(12) Choix de Draupadī : 174-189

 

1. 174. Les Pāṇḍava prennent congé de Citraratha et prennent Dhaumya comme chapelain. (= 12  ślokas)

Livre I, chapitre 174

1. Arjuna dit :

« Y aurait-il un connaisseur du Veda compétent, ô Gandharva, qui soit pour nous

un chapelain, dis-moi, puisque tu sais tout ? ».

2. Le Gandharva lui dit :

« Dans la forêt le frère cadet de Devala pratique l’ascèse,

Dhaumya, dans le bain sacré d’Utkocaka : choisis-le si tu le désires. ».

3. Vaiśampāyana dit :

« Arjuna offrit donc selon les règles le missile d’Agni

au Gandharva avec joie, et il lui dit cette parole :

4. « Que tes chevaux restent avec toi, ô le meilleur des Gandharvas :

le moment venu, je les prendrai. Bonne chance à toi » lui dit-il.

5. Après s’être salués mutuellement, le Gandharva et les Pāṇḍava

partirent de la charmante rive de Bhāgīrathī à leur gré.

6. Et donc, après être allés au bain sacré d’Utkocaka et à l’ermitage de Dhaumya,

les Pāṇḍava choisirent Dhaumya comme chapelain, ô Bhārata.

7. Et Dhaumya, le meilleur des connaisseurs de tout le Veda, les reçut

avec l’eau pour laver les pieds, des fruits et des racines, en tant que chapelain.

8. Et alors les Pāṇḍava espéraient qu’ils auraient la prospérité et un royaume,

et aussi que la fille de Pañcāla les choisirait comme époux, et ils firent passer le brahmane devant eux.

9. A eux six avec leur mère, et escortés alors par leur gourou,

ces taureaux des Bharata pensaient qu’ils étaient en quelque sorte protégés.

10. Car leur gourou aux nobles pensées connaissait le véritable sens du Veda

et les fils de Pṛthā étaient les sacrificateurs de cet homme qui connaissait le Dharma, qui connaissait tout.

11. Et celui-ci pensait que ces héros obtiendraient leur royaume avec leur propre Dharma,

et qu’avec leur détermination, leur sagesse, leur courage et leur force, ils étaient comme des dieux, insurpassables.

12. Quand il leur eut souhaité un bon voyage, ces seigneurs des hommes

furent d’avis d’aller ensemble au mariage au gré de la fille de Pañcāla.

 

 

  1. 175. Ils se rendent, toujours déguisés en brahmanes, à la fête que donne Draupadī pour se choisir un époux. Des brahmanes qu’ils rencontrent en route leur décrivent les fêtes à venir. (= 20  ślokas)

 

Livre I, chapitre 175

1. Vaiśampāyana dit :

« Ainsi ces tigres parmi les hommes, les cinq frères Pāṇḍava,

partirent voir Draupadī et le divin festival.

2. Tandis que ces tigres parmi les hommes, ces tourmenteurs de leurs ennemis, s’avançaient avec leur mère,

ils virent des brahmanes qui marchaient sur la route avec d’abondantes troupes.

3. Les brahmanes, ô roi, dirent alors aux Pāṇḍava pieusement chastes :

« Où allez-vous, Messieurs, et d’où êtes-vous venus ? ».

4. Yudhiṣṭhira dit :

« Nous sommes venus d’Ekacakrā, nous sommes nés de la même matrice, ô Seigneurs

qui voyaient les Dieux, sachez-le, et nous voyageons en compagnie de notre mère. ».

5. Les brahmanes lui dirent :

« Commencez par aller chez les Pañcālas, dans la demeure de Drupada :

il y aura là un grand mariage au gré de l’épouse, tout plein de richesses.

6. Quant à nous, nous avançons en formant ici une seule caravane.

Car là-bas il va y avoir un très grand festival merveilleux à voir.

7. La fille de Yajñasena, de Drupada au grand cœur,

est apparue au milieu de l’autel, elle a les yeux semblables à des pétales de lotus,

8. elle a un beau corps, sans défaut et gracile, elle est sage,

c’est la sœur de Dhṛṣṭadyumna, le brûlant ennemi de Droṇa,

9. qui est né vêtu d’une cuirasse, portant une épée, avec des flèches et un arc [1],

très puissant par le le feu tout flamboyant, à l’éclat de feu.

10. Sa sœur Draupadī, au corps sans défaut, à la taille fine,

dont le parfum pareil au lotus bleu s’étend sur une lieue,

11. c’est elle, la fille de Yajñasena, que, dans le moment où se fait son mariage à son gré,

nous allons voir, ainsi que le divin festival.

12. Il y viendra des rois et des fils de rois, sacrificateurs aux abondantes aumônes,

récitants des textes sacrés, vertueux, au grand cœur, fermes dans leurs vœux,

13. jeunes, beaux, venus de toutes sortes de contrées,

de grands auriges, des rois exercés au maniement des armes.

14. Là ces rois offriront toutes sortes de cadeaux pour être vainqueurs,

des richesses, des bœufs, de la nourriture et des victuailles en abondance.

15. Et une fois que nous aurons reçu tout cela, que nous aurons aussi vu le mariage,

et que nous aurons profité du festival, nous repartirons comme nous le voudrons.

16. Là s’assembleront des danseurs ainsi que des aèdes, des acteurs, des hérauts panégyristes,

de puissants lutteurs, venus de différentes contrées.

17. Et quand vous aurez assouvi votre curiosité, que vous aurez vu, que vous aurez reçu,

vous vous en retournerez avec nous, hommes au grand cœur.

18. Quand elle vous regardera tous, vous tenant là beaux, pareils à des dieux,

la Noiraude pourrait par chance choisir l’un de vous comme l’élu de son cœur.

19. Ton frère que voilà, splendide, beau, avec ses gros bras

aurait des chances de remporter au pugilat de grands richesses. ».

20. Yudhiṣṭhira lui dit :

« Messieurs, nous irons tous voir cet extraordinaire et divin festival

en votre compagnie, Seigneurs, le mariage au gré de l’épouse de cette jeune fille. ».

 

 

 

 

  1. 176. Ils arrivent à la capitale des Pāñcāla, logent chez un potier et quêtent leur nourriture. Drupada a fait faire un arc en bois très dur et annonce que celui qui pourra le bander et atteindre la cible, aura sa fille. Tous les rois se rassemblent. Description de l’arène où aura lieu la compétition. Description des festivités. Au seizième jour de la fête, Draupadī arrive et Dhṛṣṭadyumna précise les conditions du défi : “Avec l’arc, il faut mettre cinq flèches dans la cible en tirant à travers le moyeu d’une roue”. (= 36  ślokas)

Livre I, chapitre 176

1. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots, ô Janamejaya, les Pāṇḍava se mirent en marche

vers le sud des Pañcāla, protégés par le roi Drupada.

2. Puis sur le chemin, ô roi, les Pāṇḍava virent alors Dvaipāyana

au grand cœur, au cœur pur, exempt de souillure.

3. Ils lui rendirent hommage comme il convient et il les rassura,

et à la fin de leur entretien il leur donna congé, et ils se dirigèrent vers le séjour de Drupada.

4. Ils virent de charmantes forêts et des lacs,

et ces grands auriges s’arrêtaient çà et là, voyageant lentement.

5. Récitant les textes sacrés, vertueux, doux, la voix agréable,

les fils de Kuru arrivèrent les uns après les autres au pays Pañcāla.

6. Et quand les Pāṇḍava virent la cité et la forteresse royale,

ils s’installèrent dans la maison d’un potier.

7. Là ils rassemblaient la nourriture qu’ils avaient mendiée, adoptant le mode de vie des brahmanes,

et jamais aucun homme ne se rendit compte que ces héros étaient arrivés.

8. Or le désir de Yajñasena avait toujours été d’offrir la Noiraude

au Pāṇḍava porteur de diadème [2], mais il ne le révélait pas.

9. Recherchant des fils de Kuntī, ô Janamejaya, le Pañcāla

avait fait faire un arc massif qu’on ne pouvait bander, ô Bhārata.

10. Il avait fait faire aussi un appareil factice dans le ciel,

et à cet appareil le roi avait accroché une cible en or.

11. Drupada dit :

« Celui qui bandera cet arc et qui, après l’avoir bandé, de ses flèches

atteindra la cible et la percera, celui-là prendra ma fille. ».

12. Vaiśampāyana dit :

« C’est ce que fit proclamer le roi Drupada en tous lieux.

En entendant cela, tous les princes affluèrent là, ô Bhārata,

13. et des sages au grand cœur, dans leur désir de voir le mariage,

et les fils de Kuru, menés par Duryodhana et accompagnés de Karṇa.

14. Et des brahmanes éminents arrivèrent ensemble de diverses contrées,

et les suites des rois furent honorées par Drupada au grand cœur.

15. Alors tous les habitants de la ville, avec le murmure de l’océan qui s’agite,

arrivèrent à la cité du crocodile et les princes s’y installèrent.

16. Dans un terrain plat et agréable, au nord-est de la ville,

resplendissait une place publique entourée de maisons de tous côtés,

17. entourée d’une muraille et d’un fossé, ornée de portiques et de portails,

entièrement recouverte de dais multicolores.

18. Elle regorgeait de centaines de trompettes, elle était pleine d’une incommensurable fumée d’encens,

elle était aspergée d’eau de santal, ornée de guirlandes de fleurs.

19. Elle était entourée de toutes parts de palais très bien bâtis,

semblables aux pics du mont Kailāsa, égratignant le ciel,

20. couverts de treillis d’or, ornés de mosaïques de gemmes,

avec des escaliers montant doucement, et de grands sièges couverts de draperies,

21. complètement recouverts de tissus raffinés, parfumés des meilleurs encens,

de la pure couleur d’une oie, en grand nombre, avec des parfums embaumant à une lieue,

22. avec une centaine de larges portes, ornés de sièges et de lits,

dont les éléments étaient liés par de nombreuses pièces de métal, comme les pics de l’Himalaya.

23. Là, bien parés dans toutes sortes de palais,

tous les rois étaient alors assis, rivalisant l’un l’autre.

24. On voyait assis là ces nobles héros,

ces lions éminents parmi les rois, pleins de parures en l’honneur de la Noiraude,

25. dans toute leur splendeur, pieux, protecteurs de leurs royaumes,

bien-aimés dans le monde entier à cause de leurs actions justes et vertueuses.

26. Et sur les incommensurables estrades, les gens de la ville et de la campagne

s’assemblaient de toutes parts pour le plaisir de voir la Noiraude.

27. Et les Pāṇḍava s’assemblèrent en compagnie des brahmanes,

considérant la richesse inégalable du roi du Pañcāla.

28. Ainsi, ô roi, l’assemblée s’accrut pendant de nombreux jours,

resplendissant des nombreux joyaux qu’on offrait, avec les acteurs et les danseurs.

29. Quand fut venu pour cette charmante assemblée le seizième jour,

ayant baigné son corps, ayant mis de beaux vêtements, ornée de toutes sortes de bijoux,

30. tenant le gobelet du mari, en or tout ouvragé,

Draupadī descendit dans l’arène, ô taureau des Bhārata.

31. Le chapelain des Somaka [3], un vertueux brahmane connaisseur des mantras,

répandit alors de l’herbe autour du foyer et versa dans le feu une oblation de beurre fondu selon la règle.

32. Après avoir satisfait le feu et salué les brahmanes,

il arrêta tous les instruments de musique alentour.

33. Et quand le silence eut été fait, ô Seigneur des peuples, Dhṛṣṭadyumna

vint alors au milieu de l’arène et d’une voix grave de nuage pluvieux

il prononça hautement ces sublimes paroles pleines de sens avec délicatesse :

34.      « Voici un arc, une cible et des flèches.

Ecoutez-moi vous tous, ô rois,

en traversant le trou de l’instrument vous devez atteindre

la cible avec la moitié de dix flèches fendant les airs.

35.      Celui qui accomplira cet exploit très difficile à accomplir

et qui aura un lignage, de la beauté et de la force,

celui-là ma sœur, la Noiraude, que voici aujourd’hui

sera sa femme, et je ne parle pas faussement ! ».

36.      Après leur avoir ainsi parlé, le fils de Drupada

cria ensuite ceci vers Draupadī,

présentant les rois qui étaient réunis

selon leur nom, leur lignée et leurs exploits.

 

 

 

  1. 177. Dhṛṣṭadyumna annonce les noms des compétiteurs à Draupadī. (=  22 ślokas)

Livre I, chapitre 177

1. Dhṛṣṭadyumna dit :

« Duryodhana, Durviṣaha, Durmukha, Duṣpradharṣaṇa,

Viviṃśati, et Vikarṇa, Saha, Duḥśāsana, Sama,

2. Yuyutsu et Vātavega, de même que Bhīmavega-Dhara,

Ugrāyudha et Balākin, Kanakāyu, Virocana,

3. Sukuṇḍala, Citrasena, Suvarcas, Kanakadhvaja,

Nandaka et Bāhuśālin, Kuṇḍaja de même que Vikaṭa,

4. ceux-là et beaucoup d’autres sont les puissants fils de Dhṛtarāṣṭra,

ces héros sont venus en compagnie de Karṇa pour toi !

Les taureaux parmi les nobles guerriers au grand cœur sont de plus en plus nombreux, des centaines :

5. Śakuni, et aussi Bala ainsi que Vṛṣaka, Bṛhadbala,

ceux-là sont tous les fils du roi de Gāndhāra qui se sont rassemblés.

6. Et Aśvatthāmā et Bhoja, excellents parmi ceux qui portent toutes sortes d’armes,

au grand cœur, ils sont venus tout parés à cette assemblée pour toi.

7. Bṛhanta et aussi Maṇimat, et le vaillant Daṇḍadhāra,

Sahadeva, Jayatsena et Meghasaṃdhi du Magadha,

8. Virāṭa en compagnie de ses fils Śaṅkha et Uttarā,

Vārdhakṣemi et Suvarcas, et le roi Senābindu,

9. Abhibhū avec son fils et le splendide Sudāma,

Sumitra, Sukumāra, Vṛkainsi que Satyadhṛtin,

10. Sūryadhvaja, Rocamāna, Nīla ainsi que Citrāyudha,

Aṃśumān, Cekitāna, et le très puissant Śreṇimat,

11. et le majestueux Candrasena, le fils de Samudrasena,

Jalasaṃdha, et Sudaṇḍa et Daṇḍa, père et fils,

12. Pauṇḍraka, Vāsudeva, et l’héroïque Bhagadatta,

Kaliṅga et Tāmralipta, ainsi que le souverain Pattana,

13. ainsi que Śalya, le roi de Madra, le grand aurige, avec son fils,

et avec le héros Rukmāṅgada ainsi que Rukmaratha.

14. Le Kaurava Somadatta et ses fils, des grands auriges,

trois héros, Bhūri, Bhūriśravā, Śala, se sont rassemblés ;

15. et Sudakṣiṇa, Kāmboja et Dṛḍhadhanvan le Kaurava,

Bṛhadbala et Suṣeṇa, ainsi que Śibi fils d’Uśīnara.

16. Saṃkarṣaṇa, Vāsudeva l’héroïque fils de Rukmiṇī,

et Sāmba, et Cārudeṣṇa, ainsi que Sāraṇa et Gada,

17. Akrūra, et aussi Sātyaki, et le très puissant Uddhava,

et Kṛtavarmā Hārdikya, Pṛthu et aussi Vipṛthu,

18. Viḍūratha, Kaṅka, Samīka et Sāramejaya,

le héros Vātapati, et aussi  Jhillī et Piṇḍāraka,

et le vaillant Uśīnara, qui sont les célèbres descendants de Vṛṣṇi,

19. Bhagīratha, Bṛhatkṣatra, Saindhava et Jayadratha,

Bṛhadratha, Bāhlika et le grand aurige Śrutāyu,

20. Ulūka, le roi Kaitava, Citrāṅgada avec Śubhāṅgada,

et le roi de Vatsa plein de fermeté, ainsi que le souverain du Kosala.

21. Et il y a là beaucoup d’autres princes de toutes sortes de royaumes,

venus pour toi, ma chère, de nobles guerriers célèbres sur la Terre.

22. Ces preux atteindront pour toi la fameuse cible,

et celui qui atteindrait cette cible, tu pourrais, ô rayonnante, le choisir aujourd’hui. ».

 

 

1. 178. Description de l’assemblée. Kṛṣṇa reconnaît les Pāṇḍava sous leur déguisement. L’épreuve commence, mais les rois n’arrivent pas à bander l’arc. (=  18 ślokas)

Livre I, chapitre 178

1. Vaiśampāyana dit :

« Les jeunes hommes avec leurs atours et leurs boucles d’oreille,

s’assemblèrent pour rivaliser entre eux,

chacun pensant à son arme et à sa force,

et ils s’élancèrent tous orgueilleusement.

2.         Avec leur beauté, leur vaillance et leur noblesse,

et avec leur sens du devoir aussi, et leur jeunesse,

remplis d’arrogance, pleins d’une ivresse mêlée d’impétuosité,

comme dans l'Himālaya les chefs des éléphants en rut.

3.         Se regardant l’un l’autre en rivalisant,

le désir se répandait aussi dans leurs corps ;

ils répétaient : « La Noiraude est à moi ! »,

et soudain ils s’élancèrent de leurs sièges royaux.

4.         Ces nobles guerriers étaient allés se rassembler dans l’arène,

souhaitant conquérir la fille de Drupada,

ils resplendissaient comme les troupes des Dieux assemblés

pour Umā [4], la jeune fille du roi des montagnes.

5.         Leurs corps déchirés par les flèches du désir,

leurs cœurs partis vers la Noiraude, ces rois

étaient descendus dans l’arène pour la fille de Drupada,

et là ils faisaient même de leurs amis leurs ennemis.

6.         Puis arrivèrent les troupes des Dieux sur leurs chars aériens,

les Rudrās, les Ādityas, les Trésors ainsi que les Aśvin,

et tous les Sādhyas, de même que les Marutas,

qui s’étaient fait précéder par Yama et le Seigneur des Trésors [5].

7.         Les Daityas, les Oiseaux, les Grands Serpents,

les Sages-Divins, les Esprits-cachés et les Chanteurs Célestes,

Viśvāvasu, Nārada et Parvata,

les chefs des Gandharvas, accompagnés des Apsaras.

8.         Il y avait là aussi Celui-qui-est-armé-de-l’araire [6] et le Chevelu,

et aussi les chefs des Vṛṣṇis de même que ceux des Andhakas.

Tous ces taureaux des Yadu étaient en contemplation,

ils s’en tenaient à la volonté de Kṛṣṇa.

9.         Voyant l’allure de chefs d’éléphants en rut

de ces cinq, tels des pachydermes avec des taches rouges,

avec leurs corps couverts de cendres, tels des feux sacrificiels,

le grand héros des Yadu [7] considéra les fils de Pṛthā.

10.      Il montra à Rāma Yudhiṣṭhira,

et Bhīma, et le Triomphant [8], et les héroïques jumeaux ;

et Rāma, après les avoir observés petit à petit,

regarda le Tourmenteur-des-hommes joyeusement.

11.      Et d’autres, fils et petits fils de toutes sortes de rois,

ayant perdu leurs yeux, leur esprit, leur être propre pour la Noiraude,

s’efforçaient de la voir aller et venir,

mordant de leurs dents leurs lèvres cuivrées.

12.      De même, les fils de Pṛthā aux gros bras,

ainsi que les héroïques et très puissants jumeaux

ne cessaient tous alors de regarder Draupadī,

ils étaient frappés par les flèches du désir.

13.      Cela grouillait de Dieux, de sages et de Gandharvas,

se trouvaient là des Oiseaux, des Serpents, des Asuras, des Accomplis,

et c’était plein d’un parfum divin,

cela regorgeait de guirlandes divines.

14.      Dans un vacarme de grosses caisses qu’on faisait résonner,

l’atmosphère devenait grouillante,

de tous côtés c’était une cohue de chars célestes,

où résonnaient en échos flûtes, vīṇās et tambours.

15.      Puis les multitudes de rois successivement

s’avancèrent, ô roi, pour la Noiraude,

et cet arc doué d’une grande robustesse,

ils ne purent pas le bander malgré leur énergie.

16.      S’efforçant de fléchir vers le bas l’arc

inébranlable qui vibrait, les rois

se roulant par terre,

se montraient abattus, le cœur brisé.

17.      Se lamentant sur cet arc inébranlable,

brisant et écrasant leurs boucles d’oreille et  les bracelets de leurs bras,

leur sentiment envers la Noiraude s’en retourna,

et le cercle des rois tomba dans l’affliction.

18.      Tandis que les gens s’agitaient dans cette assemblée,

et que les rois se faisaient vilipender,

le Triomphant, le fils de Kuntī, ce héros,

souhaita bander cet arc avec ses flèches.

 

 

  1. 179. Arjuna se lève au milieu des brahmanes qui se moquent, prend l’arc et met les cinq flèches dans la cible. Yudhiṣṭhira et les jumeaux rentrent à la maison. Arjuna prend Draupadī par la main. (=  23 ślokas)

Livre I, chapitre 179

1. Vaiśampāyana dit :

« Quand les rois eurent renoncé à bander l’arc,

alors le Triomphant aux nobles pensées se leva au milieu des brahmanes.

2. Les chefs des brahmanes poussaient des cris de protestation en agitant leurs peaux d’antilope,

en voyant s’approcher le fils de Pṛthā, dont l’éclat était semblable à la splendeur d’Indra.

3. Certains étaient hostiles, certains étaient pleins de joie,

certains, qui étaient instruits et qui vivaient dans la sagesse, se disaient les uns aux autres :

4. « Ce qui n’a pas été courbé par Karṇa, Śalya et les autres, des rois célèbres dans le monde entier,

car ils sont puissants, et experts dans l’archerie,

5. comment pourrait-il être courbé par quelqu’un sans expérience des armes,

sans force, un jeune blanc-bec, de sorte que l’arc soit bandé, ô deux-fois-nés ?

6. Les brahmanes seront la risée de tous les rois

s’il rate cet exploit que, dans sa frivolité, il n’a pas évalué.

7. Si, par orgueil ou par insolence, si, par frivolité envers les brahmanes, celui-ci

se lève pour bander l’arc, eh bien, qu’on l’empêche d’y aller,

8. pour que nous ne devenions pas des objets de risées ou de mépris,

et que nous n’encourions pas la haine des rois ! ».

9. Certains disaient : « Ce jeune homme est splendide, semblable à la trompe d’un éléphant,

ses épaules sont larges, ses bras musclés, avec une fermeté digne de l'Himālaya.

10. Cet exploit est envisageable pour lui, on le voit à sa détermination,

sa force est d’une grande énergie, car un homme sans force ne se lancerait pas de lui-même…

11. Personne dans les mondes ne connaît une action qui serait

irréalisable pour les brahmanes dans les trois cycles d’existence.

12. Ceux qui se nourrissent d’eau et ceux qui se nourrissent de vent, ceux qui cueillent des fruits, ils sont fermes dans leurs vœux,

car tout étant émaciés, ils sont plus forts, car ce sont des brahmanes qui ont l’effulgence du Brahma.

13. Un brahmane ne doit pas être traité avec mépris, que ce qu’il fait soit bon ou soit mauvais,

que l’action qu’il entreprend soit agréable, désagréable, grande, petite… ».

14. Tandis que ces brahmanes se plaignaient de différentes façons,

Arjuna s’était placé à côté de l’arc, tel une montagne inébranlable.

15. Il fit le tour de l’arc, marchant rituellement autour de lui,

et après s’être incliné respectueusement devant lui, le tourmenteur de ses ennemis le saisit joyeusement.

16.      Il le banda en un clin d’œil,

et il saisit les flèches, la moitié d’une dizaine,

et il perça la cible et la fit tomber

à terre, après l’avoir transpercée puissamment à travers le trou.

17.      Et dans l’atmosphère il y eut une clameur,

et au milieu de l’assemblée un grand brouhaha.

Le Dieu fit pleuvoir des fleurs célestes

sur la tête du fils de Pṛthā, l’exterminateur de ses ennemis.

18. Puis tous ensemble ils déchirèrent leurs vêtements et poussèrent des lamentations,

et alors du ciel tombèrent de toutes parts des pluies de fleurs.

19. Et les musiciens firent aussi résonner leurs instruments aux cent formes diverses,

et des multitudes d’aèdes et de panégyristes le célébrèrent alors mélodieusement.

20. En le voyant, Drupada, ce destructeur de ses ennemis, fut joyeux,

et avec son armée il désirait prendre la défense du fils de Pṛthā.

21.      Et quand ce grand vacarme se produisit,

Yudhiṣṭhira, le meilleur de ceux qui connaissent le Dharma,

retourna vite à sa maison

en compagnie des deux jumeaux, les meilleurs des hommes.

22.      La Noiraude, voyant la cible percée,

et contemplant le fils de Pṛthā semblable à Śakra,

prit une guirlande de fleurs immaculées pour son élu,

et elle alla vers le fils de Kuntī en souriant.

23.      Il la reçut après avoir vaincu dans l’arène,

rendit hommage aux deux-fois-nés,

il partit de l’arène après avoir accompli cet exploit inimaginable,

tandis que sa femme le suivait.

 

 

  1. 180. Les rois sont furieux et veulent tuer Drupada. Arjuna et Bhīma s’interposent. Bhīma déracine un arbre pour s’en faire une arme. Kṛṣṇa est maintenant sûr que ce sont bien les Pāṇḍava. (= 22  ślokas)

Livre I, chapitre 180

1. Vaiśampāyana dit :

« Le roi était prêt à donner la jeune fille à ce brahmane au grand cœur,

mais la colère monta chez les rois qui se regardaient les uns les autres.

2. « Celui-là nous néglige, il considère notre assemblée comme un fétu de paille,

il désire donner à un brahmane Draupadī, la meilleure des femmes !

3. Tuons ce scélérat qui ne fait pas cas de nous,

car il ne mérite pas les marques d’honneur, ni non plus le respect dû à l’âge pour ses mérites.

4. Tuons avec ses fils ce mécréant, cet ennemi des rois,

car il a invités tous les rois et les a accueillis avec respect,

il leur a offert des mets excellents, et ensuite il les offense !

5. Dans cette assemblée des rois, telle une réunion de Dieux,

comment ne peut-il même pas voir un seul prince qui soit équivalent ?

6. Et l’on ne connaît pas pour les brahmanes d’autorisation concernant les accordailles :

« Le mariage par choix concerne les nobles guerriers », telle est la tradition établie.

7. Ou plutôt, si cette fille ne veut être à aucun de nous,

jetons-la dans le feu et retournons vers nos royaumes, ô rois !

8. Quant au brahmane, que soit par sottise, soit par cupidité il ait fait

cette offense aux seigneurs parmi les rois, il ne mérite en aucune manière d’être tué.

9. Car c’est pour les brahmanes que sont nos royaumes, nos vies, nos richesses,

nos fils et petits-fils, et ce que nous avons comme autres possessions.

10. De peur que nous soyons méprisés et pour protéger notre propre Dharma,

qu’il n’y ait pas pour les autres mariages par choix une telle issue ! ».

11. A ces mots, ces tigres parmi les rois, tout excités, avec des massues ferrées dans leurs mains

voulurent s’emparer de Drupada et ils l’attaquèrent ensemble avec leurs armes.

12. Quand il vit les rois en colère fondant sur lui en lui jetant les flèches qu’ils avaient prises,

Drupada dans son effroi chercha refuge auprès des brahmanes.

13. Ils fondaient sur lui avec impétuosité, comme des éléphants en rut,

et les deux fils de Pāṇḍu, ces grands héros dompteurs de leurs ennemis, allèrent à leur rencontre.

14.      Ainsi, brandissant leurs armes, s’élançaient vers eux

ces rois de la Terre, leurs poings serrés dans leurs gants,

ils désiraient tuer les deux fils du roi des Kuru,

épargnant Arjuna et Bhīmasena.

15.      Alors Bhīma, le héros aux exploits extraordinaires,

à la grande force, à l’énergie comparable à la foudre,

arracha un arbre à lui tout seul et le prit dans ses bras,

et il en arracha les feuilles, comme le roi des éléphants.

16.      Prenant cet arbre, ce destructeur de ses ennemis,

tel le roi des Mânes armé de sa redoutable massue,

se tenait près du taureau parmi les hommes,

le fils de Pṛthā : les fils de Pṛthā aux bras longs et larges.

17.      En voyant cet exploit du Triomphant à la sagesse surhumaine,

avec son frère aux exploits inimaginables,

Dāmodara [9] dit à son frère à l’énergie impétueuse,

armé de l’araire [10], cette parole :

18.      « Cet homme qui se déplace comme un taureau en rut,

qui a bandé cet arc immense, grand comme un palmier,

c’est Arjuna, il n’y a pas de doute,

aussi vrai que je suis Vāsudeva, ô Saṃkarṣaṇa !

19.      Celui qui a vivement brisé l’arbre,

et qui est soudain retourné vers l’agitation des rois,

c’est Ventre-de-loup : ici et maintenant aucun autre

parmi ceux qui sont mortels sur Terre n’est capable de faire cela.

20.      Et celui qui tout à l’heure avait de grands yeux de lotus,

qui était svelte, avec une démarche de grand lion, humble,

le teint clair, avec un gracieux nez aquilin, rayonnant de beauté,

et qui s’est retiré, celui-là, ô Impérissable, c’est le roi du Dharma [11].

21.      Et ces deux garçons, tels deux Kārttikeya [12],

ce sont les deux Aśvin, je présume,

car j’ai entendu dire que les fils de Pāṇḍu et Pṛthā

avaient échappé à l’incendie de la maison de laque. ».

22.      Pareil à un nuage immaculé, celui qui est armé de l’araire,

convaincu, dit à son frère puîné :

« Je suis content que par chance la sœur de notre père,

Pṛthā, ait été sauvée avec les meilleurs des fils de Kuru. ».

 

 

  1. 181. Arjuna et Bhīma avancent. Karṇa attaque Arjuna. Surpris par son habileté, il lui demande qui il est : un brahmane qui le défie, répond Arjuna. Karṇa abandonne le combat. Bhīma défait Śalya. Les rois se retirent pensifs : un brahmane a gagné Draupadī !. Kuntī est inquiète de ne pas voir rentrer ses fils. (= 40  ślokas)

Livre I, chapitre 181

1. Vaiśampāyana dit :

« Ces taureaux parmi les deux-fois-nés, agitant leurs peaux d’antilope et leurs bols,

dirent : « Tu n’as pas à avoir peur, nous allons combattre tes ennemis ! ».

2. En éclatant de rire, Arjuna s’adressa aux brahmanes

et leur dit : « Vous, soyez spectateurs et tenez-vous sur le côté !

3. Je vais les couvrir de centaines de flèches aux pointes bien acérées,

et j’arrêterai ces gens en colère, comme avec des incantations les serpents venimeux ! ».

4. A ces mots le grand aurige prit l’arc qu’il avait reçu en récompense,

et en compagnie de son frère Bhīma il se dressa tel une montagne inébranlable.

5. Et sur les nobles guerriers en colère et hors d’eux, conduits par Karṇa,

ils fondirent tous deux sans peur, comme deux éléphants contre d’autres éléphants.

6. Et les rudes rois qui voulaient les tuer disaient ces mots :

« Dans un combat, même la mise à mort d’un deux-fois-né est reconnue, s’il veut combattre ! ».

7. Alors Karṇa l’Ecorché marcha violemment contre Arjuna,

désireux de combattre, comme pour une femelle un éléphant contre un autre éléphant.

8. Śalya, le puissant seigneur des Madras, se dirigea vers Bhīmasena,

tandis que Duryodhana et les autres se rencontraient avec les brahmanes,

ils les combattaient doucement alors, sans effort, dans ce combat.

9. Puis, comme il fondait sur lui, le sage Arjuna tira trois flèches

contre Karṇa l’Ecorché, en tendant son arc puissant.

10. Sous l’impact de ces flèches aiguës et cuisantes

le Rādheya [13], frappé d’égarement, avait du mal à l’approcher.

11. Rendus indistincts par leur vitesse, ces deux héros victorieux

tout excités se combattaient, désirant se vaincre l’un l’autre.

12. « Vois comme je te rends la pareille ! », « Vois mes grands bras ! ».

Ainsi se parlaient-ils l’un l’autre, avec des mots propres aux héros.

13. Puis quand il comprit que la vaillance des bras d’Arjuna était sans égale sur Terre,

Karṇa l’Ecorché, tout excité, se battit avec lui.

14. Tandis qu’il repoussait les flèches lancées impétueusement

par Arjuna, les soldats lui rendaient hommage en poussant des cris aigus.

15. Karṇa dit :

« Je me réjouis, excellent brahmane, de la vigueur de tes bras dans le combat,

de cette ténacité aussi, et de ta discipline à l’épée et à l’arc.

16. Est-ce que tu es l’incarnation de l’Archerie, ou bien de Rāma [14], ô le meilleur des brahmanes ?

Ou encore l’incarnation du Dieu-aux-chevaux-bais [15], ou l’incarnation de l’impérissable Viṣṇu,

17. toi qui, pour te dissimuler, te réfugies dans un homme aux bras puissants,

sous l’apparence d’un tel brahmane, et qui te bas contre moi ?

18. Car dans un combat, si je suis en colère, aucun autre homme n’est capable de me combattre,

sinon une incarnation du Maître-de-la-Grâce ou bien le Pāṇḍava qui porte un diadème ! ».

19. Vaiśampāyana dit :

            « Alors à ces mots, Arjuna répondit :

« Je ne suis pas, ô Karṇa, l’Archerie, je ne suis pas le majestueux Rāma :

je suis un brahmane, le meilleur des guerriers, le plus fort de tous ceux qui portent des armes.

20. Expert dans l’Arme-de-Brahmā et celle d’Indra selon le commandement de mon gourou,

je suis maintenant dans ce combat pour te vaincre : sois ferme, ô héros ! ».

21. A ces mots Karṇa le Rādheya se détourna du combat,

ce grand aurige estimant alors que l’ardeur du brahmane était invincible.

22. Là s’engagèrent dans le combat le roi Śalya et Ventre-de-loup :

ils étaient tous deux puissants, et en même temps enivrés par leur rivalité et leur force.

23. Ils s’interpellaient l’un l’autre comme deux grands éléphants enivrés par le rut,

se frappant mutuellement à coups de poings et de genoux ;

un moment ils se tourmentèrent ainsi dans le combat.

24. Puis pendant le combat Bhīma prit Śalya dans ses bras, le souleva,

et le meilleur parmi les puissants l’abattit, et les brahmanes éclatèrent de rire.

25. Là Bhīmasena, ce taureau parmi les hommes, fit quelque chose d’étonnant :

puissant, il ne tua pas le puissant Śalya qui était tombé à terre.

26. Comme Śalya avait été mis à terre par Bhīmasena et comme Karṇa doutait,

tous les rois, inquiets, entourèrent Ventre-de-loup.

27. Et tous ensemble ils disaient alors : « Bravo à ces taureaux parmi les brahmanes !

Qu’ils nous apprennent quelle est leur naissance et quel est leur pays aussi.

28. Car qui est capable d’affronter au combat Karṇa, le fils de Rādhā,

hormis Rāma, ou Droṇa, ou encore Kṛpa Śaradvāt,

29. ou Kṛṣṇa le fils de Devakī, ou Arjuna qui tourmente ses ennemis ?

Ou qui est capable d’affronter Duryodhana au combat,

30. de même que Śalya le roi des Madras, le meilleur parmi les puissants,

excepté l’héroïque Baladeva ou Ventre-de-loup, le Pāṇḍava ?

31. Que l’on fasse une trêve dans ce combat auquel se sont joints des brahmanes,

et quand nous les aurons reconnus, nous les combattrons à nouveau ! ».

32.      Voyant cet exploit de Bhīma, Kṛṣṇa,

se doutant que les deux étaient les fils de Kuntī,

refoula les rois :

« Elle a été obtenue selon le Dharma ! », et il les amadouait tous.

33. Ainsi ces experts dans l'art de la guerre se retirèrent du combat,

si bien que tous ces excellents rois, stupéfaits, retournèrent chez eux.

34. « L’arène est revenue au meilleur des brahmanes, la fille de Pañcāla a été choisie par les brahmanes ! »

disaient en s’en retournant ce qui s’étaient assemblés là.

35. Enveloppés par les brahmanes vêtus de peaux d’antilope ruru,

Bhīmasena et Dhanaṃjaya partirent de là avec difficulté.

36. Une fois délivrés de la foule des gens et scrutés par leurs ennemis,

ces deux héros parmi les hommes rayonnaient, tandis que Kṛṣṇa les suivait.

37. Leur mère s’imaginait toutes sortes de malheurs

vu que ses fils n’étaient pas revenus et que l’heure de mendier était passée.

38. Les taureaux des Kuru n’auraient-ils pas été reconnus et tués par les fils de Dhṛtarāṣṭra ?

Ou par de très épouvantables Rākṣasas doués de magie, des ennemis implacables ?

39. Est-ce que même la pensée de Vyāsa au grand cœur s’avérait fausse ?

C’est ainsi que songeait Pṛthā, dans son amour pour ses fils.

40. Mais en fin d’après-midi, de même que le Soleil est entouré de nuages,

le Triomphant rentra avec les brahmanes, précédé par Brahmā.

 

 

  1. 182. Arjuna et Bhīma rentrent chez le potier : “Regarde ce que nous avons gagné !”, disent-ils à leur mère. Et elle, sans les regarder : “Partagez-le entre vous !”. Elle s’aperçoit de son erreur et demande conseil à Yudhiṣṭhira. Yudhiṣṭhira pense que Draupadī doit revenir à Arjuna, Arjuna que Yudhiṣṭhira, l’aîné, doit se marier en premier, et donc prendre Draupadī. Mais ils sont, à l’évidence, tous amoureux de la belle Draupadī, et Yudhiṣṭhira conclut que Draupadī sera leur femme à tous les cinq. (=  15 ślokas)

Livre I, chapitre 182

1. Vaiśampāyana dit :

« En arrivant à l’atelier de Bhārgava,

les deux fils très puissants de Pṛthā tombèrent sur Pṛthā,

et ces deux hommes éminents, tout confiants, dirent

à la fille de Yajñasena : « Regarde cette aumône ! ».

2.         Or elle était entrée dans l’échoppe et ne voyait pas ses fils,

et elle dit : « Jouissez-en tous ensemble ».

Mais ensuite Kuntī, apercevant la jeune fille,

dit : « Misère ! Qu’ai-je dit ?... ».

3.         Très confuse, car elle craignait pour le Dharma,

alors que la fille de Yajñasena était toute confiante,

Kuntī alla vers elle, la prit par la main,

et elle dit ces mots à Yudhiṣṭhira :

4.         « La jeune fille que voici est la fille de Drupada,

elle m’a été remise par tes frères ;

et, comme à mon habitude, mon fils, j’ai dit :

« Jouissez-en ensemble », ô roi, sans faire attention…

5.         Comment ce que j’ai dit aujourd’hui ne pourrait être un mensonge,

ô taureau des Kuru, dis-moi ?

Pour la fille du roi des Pañcāla, ne serait-ce pas quelque chose contre le Dharma

qui lui arriverait, quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant ? ».

6.         Réfléchissant un instant, le roi

Yudhiṣṭhira à la sublime splendeur, ce grand héros des Kuru,

réconforta sa mère Kuntī,

et il dit ces mots à Dhanaṃjaya :

7.         « La fille de Yajñasena a été gagnée par toi, ô Pāṇḍava,

et c’est par toi que la fille du roi sera satisfaite.

Qu’on allume un feu et qu’on verse l’oblation,

et toi prends sa main selon la règle. ».

8. Arjuna dit :

« Ne fais pas de moi, ô roi, quelqu’un qui agit contre le Dharma,

car ce Dharma n’est pas souhaité par les autres.

Ainsi, Seigneur, c’est toi qui dois d’abord te marier,

puis Bhīma aux grands bras et aux exploits inimaginables,

9.         et ensuite moi, et Nakula après moi,

et Sahadeva, le fils de Mādrī, en dernier.

Et Ventre-de-loup que voici, et les deux jumeaux, ô roi,

et tous pensent que cette jeune fille est à toi, Seigneur.

10.      En de telles circonstances, ce qui doit être fait ici,

songes-y et fais ce qui est conforme au Dharma et donne la gloire !

Et ce qui serait agréable au roi des Pañcāla,

dis-le : nous nous en tenons tous à ta volonté. ».

11. Vaiśampāyana dit :

« Et tous regardaient la glorieuse Noiraude qui se tenait là,

et ils étaient assis à s’observer les uns les autres, la gardant dans leurs cœurs.

12. Car, tandis que tous ces héros à l’énergie sans limite regardaient Draupadī,

leur amour devenait évident, anéantissant l’ensemble de leurs sens.

13. Car la beauté désirable de la fille Pañcāla, produite par le Dispensateur en personne,

était supérieure aux autres femmes, charmant toutes les créatures.

14. Yudhiṣṭhira, le fils de Kuntī, comprenant leur état d’esprit à leur physionomie,

et se souvenant entièrement des paroles de l’Îlien, ô taureau parmi les hommes,

15. le roi dit donc à ses frères, par crainte d’une zizanie entre eux :

« La belle Draupadī sera la femme de nous tous ! ».

 

 

  1. 183. Kṛṣṇa et Balarāma viennent leur rendre visite. Yudhiṣṭhira leur demande comment ils les ont reconnus : le feu, même caché, se manifeste toujours !. Kṛṣṇa se félicite qu’ils aient échappé à l’incendie. (=  9 ślokas)

Livre I, chapitre 183

1. Vaiśampāyana dit :

« Considérant tous cette parole de leur frère

aîné, les fils de Pāṇḍu à ce moment-là

réfléchissaient dans leur esprit sur cette affaire,

et ces héros à l’énergie sans limite restaient assis là.

2.         Alors le grand héros des Vṛṣṇi [16] soupçonnant

qu’ils étaient les grands héros des Kuru, en compagnie du fils de Rohiṇī [17]

alla à l’atelier de Bhārgava,

où étaient assis ces héros parmi les hommes.

3.         Assis là, avec ses grands et larges bras,

Kṛṣṇa, en compagnie du fils de Rohiṇī, vit

Celui-dont-l’ennemi-n’est-pas-né [18] et ceux qui l’entouraient

assis près de lui, resplendissants comme le feu.

4.         Ainsi parla le fils de Vasudeva en s’approchant

du fils de Kuntī, le meilleur de ceux qui connaissent le Dharma :

« Je suis Kṛṣṇa », et il pressait les pieds

du roi Yudhiṣṭhira Ājamīḍha.

5.         Et le fils de Rohiṇī fit de même après lui,

et les fils de Kuru les accueillirent joyeusement.

Et ces deux héros des Yadu prirent dans leurs mains les pieds

de leur tante paternelle, ô chef des Bhārata.

6.         Et celui-dont-l’ennemi-n’est-pas-né, ce héros parmi les Kuru,

après s’être enquis de sa santé, demanda à Kṛṣṇa :

« Fils de Vasudeva, comment nous as-tu reconnus,

alors que nous vivons tous cachés ici ? ».

7.         Le fils de Vāsudeva lui dit, en éclatant de rire :

« Même s’il est caché, on reconnaît le feu, ô roi !

cet héroïsme, hormis les fils de Pāṇḍu,

qui d’autre pourrait en faire preuve parmi les hommes ?

8.         Par chance vous avez été délivrés de ce feu,

vous tous les Pāṇḍava, qui résistez à vos ennemis !

Par chance le mauvais fils de Dhṛtarāṣṭra

avec ses compagnons n’aura pas été satisfait dans ses désirs.

9.         Bonne chance à vous ! Dissimulés dans cette cachette,

prospérez comme un feu qui couve !

Qu’aucun prince ne sache que vous êtes ici,

Nous deux nous allons repartir dans notre résidence. ».

Après avoir reçu le congé du Pāṇḍava, Kṛṣṇa à la prospérité immuable

s’en alla vite en compagnie de Baladeva.

 

 

  1. 184. Dhṛṣṭadyumna a suivi Arjuna et placé des soldats autour de la maison. Bhīma, Arjuna et les jumeaux rapportent les aumônes qu’ils ont recueillies. Kuntī indique à Draupadī comment les partager : d’abord les dieux, puis les brahmanes et les mendiants. Le reste, la moitié pour Bhīma, la moitié pour eux-mêmes. Après avoir mangé, ils se couchent, Draupadī à leurs pieds, et racontent des histoires de guerriers. Dhṛṣṭadyumna va tout raconter à Drupada. Celui-ci se demande à qui il a donné sa fille. (=  18 ślokas)

Livre I, chapitre 184

1. Vaiśampāyana dit :

« Mais Dhṛṣṭadyumna de Pañcāla avait suivi les deux fils de Kuru,

tandis qu’ils allaient à la maison de Bhārgava.

2. Il dissimula ses hommes et les disposa tout autour,

et lui-même s’installa non loin de la maison de Bhārgava.

3.         Le soir, Bhīma, le destructeur de ses ennemis,

ainsi que le Triomphant et les deux très puissants jumeaux,

après avoir mendié, pleins d’entrain,

montrèrent leur récolte à Yudhiṣṭhira.

4.         Et à ce moment-là Kuntī avec affabilité

dit cette parole à la fille de Drupada :

« Sers-toi d’abord, ma chère, et fais

une offrande, puis donne l’aumône au brahmane.

5.         Et ceux qui désirent de la nourriture, donne leur,

aux hommes qui sont à l’entour de nous.

Ensuite divise vite le reste :

une moitié pour les quatre et pour moi et toi,

6.         et donne une moitié à Bhīma, ma chère,

celui dont l’aspect est celui d’un taureau en rut,

le jeune homme à la peau bronzée, plein de robustesse,

car ce héros est toujours très vorace ! ».

7.         Et la fille du roi, frémissant de joie,

sans rechigner devant ses paroles bienveillantes,

fit comme on lui avait dit, avec bienveillance,

et tous mangèrent la nourriture.

8.         Sahadeva, l’impétueux fils de Mādrī,

fit sur le sol une lit de pâturin.

Et tous y déposèrent leur peau d’antilope,

et les héros se couchèrent sur la terre.

9.         Dans la direction régie par Agasti,

il y avait les têtes des excellents fils de Kuru ;

Kuntī était devant eux,

et la Noiraude était à leurs pieds.

10.      Elle était couchée sur le sol avec les fils de Pāṇḍu,

elle était comme un coussin pour les pieds dans le pâturin,

et il n’y avait là pour elle aucune peine,

et elle n’avait pas de mépris pour les taureaux des Kuru.

11.      Et là ces héros se retrouvèrent dans des histoires,

des histoires merveilleuses ayant pour thème les batailles,

armes célestes, chars, éléphants,

glaives et massues, haches…

12.      Ils se racontaient leurs histoires,

et le fils du roi des Pañcāla à ce moment-là

les entendait, et la Noiraude ainsi couchée

était vue aussi par tous ses hommes.

13.      Et Dhṛṣṭadyumna, le fils du roi,

pour informer entièrement le roi Drupada

de tout ce qui se passait et de tout

ce qui avait été dit par eux pendant la nuit, partit en hâte.

14.      Et le roi des Pañcāla avait un air abattu,

parce qu’il ne comprenait pas les Pāṇḍava.

Ce roi au grand cœur s’informa auprès de Dhṛṣṭadyumna :

« Où est-elle allée ? Par qui la Noiraude a-t-elle été emportée ? ».

15.      N’est-il pas vrai qu’un serviteur, qu’un homme de basse extraction,

ou qu’un ouvrier assujetti à l’impôt la détient ?

N’est-il pas vrai qu’il piétine ma tête de son pied ?

N’est-il pas vrai que ma couronne est tombée sur un champ de crémation ?

16.      Est-ce que cet homme est un héros d’une bonne caste ?

Ou même aussi est-ce que c’est là un homme d’une caste distinguée ?

N’est-il pas vrai qu’un être vil a son pied sur ma tête,

puisqu’il touche aujourd’hui à la Noiraude, mon fils ?

17.      Et est-ce que j’offrirai un sacrifice en toute confiance,

après l’avoir unie au fils de Pṛthā, ce taureau parmi les hommes ?

Dis-moi la vérité : quel homme

très puissant a gagné ma fille aujourd’hui ?

18.      Est-ce qu’aujourd’hui les fils de Vicitravīrya,

ce héros des Kuru, ont survécu ?

Est-ce que c’est par le plus jeune des fils de Pṛthā

que l’arc a été bandé et la cible touchée ? ».

 

 

  1. 185 Dhṛṣṭadyumna lui raconte tout ce qu’il a vu et entendu. Ce ne sont pas des brahmanes, ils racontent des histoires de guerre. Ce sont sûrement les Pāṇḍava. Drupada envoie son chapelain : qu’ils déclinent leurs noms et leur qualité, car Drupada a toujours désiré marier sa fille avec Arjuna. Yudhiṣṭhira le rassure quant à leur qualité et lui dit que le vœu du roi est réalisé. Des envoyés de Drupada viennent leur annoncer que la fête du mariage est prête. (=  28 ślokas)

Livre I, chapitre 185

1. Vaiśampāyana dit :

« A ces mots, avec un air tout à fait réjoui,

Dhṛṣṭadyumna, le fils du roi,

le meilleur des Somaka, raconta à son père

comment cela s’était passé, et par qui la Noiraude avait été prise.

2.         « C’est ce jeune homme qui a de grands yeux injectés de sang,

avec une peau d’antilope noire, d’une beauté pareille à celle des Dieux,

qui a bandé cet arc exceptionnel,

et qui a fait tombé la cible à terre,

3.         et qui s’est élancé sans hésiter,

entouré et honoré par les meilleurs des deux-fois-nés,

qui s’est avancé tel le porteur du foudre contre les fils de Diti,

réjouissant les dieux et les sages.

4.         Et la Noiraude, prenant la peau d’antilope noire, l’a suivi,

comme une éléphante suit pleine de joie un éléphant,

tandis que les rois qui ne supportaient pas cela

fondaient alors sur lui dans leur colère.

5.         Et un roi incomparable au milieu des rois de la Terre

arracha du sol un grand arbre,

et chassa le flot des rois,

tout comme la Mort en colère chasse les hommes.

6.         Tandis que les rois écarquillaient leurs yeux, ô prince,

emportant la Noiraude, ces deux hommes exceptionnels partirent,

resplendissant comme la Lune et le Soleil,

en dehors de la ville, vers l’atelier de Bhārgava.

7.         Et assise là, comme la flamme d’un feu,

c’était leur mère à mon avis,

près de ces héros parmi les hommes

qui étaient assis semblables à trois feux.

8.         Tous deux s’inclinèrent alors à ses pieds,

et ils dirent à la Noiraude de s’incliner.

Et ils se tenaient là et ils présentaient la Noiraude,

puis ces hommes éminents partirent demander des aumônes.

9.         Puis la Noiraude prit leurs aumônes,

fit une offrande et en donna aux brahmanes.

et elle servit la vieille femme et eux-mêmes,

ces héros parmi les hommes, et elle-même aussi mangea.

10.      Tous les rois étaient endormis,

et la Noiraude était un coussin pour les pieds,

et leur lit était à même la terre,

fait d’une peau d’antilope sur une jonchée de pâturin.

11.      Ceux-ci, rugissant comme des nuages noirs,

se racontaient des histoires merveilleuses,

et ce n’étaient pas des histoires concernant des ouvriers ou des serviteurs,

et ces héros ne racontaient pas des histoires de deux-fois-nés.

12.      A n’en pas douter ce sont des taureaux parmi les nobles guerriers,

car de fait ils racontent des combats, ô roi

Et notre souhait est de toute évidence exaucé,

puisque nous avons appris que les fils de Pṛthā  avaient échappé à la brûlure du feu.

13.      Car vu comment la cible a été touchée et l’arc

a été ainsi bandé par lui avec force,

et vu comment ils parlent entre eux,

il apparaît avec certitude que ce sont les fils de Pṛthā qui se cachent ! ».

14.      Ainsi le roi Drupada fut ravi,

et il envoya là-bas son chapelain,

lui disant : « Nous vous reconnaissons,

n’êtes-vous pas les fils de Pāṇḍu au grand cœur ? ».

15.      Le chapelain reçut la parole du roi,

il alla dire leur éloge.

Il leur dit exactement la parole du roi

dans son intégralité et, connaissant l’ordre, dans l’ordre :

16.      « Le seigneur de cette terre désire vous connaître,

Drupada, le roi des Pañcāla, qui est digne de privilèges.

Car s’il voit celui qui a percé la cible,

il ne voit pas de terme à sa joie.

17.      Dites la succession des parents dans votre famille,

mettez le pied sur la tête de vos ennemis.

Réconfortez ce cœur qui est le mien,

et celui du roi du Pañcāla et de ses serviteurs.

18.      Car le roi Pāṇḍu fut pour le roi Drupada

un ami cher et un autre lui-même.

Tel est son désir : « Si ma fille

pouvait être la belle-fille du fils de Kuru… ».

19.      Et voici le désir du roi Drupada,

éternellement dans son cœur, ô héros aux corps irréprochables :

« Qu’Arjuna aux bras longs et larges

épouse ma fille selon le Dharma. ».

20.      Lorsque le chapelain eut parlé de cette façon,

se tenant humblement devant lui, le roi le regarda avec joie.

A Bhīma qui était à côté de lui il ordonna ceci :

« Qu’on lui donne l’eau parfumée pour les pieds réservée aux hôtes.

21.      Le chapelain du roi Drupada est digne de respect,

on lui doit un hommage supérieur ! ».

Et Bhīma fit ainsi, ô roi,

et il reçut cet hommage.

22.      Quand le chapelain fut bien assis,

Yudhiṣṭhira dit au brahmane :

« Le roi du Pañcāla nous a confié sa fille,

en considération de son propre Dharma et selon son désir.

23.      Elle a été désignée comme prix de la compétition par le roi Drupada,

elle correspond ainsi à ce héros.

Il n’y a pas à discuter sur ses qualités,

ni sur son art de vivre, ni sur sa caste, ni sur sa lignée.

24.      Car parce qu’il a bandé l’arc

et percé la cible, elle lui a été remise.

C’est ainsi que la Noiraude a été gagnée

par ce héros au grand cœur au milieu de la foule des rois.

25.      En de telles circonstances, le roi des Somaka aujourd’hui

ne doit pas se faire de souci et se chagriner.

Et ce que désirait le roi Drupada pour elle

se réalisera aussi pour le roi.

26.      Car j’admets que cette fille de roi

a une beauté inaccessible, ô brahmane.

Car il n’est pas possible à un homme aux faibles forces

d’attacher ainsi la corde à l’arc,

Car il n’est pas possible à un homme qui n’est pas un noble guerrier,

ni à un homme de basse extraction de faire ainsi tomber la cible.

27.      C’est pourquoi aujourd’hui le roi du Pañcāla

n’a pas à se faire de souci à cause de sa fille.

Et il n’est pas possible à aucun homme sur terre

de faire tomber la cible d’une autre façon. ».

28.      Et tandis que Yudhiṣṭhira parlait ainsi,

un autre homme du roi de Pañcāla

s’approcha à son tour en hâte,

pour annoncer que la nourriture était prête.

 

 

 



[1] Mah. I,155, 36 sq.

[2] Arjuna.

[3] = les Pañcālas.

[4] Umā « la Lumière » = Durgā « l’Inaccessible », c’est-à-dire Pārvatī « la femme de la montagne » (fille de Himavat, le roi des montagnes), réincarnation de Sati, sœur de Viṣṇu et épouse de Śiva. En tant que śakti de Śiva, elle est à la fois puissance de procréation et de destruction.

[5] Kubera.

[6] Balarāma.

[7] Kṛṣṇa.

[8] Jiṣṇu  = Arjuna.

[9] Kṛṣṇa.

[10] Balarāma.

[11] Yudhiṣṭhira.

[12] Kārttikeya « Élevé par les Pléiades », épithète de Skanda, dieu de la guerre, fils de Śiva

[13] Karṇa.

[14] Paraśurāma.

[15] Indra.

[16] Kṛṣṇa.

[17] Balarāma.

[18] Yudhiṣṭhira.