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Histoire de Citraratha : 153-173
1.
153. Arrive chez le brahmane un voyageur, qui rapporte les dernières
nouvelles du royaume de Pāñcāla. (= 12 ślokas) |
Livre I, chapitre 153
1.
Janamejaya dit : « Quand le Rākṣasa
Baka eut ainsi été tué, ces tigres parmi les hommes, les fils de Pāṇḍu,
que firent-ils ensuite, ô brahmane ? » 2.
Vaiśampāyana dit : « Quand le Rākṣasa
Baka eut ainsi été tué, ils habitèrent donc là, ô roi, étudiant le sacré suprême dans
la maison du brahmane. 3.
Puis quelques jours après, un brahmane très attaché à ses vœux vint à la maison du brahmane
pour y trouver gîte. 4.
L’honorant comme il convient, ce sage, ce taureau parmi les brahmanes lui donna refuge, toujours
totalement dévoué à ses hôtes. 5.
Puis les Pāṇḍava, ces taureaux parmi les hommes, en
compagnie de Kuntī, rendirent alors hommage au
brahmane qui était un conteur d’histoires. 6. Il
contait toutes sortes de contrées et de lieux saints, toutes sortes de pratiques
chez les rois, toutes sortes de cités. 7. Et
là le brahmane acheva ses contes en contant, ô Janamejaya, le merveilleux mariage de la
fille de Yajñasena [1],
chez les Pāñcālās, 8. et
la naissance de Dhṛṣṭadyumna et la naissance de Śikhaṇḍin et la naissance sans matrice
de la Noiraude lors du grand sacrifice de Drupada. 9.
Ayant appris de ce brahmane au grand cœur que ce prodige s’était produit dans
le monde, ces taureaux parmi les hommes
lui demandèrent les détails de cette histoire. 10.
« Comment Dhṛṣṭadyumna,
le fils de Drupada, est-il né du feu purificateur ? Et comment la Noiraude
est-elle née au milieu de l’autel, de façon prodigieuse ? 11.
Comment a-t-il appris du maître archer Droṇa le maniement de toutes les
armes ? Comment ces deux amis chers se
sont-ils séparés ? Qui en est responsable ? ». 12.
C’est ainsi, ô roi, que ce brahmane était pressé de questions par ces
taureaux parmi les hommes. Il leur raconta alors tous
les détails de la naissance de Draupadī. |
1. 154. Reprise en résumé de l’histoire de
Droṇa : sa naissance, son amitié avec Drupada, comment il s’est procuré
les armes de Rāma, comment il a été repoussé par Drupada, comment il est
devenu percepteur chez les Kaurava, comment il leur a demandé de prendre le
royaume de Drupada, comment il a partagé ce royaume avec Drupada. Celui-ci
n’a pas pardonné. (= 25 ślokas) |
Livre I,
chapitre 154
1. Le
brahmane dit : « Vers la Porte du
Gange, il y avait un grand sage, le grand ascète Bharadvāja, d’une grande
intelligence, toujours très attaché à ses vœux. 2. Il
était allé au Gange pour y faire ses ablutions rituelles, et le sage vit une
dame qui était venue là avant lui,
l’Apsaras Ghṛtācī qui sortait du bain [2]. 3.
Comme elle était sur le bord de la rivière, le vent lui enleva alors son
vêtement, et en la voyant avec son
vêtement arraché, le sage eut ainsi du désir pour elle. 4.
Lui, qui était resté pieusement chaste depuis son enfance, avait l’esprit
tout absorbé par elle. Il fut pris d’une érection,
son sperme jaillit ; et le sage le mit dans une coupelle. 5.
C’est ainsi qu’un garçon, Droṇa, naquit de ce sage. Il étudia les Veda et les disciplines annexes du Veda dans leur intégralité. 6. Or
Bharadvāja avait un ami, un prince du nom de Pṛṣata ; il lui naquit alors un fils
du nom de Drupada. 7.
Régulièrement le fils de Pṛṣata allait à l’ermitage, et avec
Droṇa ce taureau parmi les nobles
guerriers jouait et se livrait à la lecture des Veda. 8.
Puis, quand Pṛṣata mourut, Drupada devint roi. Droṇa avait aussi entendu
que Rāma voulait donner toutes ses richesses. 9.
Comme il partait pour la forêt, le fils de Bharadvāja dit alors à
Rāma : « Sache que je suis venu
par désir de richesses, je suis Droṇa, ô taureau parmi les
deux-fois-nés. » 10.
Rāma lui dit : « Il ne me reste rien
désormais que ce corps : choisis l’un des deux, ô
brahmane, ou mes armes, ou mon corps. ». 11.
Droṇa lui dit : « Toutes tes armes,
ainsi que le moyen de les faire revenir, et aussi le mode d’emploi de
chacune d’elle, daigne me donner cela, ô Seigneur. ». 12.
Le brahmane dit : « Le fils de Bhṛgu
lui « D’accord », et les lui donna. Droṇa s’en saisit et
fut satisfait d’avoir fait cela. 13.
Et, le cœur plein d’allégresse, il reçut de Rāma l’Arme-de-Brahmā, respectée
au plus haut point, et parmi les hommes il fut le plus fort. 14.
Le majestueux fils de Bharadvāja s’approcha de Drupada et ce tigre parmi les hommes
lui dit : « Sache que je suis ton ami. ». 15.
Drupada lui dit : « L’ignorant du Veda n’est pas l’ami d’un expert du Veda, ni celui qui n’a pas de char
avec celui qui conduit un char, ni un non-roi avec un
prince : qui a envie d’un ami de longue date ? » 16.
Le brahmane dit : « Intelligemment, il
délibéra dans son esprit contre le Pāñcāla ; il alla vers la cité des
chefs des Kuru, celle qui tire son nom des éléphants. 17.
Rassemblant ses petits-fils avec toutes sortes de richesses, Bhīṣma les confia
comme disciples au sage Droṇa qui venait d’arriver. 18.
Puis le sage Droṇa dit ces mots à ses disciples, les réunissant alors pour
chagriner Drupada : 19.
« Pour mon salaire de maître, quelque chose hante mon cœur : des gens exercés au maniement
des armes doivent me l’accorder, parlez-moi clairement, ô
irréprochables ! ». 20.
Et quand tous les Pāṇḍava se furent exercés au maniement des
armes par une pratique régulière, alors Droṇa à nouveau
leur dit ces mots à propos de son salaire : 21.
« Il y a à Chattravatī le fils de Pṛṣata, le roi
nommé Drupada : arrachez-lui son royaume et
offrez-le moi vite ! ». 22.
Puis les cinq fils de Pāṇḍu vainquirent Drupada dans une
bataille, et ils le montrèrent alors à
Droṇa après l’avoir enchaîné, lui et ses ministres. 23.
Droṇa dit : « Je sollicite à nouveau
ton amitié, ô roi, Un homme qui n’est pas roi, comme
on dit, n’est pas digne d’être l’ami des rois. 24.
C’est pourquoi je me suis donné de la peine pour ton royaume, ô chef de
l’armée sainte. Tu es le roi sur la rive sud,
moi au nord du Gange. ». 25.
Le brahmane dit : « Cette très grande
offense ne quitta pas un instant le cœur du roi, et il devint
triste et maigre. » |
1. 155. Drupada cherche un brahmane qui
puisse lui faire avoir un fils. Il arrive chez Yāja et Upayāja. Il
demande au plus jeune, Upayāja de faire un sacrifice pour lui faire obtenir
un fils. Upayāja lui répond que son frère Yāja est moins pur que
lui, et qu’il acceptera peut-être. Drupada expose son problème : Droṇa
est invincible, que par la force alliée du kṣatriya et du brahmane,
Yāja lui procure un fils capable de le vaincre. Yāja accepte,
prépare le sacrifice, afin de procurer à Drupada un fils pour tuer Droṇa
et jette l’oblation dans le feu. Du feu, naissent un guerrier étincelant, Dhṛṣṭadyumna,
et une splendide jeune fille, Draupadī. Droṇa devient le maître de
Dhṛṣṭadyumna. (= 52
ślokas) |
Livre I, chapitre 155
1. Le
brahmane dit : « Irrité, le roi Drupada
recherchait des taureaux parmi les deux-fois-nés, parfaits dans
l’accomplissement des rituels, et il visitait de nombreux villages de
brahmanes. 2. Désirant
obtenir la naissance d’un fils, l’esprit gâté par la peine, il pensait sans cesse :
« Je n’ai pas d’enfant qui soit le meilleur… ». 3. A
la naissance de ses fils, il avait dit avec dégoût : « Peuh !
Quelle descendance !... », et il poussait de gros
soupirs dans son désir de se venger de Droṇa. 4.
Mais la puissance, la discipline, l’habileté et les exploits de Droṇa, il ne parvenait pas à
imaginer comment, par sa force de noble guerrier, lui qui était le meilleur des
rois, il s’y opposerait, même en s’exerçant, ô Bhārata. 5.
Tandis qu’il errait près de la Kalmāṣī
[3],
sur la rive du Gange, le roi tomba sur un saint
village de brahmanes. 6. Là
il n’y avait aucun deux-fois-né qui n’eût pris le bain rituel de
purification, ni qui n’observât pas ses vœux, ou bien qui fût ordinaire. Le
fils de Pṛṣata en vit deux très attachés à leurs vœux, 7.
deux sages brahmanes, Yāja et Upayāja, accomplissant les rites
paisiblement, unis dans l’étude des textes
sacrés, et aussi descendants de Kaśyapa par leur lignée. 8. Ces
deux brahmanes, les meilleurs des sages, convenaient à son salut : il adressa des salutations à
tous deux, tout comme ils le désiraient, inlassablement. 9.
Après avoir observé la force et l’intelligence de tous deux, il alla après
quelques détours vers le cadet, Upayāja,
ferme dans ses vœux, en le gratifiant comme il le désirait. 10.
Il se prosterna à ses pieds avec attention, lui souhaitant aimablement que
ses désirs soient exaucés, et après avoir obtenu son
autorisation selon la règle, il dit à Upayāja : 11.
« Par quel rituel, ô brahmane, pourrais-je avoir un fils pour faire
mourir Droṇa ? Upayāja, quand ce sera
fait, je te donnerai une multitude de vaches. 12.
Ou s’il y avait une autre chose, ô le meilleur des deux-fois-nés, qui soit
très chère à ton cœur, je te la donnerais
entièrement, il n’y a là aucun doute pour moi. ». 13. A
ces mots, le sage lui répondit : « Pas moi ». Pour se le concilier, Drupada
marcha autour de lui pour l’honorer à nouveau. 14. Puis,
au bout d’une année, le meilleur des deux-fois-nés, Upayāja parla à Drupada d’une voix
douce, ô roi : le temps était venu. 15.
« Mon frère aîné, en marchant dans la forêt, a ramassé près d’une
cascade un fruit qui était tombé par
terre sans en vérifier la pureté. 16.
Tandis que je le suivais, j’ai vu que mon frère n’avait pas convenablement considéré s’il contractait
une souillure : il ne saurait jamais le faire. 17.
Il regardait, mais il ne vit pas les défauts attachés à ce fruit. Celui qui ne discerne pas la
pureté, comment le pourrait-il dans une autre circonstance ? 18.
Tandis qu’il étudie les textes sacrés et qu’il habite dans la maison de son
maître, toujours et toujours il mange
les restes des aumônes des autres, et en célébrant encore et
encore sans dégoût la qualité des mets. 19.
Je pense, en considérant cela avec réflexion, que mon frère est avide de
récompenses. Va donc vers lui, ô
roi : il accomplira le rite pour toi. ». 20.
Méfiant, le roi réfléchit à cela dans son esprit, et après avoir entendu les
paroles d’Upayāja, ce roi qui connaissait entièrement le Dharma rendit hommage au sage
Yāja, digne d’hommages, et lui dit : 21.
« Je donnerai quatre-vingt mille bœufs : sacrifie pour moi, ô
puissant ! Daigne faire plaisir à un
homme qui brûle de haine pour Droṇa. 22.
Il est le meilleur parmi les connaisseurs du Veda, et il est également insurpassable avec
l’Arme-de-Brahmā. Pour cette raison Droṇa
m’a vaincu dans une lutte entre amis. 23.
Il n’y a aucun noble guerrier qui lui soit comparable sur Terre, quelque
supérieur qu’il soit, et le sage fils de
Bharadvāja est le principal maître des Kaurava. 24.
Les multitudes de flèches de Droṇa prennent la vie des créatures, et son grand arc long de six
coudées est reconnu comme sans égal. 25. Car,
sans aucun doute, avec son impétuosité de brahmane, le fier maître archer issu de Bharadvāja
arrête l’impétuosité des nobles guerriers. 26.
C’est pour la destruction des nobles guerriers qu’il a été mis là, tel
Jāmadagnya[4], car les hommes sur Terre ne
peuvent résister à l’épouvantable force de ses armes. 27.
Montrant son éclat brahmanique, tel le Feu où l’on verse des oblations, il brûle la noblesse
guerrière, quand il l’affronte dans la bataille, accompagné par
Brahmā : et si on pose un brahmane et un
noble guerrier, l’éclat brahmanique l’emporte. 28.
Ma force de noble guerrier ne suffit pas, bien que je jouisse de l’éclat du
brahmane ; ayant rencontré un seigneur
qui connaît le Brahmā au plus haut point et qui l’emporte sur Droṇa, 29.
pour tuer Droṇa puissé-je obtenir un fils invincible au combat ! Accomplis ce rite pour moi, ô
Yāja, et je t’offrirai une multitude de vaches. ». 30.
Yāja lui dit qu’il était d’accord et il fit les préparatifs pour le
sacrifice. En tant que gourou, il pressa
Upayāja qui ne désirait rien. Et c’est ainsi que Yāja
consentit à la perte de Droṇa. 31.
Le grand ascète Upayāja expliqua donc alors au roi le rite qu’on
accomplit avec trois feux sacrés pour avoir un fils. 32.
« Ce fils d’une grande puissance, d’un grand éclat, d’une grande force sera tel que tu le désires, ô
roi. ». 33.
Ayant en vue un meurtrier pour le fils de Bharadvāja, le roi Drupada offrit ainsi tout
pour la préparation du rite. 34.
Yāja, à la fin du sacrifice, fit alors appeler la reine : « Avance devant moi, ô
reine Pṛṣatī, le moment est venu pour toi de
t’accoupler. ». 35.
La reine dit : « Ma bouche est fardée,
ô brahmane, et j’ai les parfums qu’il faut. Je suis en peine d’avoir un
fils, Yāja, tiens-toi près de moi, tu m’es cher. ». 36.
Yāja dit : « L’offrande a été cuite
par Yāja, elle a été consacrée par les mantras d’Upayāja. Comment cela ne t’accorderait
pas ce que tu désires ? Avance ou reste là ! ». 37.
Le brahmane dit : « Quand Yāja eut
ainsi parlé et que l’oblation eut été faite et achevée, se leva du feu sacrificiel un
garçon semblable aux dieux. 38.
Il était couleur de feu, d’aspect terrifiant, ceint d’un diadème, avec une
cuirasse extraordinaire, et armé d’un arc et portant
aussi une épée et des flèches, et il hurlait sans cesse. 39.
Il monta sur un char magnifique et s’éloigna alors dessus. Et les habitants du
Pañcāla, joyeux, se mirent à crier « Bravo !
Bravo ! ». 40.
« Le fils du roi repousse la peur, il fait la gloire des habitants du
Pañcāla ! Il repousse le chagrin du
roi, et il est né pour détruire Droṇa ! ». Ainsi parlait un grand être
invisible qui se déplaçait alors dans les airs. 41.
Et une jeune fille se leva aussi au milieu de l’autel, Pāñcālī
[5] la fortunée, au beau corps,
svelte comme un autel, un ravissement pour l’esprit. 42. Elle
avait la peau très brune, des yeux tels des pétales de lotus, une épaisse
chevelure céruléenne : une beauté immortelle
incarnée sous une forme humaine… 43.
Un parfum semblable à celui du lotus bleu émanait d’elle à des kilomètres, elle avait une beauté
extraordinaire, il n’y avait pas sa pareille sur Terre. 44.
Et, quand cette femme aux belles hanches fut née, une voix désincarnée
dit : « Eminente parmi toutes
les femmes, la Noiraude veut mener la noblesse guerrière à sa perte. 45. Cette
femme à la taille fine accomplira, quand le temps sera venu, le dessein des
dieux : à cause d’elle un grand
danger arrivera aux nobles guerriers. ». 46.
En entendant cela, tous les habitants du Pañcāla rugirent comme une
troupe de lions, et cette Terre nourricière ne
pouvait résister à ces gens pleins de joie. 47.
Quand Pṛṣatī les vit tous les deux, elle alla vers Yāja
car elle désirait un fils : « Puissent ces deux
enfants ne pas connaître d’autre mère que moi ! ». 48.
« Qu’il en soit ainsi » lui dit Yāja, dans son désir de faire
une faveur au roi. Et le deux-fois-né, le cœur
comblé, donna un nom à chacun des deux. 49.
« A cause de son audace, de sa témérité, de son Dharma, de son origine
lumineuse, que ce garçon, fils de
Drupada, soit Dhṛṣṭadyumna ! 50. “
Noiraude”, on l’appelle Noiraude parce quelle est née avec un teint
noiraud. ». C’est ainsi qu’au grand
sacrifice de Drupada lui naquit une paire de jumeaux. 51.
Après avoir fait venir Dhṛṣṭadyumna du Pañcāla
dans sa propre maison, le majestueux fils de
Bhāradvāja [6]
lui enseigna las armes. 52.
Car le subtil Droṇa, songeant qu’il ne pourrait être délivré de ce sort
inéluctable, agissait ainsi pour protéger
sa propre gloire. |
1. 156. Kuntī décide de partir chez
Drupada. (= 11 ślokas) |
Livre I, chapitre 156
1.
Vaiśampāyana dit : En entendant cela, les fils
de Kuntī furent comme percés par une flèche, et l’esprit de tous ces
grands auriges fut découragé. 2.
Alors Kuntī, en voyant ses fils dans la confusion et hors d’eux, dit ces mots à Yudhiṣṭhira
avec sincérité : 3.
« Cela fait longtemps que nous passons nos nuits ici, dans la demeure du
brahmane, ô Yudhiṣṭhira, à
nous reposer dans cette cité charmante et à recevoir des aumônes. 4. Et
ces forêts charmantes et ces sous-bois qui sont là, nous les avons tous regardés
encore et encore, ô dompteur de tes ennemis. 5.
Les revoir encore ne nous réjouit plus autant, et nous ne recevons plus
autant d’aumônes, mon fils, rejeton de Kuru. 6.
Aussi bien, allons au royaume de Pañcāla, si tu es d’accord : nous ne l’avons jamais vu
auparavant, mon fils, ce sera charmant. 7. De
plus les Pāñcālas sont, dit-on, généreux dans leurs aumônes, ô
tourmenteur de tes ennemis, et le roi, ce Yajñasena [7],
nous avons entendu dire qu’il est favorable aux brahmanes. 8. Car
séjourner longtemps quelque part n’est pas supportable à mon avis. Aussi bien allons là-bas si
tu es de cet avis, mon fils. ». 9.
Yudhiṣṭhira lui dit : « Ce que tu penses,
Dame, doit être fait : c’est pour nous un très grand profit. Mais je ne sais pas si mes
cadets repartiraient ou pas. ». 10.
Vaiśampāyana dit : Puis Kuntī dit à
Bhīmasena, à Arjuna ainsi qu’aux deux jumeaux qu’ils partaient, et il lui
dirent alors : « Qu’il en soit ainsi. ». 11.
Puis Kuntī prit congé du brahmane, ô roi, avec ses fils, et elle partit pour la
charmante cité de Drupada au grand cœur. |
1. 157. Vyāsa leur rend visite. Il
raconte l’histoire d’une jeune fille qui, bien que belle et parfaite, ne
trouvait pas de mari. Elle mène une ascèse farouche, et Śiva lui accorde
un vœu. Elle lui répète cinq fois de suite, pour bien se faire comprendre :
“Je veux un mari, muni de toutes les qualités !. Et Śiva lui répond :
“Tu auras tes cinq maris !”. Cette jeune fille est réincarnée en
Draupadī. Vyāsa conseille aux Pāṇḍava d’obtenir
Draupadī. (= 16 ślokas) |
Livre I, chapitre 157
1.
Vaiśampāyana dit : Tandis que les Pāṇḍava
au grand cœur habitaient là en secret, Vyāsa, le fils de
Satyavatī, vint les voir. 2. Quand
ils le virent venir, ces tourmenteurs de leurs ennemis allèrent vers lui, se prosternèrent pour le
saluer, et se tinrent devant lui en portant leurs mains jointes à leur front. 3.
L’anachorète les salua tous et, quand ils furent assis, leur parla aimablement, après avoir été
honoré par les fils de Pṛthā, et il leur dit ces mots
affectueux : 4.
« Est-ce que vous vivez selon le Dharma et selon les textes sacrés, ô
tourmenteurs de vos ennemis ? Est-ce que vous ne négligez
pas de rendre hommage aux brahmanes dignes d’hommages ? ». 5. Ce
bienheureux sage, après avoir dit cette parole conforme au Dharma et au
profit et fait divers récits variés,
dit encore ceci : 6.
« Il y avait dans un ermitage sylvestre la fille d’un sage au grand
cœur. Elle avait la taille fine, de
belles hanches, de beaux sourcils, elle était parée de toutes les vertus. 7.
Mais à cause des actions dont elle était responsable, elle était devenue une
mauvaise femme et la jeune fille, bien
qu’étant belle, ne trouvait pas de mari. 8. Aussi
la malheureuse entreprit de pratiquer une ascèse pour avoir un mari, et de fait, grâce une ascèse
terrible, elle se concilia Śaṃkara [8]. 9.
Satisfait, le bienheureux dit à l’ascète : « Bonheur à toi !
Choisis-toi un mari, et je te l’accorderai, ô femme rayonnante ! ». 10.
Alors elle dit au Seigneur cette parole dans son propre intérêt : « Je désire un mari
possédant toutes les qualités. », et elle la répétait encore et encore. 11.
Alors le Seigneur Śaṃkara, le meilleur des orateurs, lui
répondit : « Eh bien, tu auras cinq
maris ! ». 12.
Comme elle disait à Śaṃkara « Donne-moi un seul mari », le dieu lui dit à nouveau
cette parole suprême : 13.
« Tu as parlé cinq fois, en me répétant « Donne-moi un
mari » : quand tu seras réincarnée
dans un autre corps, il en sera comme il a été dit. ». 14.
Née dans la famille de Drupada, cette
jeune fille à la beauté divine a été désignée comme votre
épouse, Seigneurs : c’est la Noiraude, l’irréprochable fille de Pārṣata
[9]. 15.
Aussi, puissants guerriers, allez dans la cité des Pañcālas : quand vous l’aurez obtenue,
vous serez heureux, il n’y a pas de doute. ». 16.
Après avoir ainsi parlé, le bienheureux grand-père des Pāṇḍava
salua les fils de Pṛthā et Kuntī, et le grand ascète partit. |
1. 158. Les Pāṇḍava partent
pour aller chez Drupada. Ils marchent de nuit le long de |
Livre I, chapitre 158
1.
Vaiśampāyana dit : Et ces taureaux parmi les hommes,
ces tourmenteurs de leurs ennemis suivirent leur mère et se mirent en marche par
les routes des plaines qui mènent vers le Nord. 2. Et
les fils de Pāṇḍu, ces tigres parmi les hommes, marchèrent
jour et nuit et atteignirent le gué sacré
de Somaśravāyaṇa sur le Gange. 3.
Brandissant une torche, le très glorieux Dhanaṃjaya allait devant eux pour les éclairer
et pour les protéger. 4.
Là, dans les eaux charmantes et isolées du Gange, le roi des Gandharvas, un jaloux, était venu faire
de la natation et faisait nager ses femmes. 5. Il
entendit le bruit qu’ils faisaient en s’approchant. Envahi par ce bruit, le
puissant Gandharva se mit puissamment en colère. 6.
Voyant là les Pāṇḍava, ces tourmenteurs de leurs ennemis,
avec leur mère, il tendit son arc terrible et
leur dit cette parole : 7.
« Le crépuscule terrible rougit aux premières approches de la
nuit : on dit que ce moment est
disponible pendant quatre-vingts secondes, 8. il
est attribué aux Yakṣas, aux Gandharvas et aux Rakṣasas pour y circuler
à leur gré, et le reste du temps les
humains y circulent à leur gré. C’est la tradition. 9.
Les hommes qui à ces moments-là auraient envie de circuler et de se montrer, nous les attaquons ces
imbéciles et nous les punissons en compagnie des Rākṣasas. 10.
Ainsi les gens érudits blâment tous les hommes qui s’approchent de l’eau la
nuit, même si ce sont des rois puissants. 11.
Tiens-toi éloigné, ne te glisse pas vers moi ! Comment ne me reconnais-tu
pas, moi qui suis venu vers les eaux de Bhāgīrathī ? 12.
Sache que je suis le Gandharva Aṅgāraparṇa, je ne me fie
qu’à ma propre force ! Car je suis fier et jaloux,
et je suis le grand ami de Kubera. 13.
Et cette forêt s’appelle Aṅgāraparṇa, elle est à moi, le long du Gange qui chante,
c’est le lieu merveilleux où je vis. 14.
Ni les bêtes puant le cadavre ou celles à cornes, ni les dieux, ni les hommes n’approchent ce lieu :
pourquoi vous approchez-vous d’ici ? ». 15.
Arjuna lui dit : « Insensé ! Sur
l’océan, sur le versant de l’Himalaya, et sur cette rivière qui a la complète propriété,
que ce soit la nuit, le jour ou la croisée des deux ? 16.
Nous, nous sommes forts et nous t’attaquons sans délai, car ce sont les hommes sans
force qui vous honorent au moment cruel. 17.
D’abord, coulant des sommets dorés de l’Himalaya, la rivière Gange va vers les
eaux de l’Océan et elle y arrive en sept cours d’eau. 18.
Cette rivière pure n’a en revanche qu’un seul flux en traversant le ciel parmi les dieux, ô Gandharva,
et la rivière Gange atteint Alakanandā. 19. De
cette manière, la rivière Gange arrive aux Mânes des ancêtres et devient
Vaitaraṇī, pénible à traverser pour ceux
qui ont commis de mauvaises actions, ô Gandharva, comme l’a dit
Dvaipāyana. 20.
Sans entraves, cette rivière divine et rayonnante mène au ciel : comment peux-tu désirer la
bloquer ? Ce n’est pas là le Dharma éternel. 21.
Comment, d’après ce que tu dis, ne pouvons-nous pas toucher à notre gré l’eau sainte de
Bhāgīrathī qui doit être sans obstacles et sans
entraves ? ». 22.
Vaiśampāyana dit : En entendant cela, Aṅgāraparṇa,
furieux, banda son arc et lança des flèches
flamboyantes semblables à des serpents aux crochets venimeux. 23.
Brandissant vite une torche et son excellent bouclier de cuir, le fils de
Pāṇḍu, Dhanaṃjaya, repoussa
toutes ses flèches. 24.
Arjuna dit : « On n’use pas de ce
genre d’intimidation , ô Gandharva, avec des gens qui connaissent les armes. Si l’on en use avec des gens
qui connaissent les armes, elle se dissipe comme une bulle. 25.
Je reconnais, ô Gandharva, que tous les Gandharvas l’emportent sur les
humains : c’est pourquoi je combattrai
avec des armes divines, et non avec de la magie. 26.
Comme on sait, Bṛhaspati, le fils du précepteur [10]
du dieu aux cent sacrifices [11],
offrit jadis cette arme,
l’Āgneya, à Bharadvāja, ô Gandharva. 27.
Agniveśya la reçut de Bharadvāja, et mon gourou d’Agniveśya, et celui-ci, Droṇa, le
meilleur des brahmanes, me la donna. ». 28.
Vaiśampāyana dit : A ces mots, le fils de
Pāṇḍu, furieux, lança contre le Gandharva la flamboyante arme
Āgneya et consuma son char. 29.
Le puissant Gandharva, privé de son chariot, de son honneur, stupéfié par l’éclat de
l’arme, tomba tête la première, 30.
et Dhanaṃjaya le saisit par ses cheveux tressés de guirlandes et le traîna vers ses frères,
sonné par le choc de l’arme. 31.
Sa femme se jeta aux pieds de Yudhiṣṭhira pour le supplier : elle était appelée du nom de
Kumbhīnasī et elle voulait sauver son mari. 32.
La femme Gandharva dit : « Sauve-moi, ô
Mahārāja, et délivre mon mari que voilà : je suis une Gandharva, mon
nom est Kumbhīnasī, et je demande protection,
Seigneur ! ». 33.
Yudhiṣṭhira dit : « Il est vaincu au
combat, privé de gloire, protégé par une femme et lâche : comment un homme tel que toi
tuerait donc cet ennemi ? Laisse-le partir, ô destructeur de tes
ennemis ! ». 34.
Arjuna dit : « Bien, réfugie-toi
auprès de lui, va, Gandharva, ne pleure pas : Yudhiṣṭhira, le
roi des Kuru, a ordonné que tu sois hors de danger aujourd’hui ! ». 35.
Le Gandharva lui dit : « J’ai été vaincu, je
renonce à mon ancien nom d’Aṅgāraparṇa : et je ne me loue désormais
dans l’assemblée des hommes ni pour ma force ni pour mon nom. 36.
Je retire là un beau bénéfice, moi qui désire combattre par la magie des Gandharvas
un héros dans sa jeunesse portant des armes divines !... 37.
Mon char merveilleux et très beau a été consumé par le feu d’une arme : moi qui étais Citraratha je
suis devenu celui qu’on nomme Daghdaratha [12]. 38.
Et la science que j’ai moi-même amassée jadis à force d’ascèses, je la transmettrai aujourd’hui
à l’homme au grand cœur qui m’offre la vie. 39.
Car quand un ennemi, paralysé par l’impétuosité et vaincu, vient demander
grâce, celui qui lui accorde la vie
ne mérite-t-il pas la prospérité ? 40.
La science que l’on appelle « Vision », Manu l’a donnée à Soma, celui-ci l’a donnée à
Viśvāvasu [13],
et Viśvāvasu me l’a donnée. 41.
Donnée par un gourou, elle est tombée sur le poltron que je suis et elle va
disparaître… Je t’ai dit son
origine : apprends de moi sa vertu. 42.
Toute chose qu’on voudrait voir avec ses yeux dans les trois mondes, on peut la voir exactement de
la manière qu’on voudrait le faire. 43.
Celui qui se tiendrait debout pendant six mois sur le même pied obtiendrait
cette science ; cette science, je te la
rendrai accessible, volontairement, pour accomplir mon vœu. 44.
C’est grâce à cette science, ô roi, que nous surpassons les hommes, et, mus par cette perception,
que nous ne différons pas des Dieux. 45. A
vous cinq, toi et tes frères, je donnerai à chacun cent des chevaux qui naissent chez
les Gandharvas, ô le meilleur des hommes. 46.
Ce sont les montures des Dieux et des Gandharvas, au parfum divin, vifs comme
l’esprit : tout affaiblis qu’ils soient,
ils ne perdent pas leur impétuosité. 47.
Jadis, quand Vṛtra fut détruit, fut forgé le foudre du grand
Indra : il se brisa en dix morceaux,
en cent morceaux sur la tête de Vṛtra. 48.
Depuis lors, les Dieux se sont partagés les éclats de foudre et les
honorent : ici-bas, tout moyen de
réussir est, dit-on, une incarnation du foudre. 49.
Le brahmane est, dit-on, le porteur de foudre, le noble guerrier a un char de
foudre, les travailleurs sont les
foudres du don, les inférieurs sont les foudres de leurs tâches. 50.
Le foudre du noble guerrier est son cheval, et le cheval est, dit-on,
inviolable. La jument acCOuCHE d’une
partie du char : d’où les COCHErs pour les chevaux. 51.
Ces chevaux qui naissent chez les Gandharvas satisferont vos désirs : ils s’adaptent à vos désirs, prennent
la couleur que vous désirez, la vitesse que vous désirez, selon vos
désirs. ». 52.
Arjuna dit : Que ce soit par plaisir, ou
parce que tu as douté pour ta vie que tu donnes ta science, tes biens ou bien
ton savoir, ô Gandharva, je ne le désire pas. ». 53.
Le Gandharva lui dit : « On considère dans les
assemblées qu’une alliance donne du plaisir. J’ai eu du plaisir quand tu
m’as accordé la vie sauve : je te donne ma science. 54.
Car je vais te prendre Āgneya, l’arme suprême : ainsi notre amitié durera
longtemps, ô Rechigneur, taureau des Bhārata. ». 55.
Arjuna lui dit : « En échange de mon arme
je prends les chevaux : que notre alliance soit éternelle. Mon ami Gandharva, dis-moi
ceci : en face de vous, quelle crainte nous abandonnerait ? |
1. 159. Citraratha explique à Arjuna les
bénéfices qu’il peut retirer d’un chapelain. Il l’appelle “descendant de
Tapatī”. Arjuna lui demande pourquoi. (= 22 ślokas) |
Livre I, chapitre 159
1.
Arjuna dit : « Dis-moi donc pour quelle
raison, ô Gandharva, nous avons été attaqués, tandis que nous marchions de
nuit, alors que nous sommes tous des connaisseurs du Brahman, ô dompteur de
tes ennemis. ». 2. Le
Gandharva dit : « Vous êtes sans feu,
sans offrandes, sans un brahmane qui vous précède… Donc vous êtes attaqués par
moi, ô fils de Pāṇḍu. 3.
Les Yakṣas, les Rākṣasas et les Gandharvas, les démons
vampires, les serpents et les hommes racontent en détail
l’histoire de l’illustre lignée des Kuru. 4.
J’ai d’abord entendu Nārada et ensuite les sages divins, ô héros, faire le récit des
vertus de vos sages ancêtres. 5. Et
quand moi-même aussi je parcourais toute cette Terre drapée de l’Océan, j’ai vu la
puissance de ta famille. 6. Je
connais ton maître dans la science de l’archerie, ô Arjuna, le glorieux fils de
Bharadvāja, renommé dans les trois mondes. 7. Je
connais Dharma, et Vāyu, et Śakra, ainsi que les deux Aśvins, et Pāṇḍu, ô
tigre des Kuru, ces six continuateurs de votre lignée, vos pères, ô fils de Pṛthā,
les meilleurs parmi les Dieux et les hommes. 8.
Avec un cœur divin, un grand cœur, les meilleurs de ceux qui portent toutes
sortes d’armes, tes frères sont tous des
héros, fidèles à leurs vœux. 9. Et
même si je connaissais votre esprit et votre sagesse sublimes, Seigneurs à l’âme attentive, j’ai lancé
ici mon attaque, ô fils de Pṛthā. 10.
Et en présence de sa femme, ô fils de Kuru, un homme ne peut pas supporter de se voir lui-même
attaqué : il recourt à la puissance de ses bras. 11.
Et de nuit, notre force prend encore davantage d’importance, si bien que moi et ma femme
avons été pénétrés de colère, ô fils de Kuntī. 12.
Et là j’ai été vaincu par toi au combat, ô continuateur de la lignée de
Tapatī. Je t’explique de quelle
manière : écoute ! 13.
La continence brahmanique est le Dharma suprême, et elle est en toi. C’est la raison pour
laquelle, ô fils de Pṛthā, j’ai été vaincu par toi dans ce combat. 14.
Mais un noble guerrier, quel qu’il soit, s’il est tourné vers son désir, ô
tourmenteur de tes ennemis, et s’il nous affronte de nuit
dans un combat, ne saurait vivre en aucune façon. 15.
Mais dans un combat, un roi, même s’il était tourné vers son désir, ô fils de
Tapatī, pourrait vaincre tous ceux
qui rôdent la nuit, s’il est précédé par un chapelain. 16.
C’est pourquoi, ô fils de Tapatī, quelque désir qu’ait ici-bas le
meilleur des hommes, il faut avoir recours pour
cette tâche à un chapelain dont l’esprit a dompté ses passions. 17.
Les chapelains des princes doivent être voués au Veda et à ses six branches, vertueux, véridiques,
l’esprit dans le Dharma, un esprit accompli. 18.
La victoire serait certaine, et le ciel ensuite, pour le roi dont le chapelain serait
connaisseur du Dharma, éloquent, vertueux et pur. 19. Car
pour acquérir une acquisition non encore acquise et la protéger une fois
acquise, un roi doit produire un
chapelain doué de toutes les vertus. 20.
Le roi qui s’en tiendrait à l’avis de son chapelain aspirerait à posséder entièrement la Terre drapée
de l’Océan, couronnée par le Mont Meru. 21.
Car ce n’est pas uniquement grâce à sa valeur ou à son extraction, ô fils de
Tapatī, qu’un roi, quel qu’il soit,
pourrait jamais conquérir une terre s’il est sans brahmane. 22.
Aussi comprends donc, ô toi qui fait croître la lignée des Kuru, qu’on peut régner longtemps
sur un royaume qui a à sa tête un brahmane. |
1. 160. Histoire de Tapatī. Le soleil
se demande à qui il va marier sa fille Tapatī. Le roi Saṃvaraṇa
montre une grande dévotion envers le soleil. Ainsi, le soleil voudrait bien
lui donner sa fille. Un fois, au cours d’une partie de chasse, le roi
rencontre une jeune fille éblouissante. Il en tombe immédiatement amoureux.
Il l’interroge, mais elle ne répond rien et disparaît. (= 41
ślokas) |
Livre I, chapitre 160
1.
Arjuna dit : « Cette expression
« fils de Tapatī » que tu me dis là, je désire en connaître le
sens exact. 2.
Qui est cette femme du nom de Tapatī à cause de laquelle nous sommes
appelés « fils de Tapatī » ? Car, ô toi qui es bon, nous
sommes les « fils de Kuntī »… Je veux savoir la
vérité. ». 3.
Vaiśampāyana dit : A ces mots, le Gandharva fit
à Dhanaṃjaya, le fils de Kuntī, ce récit bien connu dans les
trois mondes. 4. Le
Gandharva dit: « Hé bien, je te
raconterai cette jolie histoire avec exactitude, dans son
intégralité, ô fils de Pṛthā, le meilleur de ceux qui connaissent
le Dharma : elle est conforme au Dharma. 5. La
raison pour laquelle je t’ai appelé du nom de « fils de
Tapatī », je vais te la raconter :
écoute-moi avec attention. 6.
Celui qui dans son quartier de ciel remplit le firmament de son éclat avait une fille
exceptionnelle du nom de Tapatī. 7.
Vivasvat, ô puissant fils de Kuntī, avait une fille plus jeune que
Sāvitrī, Tapatī, très célèbre
dans les trois mondes pour l’ardeur de son ascèse. 8.
Aucune déesse, aucune Asura non plus, aucune Yakṣa, aucune Rākṣasa, aucune Apsaras, aucune
Gandharva n’avait une beauté comparable. 9.
Son corps était très harmonieux et sans défauts, ses yeux étaient effilés et
très noirs, et de même pour ses manières
très honnêtes, et de même pour ses tenues : c’était une femme
rayonnante. 10.
Savitā [14] considérait,
ô Bhārata, qu’aucun mari dans les trois mondes ne lui correspondait en
beauté, en conduite, en naissance et en savoir. 11.
Voyant que sa fille était en âge d’être donnée en mariage, il ne trouvait donc pas de
repos en songeant à sa dot. 12.
Or, le fils de Ṛkṣa, ô fils de Kuntī, le puissant taureau
des Kuru, le prince Saṃvaraṇa
se conciliait constamment le Soleil, 13.
avec des oblations de guirlandes et des cadeaux (car le prince en faisait
constamment), des austérités, des jeûnes et
aussi toutes sortes d’ascèses. 14.
Obéissant, modeste, vertueux, le fils de Puru honorait le Rayonnant à son
lever, avec dévotion. 15.
Ainsi le Soleil considéra que le prince Saṃvaraṇa correspondait à
Tapatī car il avait souvenir des
choses faites et souvenir du Dharma, et sa beauté n’avait pas d’équivalent
sur terre. 16.
Il désirait ainsi donner cette jeune fille à ce Saṃvaraṇa, le meilleur des princes, ô
fils de Kuru, à l’illustre famille. 17.
Car de même que dans le ciel le rayon resplendissant fait briller son éclat, de même sur Terre le grand
roi Saṃvaraṇa était resplendissant. 18. De
même que ceux qui connaissent le Brahman honorent le Soleil à son lever, de même, ô fils de Pṛthā,
les sujets inférieurs de naissance aux brahmanes honoraient Saṃvaraṇa. 19.
L’illustre prince surpassait la Lune par son affabilité à l’égard de ses
amis, il surpassait le Soleil par
son flamboiement contre ses ennemis. 20.
Un prince d’une telle vertu et ayant un comportement pareil, ô fils de Kuru, le Brûlant en personne songea
à lui donner Tapatī. 21.
Un jour donc, ce roi illustre dont la gloire s’étendait largement sur la
Terre partit à la chasse, ô fils de
Pṛthā, dans les sous-bois d’une montagne apparemment. 22.
Tandis qu’il chassait, accablé par la faim, la soif et l’épuisement, le cheval sans égal du roi
mourut dans la montagne, ô fils de Kuntī. 23.
Une fois son cheval mort, ô fils de Pṛthā, le prince parcourut la
montagne à pieds, et il vit une jeune fille aux
grands yeux qui n’avait pas son pareil au monde. 24.
Seul à seule, ce destructeur de ses ennemis s’approcha de la jeune fille, et ce tigre parmi les princes
resta là à la regarder, le regard fixe. 25.
Car le prince pensait d’après sa beauté que c’était Śrī, puis il considérait qu’elle
était comme un éclat du Soleil qui serait tombé sur Terre. 26.
Le plateau montagneux où se tenait la jeune fille aux yeux noirs avec ses arbres, ses buissons
et ses lianes était comme fait d’or. 27.
Et après l’avoir vue, il méprisa la beauté de tous les autres êtres, et le roi estima que son œil
avait obtenu sa récompense. 28.
Quoi que ce roi eût pu voir depuis sa naissance, il pensait que rien ne lui
était comparable en beauté. 29.
L’esprit et les yeux fixés sur elle par les liens qui l’enchaînaient alors, il ne bougeait plus de
l’endroit où il était et ne pensait plus à rien. 30. Sans
doute, avec cette fille aux grands yeux, le Créateur avait baratté le monde avec les Dieux, les Asuras et
les hommes pour la manifestation de sa beauté. 31.
Ainsi le roi Saṃvaraṇa pensa alors que la jeune fille, à cause de la puissance de sa
beauté, n’avait pas son pareil dans le monde. 32.
Et dès que le roi de noble naissance
vit cette noble jeune fille, son esprit partit dans une
rêverie, car il était tourmenté par la flèche du désir. 33.
Consumé par l’ardent feu de la passion, le prince, confiant, parla à la défiante
et glorieuse jeune fille : 34.
« Qui es-tu ? A qui es-tu, femme aux cuisses galbées ? Et
pourquoi es-tu là ? Et comment se fait-il que tu
marches seule dans une forêt solitaire, femme au sourire éblouissant ? 35.
Car toi, avec tes jambes parfaites en tout point, parée de tous ces bijoux, tu es comme l’ornement que
ces parures désiraient. 36.
Je ne fais cas ni d’une Déesse, ni d’une Asura, ni d’une Yakṣa, ni
d’une Rākṣasa, ni d’une Serpente, ni d’une
Gandharva, ni d’une femme humaine. 37.
Car de toutes les jolies femmes que j’ai pu voir ou dont j’ai entendu parler, je pense qu’il n’y en a
aucune qui te soit comparable, ô femme lascive. ». 38.
Le roi lui parla ainsi, mais elle à ce moment-là ne répondit aucunement à
l’amoureux dans la forêt solitaire. 39.
Tandis que le prince se répandait ainsi en paroles, la jeune fille aux grands
yeux disparut sur le champ comme
un éclair dans les nuées. 40.
Le prince, courant en tous sens, rechercha alors la jeune fille aux yeux de
pétales de lotus, divaguant dans la forêt comme un fou. 41.
Mais ne la voyant pas et poussant de grandes lamentations, le meilleur des fils de Kuru,
incapable de bouger, resta là un bon moment. |
1. 161. Le roi s’évanouit d’amour. La jeune
fille apparaît de nouveau et lui enjoint de se lever. Il lui déclare son
amour et lui demande de l’aimer. Tapatī dit qui elle est, qu’elle l’aime
aussi : qu’il la demande à son père ! Elle monte au ciel. (= 20 ślokas) |
Livre I, chapitre 161
1. Le
Gandharva dit : « Et quand elle fut
devenue invisible, le prince, égaré par le désir, lui, l’abatteur d’une
multitude d’ennemis, s’abattit sur le sol. 2.
Quand il s’abattit à terre, la fille au doux sourire et aux hanches plantureuses se
montra à nouveau au prince. 3. Et
avec une voix suave la jolie fille parla au prince ancêtre des Kuru, dont le
cœur était abattu par le désir : 4.
« Lève-toi ! Lève-toi ! Si tu le permets, ô dompteur de tes
ennemis, je te prie de garder conscience, ô tigre
parmi les princes : tu es connu sur la Terre ! ». 5.
Alors, à ces mots dits d’une voix suave, le prince vit la fille aux larges
hanches debout devant lui. 6.
L’âme envahie par le feu de la passion, d’une voix qui s’échappait
confusément le prince s’adressa à la
fille aux yeux soulignés de noir : 7.
« Femme lascive aux yeux soulignés de noir, je suis accablé
d’amour : aime-moi moi qui t’aime, car
mes souffles disparaissent. 8.
Car à cause de toi, ô femme aux grands yeux, de ses flèches acérées l’Amour me blesse, ô femme
pareille à un calice de lotus, il ne s’apaise pas. 9. Je
suis dévoré sans pouvoir lutter, ma chère, par le grand dragon de
l’Amour : et toi, femme aux hanches
plantureuses, mets fin à cela, femme au visage rayonnant. 10.
Car mes souffles dépendent de toi, toi dont la voix est comme un chant de Kiṃnara
[15], dont le corps est en tout
point gracieux et sans défaut, dont le visage est pareil au lotus et à la
Lune. 11.
Car sans toi, Demoiselle, je ne pourrai pas vivre par moi-même ; aussi, femme aux grands yeux,
aie pitié de moi. 12.
Je t’adore, ô fille aux yeux soulignés de noir, daigne ne pas me
repousser ; oui, daigne me sauver comme
il convient à mon affection, ô femme rayonnante. 13.
Belle Demoiselle, viens à moi selon le rite de mariage des Gandharvas, car l’on dit, ma jolie, que
parmi les mariages, celui des Gandharvas est le meilleur. ». 14.
Tapatī lui dit : « Je ne suis pas
maîtresse de moi-même, ô roi, étant une jeune fille qui suis l’avis de son
père. Si tu as de l’amour pour moi,
demande-moi en mariage à mon père. 15.
Car de même que j’ai saisi tes souffles, ô roi, dès que nous sous sommes vus,
de même et plus encore tu as capturé mes souffles. 16.
Et je ne suis pas maîtresse de mon corps, ô le meilleur des princes :
pour cette raison je ne m’approche pas de toi,
car les femmes ne sont pas indépendantes. 17.
Car quelle jeune fille ne désirerait pas un prince dont la famille est
célèbre dans tous les mondes comme
protecteur, comme mari affectueux et aimant ? 18.
C’est pourquoi, maintenant que le temps est venu, demande-moi en mariage à
mon père Āditya, en te
prosternant, en pratiquant l’ascèse et l’austérité. 19.
Si celui-ci désire me donner à toi, ô destructeur de tes ennemis, je serai à toi pour toujours,
ô roi, soumise. 20.
Car mon nom est Tapatī, je suis la sœur cadette de Sāvitrī, la
fille de Savitā,
le flambeau du monde, ô taureau parmi les nobles guerriers. ». |
1. 162. Saṃvaraṇa s’évanouit de
nouveau. Son escorte le trouve et pense qu’il est tombé de fatigue. On le réconforte.
Saṃvarṇa renvoie son escorte et reste seul avec son ministre. Il
invoque Vasiṣṭha, qui arrive, voit l’état du roi, comprend tout
grâce à sa vision divine et part trouver le soleil. (= 18
ślokas) |
Livre I, chapitre 162
1. Le
Gandharva dit : « A ces mots, cette
fille irréprochable s’envola rapidement : et le roi retomba à nouveau
alors sur le sol. 2. Un
ministre accompagné de son escorte le vit dans la grande forêt, tombé au sol comme se dresse
en son temps l’emblème de Śakra. 3.
Car quand il vit ce maître archer tombé au sol sans son cheval, son compagnon fut comme
incendié par un feu. 4. Et
il s’approcha vite de lui, se précipita avec affection et releva le roi égaré par le
désir, 5. il
releva le souverain maître de la Terre, comme un père son fils tombé à
terre : il était grand aussi bien par
sa sagesse que par son âge, par sa renommée et sa maîtrise de soi. 6. Le
ministre, après l’avoir relevé, fut débarrassé de la fièvre de la
douleur ; et il lui dit d’une voix
noble et douce cette parole éminente : « N’aie pas peur, ô
tigre parmi les hommes et sois heureux, ô irréprochable ! ». 7. Il
estima que le roi, épuisé par la faim et la soif, était tombé à terre, lui qui
au combat faisait tomber ses ennemis. 8. Il
versa sur sa tête de l’eau bien fraîche, parfumée de fleur de lotus,
sans toucher le diadème du roi. 9.
Ayant ainsi retrouvé son souffle, le puissant roi renvoya toutes ses troupes, excepté
cet unique compagnon. 10.
Puis quand les grandes troupes furent parties sur l’ordre du roi, le roi retourna s’asseoir sur
le plateau montagneux. 11.
Puis sur cette grande montagne, après s’être purifié, portant ses mains
jointes au-dessus de sa tête, il voulut se concilier le
Soleil, debout sur le sol, les bras levés. 12.
Alors, le roi Saṃvaraṇa, le tueur de ses ennemis, alla aussi en
esprit vers Vasiṣṭha, le
meilleur des sages, son chapelain. 13.
Nuit et jour ce prince de sang se tint debout au même endroit ; et le douzième jour le sage
brahmane arriva alors. 14.
Il comprit que le roi était amoureux de Tapatī : grâce à la conduite divine où
il absorbait son âme, le grand sage le sut. 15.
Ce prince éminent était maître de lui-même, et le sage au cœur loyal lui
parla avec le désir de lui être profitable. 16.
Tandis que le roi le regardait, le sage bienheureux se mit à s’élever pour aller
voir le Lumineux, ayant lui-même une clarté lumineuse. 17.
Le brahmane rendit hommage au dieu aux mille rayons en portant ses mains
jointes au-dessus de sa tête, et il se présenta lui-même joyeusement :
« Je suis Vasiṣṭha ! ». 18.
Vivasvat au grand éclat dit au meilleur des anachorètes : « Grand sage, sois le
bienvenu ! Parle comme tu le désires ». |
1. 163. Vasiṣṭha demande la
main de Tapatī pour Saṃvaraṇa, et le soleil l’accorde sans
autre. Vasiṣṭha ramène Tapatī. Le roi l’épouse et abandonne
son royaume pendant douze ans pour jouir d’elle dans les montagnes. Indra
cesse de pleuvoir, le royaume dépérit. Vasiṣṭha va le chercher,
il revient dans son royaume et tout s’arrange. Ainsi Arjuna est descendant de
Tapatī. (= 23 ślokas) |
Livre I, chapitre 163
1.
Vasiṣṭha dit : « Ta fille qui s’appelle
Tapatī, la sœur cadette de Sāvitrī, je te la demande en mariage
pour le compte de Saṃvaraṇa, ô bienfaisant Lumineux. 2.
Car ce roi a une grande gloire, il connaît le Dharma et le Profit, il a de
nobles pensées : Saṃvaraṇa est un
mari convenable pour ta fille, ô Célicole. ». 3. Le
Gandharva dit : « A ces mots,
Savitā fut résolu à la lui donner, et Celui-qui-fait-le-jour
répondit au brahmane et lui donna son accord : 4.
« Saṃvaraṇa est le meilleur des rois et toi, anachorète, tu
es le meilleur des sages : Tapatī est la meilleure
des femmes. Pourquoi la donner en mariage ailleurs ? ». 5.
Puis Tapatī, au corps absolument sans défauts, le Brûlant lui-même la
donna à Vasiṣṭha au
grand cœur pour le compte de Saṃvaraṇa. Et le grand sage reçut alors
la jeune Tapatī. 6. Et
quand Vasiṣṭha eut reçu son congé, il retourna donc à l’endroit où se trouvait le
très glorieux taureau des Kuru. 7. Le
roi plein de passion, le cœur hors de lui, vit la divine jeune fille,
Tapatī au doux sourire, qui arrivait en compagnie de
Vasiṣṭha : il fut au comble de la joie. 8. La
douzième nuit difficile était venue pour le roi quand arriva Vasiṣṭha,
le sage bienheureux à l’âme très pure. 9.
Après s’être concilié par son ascèse le dieu propice, le puissant Seigneur
des vaches, Saṃvaraṇa obtint
sa femme grâce à l’éclat de Vasiṣṭha. 10.
Et là, sur la meilleure des montagnes, fréquentée par les Dieux et les
Gandharvas, ce taureau parmi les hommes
prit, selon la règle, la main de Tapatī. 11.
Avec le consentement de Vasiṣṭha, le sage de sang royal désirait s’ébattre avec sa
femme sur cette montagne. 12. Puis
pour la cité, pour le royaume, pour les montures et pour les troupes le roi nomma alors ce
ministre. 13.
Vasiṣṭha donna donc son accord au roi, et il se retira ; de son côté le roi s’ébattit
dans cette montagne comme un Immortel. 14.
Ainsi pendant douze ans, dans les bois et dans les cours d’eau, le roi fit l’amour sur cette
montagne avec sa femme. 15.
Dans la cité de ce roi, pendant douze années entières, le dieu aux mille yeux ne fit
pas tomber la pluie, non plus que dans son royaume tout entier. 16.
Avec les hommes affamés et sans joie ressemblant alors à des cadavres, la cité était comme pleine
des morts du Roi des morts. 17.
Et quand il vit une telle chose, le bienheureux sage Vasiṣṭha au cœur
loyal s’approcha du meilleur des rois. 18.
Et il ramena ce tigre parmi les rois vers sa cité accompagné de Tapatī, ô
roi, après son séjour de douze ans. 19.
Ainsi le Destructeur-des-ennemis-des-Dieux [16]
se mit à pleuvoir comme il le faisait là auparavant, quand ce tigre parmi les rois
fut revenu dans sa cité. 20.
Ainsi la ville et le royaume se réjouirent avec une joie extrême de s’être transformés grâce
au meilleur des chefs qui avait transformé son esprit. 21.
Ainsi pendant encore douze années le roi offrit des sacrifices en compagnie de son épouse
Tapatī, comme Śakra le Seigneur des vents. 22.
C’est ainsi que tu as pour ancêtre la bienheureuse nommée Tapatī, la fille de Vivasvat, ô fils
de Pṛthā : c’est à cause d’elle que l’on estime que tu es
« descendant de Tapatī ». 23.
D’elle le roi Saṃvaraṇa engendra Kuru : issu de l’ardente
Tapatī, tu es le meilleur des ardents. C’est ainsi que tu es le
« fils de Tapatī », ô Arjuna. ». |
1. 164. Histoire de Vasiṣṭha.
Eloge de Vasiṣṭha. (= 14
ślokas) |
Livre I, chapitre 164
1.
Vaiśampāyana dit : Quand il eut entendu la
parole du Gandharva, le taureau des Bhārata, Arjuna, s’illumina d’une joie
extrême, comme la pleine lune. 2. Et
le maître archer, le meilleur des Kuru, parla au Gandharva, car un grand intérêt était né
chez lui pour la puissance ascétique de Vasiṣṭha : 3.
« Qui est ce sage dont tu as mentionné le nom : « Vasiṣṭha » ? Je désire entendre cela,
dis-le moi exactement. 4.
Qui était, ô roi des Gandharvas, ce chapelain de nos ancêtres ? Raconte-moi cela : qui était
ce bienheureux sage ? ». 5. Le
Gandharva lui dit : « Le désir et la colère,
invincibles même par les Immortels, ont toujours été vaincus par
son ascèse, et ils massent ses pieds. 6.
Comme il avait de nobles pensées, il ne se livra pas à la destruction des
fils de Kuśika, bien qu’il conservât une
fureur extrême à cause de la faute de Viśvāmitra [17]. 7.
Bien qu’il fût tourmenté par le sort funeste de son fils, qu’il fût fort et
puissant, il ne songea pas à un acte
violent pour causer la perte de Viśvāmitra. 8. Il
ne transgressa pas la destinée, comme l’océan sa limite, pour aller chercher ses fils
morts dans le séjour de Yama [18]. 9. En
obtenant ce sage au grand cœur qui avait vaincu son cœur, les rois, princes issus d'Ikṣvāku,
s’emparèrent de cette Terre. 10.
Ayant comme éminent chapelain Vasiṣṭha, le meilleur des sages, ces rois offrirent aussi des
sacrifices. 11.
Car ce sage brahmane offrit des sacrifices pour tous ces excellents rois, ô le meilleur des fils de
Pāṇḍu, comme Bṛhaspati pour les Immortels. 12.
Aussi songe à prendre un aumônier, celui que tu voudras, quel qu’il soit, qui soit un brahmane
vertueux, qui concentre son âme dans le Dharma, qui connaisse le Veda et le Dharma. 13.
Car quand on est né noble guerrier et qu’on désire conquérir la Terre, il faut d’abord prendre un
chapelain, ô fils de Pṛthā, pour étendre son royaume. 14.
Un roi qui souhaite conquérir la Terre doit être précédé par le sacré : c’est pourquoi vous devez
avoir, quel qu’il soit, un chapelain qui soit un vertueux deux-fois-né. |
1. 165. Viśvāmitra, fils du roi
Gādhi, au cours d’une partie de chasse, arrive fatigué à l’ermitage de
Vasiṣṭha. Celui-ci l’accueille avec honneur grâce à sa vache
Nandīnī, qui exauce tous les désirs. Viśvāmitra propose à
Vasiṣṭha d’acheter sa vache, celui-ci refuse.
Viśvāmitra essaye d’enlever de force la vache qui ne se laisse pas
faire. Quand Vasiṣṭha lui dit de rester avec lui, la vache crée
des hordes de barbares qui défont l’armée de Viśvāmitra et la
repoussent à trois lieues de là, sans tuer un seul homme.
Viśvāmitra désire alors acquérir les pouvoirs des brahmanes et se
livre à l’ascèse. (= 44 ślokas) |
Livre I, chapitre 165
1.
Arjuna dit : « Quelle fut la raison
de l’inimitié entre Viśvāmitra et Vasiṣṭha qui habitaient tous deux dans
un saint ermitage ? Dis-nous tout cela. ». 2. Le
Gandharva dit : « Le récit concernant
Vasiṣṭha appartient aux récits d’antan, ô fils de Pṛthā,
dans tous les mondes. Apprends-le de moi avec exactitude. 3. A
Kanyakubja il y avait un grand roi, ô taureau des Bharata, célèbre dans le monde sous le
nom de Gādhi, ne songeant qu’à la Vérité et au Dharma. 4. Le
fils de ce prince au cœur loyal avait beaucoup de troupes et de montures, et ce tueur de ses ennemis
était connu sous le nom de Viśvāmitra. 5.
Celui-ci était parti chasser avec ses ministres dans une forêt touffue, perçant de ses flèches les
antilopes et les sangliers dans les endroits charmants et les déserts arides.
6.
Épuisé par l’effort dans sa recherche des antilopes, assoiffé, il arriva, ô le meilleur des
hommes, à l’ermitage de Vasiṣṭha. 7. Le
voyant arriver, Vasiṣṭha, le sage excellent, reçut Viśvāmitra,
le meilleur des hommes, en lui rendant hommage. 8.
Avec l’eau de l’hospitalité pour lui baigner les pieds et lui rincer la
bouche en guise de bienvenue, ô Bhārata, il le reçut, ainsi qu’avec
une oblation de fruits des bois. 9. Or
Vasiṣṭha au grand cœur avait une vache d’abondance : ainsi, quand il lui disait
« Exauce mes désirs », elle remplissait ses désirs. 10.
Elle fournissait des herbes du village ou de la forêt, ainsi que du lait, et un nectar aux six saveurs,
un incomparable élixir de jouvence, 11.
des nourritures de toutes sortes, à manger ou à boire, à lécher, pareilles à
l’ambroisie, et à sucer aussi, ô Arjuna. 12.
Le roi fut honoré et ses désirs entièrement comblés, et le prince avec ses
ministres et ses troupes se réjouit fort. 13.
La vache était longue de six mesures, avec des flancs très larges, d’une
largeur de trois mesures, d’un tour de cinq mesures, avec des yeux de grenouille,
une forme particulière, des mamelles gonflées, irréprochable, 14.
avec une belle queue, des oreilles pointues, des cornes gracieuses,
charmante, une tête et un cou gras et
longs. En la voyant il fut stupéfait. 15.
Viśvāmitra loue Nandī, la vache laitière de Vasiṣṭha, et tout content il dit alors
au sage : 16.
« En échange d’une multitude de vaches, ô brahmane, ou encore de mon
royaume, offre-moi Nandinī et
gouverne mon royaume, ô grand anachorète ! ». 17.
Vasiṣṭha lui dit : « Ma vache est pour les
dieux, les hôtes et les ancêtres, et pour le beurre des libations : je ne peux pas te donner
cette Nandinī, même en échange de ton royaume, ô irréprochable. ». 18.
Viśvāmitra lui dit : « Je suis un noble
guerrier, un seigneur, un brahmane lettré qui a accompli ses ascèses et
récité les textes sacrés : d’où vient la valeur chez les
brahmanes apaisés par la fermeté de leur âme ? 19.
Toi qui ne me donnes pas ce que je désire en échange d’une multitude de
vaches, je n’enfreindrai pas le Dharma
de ma caste : j’emmènerai ta vache de force ! ». 20.
Vasiṣṭha lui dit : « Tu es plein de force,
tu es roi, tu es un noble guerrier au bras puissant : fais vite comme tu le
désires, n’hésite pas ! ». 21.
Le Gandharva dit : « A ces mots, ô fils de
Pṛthā, Viśvāmitra prit alors de force la vache
Nandinī, semblable aux oies de la Lune. 22.
Conduite à coups de fouet et de bâton de côté et d’autre, la belle vache de Vasiṣṭha
mugissait. 23.
Elle retourna vers lui, ô fils de Pṛthā, levant la tête vers le bienheureux,
elle se tint devant lui, et, bien que battue
violemment, elle ne quitta pas l’ermitage. 24.
Vasiṣṭha dit : « J’entends tes cris,
mon amie, tu hurles encore et encore, tu résistes avec force, ô
Nandī, car je suis un brahmane endurant. ». 25.
Le Gandharva dit : « Devant la force de ses
troupes, ô taureau des Bhārata, Nandī fut saisie de frayeur devant
Viśvāmitra et se rapprocha de Vasiṣṭha. 26.
La vache dit : « Quand je suis frappée
à coups de pierres et de bâtons et que je gémis sans protecteur devant les épouvantables
troupes de Viśvāmitra, ô bienheureux, pourquoi me
négliges-tu ? ». 27.
Le Gandharva dit : « Et tandis qu’elle se
faisait ainsi attaquer, ô fils de Pṛthā, le grand anachorète, ferme dans ses vœux, ne
tremblait pas et ne perdait pas son sang-froid. » 28.
Vasiṣṭha dit : « La force des nobles
guerriers est leur éclat, la force des brahmanes est leur patience ; la patience me possède :
aussi va-t’en si cela te semble bon… ». 29.
La vache dit : « Pourquoi donc
m’abandonnes-tu, ô bienheureux, pour me parler ainsi ? Si je ne suis pas abandonnée
par toi, ô brahmane, ils ne seront pas capables de m’emmener de
force ! ». 30.
Vasiṣṭha dit : « Je ne t’abandonne pas,
ma belle, reste si vous le pouvez tous les deux : ils ont entravé ton veau avec
des cordes solides et l’enlèvent de force ! ». 31.
Le Gandharva dit : « Quand la vache eut
entendu Vasiṣṭha lui dire « Reste ! », redressant la tête et le cou,
elle parut effrayante à voir. 32. Les
yeux rouges de colère, avec un cri où se mêlaient meuglements et hurlements,
la vache fit fuir en tous sens l’armée
de Viśvāmitra. 33.
Frappée de fouets et de bâtons pointus, conduite de côté et d’autre, ses yeux flamboyant de
colère, elle se livra encore plus à sa colère. 34.
Comme le Soleil à midi, son corps était tout flamboyant de colère, elle ne cessait de répandre
une pluie de charbons ardents avec sa queue. 35.
Elle créa les Perses avec son anus, les Śabaras et les Scythes avec ses
excréments, et avec son urine elle créa
aussi les Ioniens, et sa colère s’intensifiait. 36.
Et les Puṇḍras, les Kirātas, les Dravidiens, les Singhalais
et les Barbares, ainsi que les Daradas et les
étrangers, c’est avec sa bave qu’elle les créa. 37.
Alors, avec les troupes barbares de toutes sortes qu’elle avait créées, protégées par toutes sortes
de formules magiques et portant toutes sortes d’armes, et irritées, elle écrasa la
grande armée sous les yeux de Viśvāmitra. 38.
Alors chaque soldat fut cerné par cinq, sept combattants, si bien que la troupe,
pourchassée par une grande pluie de projectiles, terrorisée, fut complètement
mise en pièces sous les yeux de Viśvāmitra. 39.
Et personne ne fut alors privé de sa vie dans l’armée de Viśvāmitra par
les hommes en colère de Vasiṣṭha, ô taureau des Bhārata. 40.
L’armée de Viśvāmitra fut pourchassée sur trois lieues, se lamentant, tremblant de
peur, et elle ne trouva pas de protecteur. 41.
Voyant alors ce grand prodige né de l’effulgence du brahmane, Viśvāmitra,
découragé, dit cette parole à ceux qui étaient des nobles guerriers : 42.
« Hélas ! La force des nobles guerriers est une force, la force de
l’effulgence du brahmane est une force. Si l’on délibère sur la force
et l’absence de force, l’ascèse est la plus grande force… ». 43.
Abandonnant son royaume florissant et sa resplendissante fortune de roi, il laissa derrière lui ses
richesses et tourna son esprit vers l’ascèse. 44.
Par son ascèse il atteignit l’accomplissement et fortifia les mondes par son
éclat, et la puissance de son
flamboiement les brûla tous et il obtint le statut de brahmane, et le descendant de
Kuśika but le jus de Soma avec Indra. |
1. 166. Le roi Kalmāṣapāda
rencontre sur un chemin Śakti, le fils de Vasiṣṭha et lui demande
brutalement de lui laisser le passage. Comme celui-ci refuse, il le frappe de
son fouet. Śakti le maudit : “Tu m’as frappé comme un rākṣasa,
tu te nourriras désormais de chair humaine. Viśvāmitra suivait
Kalmāṣapāda. Il s’approche, reconnaît Śakti, invoque un
rākṣasa, Kiṃkara, qui prend possession du roi. Alors que le
roi rentre chez lui, un brahmane lui demande de la nourriture : “Attends ici,
lui dit le roi, dès que je serai rentré à la maison, je t’enverrai de quoi
manger”. Mais le roi oublie sa promesse. Il se réveille en pleine nuit,
éveille son cuisinier et l’envoie porter la nourriture au brahmane. Il n’y a
plus de viande : “Nourris-le de chair humaine !”, dit le roi possédé par le
rākṣasa. Le brahmane reconnaît la nature de ce qu’on lui donne et
maudit à nouveau le roi “Qu’il se nourrisse de chair humaine !”. Le roi
maudit rencontre Śakti, le tue et le mange. Puis, sur les instigations
de Viśvāmitra, il dévore les cent autre fils de Vasiṣṭha.
Vasiṣṭha apprend le rôle qu’a joué Viśvāmitra. Il essaye,
en vain de mettre fin à ses jours. (= 45
ślokas) |
Livre I, chapitre 166
1. Le
Gandharva dit : « Il y avait en ce monde
un roi, du nom de Kalmāṣapāda, issu de la lignée d'Ikṣvāku, ô fils de Pṛthā, tel un
éclat de lumière sur la Terre. 2. Un
jour ce roi partit de sa cité pour chasser en forêt, et ce destructeur de ses
ennemis allait perçant de ses flèches les antilopes et les sangliers. 3. Or
ce roi, accablé par la faim et la soif, suivant un chemin étroit croisa le fils de Vasiṣṭha
au grand cœur, le meilleur des sages. 4. Ce
roi invincible à la bataille vit l’anachorète qui venait à sa
rencontre ; il avait nom Śakti, il
était un éminent fils de la famille de Vasiṣṭha, le fils aîné des cent fils de
Vasiṣṭha au grand cœur. 5.
« Pars de ce chemin, il est à moi ! » dit le prince. Le sage lui parla pour l’apaiser, avec une
voix gentille. 6.
Mais le sage ne s’écarta pas, il restait dans le chemin du Dharma ; et le roi non plus ne partit
pas, par orgueil et aussi par colère envers l’anachorète. 7.
Comme le sage ne libérait pas le chemin, cet excellent roi dans son égarement frappa
l’anachorète avec un fouet, à la manière d’un Rākṣasa. 8.
Frappé ainsi à coups de fouet, cet excellent anachorète, le fils de Vasiṣṭha,
lança une malédiction contre le meilleur des rois, car sa colère s’était
durcie : 9.
« Puisque, comme un Rākṣasa, tu frappes un ascète, ô le
dernier des rois, pour cette raison tu seras à
partir d'aujourd'hui un mangeur d’hommes. 10.
Tu parcourras cette Terre à la recherche de chair humaine ! Va, ô le pire des
rois ! » lui dit Śakti qui tirait son pouvoir de son énergie. 11.
Ainsi, c’est à cause de leur sacrificateur qu’entre Viśvāmitra et
Vasiṣṭha il y eut alors une
querelle ; or Viśvāmitra suivait le roi. 12.
Tandis que les deux se disputaient arriva près d’eux le sage à l’ascèse terrible,
ô fils de Pṛthā, le majestueux Viśvāmitra. 13.
Par la suite ce prince excellent avait ainsi reconnu le sage, le fils du sage Vasiṣṭha,
ce Vasiṣṭha dont il avait l’éclat. 14.
Viśvāmitra se cacha alors, ô Bhārata, et s’approcha des deux,
recherchant son propre intérêt. 15.
Mais alors, quand cet excellent prince eut été maudit par Śakti, il chercha refuge auprès de
Śakti, pour le prier de s’apaiser. 16.
Connaissant l’état d'esprit du roi, ô fils de Kuru, Viśvāmitra envoya
un Rākṣasa vers le prince. 17. A
cause de la malédiction de ce sage brahmane et du commandement de
Viśvāmitra un Rākṣasa du nom
de Kiṃkara s’insinua alors dans le prince. 18.
Et quand l’anachorète vit alors qu’il était possédé par un Rākṣasa, Viśvāmitra
s’éloigna de cet endroit, ô dompteur de tes ennemis. 19.
Le sage prince, quoique se gouvernant lui-même, était grandement tourmenté
par le Rākṣasa qui était entré en lui. 20.
Un deux-fois-né vit le roi tandis qu’il rentrait chez lui et, affamé, il lui demanda
alors à manger de la viande. 21.
Et Mitrasaha, le sage de sang royal, dit alors au deux-fois-né : « Toi le brahmane, reste
ici même un moment, lui dit-il pour le réconforter. 22.
Quand je serai de retour, je te donnerai la nourriture que tu désires ». A ces mots le roi partit et
le meilleur des deux-fois-nés resta là. 23.
Mais ce que le roi avait dit au brahmane disparut alors quand le roi entra dans son
gynécée pour s’y détendre. 24.
Ainsi, au milieu de la nuit, le roi se leva et fit venir en hâte son
cuisinier, car il se rappelait ce qu’il
avait promis au brahmane, et il lui dit : 25.
« Toi là, va à cet endroit, un brahmane m’y attend qui mendie de la
nourriture : porte-lui de la nourriture à base de viande. ». 26.
Alors à ces mots le cuisinier, ne trouvant nulle part de la viande, plein d’angoisse en informa
alors le roi. 27.
Mais le roi, possédé par le Rākṣasa, dit au cuisinier :
« Eh bien, sois délivré de tes angoisses, nourris-le aussi avec de la
chair humaine ! », répétant cela encore et encore. 28.
Après avoir dit « D’accord », le cuisinier alla dans le quartier
des bourreaux et en hâte il emporta de la
chair humaine sans crainte. 29.
Après l’avoir préparée selon les règles, il la déposa vite sur du riz et il l’offrit à l’ascétique
brahmane affamé. 30.
Le meilleur des deux-fois-nés, avec sa vision parfaite, voyant cette
nourriture lui dit, les yeux pleins de
colère : « C’est là une nourriture interdite ! 31.
Puisque ce roi me donne une nourriture interdite, il aura pour cette raison le
désir même de son égarement : 32. A
la recherche de chair humaine, comme le lui a dit Śakti auparavant, il parcourra la Terre, objet
de dégoût pour les créatures. ». 33.
Avec une imprécation prononcée à deux reprises contre le roi, la malédiction
prit de la puissance : il était envahi par la
puissance du Rākṣasa et avait alors perdu l’esprit… 34.
Puis cet excellent roi, avec ses sens affectés par le Rākṣasa, aperçut Śakti et lui dit
tout de suite, ô Bhārata : 35.
« Puisque tu as jeté sur moi cette malédiction à nulle autre pareille, eh bien, c’est avec toi que
je commencerai à manger de la chair humaine ! ». 36.
Immédiatement après avoir dit cela, il lui ôta le souffle, et il dévora Śakti comme
le tigre un animal qu’il convoite. 37.
Et quand Viśvāmitra vit que Śakti avait été tué, alors à
nouveau il dirigea le Rākṣasa
contre les fils de Vasiṣṭha. 38.
Il dévora la bonne centaine de fils de Vasiṣṭha au grand cœur, avec furie, comme un lion le
fait du petit gibier. 39.
Quand Vasiṣṭha apprit que Viśvāmitra avait fait tuer
ses fils, il supporta son chagrin,
comme la grande montagne le fait de la Terre. 40.
Et le meilleur des anachorètes prit la résolution de se suicider, car le meilleur des sages ne
songeait pas à la destruction des Kuśika. 41.
Le bienheureux sage se jeta du sommet du mont Meru : sa tête tomba sur les rochers
comme sur un tas de coton. 42.
Et puisqu’il n’était pas mort de cette chute, ô fils de Pāṇḍu, le bienheureux alluma un feu
dans une grande forêt et y entra. 43. Mais
alors le feu ne le brûla pas, bien qu’il fût très embrasé : tout flamboyant qu’il était,
ô tueur de tes ennemis, le feu était froid !... 44.
Le grand anachorète, plein de chagrin, alla vers l’Océan, il attacha une lourde pierre
à son cou et sauta alors à l’eau. 45.
Le grand anachorète fut ramené sur le rivage par le courant des vagues de
l’Océan ; alors, déprimé, il repartit
vers son ermitage. |
1. 167. Il essaie encore, en vain, de mettre
fin à ses jours. Il retourne à son ermitage et entend réciter le veda, mais
il n’y a là que sa belle-fille Adṛśyantī. En fait, c’est son
petit-fils qui récite depuis le ventre de sa mère. Voyant que sa descendance
est assurée, Vasiṣṭha renonce à se supprimer. Arrive un terrible
rākṣasa qui veut le dévorer. (=
21 ślokas) |
Livre I, chapitre 167
1. Le
Gandharva dit : « Puis l’anachorète,
voyant son ermitage privé de ses fils, repartit ensuite de son
ermitage, accablé par son malheur. 2. Il
vit la rivière Pūrṇā qui, comme c’était la saison des pluies,
avait de nouvelles eaux et transportait divers grands
arbres poussés sur ses rives, ô fils de Pṛthā. 3. Et
à nouveau il s’adonna à la réflexion, ô fils des Paurava : « Je pourrais plonger
dans cette eau… », car il était dans le malheur. 4.
Alors le grand anachorète s’entrava lui-même étroitement avec des cordes et, plein de chagrin, il
plongea dans les eaux de la grande rivière. 5.
Mais la rivière trancha ses cordes, ô destructeur des forces ennemies, et heureusement elle délivra
le sage de ses liens et le relâcha. 6.
Puis, une fois délivré de ses cordes, le grand sage émergea, et le grand sage donna à la
rivière le nom de Vipāśā [19]. 7. Puis
il médita sur son chagrin et il ne demeura pas en un seul endroit : il alla dans les montagnes,
les rivières et les étangs. 8.
Puis à nouveau le sage vit alors une rivière descendant de l'Himālaya, pleine de crocodiles féroces,
et il se jeta dans ses flots. 9.
Cette excellente rivière, pensant que le brahmane était semblable au feu, s’enfuit dans cent
directions. C’est pourquoi elle est célèbre sous le nom de Śatadru [20]. 10.
Puis, voyant qu’il était là encore revenu sur la terre ferme, « Il ne m’est pas
possible de mourir » dit-il, et il s’en retourna à son ermitage. 11.
Suivi par Adṛśyantī, sa belle-fille, il s’avançait en
direction de son ermitage, et il se trouva qu’il
entendit le murmure d’une lecture du Veda dans son dos, ornés des six
annexes pleines de sens. 12.
« Qui donc me suit ? » dit-il alors. « Mais c’est moi, Adṛśyantī,
lui répondit sa belle-fille, l’épouse de Śakti, ô
éminent ascète plein de tourments. ». 13.
Vasiṣṭha dit : « Ma fille, de qui vient
ce son d’une lecture du Veda avec
ses annexes comme jadis j’ai entendu de
Śakti le Veda avec ses
annexes ? ». 14.
Adṛśyantī lui dit : « Dans mon ventre a
grandi le bébé de Śakti, ton fils, depuis douze ans
maintenant : il se récite les Veda,
ô anachorète. ». 15.
Le Gandharva dit : « A ces mots, Vasiṣṭha,
le meilleur des sages, fut plein de joie : « Il y a une
succession » dit-il, et il se détourna de la mort. 16.
Puis il s’en retourna en compagnie de sa belle-fille, ô irréprochable, et il vit Kalmāṣapāda
assis dans une forêt solitaire. 17. Dès
qu’il le vit, le roi se leva en colère, ô Bhārata, possédé par la colère du
Rākṣasa, désirant le dévorer 18.
Adṛśyantī, voyant en face d’elle cet homme se comporter
méchamment, dit ceci à Vasiṣṭha
d’une voix bouleversée par la peur : 19.
« Celui-ci vient par ici, semblable au Trépas, avec sa terrible massue,
ô bienheureux ! le Rākṣasa
s’approche, terrifiant, avec un bout de bois qu’il a arraché ! 20.
Personne sur terre n’est capable de le repousser, personne d’autre que toi aujourd’hui,
Excellence, le meilleur des connaisseurs de tout le Veda. 21.
Sauve-moi, ô bienheureux, de ce méchant au regard épouvantable, car assurément ce Rākṣasa
cherche maintenant à nous dévorer tous deux… ». |
1. 168. Vasiṣṭha l’asperge
d’eau, et le rākṣasa redevient le roi Kalmāṣapāda
dans toute sa splendeur. Celui-ci retourne dans sa ville d’Ayodhyā,
libéré de sa malédiction, accompagné de Vasiṣṭha. Il lui demande
d’engendrer un fils pour lui, et, grâce à Vasiṣṭha, sa femme met
au monde, au bout de douze ans de grossesse, un fils, Aśmaka. (= 25
ślokas) |
Livre I, chapitre 168
1.
Vasiṣṭha dit : « N’aie crainte, ma
fille, il ne faut pas avoir peur du Rākṣasa, en aucune façon. Il n’est pas un Rākṣasa
celui dans lequel tu vois un danger imminent. 2. C’est
le vaillant roi Kalmāṣapāda, célèbre sur la Terre, c’est lui qui habite dans cet
endroit, il est très effrayant. ». 3. Le
Gandharva dit : « Vasiṣṭha,
le bienheureux sage, l’observa tandis qu’il fondait sur lui, et le sage éclatant l’arrêta
en émettant un hūm [21], ô
Bhārata. 4. Et
il l’aspergea avec de l’eau rendue pure par un mantra, et il délivra le meilleur des
rois de l’épouvantable Rākṣasa. 5.
Car cela faisait douze ans qu’à cause de l’éclat de Vasistha il avait été éclipsé, comme
le Soleil par l’Éclipseur [22]
lors d’une phase de la Lune. 6.
Alors, délivré du Rākṣasa, le roi par son éclat colora de rouge la grande
forêt, comme le Lumineux les nuages au crépuscule. 7. Le
roi reprit conscience, le salua en portant ses mains jointes à son front, et en cet instant il dit à
Vasiṣṭha, le meilleur des sages : 8.
« Je suis le fils de Sudā, Éminence, ton sacrificateur, ô le
meilleur des deux-fois-nés. Dis-moi ce que tu désires en
ce moment, que puis-je faire pour toi ?... ». 9.
Vasiṣṭha lui dit : « Cet événement s’est produit à point
nommé. Va et gouverne ton royaume, et ne méprise jamais les
brahmanes, ô prince des hommes ! ». 10.
Le roi lui dit : « Je ne mépriserai
jamais, ô brahmane, les taureaux parmi les brahmanes. Je m’en tiendrai toujours à
tes ordres, je rendrai hommage aux deux-fois-nés. 11.
Mais, ô le meilleur des deux-fois-nés, je voudrais obtenir de toi un vœu par lequel je me
libérerais de ma dette envers la lignée d'Ikṣvāku, ô le meilleur
des connaisseurs des Veda. 12.
Daigne aller pour moi auprès de ma première épouse qui désire une
descendance, (elle a de la vertu, de la
beauté et du mérite) afin d’accroître la lignée d'Ikṣvāku. 13.
Le Gandharva dit : « Je donnerai »
répondit alors au roi, cet excellent archer, Vasiṣṭha,
le meilleur des deux-fois-nés, fidèle à sa parole. 14.
Puis ce fut le moment, ô irréprochable, où, en compagnie de Vasiṣṭha,
s’en alla le seigneur des hommes vers
Ayodhyā, la plus belle des cités, célèbre dans les mondes. 15.
Alors tous ses sujets, dans la joie, allèrent à la rencontre de leur seigneur au grand
cœur délivré du mal, comme les dieux célicoles pour leur seigneur. 16.
Bientôt le seigneur des hommes entra dans la ville sainte, en compagnie de Vasiṣṭha
au grand cœur. 17. Puis,
ô roi, ses sujets, les habitants d’Ayodhyā le virent comme le Soleil se lève au
temps où il est en conjonction avec le Cancer. 18.
Car le roi, le meilleur des hommes riches, avec ses richesses rendit hommage à Ayodhyā, comme se lève
dans le ciel la Lune aux rayons froids en automne. 19.
Avec ses rues nettoyées à grande eau, avec ses bannières dressées qui la
décoraient, la somptueuse cité réconforta
son cœur. 20.
Cette cité, ô fils de Kuru, bondée de gens prospères et joyeux, resplendissait comme Amarāvatī
avec Śakra. 21.
Puis quand le roi, cet Indra parmi les rois, fut entré dans cette cité, la reine, sur l’ordre du roi,
s’approcha de Vasiṣṭha. 22.
Quand ce fut la période favorable, le grand sage s’unit à elle, lui l’excellent sage Vasiṣṭha
avec cette reine divine, selon la règle divine. 23.
Et quand un embryon se développa en elle, le meilleur des anachorètes après avoir été salué par le
roi, retourna à son ermitage. 24.
Mais comme, après l’avoir porté pendant longtemps, elle n’enfantait pas le
bébé, la reine se perça son propre
ventre avec une pierre. 25.
C’est la douzième année, ô taureau parmi les hommes, que naquit le sage de sang royal nommé
Aśmaka qui fonda Potana. |
1. 169. Adṛśyantī donne
naissance à Parāśara. L’enfant pense que Vasiṣṭha est
son père. Un jour qu’il l’appelle papa, sa mère lui explique que c’est en
fait son grand-père. L’enfant, vexé de n’avoir pas dit la vérité, décide de
détruire le monde. Vasiṣṭha, pour le calmer lui raconte
l’Histoire d’Aurva. Le grand roi Kṛtavīrya a engagé les Bhṛgu
comme chapelain. A sa mort, quelques-uns de ses descendants, tombés dans la
misère, vont demander aide aux Bhṛgu, qui enterrent leurs richesses
pour ne pas les donner. Un d’eux trouve le trésor enterré, et, furieux
d’avoir été joués, ils tuent tous les descendants de Bhṛgu. Les femmes
se sauvent. L’une d’elle, enceinte, est rattrapée. L’enfant sort de son sein
et aveugle les guerriers qui la poursuivent. Ceux-ci plaident auprès d’elle.
(= 25 ślokas) |
Livre I, chapitre 169
1. Le
Gandharva dit : « Adṛśyantī,
qui vivait dans l’ermitage, donna naissance à un fils, continuateur de la lignée de
Śakti, ô roi, comme un deuxième Śakti. 2. Le
bienheureux, ce taureau parmi les anachorètes, fit lui-même pour son
petit-fils les rites de naissance et ce
qui s’ensuit, ô le meilleur des Bhārata. 3. Et
parce que Vasiṣṭha sur le
point de mourir avait été arrêté par lui depuis l’intérieur de la
matrice, on se souvient de lui sous le nom de Parāśara [23]. 4.
Cet enfant au cœur loyal pensait alors depuis sa naissance que Vasiṣṭha
était son père, et se
comportait avec lui comme avec un père. 5.
Celui-ci répondit « Papa » à Vasiṣṭha, le sage
brahmane, devant sa mère Adṛśyantī,
ô fils de Kuntī, tourmenteur de tes ennemis. 6.
Quand elle entendit ce doux mot de « Papa », plein de sens, Adṛśyantī,
les yeux pleins de larmes, lui dit : 7.
« Ne dit pas “Papa, papa, papa”, le grand anachorète n’est pas ton
papa : ton papa, mon enfant, a été
mangé par un Rākṣasa. 8. Celui
que tu penses être ton papa n’est pas ton papa, ô irréprochable : cet homme noble est le père
de ton père au grand cœur. ». 9. A
ces mots, le meilleur des sages à la voix véridique fut opprimé par le
malheur, et ce sage au grand cœur prit
la résolution de détruire l’ensemble du monde. 10.
Écoute par quel moyen Vasiṣṭha, le grand ascète, a arrêté l’homme au grand cœur dont le
cœur était ainsi résolu. 11.
Vasiṣṭha dit : « Il y avait sur terre
un prince connu sous le nom de Kṛtavīrya, un taureau parmi les rois,
sacrificateur en ce monde des descendants de Bhṛgu, connaisseurs du Veda. 12.
Ce roi des peuples, à la fin du sacrifice du Soma, contentait grandement ceux-qui-mangent-en-premier
avec du riz et des richesses, mon fils. 13.
Quand ce tigre parmi les princes fut parti au ciel, un jour les membres de sa famille
furent dans l’obligation de fournir pour le sacrifice. 14.
Tous les rois, connaissant la fortune des descendants de Bhṛgu, vinrent, mon fils, vers les
excellents descendants de Bhṛgu pour les solliciter. 15.
Certains descendants de Bhṛgu cachèrent leur richesse impérissable dans
la terre, d’autres les donnèrent aux
deux-fois-nés, connaissant leur peur des nobles guerriers. 16.
Mais certains descendants de Bhṛgu donnèrent l’argent selon leur désir aux nobles guerriers, mon
fils, en considération d’autres raisons. 17.
Et en creusant le sol, mon fils, un noble guerrier trouva par hasard un trésor dans le
palais des descendants de Bhṛgu ; et tous les taureaux parmi les
nobles guerriers se réunirent et regardèrent ce trésor. 18.
Puis, par colère et par mépris, ces maîtres archers tuèrent de leurs flèches
aiguës tous les descendants de Bhṛgu qui demandaient grâce, ils parcouraient la Terre
nourricière continuant à tuer, y compris les bébés. 19.
Et tandis que les descendants de Bhṛgu se faisaient massacrer,
terrorisées alors les épouses des descendants
de Bhṛgu, mon fils, partirent se réfugier sur la montagne de
l'Himālaya. 20.
L’une d’elles dans sa peur portait son bébé rayonnant dans une de ses cuisses (elle
avait de belles cuisses) pour continuer la lignée de son mari. Ils virent cette femme
brahmane qui rayonnait de son propre éclat. 21.
Alors le bébé, fendant la cuisse de la brahmane, sortit, aveuglant les yeux des nobles
guerriers, comme le Soleil à midi. Ainsi, privés de leurs yeux,
ils divaguèrent dans les ravins des montagnes. 22.
Alors, dans leur désarroi, frappés de terreur, ces taureaux parmi les nobles
guerriers cherchèrent refuge auprès de
la brahmane irréprochable pour retrouver leur vue. 23.
Et privés de lumière, accablés par le malheur, comme des feux dont la flamme
est morte, les nobles guerriers, privés
de raison, dirent à la bienheureuse : 24.
« Par la grâce de la Bienheureuse, puisse la noblesse guerrière repartir
avec ses yeux ! Puissions-nous, nous qui
avons fait le mal, renoncer et partir ! 25.
Daigne, toi et ton fils, nous faire grâce à tous, et daigne préserver les rois
en leur rendant la vue ! ». |
1.
170. Elle leur dit de s’adresser à son fils Aurva, qu’elle a porté pendant
cent ans dans son sein pour préserver la descendance de Bhṛgu : c’est
lui qui les a privés de la vue. Il leur pardonne, mais, pour punir
l’extermination de sa race, il décide de détruire le monde. Il se livre à une
ascèse terrible, et commence à brûler le monde. Ses ancêtres lui demandent de
calmer sa colère et d’épargner le monde : c’est intentionnellement qu’ils
s’étaient laissé tuer, pour gagner le ciel. (= 21 ślokas) |
Livre I,
chapitre 170
1. La
brahmane dit : « Ce n’est pas moi qui
vous prends votre vision, mon garçon, ni la personne qui est en colère : mais c’est sûrement ce
descendant de Bhṛgu, né de ma cuisse, qui est en colère contre vous. 2. C’est
sûrement par cet enfant au grand cœur que vos yeux vous ont été enlevés, mon
garçon, dans sa colère, car il se
rappelait que ses parents avaient été tués, il n’y a pas de doute. 3.
Puisque vous, mes fils, vous tuiez aussi les bébés des descendants de Bhṛgu, alors j’ai porté ce bébé dans
ma cuisse pendant cent ans. 4.
Car l’intégralité du Veda avec ses
six annexes, quand il était à l’intérieur de ma matrice, l’a pénétré, dans son désir
de favoriser davantage la lignée des Bhṛgu. 5.
C’est sûrement parce qu’il est en colère du massacre de ses pères qu’il
désire vous tuer : c’est lui qui par son
rayonnement divin vous a privés de vos yeux. 6.
Suppliez Aurva, mon fils éminent, mes garçons : quand vous vous serez
prosternés devant lui et qu’il sera satisfait, il délivrera vos yeux. ». 7. Le
Gandharva dit : « A ces mots, tous les
rois dirent à l’enfant né de la cuisse « Fais-nous
grâce ! », et alors il leur fit grâce. 8. Et
c’est sous ce nom que dans les mondes est célèbre cet éminent et sage brahmane, « Aurva » :
c’est en fendant la cuisse qu’il
est né [24]. 9.
Après avoir recouvré leurs yeux, les princes repartirent ; mais l’anachorète descendant
de Bhṛgu avait en tête la destruction de l’ensemble du monde. 10.
Ce sage au grand cœur concentra tout son esprit, mon fils, sur la destruction intégrale
de tous les mondes. 11.
Le meilleur des fils de Bhṛgu désirait rendre hommage aux fils de Bhṛgu en détruisant tous
les mondes, en augmentant l’ardeur de sa grande ascèse. 12.
Et il brûlait les mondes avec les Dieux, les Asuras et les hommes avec l’immense et impétueuse
ardeur de son ascèse. 13.
Alors, mon fils, ses ancêtres reconnurent le meilleur des descendants de Bhṛgu ; ils descendirent tous du
monde des ancêtres et lui dirent ces mots : 14.
« Aurva, nous avons vu la puissance de ton impétueuse ardeur, fils, fais grâce aux mondes,
retiens ta colère ! 15.
Car, mon fils, ce n’est pas parce qu’alors ils étaient impuissants que les Bhṛgu
à l’âme accomplie ont tous laissé faire ce
massacre par les nobles guerriers qui les tuaient. 16.
Quand la fatigue d’un âge avancé nous a pénétrés, alors, mon fils, c’est
nous-mêmes qui avons désiré d’être massacrés par les nobles guerriers. 17.
Un trésor a donc été enfoui par l’un de nous dans le palais des Bhṛgu et a donc été déposé pour
susciter l’hostilité des nobles guerriers et pour qu’ils s’irritent. Car qu’a-t-on à faire d’un
trésor quand on désire le ciel, ô taureau parmi les deux-fois-nés ? 18.
Or quand le Trépas ne peut pas du tout nous prendre, alors nous voyons que cet
expédient est autorisé, mon fils. 19.
Et un homme qui se suicide, mon fils, n’obtient pas les mondes
splendides : c’est en considérant cela que
nous ne nous sommes pas détruits nous-mêmes. 20.
Nous n’aimons pas, fils, ce que tu désires faire là : détourne ton esprit de ce
mal, la destruction de tous les mondes. 21.
Car aucun des nobles guerriers, aucun des sept mondes, mon fils, ne nuit à notre ascèse, à
notre éclat : détruis la colère qui monte en toi ! ». |
1. 171. Aurva ne peut revenir sur sa parole
et le feu qu’il a suscité le brûlera s’il tente de l’éteindre. Ses ancêtres
lui montrent que l’eau est l’essence des mondes. Ainsi, s’il brûle de son feu
les eaux de l’océan, il n’ira pas contre son serment. Aurva jette son feu
dans l’océan, où il continue de brûler les eaux. Voilà un exemple qui montre
à Parāśara qu’il doit calmer sa fureur. (= 23
ślokas) |
Livre I,
chapitre 171
1.
Aurva dit : « L’engagement que j’ai
prononcé alors dans ma colère, ô pères, de détruire tous les mondes
ne saurait être vain. 2.
Car je ne supporte pas de vivre si mon engagement et ma colère sont vains. Et même si je me débarrassais
de ma rage, elle me brûlerait comme le feu le fait du bâton à feu. 3.
Car l’homme qui pour une raison ou pour une autre accepte d’apaiser la colère
qui est née en lui, n’a absolument pas la
possibilité de conserver les trois buts de l'homme sur Terre. 4.
Celui qui réprime les incultes est le protecteur de ceux qui sont cultivés. C’est avec raison que les
rois qui ambitionnent d’aller au ciel usent de leur rage. 5.
J’ai entendu, pendant que j’étais un embryon
et que je reposais dans la cuisse de ma mère, les cris de la parentèle de
ma mère, quand les nobles guerriers massacraient les Bhṛgu. 6.
Car quand dans les mondes, les pires des nobles guerriers et les dieux avec
eux ont permis la destruction des
Bhṛgu, alors la fureur m’a pénétré. 7. Et
les mères avec, comme on sait, leur matrice toute pleine et les pères aussi au moment du danger n’ont eu,
dans tous les mondes, aucune possibilité de fuir. 8.
Personne alors n’est venu au secours des femmes des Bhṛgu, quand alors mon excellente
mère me portait dans une de ses cuisses. 9.
Car quand dans les mondes il y a quelqu’un qui repousse le mal, alors dans tous les mondes il
ne survient aucun criminel. 10.
Mais si un homme mauvais ne trouve jamais un homme qui repousse le mal, alors dans le monde beaucoup
de gens s’adonnent à de mauvaises actions. 11.
Et celui qui, bien qu’il connaisse un crime et qu’il en ait le pouvoir, ne le
réprime pas, celui-là, même s’il est un
maître, est mis en connexion avec cette action. 12.
Si mes pères n’ont pas pu être sauvés par des rois et des seigneurs qui le pouvaient, alors
qu’ils pensaient que la vie ici est souhaitable, 13.
dès lors, irrité contre eux, je suis maintenant le seigneur des mondes. Pourtant je ne peux pas
négliger votre parole, Seigneurs. 14.
Même pour moi qui suis un seigneur vertueux, ce serait là quelque chose de
grave de négliger à nouveau un
danger dû aux péchés des mondes. 15.
Et ce feu, né de ma colère qui désire s’emparer des mondes, me brûlerait moi-même si je
le réprimais avec ma propre chaleur. 16.
Je comprends votre désir d’agir dans l’intérêt des créatures du monde
entier ; aussi, faites-moi savoir ce
qui est le mieux pour les mondes et pour moi, ô seigneurs. ». 17.
Les pères lui dirent : « Ce feu, né de ta
colère qui désire s’emparer des mondes, lâche-le dans les eaux, si tu
veux bien, car les mondes reposent sur les eaux. 18.
Tous les fluides sont faits d’eau, tout l’univers est fait d’eau : aussi lâche dans les eaux le
feu de ta colère, ô le meilleur des deux-fois-nés. 19.
Que celui-ci reste, si tu le veux bien, ô brahmane, dans le grand Océan, que le feu né de ta colère brûle
les eaux, car l’on dit que les mondes sont faits d’eau. 20.
Ainsi, ô irréprochable, ton engagement sera véridique, et en même temps les mondes
avec les Dieux n’iront pas vers la destruction. ». 21.
Vasiṣṭha dit : « Ainsi, mon fils, Aurva
lance le feu né de sa colère dans la demeure de Varuṇa et il utilise les eaux dans
le grand Océan. 22.
Devenu une grande tête de cheval (c’est ce que savent les connaisseurs du Veda), crachant le feu par sa
bouche, il boit les eaux dans le grand Océan. 23.
Aussi, si tu le veux bien, daigne ne pas anéantir les mondes, ô Parāśara, puisque
tu connais les plus grandes lois du Dharma, ô toi le meilleur des
savants. ». |
1. 172. Parāśara, alors, offre un
sacrifice où il brûle les rākṣasa. Les grands ṛṣi le convainquent
de cesser ce sacrifice, et il jette le feu qui avait servi à brûler les
rākṣasa sur les flancs nord de l’Himavant. (= 17 ślokas) |
Livre I, chapitre 172
1. Le
Gandharva dit : « Après ces mots de Vasiṣṭha
au grand cœur, le sage brahmane réprima sa colère pour ne pas
détruire le monde entier. 2. Et
le meilleur de tous les connaisseurs du Veda, avec son grand éclat, Parāśara, le sage
fils de Śakti, fit un sacrifice lors du grand sacrifice des Rākṣasas. 3.
Ainsi le grand anachorète brûla les Rākṣasas, les vieux aussi bien
que les jeunes, pendant la célébration du
sacrifice, en souvenir du meurtre de Śakti. 4.
Car Vasiṣṭha ne l’empêcha pas de massacrer les Rākṣasas, dans sa résolution de ne pas
briser son deuxième engagement. 5. Le
grand anachorète, dans ce sacrifice à trois feux qui flamboyaient devant lui,
était lui-même comme un quatrième feu. 6. Ce
sacrifice splendide, où l’on offrait les libations selon les règles, illuminait le ciel comme le
Soleil après les nuages. 7.
Vasiṣṭha et tous les autres anachorètes qui étaient là
considéraient qu’il était comme un second
Soleil flamboyant de son éclat divin. 8.
Puis Atri, le sage aux très nobles pensées, s’approcha de ce sacrifice auquel il était très
difficile aux autres de participer, car il voulait y mettre fin. 9.
Ainsi Pulastya, Pulaha ainsi que Kratu s’approchèrent du grand sacrifice, ô tueur
de tes ennemis, dans leur désir de laisser vivre les Rākṣasas. 10.
Devant le massacre de ces Rākṣasas, ô taureau des Bhārata,
Pulastya dit cette parole, ô fils de Pṛthā,
à Parāśara, dompteur de ses ennemis : 11.
« Est-ce que ça ne va pas s’arrêter ? Est-ce que ça te fait
plaisir, fils, ce massacre de tous ces
Rākṣasas qui n’y comprennent rien et sont innocents ? 12.
Cette destruction totale de ma progéniture [25],
ô le meilleur des buveurs de Soma, c’est le pire crime que tu
commets contre le Dharma, alors que tu es vertueux, ô Parāśara. Et le roi Kalmāṣapāda
désire monter au ciel… 13.
Et les jeunes frères de Śakti, les fils de Vasiṣṭha le grand
anachorète, sont pleins de joie et se
réjouissent avec les Dieux… Et tout cela est su de Vasiṣṭha,
ô grand anachorète… 14.
Et c’est l’extermination des pauvres Rākṣasas, mon fils… Et là tu es le responsable de
ce sacrifice, ô fils de Vasiṣṭha ! Renonce à ce grand sacrifice,
si tu le veux bien, que ce soit une affaire réglée pour toi… ». 15.
Après ces mots de Pulastya et du sage Vasiṣṭha, Parāśara, le fils
de Śakti, mit fin au grand sacrifice. 16.
Le feu qu’il avait préparé pour le grand sacrifice de tous les Rākṣasas,
l’anachorète le lança sur le versant Nord
de l'Himālaya aux grandes forêts. 17.
Et là, encore aujourd’hui, on voit les Rākṣasas, les arbres et les
rocs toujours dévorés par le feu à
chaque phase de la lune. |
1. 173. Pourquoi Vasiṣṭha a-t-il
dû procurer un fils au roi Kalmāṣapāda ?. Citraratha explique
: quand il était soumis à sa malédiction, Kalmāṣapāda avait
rencontré dans la forêt un couple de brahmanes, et dévoré le mari sans lui
laisser le temps de donner un fils à son épouse. Celle-ci le maudit : il
perdra instantanément la vie s’il couche avec sa femme et ce sera Vasiṣṭha
qui lui donnera un successeur. Voilà pourquoi le roi a demandé à Vasiṣṭha
de lui donner un fils. (= 24
ślokas) |
Livre I, chapitre 173
1.
Arjuna dit : « Ô gourou, le meilleur
de ceux qui connaissent le Dharma, le roi Kalmāṣapāda, quelle raison a-t-il mise en
avant pour donner une assignation à sa femme ? 2.
Et, alors que ce sage au grand cœur connaît au plus haut point le Dharma du
monde, comment ce Vasiṣṭha
au grand cœur a pu se livrer à une union interdite jadis ? Daigne tout me
dire, je te le demande. ». 3. Le
Gandharva lui dit : « Dhanaṃjaya,
apprends de moi ce que tu me demandes au sujet de l’inaccessible
Vasiṣṭha ainsi que du roi Mitrasaha. 4. Je
t’ai raconté auparavant comment ce roi avait été maudit par Śakti, ô le meilleur
des Bhārata, le fils de Vasiṣṭha au grand cœur. 5.
Tombé sous l’emprise de la malédiction, les yeux tout pleins de colère, le roi partit de la cité avec
sa femme, ô tourmenteur de tes ennemis. 6. Il
partit avec sa femme dans une forêt solitaire et il la parcourut : elle était pleine d’une
multitude de bêtes de toutes sortes, grouillant de créatures de toutes
sortes, 7.
enveloppée de toutes sortes de buissons et de lianes, couvertes de toutes
sortes d’arbres, une forêt résonnant
d’épouvante dans laquelle il divaguait, possédé par la malédiction. 8. Un
jour, chassant pour se nourrir, dévoré par la faim qui le tourmentait, il vit
près d’une cascade dans la forêt un brahmane et sa femme qui
s’étaient unis pour copuler. 9.
Tous deux, quand ils le virent, s’enfuirent effrayés, sans avoir pu finir, et tandis qu’ils
s’enfuyaient, le roi saisit le brahmane de force. 10.
Voyant que son mari avait été capturé, la brahmane dit : « Ô roi vertueux, écoute
la parole que je vais te dire. 11.
Car tu es issu de la lignée du Soleil, tu es très célèbre dans le monde, tu es attentif au Dharma et
tu t’y tiens, tu te réjouis à écouter la parole de ton gourou. 12.
Tu as subi une malédiction, ô inaccessible, daigne ne pas faire le mal ! C’est ma période de
fécondité, et je me suis unie aujourd’hui à mon mari. 13.
Et je n’ai pas pu finir avec mon mari, et il est important pour moi d’avoir
des enfants. Fais grâce, ô le meilleur des
princes, laisse partir mon mari ! ». 14.
Tandis qu’elle se lamentait ainsi très fort, lui très cruellement dévora son mari, comme un
tigre la proie qu’il convoite. 15.
Elle, dominée par la colère, fit tomber une larme sur le sol, et elle devint un feu
flamboyant qui illumina l’endroit. 16.
Ainsi tourmentée par son chagrin, abattue par le malheur de son mari, la brahmane dans sa colère
maudit Kalmāṣapāda, le sage de sang royal : 17.
« Être vil et malfaisant, puisque avant que j’aie fini tu as sous mes yeux dévoré
aujourd’hui mon puissant et très glorieux mari, 18.
eh bien toi aussi, abruti, tu seras gravement touché par ma
malédiction : quand, au moment de sa
période de fécondité tu t’approcheras de ta femme, immédiatement tu perdras
la vie ! 19.
Le sage Vasiṣṭha, dont les fils ont été tués par toi, ta femme s’unira à lui et
elle enfantera un fils : et ce fils sera le
continuateur de ta lignée, ô le pire des princes ! ». 20.
Et après avoir ainsi maudit le roi, la bonne descendante d'Aṅgiras entra sous ses yeux dans le
feu flamboyant. 21.
Et le bienheureux Vasiṣṭha vit tout cela grâce à son grand yoga de la
connaissance et à son ascèse, ô tourmenteur de tes ennemis. 22.
Et quand le sage de sang royal fut ainsi délivré de sa malédiction après un
long temps, il tomba sur Madayantī
pendant sa période de fécondité, mais elle le repoussa. 23.
Car le prince ne se souvenait pas de cette malédiction, étant égaré par la
malédiction. Mais quand le meilleur des
princes eut entendu la parole de la reine, il se rappela la malédiction
et fut violemment tourmenté. 24.
C’est pour cette raison que le roi désigna Vasiṣṭha à sa propre épouse, ô le
meilleur des Bhārata, car il était touché par le mal de la
malédiction. ». |
[1] Yajñasena est l’épithète
de Drupada, le roi des Pāñcālās.
Draupadī, la fille de Drupada, est dite aussi Kṛṣṇā
« la Noiraude ».
[2] La même histoire a déjà
été racontée auparavant (I, 121, 5).
[3] Autre nom de la rivière
Yamunā.
[4] Paraśurāma :
avec la hache magique que lui donna Śiva, il détruisit vingt-une générations
de nobles guerriers, dont il fit trois lacs de sang au Samantapañcaka.
[5] Draupadī.
[6] Droṇa.
[7] Yajñasena
« Chef-de-l’armée-sainte », épithète de Drupada.
[8] Śaṃkara :
épithète de Śiva « accordant sa bénédiction ».
[9] Pārṣata :
patronyme de Drupada.
[10] Aṅgiras.
[11] Indra.
[12] Citraratha « au char
merveilleux » devient Daghdaratha « au char consumé ».
[13] Viśvāvasu,
Gandharva géant à la beauté prodigieuse.
[14] Savitā, l’un des
douze Radiaux, est le Soleil levant ; son épouse est Tvāṣṭrī ;
il symbolise le pouvoir magique du Verbe identifié au pouvoir procréateur du
Soleil.
[15] Être céleste fabuleux à
corps d'homme et tête de cheval.
[16] Śiva.
[17] Triśaṅku, fils
du roi Trayyāruṇa de la lignée solaire, ayant perturbé le mariage
d'un brahmane, son père le répudia à la demande de Vasiṣṭha. En
punition de l’exil de Triśaṅku, le pays fut frappé de douze ans de
sécheresse; la famille de Viśvāmitra, fils de Kuśika, en
souffrit ; Satyavrata s'en émut, et fit vivre la famille des produits de
sa chasse; un soir, n'ayant pas trouvé de gibier, il atteignit l'ermitage de
Vasiṣṭha, il tua sa vache d'abondance Nandinī, en mangea, et
offrit le reste à la famille de Viśvāmitra; quand Vasiṣṭha
l'apprit, il le maudit.
[18] Śakti, fils aîné de
Vasiṣṭha, cheminant sur un chemin étroit, se trouva face au roi
Kalmāṣapāda, et lui demanda de s'écarter, ayant priorité comme
brahmane ; le roi le frappa d'un bâton et le maudit ; Vasiṣṭha
fit posséder le roi par un rākṣasa ; Kalmāṣapāda
devint lui-même un rākṣasa et dévora Śakti et ses cent frères.
[19] Vipāśa =
« sans lien ».
[20] Śatadru = « qui
s’écoule dans cent directions ».
[22] Rāhu, fils de Siṃhikā,
dragon daitya qui dévore le Soleil ou la Lune durant les éclipses.
[23] Étymologisation par le
mot parāsu « qui est sur le
point de mourir ».
[24] De ūru « la cuisse ».
[25] Les Rākṣasās
descendent de Nirṛti, ou de Pulastya (Mah. I,60, 7)