils de Pṛthā qui se tenaient là, le visage rayonnant de joie.

9. « Impérissable ! Impérissable ! Ne me parle pas ainsi, ô tourment de tes ennemis !

Tu es le protecteur des Pāṇḍava et nous cherchons refuge auprès de toi, Seigneur.

10. Tout se produit comme tu le dis, ô Govinda,

car tu ne marches pas devant ceux dont Lakṣmī se détourne.

11. Jarāsaṃdha a été tué, les rois ont été délivrés,

j’ai obtenu la consécration royale si je suis tes instructions !

12. Toi qui agis vite, ô le meilleur des hommes, fais en sorte qu’advienne

ce dessein, mon dessein, un dessein qui concerne le monde !

13. Car sans vous trois, Seigneurs, je suis incapable de vivre,

comme un pauvre, opprimé par la maladie, privé du Dharma, du Désir et du Profit.

14. Pas de fils de Pṛthā sans le fils de Śūra, pas de fils de Śūra sans le fils de Pāṇḍu,

il n’y a rien au monde d’invincible pour ces deux Kṛṣṇa, telle est mon opinion.

15. Et l’illustre Ventre-de-loup aussi, le meilleur parmi les puissants,

que ne pourrait-il faire, ce héros à la grande gloire, accompagné de vous deux ?

16. Car, bien conduit, le flot de la force accomplit la tâche la plus grande,

la force aveugle et stupide doit être, dit-on, guidée par les clairvoyants.

17. Car quand il y a une anfractuosité l’eau s’y déverse,

et de même, quand il y a une ouverture, ceux qui sont riches en sagesse y déversent leur force.

18. C’est pourquoi, nous reposant sur Govinda, un homme mondialement illustre,

qui connaît les règles de la politique, nous nous efforçons d’accomplir notre tâche.

19. Pour accomplir une tâche avec profit, ô Kṛṣṇa, il faudrait mettre en avant dans les tâches

la sagesse, la politique et la force accompagnées de moyens d’agir.

20. Pour accomplir cette tâche avec profit, que le fils de Pṛthā accompagne le meilleur des fils de Yadu,

qu’Arjuna accompagne Kṛṣṇa, que Bhīma accompagne Dhanaṃjaya,

et la politique, la victoire et la force parviendront à leur accomplissement dans la vaillance ! ».

21. A ces mots, tous les frères à la grande force,

le descendant de Vṛṣṇi et les deux Pāṇḍava, partirent pour le Māgadha.

22. Ils se revêtirent des vêtements de splendides brahmanes s’étant purifiés une fois leurs études finies,

et leurs amis les louaient avec des paroles charmantes.

23. Enflammés de colère à cause de leurs parents, dans leurs vêtements magnifiques

ils avaient l’apparence du Soleil, de la Lune et du Feu, et leur apparence était terrifiante.

24. Il jugea que Jarāsaṃdha était mort en voyant derrière Bhīma

les deux Kṛṣṇa unis dans une seule tâche et invincibles au combat.

25. Car ces deux guerriers au grand cœur étaient des maîtres dans la mise en œuvre de toutes les tâches

comme dans la restriction des tâches pour des tâches concernant le Dharma, le Profit et le Plaisir.

26. Partant de chez les Kuru, ils traversèrent le pays de Kuru

et arrivèrent au charmant Lac des Lotus, laissant derrière eux le Kālakūṭa.

27. Et ils suivirent ainsi la Gaṇḍakī, la Śona et la Sadānīrā,

successivement, des rivières issues d’une même montagne.

28. Ils traversèrent la charmante Sarayu, ils virent la partie orientale du Kosala,

ils traversèrent Mithilā, et les rivières Mālā et Carmaṇvatī.

29. Puis les trois héros, se tournant vers l'Est, traversèrent le Gange et la Śona,

puis ils continuèrent et arrivèrent dans la plaine de Māgadha, cuirassée d’amarantes.

30. Continuant, ils arrivèrent au mont Goratha,

riche en bétail, bien arrosé et très boisé ; et ils virent la citadelle de Māgadha.

 

 

2. 19. Ils arrivent en vue de Girivraja, la capitale de Magadha. Description des environs et des cinq montagnes qui entourent la ville. Ils entrent dans la ville et perçant un rempart et dans le palais de Jarāsaṃdha en perçant les murailles. Ils sont accueillis par le roi qui s’étonne à leur aspect. Kṛṣṇa lui explique qu’ils sont en fait des kṣatriya qui ont fait leur vœux et qu’on n’entre pas chez un ennemi par la porte. (= 50 ślokas)

 

Livre II, chapitre 19

1. Vāsudeva dit :

« Voici, ô fils de Pṛthā, la grande et belle résidence de Māgadha,

agréable, riche en bétail, toujours bien arrosée, salubre, avec une très grande abondance de maisons,

2. le grand Vaihāra, le Varāha, ainsi que le Vṛṣabha,

et aussi le Ṛṣigiri, mon ami, et en cinquième le beau Caityaka,

3. voici les cinq montagnes avec leurs grands pics et l’ombre fraîche de leurs arbres,

qui comme des gardiennes sont rassemblées, blotties autour de Girivraja.

4. Elles sont comme dissimulées sous les forêts de lodhras chères aux amoureux,

avec leurs fleurs drapant les bouts de leurs rameaux, parfumées, charmant l’esprit.

5. C’est là que Gautama [1], le sage au grand cœur, très attaché à ses vœux,

avec Auśīnari, une servante, engendra Kakṣīvat et ses autres fils.

6. Parce que, à cause de ce cadre, il avait établi sa maison à cet endroit,

Gautama aima la lignée des Māgadha, car les rois lui accordaient des faveurs.

7. Aṅga, Vaṅga et les autres rois très puissants

vinrent vers le séjour de Gautama dont ils furent bientôt charmés, ô Arjuna.

8. Regarde ces charmantes rangées d’arbres piyāl,

et ces beaux rangs de lodhras, ô fils de Pṛthā, qui poussent à proximité de la maison de Gautama.

9. Arbuda et Śakravāpin, les deux serpents qui consumaient leurs ennemis,

étaient là, ainsi que la maison suprême de Svastika et de Maṇināga.

10. Ce pays de Māgadha a nécessairement des nuages de pluie à cause de Maṇi,

car Kauśika et Maṇimat y ont multiplié leurs faveurs.

11. Jarāsaṃdha présume que le succès de ses affaires est stable,

quand nous marcherons aujourd’hui contre lui, nous abattrons assurément son orgueil ! ».

12. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots, tous les frères à la grande force,

le descendant de Vṛṣṇi et les deux Pāṇḍava, se dirigèrent vers la citadelle de Māgadha.

13. Avec ses habitants heureux et bien nourris, avec la foule de ses habitants répartis en quatre classes,

avec ses fêtes florissantes, ils approchèrent de l’inaccessible Girivraja.

14. Ils évitèrent l’accès à la citadelle par la grande montagne,

qui est vénérée par les fils de Bṛhadratha et les habitants de la ville.

15. C’est là que Bṛhadratha tomba sur un taureau qui mangeait des plants de fèves,

et après l’avoir tué, il fit trois timbales dont les cordes de tension étaient en fibre de fève.

16. Il y attacha cette peau, et il les plaça dans sa citadelle

où ces timbales rugissaient, quand les fleurs divines s’y épandaient.

17. Ils coururent ensemble vers le bord du Caityaka, qui est très apprécié des gens de Māgadha,

comme s’ils désiraient détruire ce sommet, en désirant détruire Jarāsaṃdha.

18. C’était un pic massif, très large, très grand, ancien,

vénéré par des guirlandes et des chapelets, et toujours avec de très solides fondations.

19. De leurs grands bras les héros le frappèrent et l’abattirent,

et voyant Māgadha, ils entrèrent dans la citadelle.

20. A ce moment-là, le chapelain pour honorer le roi

Jarāsaṃdha, monté sur un éléphant, tournait autour de lui avec le feu.

21. Déguisés en jeunes brahmanes fidèles à leurs vœux, sans autres armes que leurs bras,

ils entrèrent, ô Bhārata, désireux de se battre avec Jarāsaṃdha.

22. Et ils virent l’extrême prospérité des boutiques vendant des guirlandes et de la nourriture,

l’opulence florissante de tout ce qu’on peut désirer, et avec toutes les qualités.

23. Et les meilleurs des hommes, Kṛṣṇa, Bhīma et Dhanaṃjaya,

virent l’opulence dans ce bazar et passèrent par la Rue du Roi.

24. Les puissants guerriers prirent de force des guirlandes chez un fleuriste,

et, vêtus tous comme des renonçants au monde, couronnés de guirlandes et avec des boucles d’oreilles délicates,

25. ils entrèrent dans la résidence du sage Jarāsaṃdha,

comme des lions de l’Himālaya voyant un enclos de vaches.

26. Semblables à des piliers de pierre décorés de santal et d’encens de bois d’Agar,

les bras de ces guerriers aux bras puissants, ô Mahārāja, resplendissaient.

27. En les voyant surgir pareils à des éléphants, charpentés comme des arbres Śal,

avec leurs poitrines larges, la stupeur naquit chez les gens de Māgadha.

28. Ces taureaux parmi les hommes traversèrent trois appartements pleins de gens,

et ces guerriers très puissants s’approchèrent du roi avec orgueil.

29. Jarāsaṃdha se leva pour les accueillir et s’approcha d’eux selon les règles,

avec l’eau pour laver les pieds et le lait au miel qu’ils méritaient, avec les honneurs qu’ils méritaient, puisqu’ils venaient en hôtes.

30. Et ce roi, ce seigneur leur dit : « Soyez les bienvenus ! »,

car c’était là, ô roi, un vœu bien connu sur Terre :

31. Dès qu’il entendait que de jeunes brahmanes étaient arrivés, ce prince

vainqueur au combat sortait à leur rencontre, même au milieu de la nuit.

32. Les voyant dans cette tenue inouïe, l’excellent prince

Jarāsaṃdha s’approcha d’eux et fut étonné.

33. Quand ces taureaux parmi les hommes virent le roi Jarāsaṃdha,

tous ces tueurs de leurs ennemis lui dirent ceci, ô le meilleur des Bhārata :

34. « Succès et prospérité, ô roi ! » et ils étaient tous postés,

regardant le roi, ô tigre parmi les hommes, et échangeant des regards entre eux.

35. Alors Jarāsaṃdha dit au Yādavā et aux Pāṇḍava

cachés sous leur déguisement de brahmanes, ô roi des rois : « Asseyez-vous. ».

36. Ces taureaux parmi les hommes s’assirent tous trois,

flamboyant de splendeur comme les trois feux d’un grand sacrifice.

37. Le roi Jarāsaṃdha, fidèle à sa parole, leur dit,

en les blâmant, ô fils de Kuru, en raison de leur tenue :

38. « Les jeunes brahmanes lettrés qui ont fait leurs vœux n’ont pas d’onguents et de guirlandes

quand ils sortent dans le monde des hommes, je le sais parfaitement.

39. Vous êtes couverts de fleurs, les bras marqués des coups de la corde de l’arc,

vous portez la splendeur des nobles guerriers, et vous affirmez être des brahmanes.

40. Avec vos vêtements de renonçants au monde et des onguents et des guirlandes quand vous sortez,

dites la vérité : qui êtes-vous ? La vérité resplendit parmi les rois.

41. Et pourquoi avez-vous percé le Caityaka, le sommet de la montagne, et êtes-vous entrés

dans ma demeure, sans passer par la porte, sans avoir peur, en offensant le roi ?

42. Cette action ne ressemble à rien ! A quoi songez-vous maintenant ?

Parlez ! La valeur d’un brahmane est avant tout dans la parole.

43. Après vous être approchés ainsi de moi, pourquoi n’acceptez-vous pas l’hommage

que nous vous avons rendu selon la règle ? Pour quelle affaire êtes-vous venus à nous ? ».

44. A ces mots, Kṛṣṇa au grand cœur lui répondit

ces mots d’une voix onctueuse et grave, étant habile à parler :

45. « De jeunes brahmanes fidèles à leurs vœux, ô roi, peuvent être brahmanes, nobles guerriers, marchands,

et avec une discipline particulière ou bien sans particularité.

46. Et la noblesse guerrière, qui suit toujours ces particularités, obtient la prospérité ;

la prospérité est immuable chez ceux qui portent des fleurs, et donc nous portons des fleurs.

47. La noblesse guerrière tire sa valeur de ses bras, elle ne la tire pas de sa voix.

C’est pourquoi sa parole est modeste, ô fils de Bṛhadratha, c’est ce que dit la tradition.

48. Le Créateur a mis la propre valeur des nobles guerriers dans leurs deux bras,

si tu veux la voir, ô roi, tu vas la voir, il n’y a pas de doute…

49. Jamais les hommes de bien n’entrent par la porte dans la maison d’un ennemi,

ils passent par la porte en entrant chez un ami : ainsi nous évitons ta porte.

50. Quand nous entrons en ennemis dans des maisons, peu nous importe un hommage,

nous ne l’acceptons pas : sache que c’est là notre vœu éternel. ».

 

 

2. 20. Jarāsaṃdha demande des explications. Kṛṣṇa lui reproche d’avoir emprisonné les rois et de vouloir les sacrifier à Śiva : le sacrifice humain est intolérable. Il déclare qu’ils sont venus délivrer les rois, dévoile leurs noms et le défie. Jarāsaṃdha demande les conditions du combat. (= 34 ślokas)

 

Livre II, chapitre 20

1. Jarāsaṃdha dit :

« Je ne me souviens pas vous avoir jamais montré de l’hostilité,

et à la réflexion je ne vois pas de changements vous concernant, Seigneurs.

2. Et s’il n’y a pas de changement, comment supposez-vous que, moi qui suis innocent,

je sois votre ennemi ? Dites-moi cela, brahmanes, car c’est là la règle parmi les gens de bien.

3. Car en enfreignant le Dharma, l’esprit souffre

quand on s’en prend à un innocent, même si l’on est un noble guerrier, ça ne fait pas de doute.

4. Dès lors, quand un connaisseur du Dharma, un homme de bien, très attaché à ses vœux agit dans ce monde autrement qu’il ne faudrait,

il s’engage dans un chemin tortueux et, même s’il est excellent, il se nuit à lui-même.

5. Car vous déblatérez, comme par erreur alors que vous le savez, contre un homme excellent

dans les trois mondes par son Dharma de noble guerrier, qui se conduit en homme vertueux, qui est innocent. ».

6. Vāsudeva dit :

« Il y a un homme, ô Mahārāja, issu d’une lignée qui porte sur lui

la charge de sa lignée : c’est sur son ordre que nous nous sommes levés tous trois.

7. Par toi, ô roi, ont été détruits de nobles guerriers qui vivaient dans ce monde :

après t’être rendu coupable de cette faute effroyable, qui penses-tu être non coupable ?

8. Comment un roi pourrait-il faire du tort à des rois vertueux, ô le meilleur des rois ?

Et après t’être rendu maître des rois, tu veux les offrir à Rudra ?

9. Le crime que tu as commis, ô fils de Bṛhadratha, pourrait nous concerner,

car, nous conduisant selon le Dharma, nous sommes capables de protéger le Dharma.

10. On n’a jamais vu de sacrifices humains :

comment peux-tu désirer sacrifier des humains au Dieu Śaṃkara ?

11. Car, étant de la même caste, tu donnes à ceux de ta caste le nom de bétail !

Quel autre homme a donc l’esprit aussi pervers que toi, Jarāsaṃdha ?

12. Toi tu nuis à tes proches, et nous qui secondons les opprimés

sommes venus ici pour te réprimer afin de faire prospérer nos proches.

13. Si tu penses qu’il n’y a pas d’autre homme au monde parmi les noble guerriers

pour faire cela, ce sera là, ô roi, un très grand trouble pour ton esprit !

14. Car quel noble guerrier connaissant sa naissance, ô roi,

n’entrerait pas au paradis éternel immédiatement après le combat ?

15. Car en allant au paradis, consacrés dans les sacrifices du combat,

les nobles guerriers sanctifient les mondes, sache-le, ô roi de Magadha !

16. La matrice du paradis c’est la victoire, ô roi, la matrice du paradis c’est la grande gloire,

la matrice du paradis c’est l’ascèse dans le combat, c’est là la voie directe.

17. Car c’est là la bannière d’Indra, sa vertu à jamais fixée,

par laquelle le Dieu aux cent sacrifices vainquit les Asuras et protège le monde.

18. Quand on aspire au paradis, quel guerrier serait ton égal,

avec les grandes armées de Magadha orgueilleuses de leur abondance et de leur force ?

19. Ne méprise pas tes ennemis, ô roi : d’un homme à un autre, chacun n’a-t-il pas de la vaillance ?

Ton éclat est semblable à toi, il t’est propre, ô Seigneur des hommes.

20. Tant qu’il n’est pas connu, il est à toi seul :

nous en faisons notre affaire, ô roi, je te le dis.

21. Abats ton arrogance et ton orgueil devant des gens tels que nous, ô Māgadha,

de peur d’aller dans la demeure de Yama avec tes fils et tes ministres, et avec ton armée !

22. Dambhodbhava, Kārtavīrya et l’excellent Bṛhadratha,

ces rois qui méprisaient ceux qui leur étaient supérieurs, périrent ici avec leurs troupes.

23. Et nous qui voulons délivrer ces rois ne sommes pas de soi-disant brahmanes :

je suis le descendant de Śūra, Hṛṣīkeśa, et ces deux héros parmi les hommes sont des Pāṇḍava.

24. Nous te défions, ô roi, combats fermement, ô Māgadha,

ou bien libère tous les rois, de peur d’aller dans la demeure de Yama ! ».

25. Jarāsaṃdha dit :

« Je n’emporte jamais des rois sans les avoir vaincus.

Une fois vaincu, qui se raffermira ? Qui y a-t-il ici qui n’ait pas été vaincu par moi ?

26. C’est là, dit-on, la façon de vivre de la noblesse guerrière, conforme au Dharma :

faire preuve de vaillance, imposer sa volonté, de sorte à agir selon son désir.

27. J’ai obtenu ces rois à cause du Dieu, Kṛṣṇa : comment par peur

les libérerais-je aujourd’hui, en me souvenant du mode vie de la noblesse guerrière ?

28. Que ce soit avec une armée contre une armée en ordre de bataille, ou au rebours à un contre un,

ou contre deux, ou contre trois, je les combattrai, ensemble ou un par un ! ».

29. Vaiśampāyana dit :

« Après avoir ainsi parlé, le roi Jarāsaṃdha ordonna alors

que [son fils] Sahadeva reçoive l’onction, voulant un combat où il ferait des exploits épouvantables.

30. Mais le roi se souvint de ses généraux, ô taureau des Bhārata,

Kauśika et Citrasena, quand l’heure du combat approcha,

31. dont les noms en ce monde étaient Haṃsa et Ḍibhaka,

autrefois renommés parmi les hommes et mondialement honorés dans le monde des hommes.

32. Et, ô roi, le puissant descendant de Śūra se souvint que le roi se distinguait parmi les forts,

ô tigre parmi les hommes, et avait une vaillance pareille à celle du tigre,

33. l’Impérissable, ce soutien de la Terre, ce héros fidèle à sa parole se souvint que Jarāsaṃdha était sur Terre

d’un courage effrayant, et que son destin était d’être tué par un autre à qui cela était réservé.

34. Le Destructeur-de-Madhu, le cadet de Celui-qui-tient-l’araire, le premier de ceux à l’âme réfléchie,

ne désira pas le tuer lui-même, respectant le commandement de Brahmā.

 

 

2. 21. Kṛṣṇa lui demande avec lequel des trois il désire se battre, et Jarāsaṃdha choisit Bhīma. Combat à mains nues entre Bhīma et Jarāsaṃdha. Le combat dure treize jours et treize nuits sans interruption. Le quatorzième jour, au soir, au soir, Jarāsaṃdha est épuisé. Bhīma saisit Jarāsaṃdha. (= 23 ślokas)

 

Livre II, chapitre 21

1. Vaiśampāyana dit :

« Alors, Celui-qui-est-né-invisible, l’éloquent fils de Yadu, parla

au roi Jarāsaṃdha, déterminé à se battre :

2. « Avec lequel de nous trois, ô roi, ton esprit t’engage-t-il à combattre ?

Qui de nous doit seul s’apprêter au combat ? ».

3. A ces mots de Kṛṣṇa, le très brillant Jarāsaṃdha de Magadha

choisit, ô roi, le combat avec Bhīmasena.

4. Portant des drogues de premier choix, pour l’apaisement et la douleur,

le chapelain s’approcha de Jarāsaṃdha qui désirait se battre.

5. Quand un brahmane célèbre eut prononcé sa bénédiction, le sage

Jarāsaṃdha, dévoué au Dharma de la noblesse guerrière, s’équipa.

6. S’étant défait de son diadème et ayant lissé ses cheveux,

Jarāsaṃdha se leva comme la mer houleuse qui déborde sur le rivage.

7. Le roi avisé parla à Bhīma aux exploits effrayants :

« Bhīma, je combattrai contre toi. Il vaut mieux être vaincu par un meilleur que soi ! ».

8. A ces mots, Jarāsaṃdha, l’éblouissant dompteur de ses ennemis,

alla à la rencontre de Bhīmasena, comme l’Asura Bali contre Śakra.

9. Alors, après avoir délibéré avec Kṛṣṇa et avoir reçu sa bénédiction, le puissant

Bhīmasena fondit sur Jarāsaṃdha, plein du désir de combattre.

10. Alors ces deux tigres parmi les hommes se rencontrèrent, sans autres armes que leurs bras,

les deux héros étaient au comble de la joie, désirant se vaincre l’un l’autre.

11. Les coups de leurs bras quand ils s’étreignaient et se faisaient des prises

faisaient un grincement très effrayant, comme la foudre sur les montagnes.

12. Tous deux étaient au comble de la joie, ces deux puissants débordaient de puissance,

recherchant une faille chez l’autre, désirant se vaincre réciproquement.

13. Ce combat effrayant était à proximité des gens et les chassait,

dans la confrontation de ces deux puissants guerriers, ô roi, comme celle de Vāsava et de Vṛtra.

14. Se poussant, se tirant, se frappant du plat de la main, se faisant des coups tordus,

ils se traînaient l’un l’autre et se donnaient des coups de genoux.

15. A grands cris ils s’insultaient mutuellement,

et ils se donnaient des coups pareils à des pierres s’entrechoquant.

16. Ils avaient tous deux de larges poitrines, de longs bras, ils étaient des experts en pugilat,

et leurs bras dans ce corps à corps étaient pareils à des massues garnies de fer.

17. C’est le premier jour du mois de kārttika que cela commença

sans répit, jour et nuit, sans repos,

18. et la rencontre de ces deux guerriers au grand cœur se poursuivit jusqu’au treizième jour ;

mais au quatorzième jour, pendant la nuit, le prince du Magadha, épuisé, se retira.

19. Voyant le roi ainsi épuisé, ô roi, le Tourmenteur-des-hommes

dit à Bhīma aux exploits épouvantables, en manière de conseil :

20. « Un ennemi épuisé, ô fils de Kuntī, ne doit pas être pris et harcelé dans un combat,

car s’il est harcelé il pourrait complètement faire fi de sa vie.

21. C’est pourquoi, ô fils de Kuntī, tu ne dois pas harceler le roi :

combats avec lui à l’aide de tes bras, ô taureau des Bhārata. ».

22. A ces mots de Kṛṣṇa, le Pāṇḍava tueur des héros ennemis

repéra la faille de Jarāsaṃdha et prit la décision de le tuer.

23. Alors Ventre-de-loup, le fils de Kuru, le premier d’entre les forts,

s’excita et saisit l’invincible Jarāsaṃdha pour le vaincre.

 

 

2. 22. Kṛṣṇa encourage Bhīma. Bhīma tue Jarāsaṃdha. Les hurlements de joie de Bhīma terrifient la ville. Kṛṣṇa libère les rois, fait atteler le char céleste de Jarāsaṃdha et quitte Girivraja. Il s’arrête dans la plaine, les rois libérés viennent lui rendre hommage. Il annonce que Yudhiṣṭhira désire offrir le sacrifice de la consécration royale, et les rois acceptent. Sahadeva, le fils de Jarāsaṃdha, vient se mettre sous la protection de Kṛṣṇa. Il est oint roi de Magadha et fait alliance avec Kṛṣṇa. Kṛṣṇa et les deux Pāṇḍava retournent ensuite à Indrapraṣṭa où Yudhiṣṭhira les félicite. Les rois libérés rendent visite à Yudhiṣṭhira et lui font allégeance. Kṛṣṇa rentre à Dvārakā. (= 58 ślokas)

 

Livre II, chapitre 22

1. Vaiśampāyana dit :

« Alors Bhīmasena parla à Kṛṣṇa, le fils de Yadu,

avec la ferme intention de tuer Jarāsaṃdha :

2. « Il ne saurait convenir, ô Kṛṣṇa, que la vie de cet homme mauvais soit épargnée

par moi, ô tigre des Yadu, qui ai ceint mon pagne. ».

3. A ces mots, Kṛṣṇa répondit à Ventre-de-loup

en le pressant, car ce tigre parmi les hommes désirait que Jarāsaṃdha soit tué :

4. « Cette énergie exceptionnelle qui te vient des Dieux, cette force effrayante

de Mātariśvā [2], montre-les nous vite maintenant avec Jarāsaṃdha ! ».

5. Alors à ces mots, Bhīma, le dompteur de ses ennemis, souleva

le puissant Jarāsaṃdha, ô roi, avec sa grande force et le secoua.

6. Après l’avoir secoué cent fois dans ses bras, ô taureau des Bhārata,

il le jeta violemment sur son dos, l’écrasa, le broya en rugissant.

7. Quand il fut broyé et quand le Pāṇḍava hurla,

il y eut un vacarme tumultueux qui effraya tous les êtres.

8. Tous les gens de Magadha tremblèrent et les femmes avortèrent

à cause du vacarme de Bhīmasena et de Jarāsaṃdha.

9. « Qu’est-ce donc ? Est-ce que l'Himālaya s’est fendu ? Qu’est-ce donc ? Est-ce que la Terre s’est entrouverte ? »

supposaient les gens de Magadha au cri de Bhīmasena.

10. Et le dompteur de ses ennemis abandonna devant la porte du palais

le roi mort qui semblait endormi, et ils partirent dans la nuit.

11. Kṛṣṇa fit atteler le char de Jarāsaṃdha avec sa bannière,

fit monter les deux frères, et il délivra ses amis.

12. Et les rois qui régnaient sur la Terre et avaient été délivrés d’une grande peur

s’approchèrent de Kṛṣṇa et remplirent ses bras de joyaux, car il méritait des joyaux.

13. Indemne, portant ses armes, ayant vaincu son ennemi, il monta

avec les rois sur le char divin et partit de Girivraja.

14. Ce char semblait vraiment les accompagner comme un frère, avec ces deux combattants et Kṛṣṇa comme cocher,

et avec la répétition des carnages, il semblait invincible à tous les rois.

15. Avec Bhīma et Arjuna comme combattants auprès desquels se tenait Kṛṣṇa comme cocher,

ce char exceptionnel resplendissait et semblait invincible à tous les archers.

16. Car Śakra et Viṣṇu, lors de leur bataille contre Tārakā [3], se déplaçaient

sur ce char ; et c’est monté sur ce char que Kṛṣṇa partait alors.

17. Il était pareil à de l’or en fusion, entouré de guirlandes de clochettes,

résonnant avec le vacarme d’un nuage chargé de pluie, dans le triomphe du massacre des ennemis.

18. C’est avec lui que Śakra tua les quatre-vingt-dix neuf Dānavas.

Et ces taureaux parmi les hommes étaient au comble de la joie d’avoir ce char.

19. Et en voyant Kṛṣṇa aux grands bras en compagnie des deux frères,

monté sur ce char, les gens de Magadha furent frappés de stupeur.

20. Attelé de coursiers divins, le char allait aussi vite que le vent,

et monté par Kṛṣṇa il était d’une splendeur aveuglante.

21. Sur ce char magnifique flottait librement une bannière faite par les Dieux,

à une distance d’une lieue on la voyait, splendide, avec un éclat semblable à l’arme d’Indra.

22. Kṛṣṇa pensa alors à Garutmān [4], et il s’approcha

et fut là à l’instant, et il se dressa comme le poteau sacrificiel d’un sanctuaire.

23. Des créatures aux gueules béantes, faisant grand bruit, peuplaient cette bannière,

et debout sur ce char magnifique se tenait Garutmān, le dévoreur d’oiseaux.

24. Les créatures peinaient à le regarder, il resplendissait avec un éclat extraordinaire,

comme le Soleil au milieu du jour, entouré de milliers de rayons.

25. Cette magnifique bannière ne reste pas attachée aux arbres, elle n’est pas non plus abîmée par les armes,

elle est divine, ô roi, et visible par les Dieux et les hommes.

26. Debout sur ce char divin au bruit pareil au tonnerre,

l’Impérissable, ce tigre parmi les hommes, partit avec les deux Pāṇḍava.

27. Le roi Vasu l’avait reçu de Vāsava, Bṛhadratha l’avait reçu de lui,

et le roi Jarāsaṃdha, fils de Bṛhadratha, en avait hérité à son tour de Bṛhadratha.

28. Et le guerrier aux grands bras et aux yeux de lotus partit

de Girivraja et, une fois dehors, le très-glorieux s’arrêta dans la plaine.

29. Alors tous les gens de la ville s’approchèrent respectueusement,

avec des brahmanes à leur tête, ô roi, avec le cérémonial qu’on voit dans les règles.

30. Et les rois qui avaient été libérés de leur captivité rendirent hommage

au Destructeur-de-Madhu et lui dirent ces mots apaisants :

31. « Il n’y a rien là d’étonnant, ô fils de Devakī aux grands bras, que tu aies

protégé le Dharma avec le soutien de la force de Bhīma et Arjuna.

32. Alors qu’ils étaient plongés dans l’étang sinistre de Jarāsaṃdha, dans la fange du malheur,

les rois en ont été extirpés : c’est là ce que tu as accompli aujourd’hui.

33. Ô Viṣṇu, ils étaient accablés dans l’inaccessible et implacable montagne :

heureusement tu les as libérés et tu en as tiré une gloire flamboyante, ô le meilleur des hommes !

34. Que devons-nous faire, ô tigre parmi les hommes ? Dis-le, ô taureau parmi les hommes !

Un exploit tel que celui-là doit être connu, même si c’est difficile à faire pour les rois ! ».

35. Hṛṣīkeśa [5] au grand cœur leur dit en les réconfortant :

« Yudhiṣṭhira désire offrir le sacrifice de consécration royale.

36. Vivant selon le Dharma, il désire exercer la souveraineté,

et vous tous, Seigneurs, devez lui apporter votre aide pour ce sacrifice. ».

37. Ainsi, l’esprit satisfait, ces rois, ô taureau des Bhārata,

dirent tous « Qu’il en soit ainsi ! » et ils approuvèrent sa parole.

38. Les Seigneurs de la Terre partagèrent leurs joyaux avec le prince de Daśārha,

et Govinda fit des difficultés pour les recevoir, car il avait de la compassion pour eux.

39. Le fils de Jarāsaṃdha, le grand aurige Sahadeva,

sortit avec ses gens et ses conseillers, précédé par son chapelain.

40. S’inclinant humblement devant lui, se faisant précéder d’une abondance de joyaux,

Sahadeva rendit hommage à Vāsudeva, Dieu parmi les hommes.

41. Il était tourmenté par la peur : aussi Kṛṣṇa lui assura sa sécurité,

et là il donna alors l’onction royale au fils de Jarāsaṃdha.

42. Et quand il eut réalisé l’unité avec Kṛṣṇa et que les deux fils de Pṛthā lui eurent rendu hommage,

le sage roi retourna dans la citadelle du fils de Bṛhadratha.

43. Et Kṛṣṇa aux yeux de lotus, flamboyant d’une gloire suprême,

prit les nombreux joyaux et partit avec les fils de Pṛthā.

44. L’Impérissable arriva à Indraprastha avec les deux Pāṇḍava,

et quand il rencontra le roi du Dharma, il s’adressa à lui joyeusement :

45. « Heureusement le puissant Jarāsaṃdha a été abattu par Bhīma,

et ces rois ont été libérés de leur captivité, ô le meilleur des rois !

46. Heureusement ces deux guerriers experts, Bhīmasena et Dhanaṃjaya,

sont revenus indemnes dans leur cité, ô Bhārata ! ».

47. Alors Yudhiṣṭhira rendit hommage à Kṛṣṇa comme il le méritait,

et joyeusement il embrassa Bhīmasena et Arjuna.

48. Maintenant que Jarāsaṃdha avait été tué, Celui-dont-l’ennemi-n’est-pas-né se réjouit 

en compagnie de ses frères de la victoire remportées par les deux frères.

49. En fonction de leurs âges le Pāṇḍava rencontra les rois,

et après les avoir accueillis avec respect et leur avoir rendu hommage, il renvoya les princes.

50. Après avoir reçu leur congé de Yudhiṣṭhira, les rois, le cœur joyeux,

partirent en hâte, chacun vers son pays, sur divers véhicules.

51. C’est ainsi que ce tigre parmi les hommes, le Tourmenteur-des-hommes à la grande sagesse,

avec l’aide des Pāṇḍava tua alors leur ennemi Jarāsaṃdha.

52. Et après avoir tué Jarāsaṃdha selon son projet, le dompteur de ses ennemis

prit congé du roi du Dharma, de Pṛthā et de la Noiraude, ô Bhārata,

53. de Subhadrā, de Bhīmasena, d’Arjuna ainsi que des deux jumeaux,

et après avoir salué Dhaumya, il partit pour sa propre cité,

54. sur ce char magnifique, rayonnant comme le Soleil levant,

céleste, que le roi du Dharma lui avait laissé, remplissant l’espace de son tumulte.

55. Avec Yudhiṣṭhira à leur tête, les Pāṇḍava, ô taureau des Bhārata,

marchèrent rituellement autour de Kṛṣṇa aux actions irréprochables.

56. Et quand le bienheureux Kṛṣṇa, le fils de Devakī, fut parti,

après avoir remporté une énorme victoire et rasséréné les rois,

57. et avoir vu leur splendeur considérablement augmentée par cet exploit, ô Bhārata,

les Pāṇḍava, ô roi, firent grandir une joie extrême chez Draupadī.

58. Et à ce moment-là, le roi, glorieux pour avoir protégé son royaume,

fit, en suivant le Dharma, ce qui convenait et était conforme au Dharma, au Plaisir et au Profit.

 

 

 



[1] Dīrghatamas de la lignée des Gautama ; il épousa Pradveṣī, devint un vieillard odieux et fut banni par sa femme et ses enfants ; le roi Bali lui demanda d’engendrer des fils intelligents de sa reine Sudeṣṇā ; la reine se fit remplacer par une nourrice, qui eut de lui Kakṣīvat et dix autres fils.

[2] Mātariśvan (= « qui enfle dans la mère »), chef des souffles [marut]. Bhīma est fils de Vāyu, le Dieu des vents.

[3] Tāraka, daitya qui par ses austérités acquit de grands pouvoirs et menaça les trois mondes ; il fut vaincu par Indra grâce à l'aide de Kumāra-Skanda

[4] Garutmān (« ailé ») : le grand aigle Garuḍa.

[5] Hṛṣīkeśa « Maître de ses sens », épithète de Kṛṣṇa.