(19) Incendie de la forêt Khāṇḍava
: 214-225
1. 214. Excellence du règne de Yudhiṣṭhira. Un jour, Arjuna
et Kṛṣṇa vont se baigner dans la Yamunā. Description
de la partie de campagne. Arjuna et Kṛṣṇa devisent à part,
quand un brahmane vient les trouver.
(= 32 ślokas) |
Livre I, chapitre 214
1.
Vaiśampāyana dit : « Tandis qu’ils
séjournaient à Indraprastha, ils firent périr d’autres rois, sur l’ordre du roi Dhṛtarāṣṭra
et du fils de Śāṃtanu. 2. Se
reposant sur le roi du Dharma, tout le monde vivait là tranquillement, comme des âmes se reposant
sur le corps, pur par ses signes favorables et ses actions. 3. Ce
taureau des Bhārata cultivait pareillement le Dharma, le Désir et le
Profit, comme quelqu’un qui, ayant
des parents, respecte ses parents comme trois autres lui-même. 4. Le
Dharma, le Désir et le Profit, comme incarnés, ayant été répartis en parts égales sur Terre, le
roi était comme la quatrième. 5.
Les Veda trouvèrent dans ce roi un
lecteur supérieur, les grands sacrifices un
exécutant, les castes un brillant protecteur. 6. le Dharma intégral un parent
avec ce seigneur de 7. En
compagnie de ses quatre frères, le roi était un surplus, comme un sacrifice trouve sa
plénitude quand on y fait usage des Veda. 8.
Dhaumya et les autres brahmanes l’entouraient et lui rendaient hommage, comme les chefs des
Immortels, pareils à Bṛhaspati, pour le
Seigneur-des-créatures. 9.
Dans leur joie extrême de voir le roi du Dharma comme la pleine Lune
immaculée, les yeux autant que le cœur
de ses sujets étaient charmés. 10.
Ses sujets ne trouvaient pas seulement plaisir à leur sort dans leur
condition : celui-ci réalisait par ses
actes ce qui leur était cher au cœur. 11.
Car il n’y avait rien d’inconvenant, de faux, de mensonger ou de déplaisant qui vînt à être dit par le
sage fils de Pṛthā aux paroles aimables. 12.
Car ce qui était bien pour le monde entier et pour lui-même, l’illustrissime, le meilleur
des Bhārata prenait plaisir à tâcher de le faire. 13.
Ainsi tous les Pāṇḍava, joyeux et débarrassés de la fièvre
de la douleur, vivaient là, faisant trembler
les rois de 14.
Quelques jours après, le Rechigneur dit à Kṛṣṇa : « Ce sont les jours
chauds : allons à la rivière Yamunā. 15.
Entourés d’amis, divertissons-nous là-bas, ô Destructeur-de-Madhu , le soir nous
retournerons : puisse cela te plaire, ô Tourmenteur-des-hommes. ». 16.
Le fils de Vasudeva dit: « Fils de Kuntī,
moi aussi cela me plait d’aller me baigner entourés d’amis, ô fils de Pṛthā :
nous nous divertirions à notre gré. ». 17.
Vaiśampāyana dit : « Après avoir salué le
roi du Dharma et lui avoir demandé sa permission, le fils de Pṛthā
et Govinda partirent, entourés d’amis. 18.
Ils arrivèrent à leur magnifique lieu de loisir, planté de toutes sortes
d’arbres, avec des maisons, petites et
grandes, semblables à la demeure du Destructeur de remparts. 19.
Des nourritures étaient là à leur disposition, de succulentes boissons de
grand prix, avec des guirlandes de toutes
sortes : cela était digne du descendant de Vṛṣṇi et du
fils de Pṛthā. 20.
Ils entrèrent : c’était plein de joyaux splendides, grands et petits, et tous les gens jouaient
comme ça leur plaisait, ô Bhārata. 21.
Les filles s’amusaient, les unes dans la forêt, les unes dans l’eau, les unes
dans les maisons, dans les endroits où cela
plaisait à Krsna et au fils de Pṛthā. 22.
Draupadī et Subhadrā auraient offert aux femmes des vêtements et des bijoux
de grand prix quand elles furent ivres. 23.
Les unes dansaient joyeusement, et d’autres criaient, d’autres femmes riaient, et
d’autres buvaient d’excellents alcools. 24.
D’autres pleuraient là et se frappaient entre elles, et d’autres discutaient entre
elles de leurs secrets. 25.
Réjouissant les esprits, les pipeaux, les vīṇās et les
tambours en tous sens remplissaient vraiment de
leurs sonorités cette forêt très prospère. 26.
Pendant que cela se passait ainsi, les deux fils de Kuru et de
Daśārha allèrent près de là dans un
endroit tout à fait ravissant. 27.
Une fois arrivés là, ces deux Kṛṣṇa au grand cœur,
conquérants de leurs ennemis, s’assirent tous deux, ô roi,
dans deux sièges de grand prix. 28.
Là, le fils de Pṛthā et
Mādhava trouvèrent du plaisir à se raconter un grand nombre d’actes de vaillance et de
voluptés d’un passé révolu. 29.
Alors qu’ils étaient assis là, joyeux, comme les Aśvin sur la voûte du
firmament, un brahmane s’approcha alors
du fils de Vāsudeva et de Dhanaṃjaya. 30. Il
était pareil à un grand arbre Śal, avec la splendeur de l’or fondu, d’un teint rouge fauve, la
barbe fauve, pareil à un modèle idéal, 31.
semblable au Soleil levant, vêtu de noir, portant le chignon, la bouche pareille à des
pétales de lotus, et son éclat cuivré semblait le faire flamboyer. 32.
Cet excellent deux-fois-né, rayonnant, s’approcha des deux Kṛṣṇa ; Arjuna et le fils de
Vāsudeva se mirent vite debout. |
1. 215. Il se présente comme un brahmane
vorace, et demande qu’on lui donne, pour une fois, suffisamment à manger.
Quand on le lui accorde, il révèle qu’il est Agni, et veut dévorer la forêt
Khāṇḍava protégée par Indra. Tous ses essais antérieurs ont
été infructueux. Arjuna lui demande un arc et des flèches pour pouvoir
affronter Indra, et des chevaux. (= 19
ślokas) |
Livre I, chapitre 215
1.
Vaiśampāyana dit : « Celui-ci dit à Arjuna
et au fils de Vāsudeva, le Satvat : « Les deux grands héros
du monde se tiennent là, près de la forêt de Khāṇḍava. 2. Je
suis un brahmane vorace, je mange toujours sans mesure. Je vous le demande en aumône,
descendant de Vṛṣṇi et fils de Pṛthā, donnez-moi
mon content en une seule fois. ». « Par quelle nourriture,
Seigneur, serais-tu rassasié ? Nous nous emploierons à cette
nourriture. ». héros qui lui demandaient
quelle nourriture ils devaient préparer : 5.
« Moi je ne veux pas manger de la nourriture : je suis le Feu,
sachez-le. La nourriture qui me
convient, vous deux offrez-la moi ! 6.
Indra protège toujours de l’incendie cette forêt de Khāṇḍava, moi je ne peux pas la brûler
tant qu’elle est protégée par le Dieu au grand cœur. 7.
Son ami, le serpent Takṣaka, séjourne toujours ici, et par conséquent, avec ses
troupes, le Porteur-du-foudre la protège de l’incendie. 8.
Ici, du coup, de nombreuses créatures sont protégées. Je désire la brûler, mais je
ne peux pas la brûler, à cause de l’éclat de Śakra. 9.
Celui-ci, dès qu’il me voit m’enflammer, se met à pleuvoir avec les eaux de
ses nuages : aussi, malgré mon envie, je
ne peux pas brûler cette forêt comme je le désire. 10.
Comme j’ai trouvé en vous deux des alliés experts en armes, je pourrais brûler la forêt
de Khāṇḍava : c’est là la nourriture que j’ai choisie. 11.
Car vous deux, étant d’éminents experts en armes, vous arrêterez de toutes parts absolument
tous les nuages porteurs de pluie et toutes les créatures. ». qui voulait brûler la forêt
de Khāṇḍava contre la volonté du Dieu aux cent
sacrifices : 13.
« J’ai des armes excellentes, divines et nombreuses avec lesquelles je serais
même capable de combattre plusieurs Porteurs-du-foudre. 14.
Mais je n’ai pas d’arc, ô Bienheureux, qui serait adapté à mes bras puissants et qui résisterait au flot de
mon énergie quand je livrerai bataille. 15.
Et comme je tire vite, j’ai besoin d’un nombre inépuisable de flèches, car mon char ne peut pas
porter autant de flèches que je désire. 16.
Et je voudrais des chevaux divins, blancs et rapides comme le vent, et un char qui ait le fracas
d’un nuage orageux et un éclat pareil à celui du Soleil. 17.
De même Kṛṣṇa n’a pas d’arme qui corresponde à sa force avec laquelle Mādhava
pourrait tuer les serpents et les Piśācas [1] pendant le combat. 18.
Veuille nous dire, ô bienheureux, le moyen de réussir dans notre
entreprise : ainsi je pourrais empêcher
Indra de pleuvoir sur la grande forêt. 19.
Ce qui est humainement faisable, tous deux nous le ferons, ô Feu : veuille nous donner, ô
Bienheureux, des moyens appropriés… ». |
1. 216. Agni invoque Varuṇa
et lui demande l’arc Gāṇḍīva; et le char marqué de
l’emblème du singe pour Arjuna, et le disque pour Kṛṣṇa.
Varuṇa les donne. Description de ces armes. Arjuna et Kṛṣṇa
sont prêts, et Agni commence à dévorer la forêt Khāṇḍava. (= 34 ślokas) |
Livre I, chapitre 216
1.
Vaiśampāyana dit : « A ces mots, le
Bienheureux, le Dévoreur d’offrandes qui a la fumée pour bannière, pensa à Varuṇa, le
Gardien du monde, et désira voir ce fils d’Aditi, ce Dieu qui
habite dans l’eau, le Seigneur des eaux. 2. Et
connaissant ce qu’il pensait, il se fit voir du Feu ; et le Dieu qui a la fumée
pour bannière lui parla, après avoir rendu hommage à ce Seigneur des eaux, le quatrième des Gardiens du
monde, le Protecteur, le Seigneur Suprême : 3.
« L’arc qui a été donné par le roi Soma, ainsi que les deux carquois, donne-les vite tous les deux,
ainsi que le char à la bannière représentant un singe. 4.
Car le fils de Pṛthā
accomplira une très grande tâche avec l’arc Gāṇḍīva, et que le disque soit offert
de ma part au fils de Vāsudeva. ». « D’accord, je le
donne » répondit Varuṇa au Feu. 5.
C’était une merveille, d’une grande puissance, qui ferait croître sa gloire
et sa renommée, inattaquable par toutes les
armes, et destructrice de toutes les armes, la souveraine de toutes les
armes, inattaquable par l’armée ennemie, 6.
équivalant à elle seule à une centaine de milliers d’arcs, accroissant la
puissance du royaume, chamarrée avec toutes sortes
de couleurs, rutilante, polie, sans éraflure, 7.
vénérée pour l’éternité par les Dieux, les Dānavas et les Gandharvas. Il lui donna ce joyau parmi
les arcs, et les deux grands carquois inépuisables, 8. et
le char attelé de chevaux divins, portant l’éminente bannière du singe, équipé de chevaux de
Gandharvas argentés, harnachés d’or, semblables à des nuages
blancs, pareils au vent de l’esprit par leur rapidité, 9.
muni de tous les équipements, invincible pour les Dieux et les Dānavas, resplendissant, tonitruant,
ravissant toute créature. 10.
Il avait été créé de sa propre ascèse par Bhauvana, le Seigneur de l’univers, le Seigneur-des-créatures, et
sa forme était indescriptible, comme celle du Soleil. 11.
Le Seigneur Soma, monté dessus, avait vaincu les Dānavas ; il était semblable à un
éléphant, un nuage de pluie, et comme flamboyant de beauté. 12.
Etait attachée à cet excellent char une hampe de drapeau splendide, pareille à l’arme de Śakra,
dorée, rutilante, inégalable. 13.
Et sur celle-ci un singe divin, portant les signes du lion et du tigre, se tenait là debout sur le
sommet, semblant rugir, tout brillant. 14.
Là, sur le drapeau, il y avait toutes sortes de grandes créatures dont les cris faisaient
perdre conscience aux armées des ennemis. 15.
Ce char sublime était décoré de toutes sortes de bannières. Le fils de Pṛthā
en fit rituellement le tour par la gauche et s’inclina devant les divinités. 16.
Equipé, avec sa cuirasse, son épée, ayant bouclé son protège-doigt et le
bandeau de cuir qui protégeait son bras, il grimpa sur le char comme
un homme vertueux sur un char céleste. 17.
Quand Arjuna souleva le Gāṇḍīva divin, le meilleur des
arcs, créé jadis par Brahmā,
il fut plein de joie. 18.
Le puissant héros salua alors aussi le Dévoreur d’offrandes, puis il rassembla ses forces,
et se mit à bander l’arc avec sa corde. 19.
Quand elle fut bandée par le puissant Pāṇḍava, ceux qui alors entendirent le
cri de la corde sentirent leur esprit chanceler. 20.
Ayant reçu le char, l’arc, ainsi que les deux carquois inépuisables, le fils de Kuntī se
sentit prêt et se réjouissait des aides qui lui avaient été apportées. 21.
Puis le Feu donna à Kṛṣṇa un disque dont le centre était un
foudre, l’arme bien-aimée d’Agni, et
il se sentit prêt. 22.
Et le Feu lui dit : « Avec ça, ô Destructeur-de-Madhu, tu vaincras au combat même
ceux qui ne sont pas humains, pas de doute ! 23.
Avec ça, dans les combats avec des hommes, et même avec des Dieux, des Rākṣasas, des
Piśācās, des Asuras, des Serpents, toujours tu seras supérieur, ça ne fait pas de
doute, en exterminant les meilleurs. 24.
Et à chaque fois que tu le lanceras dans le combat, ô Mādhava, sur tes
ennemis, et qu’il aura tué sans
pouvoir être arrêté dans la bataille, il retournera dans ta main. ». 25.
Et Varuṇa lui donna une massue grondant comme la foudre, porteuse de mort pour les
Asuras, terrifiante, du nom de « Kaumodakī de Viṣṇu ». 26.
Alors, joyeux, Kṛṣṇa et le Pāṇḍava dirent
au Feu : « Nos armes sont prêtes,
nous avons tous deux notre équipement, notre char, et aussi nos
bannières ; 27.
nous sommes prêts, ô Bienheureux, à combattre aussi tous les Dieux et les
Asuras, à plus forte raison un seul
Porte-foudre qui veut se battre pour un serpent ! ». 28.
Arjuna dit : « Et si le vaillant
descendant de Vṛṣṇi lance son arme, son disque, pendant le
combat, il n’y a personne dans les
trois mondes dont le Tourmenteur-des-hommes ne soit vainqueur. 29.
En tenant l’arc Gāṇḍīva ainsi que mes deux grands
carquois inépuisables, je me fais fort moi aussi de
vaincre les mondes au combat, ô Feu ! 30.
Enveloppe en tous sens cette forêt d’un grand incendie, Seigneur, enflamme-toi selon ton désir,
nous sommes prêts à t’aider ! ». 31.
Vaiśampāyana dit : « A ces mots du prince de
Daśārha et d’Arjuna, le Bienheureux prit sa forme éclatante et
entreprit de brûler la forêt. 32.
L’enveloppant en tous sens, le Feu aux sept flammes brûlait Khāṇḍava
hargneusement, comme s’il faisait voir la fin de ce monde. 33.
Encerclant la forêt et la pénétrant, ô taureau des Bhārata, dans un grondement de nuage
fulminant, il réduisait en cendre toutes les créatures, 34.
Tandis que la forêt brûlait, elle prenait une forme brillante, ô
Bhārata, comme celle du mont Meru, le
roi des montagnes, rayonnant d’or. |
1. 217. Les créatures qui vivent
dans la forêt périssent dans l’incendie. Arjuna les empêche de s’échapper.
Indra, alerté par les dieux, vient au secours de la forêt. Il envoie une
pluie abondante, mais celle-ci s’évapore au contact du feu. Indra envoie des
pluies encore plus abondantes. (= 22
ślokas) |
Livre I, chapitre 217
1.
Vaiśampāyana dit : « Sur leurs chars, ces
deux tigres parmi les hommes, se tenant des deux côtés de la forêt, se livrèrent dans toutes les
directions à un grand massacre des créatures. 2.
Car à chaque fois qu’ils voyaient des animaux vivant dans Khāṇḍava qui s’enfuyaient, à chaque
fois les deux héros les poursuivaient. 3.
Car ils ne voyaient pas d’issues à cause de la célérité des deux chars, ces auriges sur leurs
excellents chars semblaient tout à fait excités. 4.
Tandis que Khāṇḍava brûlait, par milliers des créatures s’enfuyaient dans les dix
directions en poussant des hurlements terribles. 5.
Beaucoup étaient brûlés en un seul endroit, et d’autres se consumaient tandis que leurs yeux
éclataient et tombaient, perdus et en pleine confusion. 6.
Les uns serraient leurs fils dans leurs bras, d’autres leurs pères et leurs
mères, par affection ils ne
pouvaient les abandonner, et ainsi couraient à leur perte. 7.
D’autres, les yeux brouillés, bondissaient par milliers, et tourbillonnant çà et là
tombaient à nouveau dans le feu. 8.
Les plumes, les yeux et les pattes brûlés, se tordant sur le sol, on voyait çà et là des êtres
en train de mourir. 9.
Tous les étangs s’étant mis à bouillir, ô Bhārata, on voyait des milliers de
tortues et de poissons qui avaient perdu la vie. 10.
Et avec leurs corps enflammés, qui les faisaient ressembler à des feux
vivants, on voyait dans cette forêt
les animaux rendre leur dernier souffle. 11.
Et tandis qu’ils ils tressaillaient ainsi, le fils de Pṛthā les coupait en morceaux avec ses flèches, puis il les jetait dans les
flammes noires du feu en éclatant de rire. 12.
Tous leurs membres criblés de flèches, ils poussaient de grands hurlements, sautaient en l’air
impétueusement et retombaient dans le feu. 13.
Touchés par les flèches et brûlés, on entendait les hurlements des animaux
des bois, pareils à l’Océan baratté. 14.
Les grandes flammes du Feu ravi montaient jusqu’au ciel, et elles firent naître un
très grand trouble chez les Dieux du ciel. 15.
Alors tous les Dieux du ciel au grand cœur allèrent chercher refuge auprès du Roi
des Dieux aux mille yeux, le Destructeur de remparts [2]. 16.
Les Dieux dirent : « Pourquoi donc tous ces
hommes sont-ils brûlés par la flamme noire du feu ? L’anéantissement des mondes
n’est-il pas arrivé, ô Roi des immortels ? ». 17.
Vaiśampāyana dit : « Après les avoir
entendus, le Tueur de Vṛtra entra en introspection et le Dieu aux chevaux bais
partit pour délivrer Khāṇḍava. le roi des Dieux, emplit
entièrement le ciel et commença à pleuvoir. 19.
En un clin d’œil il répandit une pluie de gouttes d’eau, des centaines de
milliers, et le Dieu aux mille yeux
plut sur le Feu à Khāṇḍava. 20.
Mais les gouttes d’eau ne l’atteignaient pas à cause de l’éclat de
Jātavedā, elles se vaporisaient dans le
ciel, aucune n’atteignait le Feu. 21.
Alors, le Tueur de Namuci, très en colère contre le Flamboyant, plut à nouveau en répandant
sur lui beaucoup d’eau. 22.
Le Feu, entravé par la pluie, grouillait de fumée et d’éclairs, et la forêt était
épouvantable, avec des grondements de tonnerre. |
1. 218. Arjuna couvre la forêt
d’une nuée de flèches qui arrêtent la pluie. Le serpent Takṣaka n’est
pas dans la forêt, mais son fils Aśvasena essaye d’échapper. Sa mère
l’avale pour le protéger. Arjuna coupe la tête de la mère, mais Indra réussit
à sauver le serpent. Arjuna s’en prend directement à Indra et le couvre de
flèches. Indra envoie ses propres armes, aidé par Vāyu. Arjuna riposte.
Les oiseaux et les serpents attaquent Arjuna qui les détruit de ses flèches.
Les dieux, les gandharva, les rākṣasa se jettent à leur tour dans
la bataille, mais sont défaits par Arjuna, tandis que Kṛṣṇa
défait les sura et les Asuras avec son disque. Indra, monté sur son éléphant,
lance son foudre, et tous les dieux viennent à la rescousse, chacun avec son
arme. Arjuna et Kṛṣṇa les arrêtent. Indra envoie une pluie
de rochers, puis une montagne, mais Arjuna les détruit de ses flèches avant
qu’ils ne touchent terre. (= 50
ślokas) |
Livre I, chapitre 218
1.
Vaiśampāyana dit : « Tandis qu’il faisait
pleuvoir de l’eau, le Pāṇḍava, le Rechigneur, le refoulait avec une pluie
de flèches, faisant une démonstration de ses armes extraordinaires. 2.
Avec ses flèches le Pāṇḍava couvrit toute la forêt de Khāṇḍava de toutes parts, après en
avoir éloigné la pluie. 3. Et
absolument aucune créature ne pouvait s‘en échapper pendant que l’Ambidextre
l’enveloppait en lançant des flèches qui sillonnaient le ciel. 4.
Takṣaka, le roi des serpents à la grande force, n’était pas là pendant que cette forêt
brûlait, il était alors à Kurukṣetra. 5.
Mais il y avait là Aśvasena, le puissant fils de Takṣaka, et il s’efforçait ardemment
de se délivrer du Feu. 6.
Mais il ne pouvait pas sortir, pressé par les flèches du fils de Kuntī, et sa mère, fille de serpent,
essaya de le sauver en l’avalant. 7.
Elle avala en premier sa tête, et tandis qu’elle avalait sa queue, la serpente s’étira vers le
haut, avide de son fils. 8. De
sa flèche aiguë à large bord, le Pāṇḍava lui trancha la tête quand
elle s’avança, et le roi des Dieux la vit. 9. Le
Porteur-du-foudre, désirant le libérer, égara le Pāṇḍava avec du vent et de la pluie,
et pendant ce temps Aśvasena se libéra. 10.
Alors, voyant qu’avec cette illusion épouvantable il avait été trompé par le
serpent, il coupa en deux, en trois,
les êtres qui étaient dans le ciel, ô Bhārata. 11.
Et plein de colère, le Rechigneur maudit cet animal flexueux, et le Feu et le fils de
Vāsudeva dirent : « Qu’il ne trouve pas de
support ! ». 12.
Alors le Triomphant, plein de colère, combattit le Dieu aux mille yeux, en tendant le ciel de ses
flèches tranchantes, se souvenant de cette tromperie. 13.
Le roi des Dieux, voyant Arjuna tout à fait en colère, lança son arme flamboyante
qui tonna dans tout le ciel. 14.
Alors Vāyu dans un grand tumulte fouailla tous les océans, du haut du ciel il fit naître
des nuages qui pêle-mêle déversaient des torrents d’eau. 15.
Pour le repousser Arjuna lança aussi son arme suprême anti-vent, en l’accompagnant
d’un mantra, étant expert dans l’observation. 16.
Avec celle-ci, il neutralisa la force et l’énergie des nuages et de la foudre
d’Indra, et les nues porteuses de
pluie se desséchèrent et les éclairs disparurent. 17.
Et en un instant le ciel se retrouva débarrassé des nuées et des ténèbres, le vent devint doux et frais,
le disque du Soleil reprit son état originel. 18.
Et ravi qu’il n’y ait plus d’obstruction, le Dévoreur d’offrandes, agissant
de diverses manières, s’enflamma avec un
flamboiement incomparable, remplissant l’univers de ses hurlements. 19.
Voyant que l’incendie de forêt était protégé par les deux Kṛṣṇa,
les orgueilleux oiseaux, conduits par Garuḍa,
s’envolèrent vers le ciel. 20.
Les Garuḍas, avec leurs ailes, leurs becs et leurs serres semblables au
foudre, désireux de combattre,
piquèrent depuis le ciel vers Kṛṣṇa et le Pāṇḍava. 21.
De même les hordes des serpents qui étaient près du Pandava sortaient avec leurs gueules
brillantes et lançaient leur terrible venin. 22.
Le fils de Pṛthā , voyant les volatiles en colère, les trancha
avec ses flèches. Impuissants, ils tombèrent
dans le feu flamboyant qui anéantit leurs corps. 23.
Alors Les Dieux avec les Gandharvas, et les Yakṣas, les Rākṣasas
et les serpents s’envolèrent dans un vacarme
incomparable, désireux de combattre. 24.
Ils avaient une grande quantité de lances et de disques de bronze, de
corbeaux prêts à lancer des pierres car ils désiraient tuer Kṛṣṇa
et le fils de Pṛthā, et leur puissance était intensifiée par la
colère. 25.
Tandis qu’ils conversaient entre eux et lançaient une pluie d’armes, le Rechigneur leur arracha
leurs membres supérieurs de ses flèches acérées. 26.
Et l’illustrissime Kṛṣṇa, le tueur de ses ennemis, avec son
disque fit un grand massacre dans
les troupes des Asuras et des Dānavas. 27.
D’autres, frappés par les flèches et soulevés par l’impétuosité du disque malgré leur grande force, une
fois dispersés revenaient s’abattre comme sur un rivage. 28.
Alors Śakra, le Grand Seigneur des Trente Dieux, envahi par la colère, monta sur son éléphant blanc
et se lança à la poursuite des deux héros. 29.
Saisissant son foudre, il lança vivement son arme : « Ils ont été tués tous
les deux ! » dit aux Dieux le destructeur des Asuras. 30.
Alors, voyant le grand foudre brandi par le roi des Dieux, les Dieux saisirent chacun
toutes leurs armes. 31.
Le roi Yama prit son Bâton de Varuṇa son lacet, et
Śiva son char aux bonnes roues, 32.
et les deux Aśvin saisirent leurs herbes médicinales qui flamboyaient, Dhātā saisit son
arc, et de même Jaya sa massue. 33.
Le puissant Tvaṣṭā, en colère, saisit aussi une montagne, Aṃśa saisit une
lance, et le Dieu Trépas une hache. 34.
Aryamā déambulait aussi avec la terrible massue ferrée qu’il avait
saisie, et Mitra se dressait là,
ayant saisi son disque acéré comme un rasoir. 35.
Pleins de colère, Pūṣā, Bhaga et Savitā, ô Seigneur des
peuples, prirent leurs arcs et leurs
épées et poursuivirent Kṛṣṇa et le fils de Pṛthā. 36.
Les Rudrās, les Trésors et les puissants Marutas, ainsi que l’ensemble des
Dieux, et les Sādhyas qui resplendissaient de leur propre éclat, 37.
ceux-là et les nombreux autres Dieux, armés diversement, marchèrent vers les meilleurs
parmi les hommes, Kṛṣṇa et le fils de Pṛthā,
voulant les tuer. 38.
Là, pendant la grande bataille, l’on vit des signes prodigieux qui semblaient ceux de la fin
du monde et de la disparition de la vie, ô Bhārata. 39.
Quand les deux Impérissables virent Śakra irrité, en compagnie des
Dieux, ils allèrent au combat et se
dressèrent, inaccessibles, avec les arcs qu’ils avaient préparés. 40.
Aussi, quand ils virent les Dieux
arriver l’un après l’autre, ils les refoulèrent alors,
pleins de colère, de leurs flèches pareilles à des foudres. 41.
Les Dieux, voyant encore et encore leur volonté brisée à maintes reprises, par peur abandonnèrent le
combat et se réfugièrent auprès de Śakra. 42.
Voyant que les Dieux étaient écartés par Mādhava et Arjuna, les anachorètes dans le ciel,
pris alors d’étonnement, se levèrent. 43.
De même Śakra, voyant les exploits répétés des deux héros dans le
combat, fut au comble de la joie et
combattit de plus belle les deux héros. 44.
Alors le Punisseur de Pāka déversa une très grande pluie de pierres, curieux de mieux connaître
alors l’héroïsme de l’Ambidextre ; mais de ses flèches Arjuna
arrêta cette pluie, avec beaucoup d’impatience. 45.
Voyant que ce qu’il faisait était infructueux, le Dieu aux cent sacrifices, le roi des Dieux, augmenta
encore plus cette pluie. 46.
Le fils du Punisseur de Pāka avec le grand flot de ses flèches arriva à dissoudre la pluie
de pierres, et cela réjouit son père. 47.
Arrachant de ses mains un grand sommet sur le mont Mandara, Śakra le lança, avec ses
arbres, dans son désir de tuer le fils de Pāṇḍu. 48.
Alors Arjuna avec ses flèches impétueuses aux pointes brillantes, allant
droit au but, réduisit le pic de la
montagne en mille morceaux. 49.
L’aspect que cette montagne brisée offrait alors était celui de la voute céleste qui
se serait brisée avec le Soleil, 50.
Quand la grande montagne s’écroula violemment sur la forêt en flamme, il y eut alors bien plus
d’animaux vivant dans la forêt de Khāṇḍava qui furent tués. |
1. 219. Arjuna et Kṛṣṇa
font un grand carnage. Les dieux fuient. Une voix explique à Indra qu’il ne
peut rien contre Kṛṣṇa et Arjuna : ce sont Nara et Nārāyaṇa
réincarnés. De plus, son ami Takṣaka n’est pas dans la forêt. Indra se
retire du combat. Kṛṣṇa et Arjuna continuent de frapper
toutes les créatures dans la forêt qui tombent dans le feu. Maya, un Asura,
poursuivi par Agni et Kṛṣṇa, implore l’aide d’Arjuna et a
la vie sauve. Ainsi, il y aura seulement six rescapés : Aśvasena, Maya
et les quatre oiseaux Śārṅgaka. (= 40 ślokas) |
Livre I, chapitre 219
1.
Vaiśampāyana dit : « La chute de la
montagne terrifia les hôtes de Khāṇḍava, les Dānavas, les
Rākṣasas, les serpents, les hyènes, les ours, les sangliers, les éléphants ruisselants de
frontaline, les tigres, les lions à crinière, 2.
les antilopes, et les buffles aussi, de même que des centaines
d’oiseaux ; tout tremblants ils
rampaient, ainsi que d’autres espèces d’animaux. 3. En
levant les yeux ils voyaient la forêt en flammes et les deux Kṛṣṇa
prêts et armés, et les remous sonores de ces
prodiges les faisaient vraiment frissonner. 4. Le
Tourmenteur-des-hommes lança son disque, qui resplendissait de son propre
éclat, et avec lequel les viles
créatures de même que les Dānavas et les marcheurs de la nuit furent tous tranchés par
centaines, et ils tombèrent à l'instant dans le feu. 5. On
voyait là les Rākṣasas, lacérés par le disque de Kṛṣṇa, couverts d’un mélange de
graisse et de sang, pareils aux nuages dans le crépuscule. 6. Les
Piśācas, les oiseaux, les serpents, les milliers d’animaux
domestiques aussi, le fils de Vṛṣṇi
allait les massacrant, comme Kāla, ô Bhārata. 7.
Car à chaque fois que le disque de Kṛṣṇa, le tueur de ses
ennemis, était lancé, à chaque fois, après avoir
tué de nombreuses créatures, il revenait dans sa main. 8.
Tandis qu’il massacrait toutes les créatures, ô Bhārata, l’aspect de cette âme de tous
les êtres devint féroce. 9.
Parmi les Dieux et les Dānavas qui étaient venus de tous les horizons
pour se réunir, il n’y en eut pas un qui fut
victorieux dans son combat avec Kṛṣṇa et le Pāṇḍava. 10.
Comme, à cause de la force des deux héros, les Dieux ne pouvaient secourir la forêt en flamme ou les
apaiser, ils détournèrent alors leurs visages. 11.
Et le Dieu aux cent sacrifices, voyant que les troupes des Dieux avaient
leurs visages abattus, persista à se réjouir, et il
loua Kṛṣṇa et le Pāṇḍava. 12.
Mais quand les Dieux furent repartis, une voix désincarnée parla au Dieu aux cent sacrifices,
en le regardant, avec un son puissant et grave : 13.
« Ton ami Takṣaka, le meilleur des serpents, n’est pas présent, car pendant l’incendie de
Khāṇḍava il était allé à Kurukṣetra. 14.
Et dans ce combat tu ne pouvais pas vaincre, en les arrêtant, le fils de Vāsudeva et
Arjuna, ô Śakra, écoute ma voix ! 15.
Ces deux-là sont Nara et Nārāyaṇa, les Dieux renommés dans le
ciel. Toi aussi, Seigneur, tu
connais leur valeur, leur courage. 17.
Tous deux sont aussi les plus vénérables pour tous, les Dieux et les Asuras, et pour les Yakṣas, les
Rākṣasas, les Gandharvas, les hommes, les Kinnaras et les
serpents… 18.
C’est pourquoi maintenant, ô fils de Vasu, veuille te retirer en compagnie
des Dieux, et contemple la destruction
de Khāṇḍava : c’est le Destin. ». 19.
Après avoir entendu cette voix, le roi des immortels se dit :
« C’est la vérité », et renonçant à sa colère et à
son impatience, il partit alors vers le ciel. 20.
Les habitants du ciel, voyant que le Dieu au grand cœur partait, se hâtèrent de suivre tous
ensemble, ô roi, le Dieu aux cent sacrifices. 21.
Et quand, levant les yeux, ils virent le roi des Dieux partir avec les Dieux, le fils de Vāsudeva et
Arjuna, les deux héros, poussèrent un rugissement de lion. 22.
Quand le roi des Dieux fut parti, ô roi, Kṛṣṇa et le
Pāṇḍava, joyeux, firent à nouveau sans crainte
brûler la forêt. 23.
Ayant dissipé les Dieux comme Māruta [3]
le fait des nuages, Arjuna dispersa en les frappant de
ses flèches les animaux vivant dans Khāṇḍava. 24.
Et ainsi aucune créature ne pouvait sortir, elles étaient tranchées par
les flèches que l’Ambidextre leur lançait. 25.
Même les grandes créatures ne pouvaient regarder dans ce combat Arjuna aux flèches
infaillibles, et à plus forte raison engager le combat avec lui. 26.
Et il en perçait une avec cent flèches, ou bien cent avec une seule flèche, et elles tombaient mortes
dans le feu, comme tuées par l’incarnation de Kāla. 27.
Et elles ne trouvaient pas de refuge derrière d’âpres monticules ou dans les demeures des
ancêtres ou des Dieux : la chaleur croissait. 28.
Et des troupeaux de milliers de misérables créatures poussaient de grands
cris, les éléphants hurlaient
aussi, de même que les antilopes et les oiseaux, et ce son faisait trembler
les poissons qui vivaient dans le Gange et l’Océan. 29.
Car ni Arjuna au bras puissant, ni le puissant Krsna ne peuvent être regardés par
qui que ce soit, à plus forte raison pour les combattre à nouveau. 30.
Ceux qui passent par un chemin unique succombent là, quels qu’ils
soient : les Rākṣasas, les
Dānavas et les serpents, Hari les tuait avec son disque. 31.
La tête et le corps séparés par l’impétuosité du disque, les grands éléphants tombaient morts dans la
gueule du flamboyant Agni. 32.
Attisé par les flots de chairs et de sang, et par les flots de graisse, on voyait le Feu monter à
travers le ciel sans fumée. 33.
Ses yeux étaient flamboyants, sa langue était flamboyante, sa grande bouche
béante était flamboyante, ses cheveux hérissés étaient
flamboyants, ses yeux étaient jaunes, et il buvait la moelle des êtres
vivants. 34.
Ayant ce nectar que lui avaient procuré Kṛṣṇa et Arjuna, le
Dévoreur d’offrandes était joyeux, rassasié, il
avait atteint le bonheur suprême. 35.
Il y avait un Asura du nom de Maya dans le repaire de Takṣaka ; quand tout à coup il
s’enfuit, le Destructeur-de-Madhu le vit. 36.
Désireux de brûler, le Feu, qui a le Vent pour cocher, le convoita, s’étant incarné en un ascète
et bruissant comme un nuage pluvieux ; et le fils de Vāsudeva,
désireux de le tuer, se tenait là, brandissant son disque. 37.
Voyant le disque brandi, et le Dévoreur d’offrandes désireux de le brûler, Maya cria : « Viens
vite à moi, Arjuna ! », ô Bhārata. 38.
Entendant ce cri d’effroi, Dhanaṃjaya lui dit : « N’aie pas
peur ! » ; le fils de Pṛthā,
en répondant à Maya, lui rendit quasiment la vie, ô Bhārata. 39.
Quand le fils de Pṛthā eut assuré sa sécurité à Maya, qui était le
frère de Namuci, le héros du Daśārha
ne désira plus le tuer, et le Feu ne le brûla pas. 40.
Pendant que cette forêt brûlait, il y en eut six qu’Agni ne brûla pas : Aśvasena, Maya, et aussi
quatre oiseaux Śārṅgas. |
1. 220. Histoire des Śārṅgaka.
Un grand ascète, Mandapāla, après une vie de rudes austérités, n’est pas
reçu au ciel : c’est parce qu’il n’a pas de descendants. Il s’inquiète :
comment va-t-il trouver rapidement des enfants?. Il se transforme en oiseau
Śārṅgaka, rencontre Jaritā qui lui donne quatre enfants
qu’il abandonne aussitôt, encore dans l’œuf, pour convoler avec Lapitā.
Quand Mandapāla voit Agni venir pour brûler la forêt, il chante ses
louanges. Agni lui donne un vœu, et Mandapāla demande que ses enfants
soient épargnés. (= 32 ślokas) |
Livre I, chapitre 220
1.
Janamejaya dit : « Pourquoi Agni n’a-t-il
pas brûlé les Śārṅgakas, au point où en était cette forêt en flammes ?
Dis-le moi vite, ô brahmane. 2.
Car tu as dit pour quelle raison Aśvasena et le Dānava Maya n’ont pas été brûlés, ô
brahmane, mais tu ne l’as pas fait pour les Śārṅgakas. 3.
C’est là un prodige, ô brahmane, que les Śārṅgas n’aient pas
été détruits. Raconte comment, dans cette
bataille avec Agni en personne, ils n’ont pas été détruits. ». 4.
Vaiśampāyana dit : « Pourquoi, au point où
en étaient les choses, Agni n’a pas brûlé les Śārṅgakas ? Je te raconterai comment tout
cela s’est passé, ô Bhārata. 5. Il
y avait parmi les connaisseurs du Dharma un ascète de tout premier plan, très
attaché à ses vœux, un grand sage érudit, connu
sous le nom de Mandapāla. 6. Il
suivait, ô roi, la voie des sages qui retiennent leur sperme, se récitant les textes
sacrés, prenant son plaisir dans le Dharma, austère, dominant entièrement ses
sens. 7. Il
se lança dans une ascèse extrême, il quitta son corps, ô Bhārata, et il arriva dans le monde
des Mânes, mais il n’en retira aucun fruit. 8.
Voyant que ces mondes étaient sans fruits, quoique gagnés par son ascèse, il interrogea les habitants
du ciel qui étaient proches du Roi du Dharma : 9.
« Pourquoi ces mondes, que j’ai acquis par mon ascèse, me sont-ils
fermés ? Quelle action n’a pas été
faite par moi là dont je puisse recueillir les fruits ? 10.
Et maintenant j’accomplirai ce pourquoi m’est refusé le fruit de cette
ascèse : dites-moi, ô habitants du ciel ! ». 11.
Les Dieux lui dirent : « Ce dont les hommes
sont débiteurs quand ils naissent, ô brahmane, écoute-le : les rites, l’étude du Veda, la procréation, ça ne fait pas
de doute. 12.
On s’acquitte de tout cela avec le sacrifice, l’ascèse et des fils. Tu es un ascète qui accomplit
les rites, mais on ne te connaît pas de descendance. 13.
C’est à cause de la procréation que ces mondes-là te sont fermés. Engendre, et tu jouiras de
ces mondes éternellement. 14. Un
fils sauve son père de l’enfer nommé « Put » [4],
ô anachorète. Aussi, efforce-toi de
continuer ta descendance, ô le meilleur des deux-fois-nés. ». 15.
Vaiśampāyana dit : « Après avoir entendu
cette parole des habitants du ciel, Mandapāla réfléchit : « Où
donc pourrais-je avoir rapidement une descendance abondante ? ». 16.
Il lui vint à l’idée que les oiseaux ont une progéniture abondante. Etant devenu un Śārṅgaka,
il s’accoupla avec une Śārṅgaka nommée Jaritā. 17.
Avec elle il engendra quatre fils savants dans le Veda ; l’anachorète alla vers
Lapitā, après avoir abandonné là dans la forêt, en compagnie
de leur mère, ses jeunes fils qui étaient dans leurs œufs. 18.
Quand le bienheureux fut allé auprès de Lapitā, ô Bhārata, Jaritā, bouleversée par
son affection envers ses enfants, songea beaucoup. 19.
Ayant été abandonnés par celui qui ne devait pas les abandonner, les sages
étaient encore dans leurs œufs, et Jaritā, affligée,
n’abandonnait pas ses fils dans la forêt de Khāṇḍava, ô
roi ; et troublée par son
affection, elle les portait à sa manière quand ils furent éclos. 20.
Puis le sage Mandapāla vit Agni qui s’approchait de Khāṇḍava pour la brûler, tandis qu’il
déambulait dans cette forêt en compagnie de Lapitā. 21.
Connaissant son intention et sachant que ses fils étaient jeunes, le sage brahmane célébra
Jātavedā [5], le gardien du monde à la
grande force, lui confiant ses fils, effrayé. 22.
Mandapāla dit : « Toi, Agni, tu es la
bouche de tous les Dieux, celui qui porte les offrandes, tu es la fin de toutes les
créatures, tu te déplaces en secret, ô Purificateur ! 23.
Les sages disent que tu es unique, et ils disent au rebours que tu es
triple : faisant de toi huit parts [6],
ils te considèrent comme celui qui porte le sacrifice. 24.
Les sages les plus éminents disent que tout a été créé par toi, car sans toi l’univers entier
instantanément n’existerait plus, ô Dévoreur d’offrandes. 25.
Après t’avoir rendu hommage, les brahmanes suivent la voie éternelle qu’ils ont conquise par leurs
actions, en compagnie de leurs femmes et de leurs fils aussi. 26.
On dit, ô Agni, que tu es les nuages suspendus dans le ciel, pleins
d’éclairs. Toutes les créatures sont
brûlées par les flammes qui sortent de toi. 27.
Resplendissant Jātavedā, c’est toi la création de tout ! C’est par toi qu’est donné le
rituel, toute créature mobile ou immobile. 28.
Par toi les eaux ont été créées jadis, c’est sur toi que l’univers entier
repose ! C’est sur toi que sur les
autels prennent place les oblations pour les Dieux et celles pour les ancêtres,
comme il convient. 29.
Agni, tu es la flamme, tu es Dhātā, tu es Bṛhaspati, tu es les deux jumeaux
Aśvin, tu es Mitra, tu es Soma, tu es le Vent ! ». 30.
Vaiśampāyana dit : « Après avoir été ainsi
glorifié par Mandapāla, le Feu fut satisfait, ô roi, de cet
anachorète à l’éclat sans bornes. Et, le cœur réjoui, il lui
dit : « Que désires-tu que je fasse pour toi ? ». 31.
Mandapāla, joignant ses mains au-dessus de sa tête, dit au Porteur
d’offrandes : « Pendant que tu
consumes la forêt de Khāṇḍava, laisse partir mes
fils. ». 32.
« Qu’il en soit ainsi » lui promit le bienheureux Porteur
d’offrandes. Et à ce moment-là il
s’enflamma dans la forêt de Khāṇḍava, dans son désir de
brûler. |
1. 221. Tandis que l’incendie fait
rage, Jaritā se désespère. Ses enfants lui conseillent de fuir et de les
abandonner. Elle leur conseille de se réfugier dans un trou de rat, mais ils
rétorquent qu’il vaut mieux périr dans le feu que mangés par un rat. (= 21 ślokas) |
Livre I, chapitre 221
1.
Vaiśampāyana dit : « Puis, tandis que le Brillant
s’enflammait, les Śārṅgakas, très abattus, tremblants, au comble de
l’anxiété, ne trouvaient pas de refuge. 2.
Ayant entendu ses jeunes fils, tourmentée, leur mère Jaritā, consumée par la
douleur, se lamenta, ô roi des hommes : 3.
« Voici ce Feu horrible qui arrive par ici, brûlant les broussailles, enflammant l’univers,
effrayant, augmentant ma douleur. 4. Et
j’ai du tourment pour ces petits dont le cœur est encore faible, sans plumes, privés de
pattes, qui sont le refuge de nos ancêtres. Et le voici qu’arrive,
terrifiant, léchant les arbres qui sortent de la terre. 5. Et
mes fils n’ont pas de force, ils ne sont pas capables de courir avec moi, et, si je prends mes fils
avec moi, je ne peux m’enfuir ailleurs en courant. 6. Et
je ne peux pas les abandonner, mon cœur se consume complètement… Lequel de mes fils devrais-je
donc abandonner ? Lequel prendre avec moi et partir ? 7.
Qu’est-ce que je pourrais bien faire ? Qu’en pensez-vous, mes
fils ? J’ai beau réfléchir à votre
délivrance, je n’arrive à rien… Et si je vous couvre de mon
corps, je trouverai la mort avec vous. 8. « C’est
en Jaritāri que cette famille est fondée, car il
est l’aîné. Sārisṛkta engendrerait,
et il ferait croître la famille de ses pères. 9. Stambamitra pratiquerait l’ascèse, Droṇa serait un
éminent connaisseur du Brahmā. ». C’est ce qu’a dit votre père
cruel quand il est parti jadis. ». 10.
Lequel pourrait-elle prendre avec elle pour partir ? Pour lequel
serait-ce le malheur à la fin ? Quelle action accomplir qui
soit la bonne ? Ces questions la troublaient. 11.
Elle ne voyait pas par ses pensées comment délivrer ses fils du Feu. Comme elle parlait ainsi, les
śārṅgas répondirent à leur mère : 12.
« Renonce à ton affection, ô mère, et envole-toi où il n’y a pas de feu. Car, quand nous serons morts,
tu auras des fils. Mais si tu mourais, ô mère,
il n’y aurait plus de continuation de notre famille. 13.
Considère ces deux solutions pour voir ce qui serait possible pour notre
famille. C’est là le moment ultime, ô
mère, de faire cela. 14.
Ne fais pas de ton affection pour nous, tes fils, la perte de notre famille. Car vaine aurait été cette action
de notre père qui désirait les mondes. ». 15.
Jaritā leur dit : « Il y a là un terrier
de rat, dans la terre, près de cet arbre. Entrez-y au plus vite ; vous
n’aurez pas à y craindre le Feu. 16.
Je couvrirai le trou avec de la poussière, ô mes fils : ainsi, je pense, on
résisterait aux flamboiements fuligineux du Feu. 17.
Quand le Feu sera passé, je viendrai enlever le tas de poussière. Que cette ruse vous convienne
pour échapper au Dévoreur d’offrandes… ». 18.
Les Śārṅgakas lui dirent : « Nous sommes sans
plumes, faits de chair : le rat carnivore nous tuerait. En considérant cet objet
d’effroi, nous ne pouvons pas habiter là. 19.
Comment le Feu ne nous brûlerait-il pas ? Comment le rat ne nous
dévorerait-il pas ? Comment notre père ne
serait-il pas dans l’erreur ? Comment notre mère survivrait-elle ? 20.
La perte des oiseaux serait dans le trou du rat ou par le Feu. Considère ces deux
solutions : brûler est préférable à être mangé… 21.
Notre mort serait blâmable si un rat nous dévorait dans un trou. Pour celui qui est cultivé,
abandonner le corps au Dévoreur d’offrandes est désirable. ». |
1. 222. Le rat sort de son trou,
et un faucon l’emporte : la voie est libre !. Mais les oisillons argumentent
: est-ce que le rat est bien mort ? Est-ce qu’il n’y en pas d’autres ?. Ils
préfèrent toujours être brûlés vifs. Jaritā les laisse. Le feu
s’approche d’eux. (= 18 ślokas) |
Livre I, chapitre 222
1.
Jaritā leur dit : « Alors qu’il sortait de
ce trou, un épervier a emporté le rat, après avoir saisi ce piètre
animal dans ses serres : il n’y aura rien à craindre. ». 2.
Les Śārṅgakas lui dirent : « Nous ne savons pas du
tout si le rat a été emporté par un épervier. Il y en aura d’autres encore,
et c’est à cause d’eux que nous avons encore peur. 3.
Car il est douteux que le Feu arrive, on voit que le vent se retire ; mais les habitants du trou
nous donneraient la mort, ô mère, ça ne fait pas de doute. 4.
Une mort dont on peut douter est supérieure à une mort qui ne fait pas de
doutes, ô mère : parcours le ciel comme il le
faut, tu connaîtras de beaux fils. ». 5.
Jaritā leur dit : « J’ai vu moi-même
l’épervier arriver depuis les environs, près du trou ; il a rencontré le rat, s’en
est emparé et l’a emporté de force hors du trou. 6. Et
tandis que l’épervier s’envolait, je l’ai vite suivi, en lui chantant des
bénédictions pour avoir emporter le rat hors du trou : 7.
« Ô roi des éperviers, qui t’enfuis en emportant notre ennemi, que tu sois convert d’or et
sans ennemi dans le ciel où tu vas ! ». 8.
Quand il eut été mangé par cet oiseau affamé, je suis alors partie et je
suis revenue à la maison. 9.
Entrez dans le trou, mes fils, en confiance : vous n’avez pas à avoir
peur. Le rat a été emporté par
l’épervier, je l’ai vu, ça ne fait pas de doute ! ». 10.
Les Śārṅgakas lui dirent : « Nous, nous ne savons
pas, ô mère, si le rat a été emporté d’ici. Ne le sachant pas, nous ne
pouvons pas entrer dans ce trou. ». 11.
Jaritā leur dit : « Oui, mais moi je sais
que le rat a été enlevé par l’épervier ! Il n’y a donc pas de crainte
à avoir : faites ce que je dis ! ». 12.
Les Śārṅgakas lui dirent : « Non, tu ne saurais
nous délivrer de notre grande crainte par un subterfuge trompeur. Quand les pensées sont
troublées, on n’agit pas avec sagesse. 13.
Et tu n’as pas reçu de bienfait de nous, et tu ne sais pas qui nous sommes. Alors que tu es tourmentée tu
nous soutiens : qui es-tu ? Qui sommes-nous pour toi ? 14.
Tu es jeune, agréable à regarder, tu es capable de réclamer un mari. Suis ton mari, tu auras de
beaux fils. 15.
Quant à nous nous entrerons dans le Feu et nous gagnerons les mondes
rayonnants. Mais si le Feu ne nous
brûlait pas, alors toi reviens vers nous… ». 16.
Vaiśampāyana dit : « Quand ils eurent ainsi
parlé, la femelle Śārṅga abandonna ses fils dans Khāṇḍava, et elle partit vite dans un
endroit sûr et à l’écart du Feu. 17.
Alors le Porteur d’offrandes arriva en flamboyant à l’endroit où se trouvaient
les Śārṅgas, les jeunes fils de Mandapāla. 18.
Voyant le Feu qui flamboyait de son propre éclat, le Śārṅga Jaritāri éleva la voix
et dit cette parole au Feu : |
1. 223. Les oisillons font l’éloge
d’Agni et lui demandent protection. Agni, se souvenant de la promesse qu’il a
faite à Mandapāla, les épargne, et, à leur demande, s’attaque aux chats. (= 25 ślokas) |
Livre I, chapitre 223
1.
Jaritāri dit : « L’homme sage reste
vigilant en face des temps des malheurs. Quand le temps des malheurs
arrive, il n’entre jamais en angoisse. 2.
Celui qui distingue un malheur qui ne lui est pas encore arrivé et n’est pas
vigilant, celui-là au temps des
malheurs s’angoisse et ne comprend rien. ». 3.
Sārisṛkva dit : « Tu es serein, avisé.
Et nous notre vie est en péril. C’est que parmi beaucoup il
n’y en a qu’un seul qui est brave et sage, ça ne fait pas de doute. ». 4.
Stambamitra dit : « L’aîné est le sauveur,
l’aîné délivre dans le malheur. Si l’aîné ne comprend pas,
que fera le cadet ? ». 5.
Droṇa dit : « Flamboyant, le Dieu au
sperme d’or se hâte, il arrive à notre maison ! Émacié, le Feu aux sept
langues se pourlèche et s’approche en rampant ! ». 6.
Vaiśampāyana dit : « Quand ses frères
eurent ainsi parlé, Jaritāri glorifia le Feu, en joignant ses mains
au-dessus de sa tête ; écoute comment, ô roi. 7.
Jaritāri dit : « Tu es le souffle du
vent, le Purificateur, et aussi le corps des plantes, les eaux sont ta matrice, ô
Brillant, et tu es la matrice des eaux du ciel. 8.
Montant et descendant, et serpentant sur le côté, ô grande puissance de la
flamme, tu es pareille au rayon de Savitā. ». 9.
Sārisṛkva dit : « Notre
mère est partie se réfugier, nous ne connaissons pas notre père. Et
nos ailes n’ont pas encore poussé, ô toi dont la bannière sort de l’eau. Nous
n’avons d’autre sauveur que toi, ô Agni ! Alors
protège-nous, ô toi notre seul héros ! 10. Ô
Agni, sous ton apparence bienfaisante, et avec tes sept flammes, protège-nous
maintenant, nous qui te célébrons en quête de refuge. 11. Tu es le seul à être ardent, ô
Jātavedā, il n’y
en a aucun autre qui soit ardent dans le troupeau des rayons du soleil. Protège-nous,
nous qui sommes de jeunes sages ! Passe
donc après nous, ô Porteur d’offrandes ! ». 12.
Stambamitra dit : « Toi
seul tu es tout, ô Agni, en toi repose tout cet univers, c’est
toi qui soutiens les créatures, c’est toi qui portes le monde. 13.
Tu es Agni, tu es le Porteur d’offrandes, tu es même l’offrande suprême, les
sages t’offrent des sacrifices, de beaucoup de manières ou d’une seule
manière. 14. Tu as créé ces trois mondes, ô Porteur
d’offrandes, et
quand le temps est venu, tu t’enflammes et les consumes à nouveau. Tu es
le procréateur de toute cette création, mais,
ô Agni, tu en es aussi le fondement. 15.
Tu es, à l’intérieur, la nourriture que mangent les êtres vivants, ô Seigneur
de l’univers ; toujours
grandissant, tu la cuis : c’est sur toi que tout repose. ». 16.
Droṇa dit : « Devenu le Soleil avec ses
rayons de lumière, ô Jātavedā, l’eau de tu les prends tous et à
nouveau, au moment de les libérer, tu les répands en pluie et tu
fais la création ici-bas, ô Brillant ! 17.
C’est grâce à toi encore, ô Brillant, que les feuilles des plantes
verdissent, que naissent les étangs
couverts de lotus, et les mers, et le grand Océan. 18. Que
cette demeure, ô Fragment du foudre, soit le refuge de Varuṇa [7] : sois notre sauveur
bienfaisant, ne cause pas notre perte aujourd’hui ! 19. Ô
Dévoreur d’offrandes aux yeux jaunes, au cou cuivré, au sillon fuligineux, passe après nous,
délivre-nous, comme pour les demeures de l’Océan ! ». 20.
Vaiśampāyana dit : « Quand
Jātavedā eut entendu ces mots de Droṇa aux actes exempts de
peine, il parla à Droṇa,
résolu, à cause de la promesse faite à Mandapāla : 21.
« Toi, tu es le sage Droṇa, ce que tu as dit est le Brahman : je ferai ce que tu désires,
et tu n’as pas de crainte à avoir. 22.
Car Mandapāla auparavant m’a parlé de vous : « Puisses-tu éviter mes
jeunes fils en brûlant la forêt » m’a-t-il dit. 23.
Et ses mots et ce que tu as dit ici ont tous deux du poids pour
moi. Dis-moi, que puis-je faire pour toi ? Je suis extrêmement content,
si je puis dire, de ta louange, ô puissant brahmane. ». 24.
Droṇa lui dit : « Ces chats, ô Brillant,
ne cessent de nous terrifier : mets-les sous tes crocs, ô
Porteur d’offrandes, eux et leurs semblables ! ». 25.
Vaiśampāyana dit : « Et le Feu fit ainsi,
après avoir donné congé aux śārṅgakās, et il s’enflamma et brûla la
forêt de Khāṇḍava, ô Janamejaya. ». |
1. 224. Malgré la promesse d’Agni,
Mandapāla est inquiet pour ses enfants. Malgré la jalousie de Lapitā,
il retourne dans la forêt et y trouve ses enfants sains et saufs. Mais
ceux-ci sont fâchés contre lui et Jaritā, revenue entre temps, le
renvoie chez Lapitā. ”Rien n’est pire que la jalousie des femmes !”
s’exclame Mandapāla. A cause d’elle Arundhatī, la femme de Vasiṣṭha,
est devenue une étoile de second ordre.
(= 32 ślokas) |
Livre I, chapitre 224
1.
Vaiśampāyana dit : « Quant à
Mandapāla, ô fils de Kuru, il songeait à ses fils : bien qu’ayant parlé au Dieu
aux rayons brûlants, il ne laissait pas d’être tourmenté. 2.
Tourmenté au sujet de ses fils, il dit ceci à Lapitā : « Comment faire ?
Mes fils sont incapables de voler, ô Lapitā. 3.
Quand le Porteur d’offrandes croîtra à cause du vent, il surgira rapidement et mes fils seront incapables
de s’échapper. 4.
Comment faire ? Leur mère est incapable de les secourir, elle se tourmente, elle sera pleine de chagrin
en ne voyant pas de secours pour ses fils. 5.
Comment faire ? Mes fils sont incapables de courir et de voler : toute consumée d’inquiétude,
elle court en hurlant. 6.
Mon fils Jaritāri, comment fera-t-il ? Comment fera Sārisṛkva ? Comment fera
Stambamitra ? Comment fera Droṇa ? Et elle, la
malheureuse ? ». 7. Le
sage Mandapāla poussait de grandes lamentations dans la forêt, et Lapitā, jalouse, lui répondit
ainsi, ô Bhārata : 8.
« Tu ne penses pas à tes enfants : tu m’as dit qu’ils étaient des
sages pleins d’éclat et de force,
qu’ils n’ont rien à craindre du Feu. 9. De
plus, tu les as confiés à Agni, et en ma présence, et c’est ainsi que tu as
obtenu une promesse du Feu au grand cœur. 10.
Le Gardien du monde n’est pas quelqu’un qui dit des paroles fausses,
jamais ! Et eux sont d’habiles
orateurs ! Tes sentiments ne les concernent pas ! 11.
Mais c’est parce que tu penses à ma rivale que tu es tourmenté ! C’est certain : tu n’as
pas pour moi l’affection que tu avais auparavant pour elle ! 12.
Car il n’est pas convenable qu’un oiseau, négligé par son ami, quand il est affligé lui-même
soit capable de le regarder avec quelque indifférence. 13.
Va rejoindre Jaritā pour laquelle tu te tourmentes ! Quant à moi, j’irai toute
seule, comme une femme dont le mari est lâche ! ». 14.
Mandapāla lui dit : « Je ne parcours pas le
monde comme tu te l’imagines : je le parcours à cause de ma
descendance, et elle est en danger ! 15.
Celui qui abandonnerait ce qui est pour se vouer à ce qui sera aurait le
cerveau lent, le monde le mépriserait. Fais
comme tu veux ! 16.
Car Agni flamboie, léchant les arbres qui sortent de la terre. Car il fait naître dans mon
cœur un tourment détestable et nuisible. ». 17.
Vaiśampāyana dit : « Quand le Feu fut passé
par cet endroit, Jaritā se précipita vers ses jeunes
fils, car ses fils lui manquaient. 18.
Ils étaient tous bien portants, épargnés par Jātavedā ; et tandis qu’elle hurlait
pitoyablement, elle vit ses fils dans la forêt. 19.
C’était tout à fait incroyable de les voir, et encore et encore elle découvrait ses fils l'un
après l'autre en pleurant. 20.
Tout à coup Mandapāla arriva, ô Bhārata, mais de tous ses fils aucun
ne lui souhaita la bienvenue. 21.
Il leur parlait à chacun, et à Jaritā, encore et encore, mais ils ne disaient pas un
mot au sage, bienveillant ou malveillant. 22.
Mandapāla dit : « Lequel est mon fils
aîné ? Lequel est le second ? Lequel est le puîné de mes
fils ? Lequel est le cadet ? 23.
Quand, opprimé par le malheur, je vous parle, pourquoi ne réponds-tu
pas ? J’ai fait cela avec le
Dévoreur d’offrandes, mais depuis je n’ai pas trouvé le repos. ». 24.
Jaritā lui dit : « Qu’as-tu à faire de
ton fils aîné, ou du second ? Qu’as-tu à faire du puîné ou
de ce pauvre cadet ? 25.
Toi qui jadis es parti en m’abandonnant, dénuée de tout ! Va voir la jeune Lapitā
avec son beau sourire ! ». 26.
Mandapāla lui dit : « Chez les femmes, à
part avec un autre homme, on ne connaît rien en ce monde de plus fatal que
la rivalité entre épouses, c’est bien vrai ! 27.
Car même la très vertueuse et belle Arundhatī, renommée dans tous les
mondes, a douté de Vasiṣṭha, le meilleur des sages. 28.
Il était d’un naturel tout à fait pur, se réjouissant toujours de ce qui est
agréable et salutaire, et elle a méprisé cet
anachorète, ce héros parmi les Sept Sages. visible mais à peine visible,
elle n’est pas belle, on la voit comme un mauvais présage. 30.
Tu m’as toi-même obtenu pour avoir ici-bas une descendance, et, vu le contexte, tu te
débarrasses de celui que tu as désiré et tu te comportes comme elle. 31.
Et jamais un homme ne devra faire confiance à sa femme en se disant que c’est
sa femme ; car une femme qui a eu des
fils ne pense pas à son devoir ! ». 32.
Vaiśampāyana dit : « Alors tous ses fils
l’honorèrent comme il convient, et lui, ô roi, entreprit de
se concilier ses fils. ». |
1. 225. Mandapāla calme ses
fils : il les a recommandés à Agni, il a confiance en leur mère et en
eux-mêmes, pourquoi serait-il venu avant ?. Agni, rassasié, vient trouver
Arjuna. Indra vient aussi, félicite Arjuna et Kṛṣṇa de leur
exploit et leur donne un vœu. Arjuna demande des armes, et Indra lui dit qu’elles
lui seront données en temps voulu. Kṛṣṇa demande une amitié
indéfectible avec Arjuna, et elle lui est accordée. Agni donne leur congé à
Arjuna et Kṛṣṇa, qui partent avec Maya. (= 19 ślokas) |
Livre I, chapitre 225
1.
Mandapāla dit : « J’ai informé le Feu
pour qu’il vous protège, et Agni m’avait bien donné
son accord auparavant. 2.
Connaissant la parole d’Agni, la connaissance du Dharma par votre mère, et votre éminente valeur, je
ne suis pas venu ici auparavant. 3.
Vous n’aviez pas à vous faire de souci, mes fils, au sujet de la mort : même le Dévoreur d’offrandes
sait que vous êtes des sages et vous connaissez le Brahman. ». 4.
Vaiśampāyana dit : « Après se les être
conciliés, Mandapāla les emmena avec sa femme, ô Bhārata, et il quitta
cet endroit pour un autre endroit. 5.
Quant au Bienheureux aux rayons perçants il s’enflamma dans la forêt de
Khāṇḍava et la brûla en compagnie des
deux Kṛṣṇa, faisant naître la terreur dans l’univers. 6.
Après avoir bu là des ruisseaux charriant de la moelle et de la graisse, le
Feu atteignit une totale satiété
et il se montra à Arjuna. 7.
Alors, descendant du ciel, le bienheureux Seigneur des Dieux, entouré de la troupe des
Maruts, dit ceci au fils de Pṛthā et à Mādhava : 8.
« Cet exploit que vous avez accompli est difficile à réaliser, même pour
les immortels. Je suis satisfait : vous
deux choisissez des faveurs, même difficiles à avoir et qui dépassent les
humains. ». 9. Le
fils de Pṛthā demanda à Śakra des armes de toutes sortes, et Śakra fixa alors le
temps où il les recevrait : 10.
« Quand le Bienheureux, le Grand Dieu, y sera favorable, alors je te donnerai, ô
Pāṇḍava, des armes de toutes sortes. 11.
Et moi je saurai le moment, ô fils de Kuru, et je te les donnerai en
récompense de ta grande ascèse. 12.
Et toutes les armes d’Agni ainsi que celles de Vāyu, et toutes mes propres armes,
tu les recevras, ô Dhanaṃjaya. ». 13.
Quant au fils de Vasudeva, il avait choisi une amitié éternelle avec le fils
de Pṛthā, et le roi des Dieux lui
accorda ce vœu avec joie. 14.
Après leur avoir à tous deux accordé leurs vœux avec joie, le Seigneur des
vents, en compagnie des Dieux, retourna dans le troisième
ciel, après avoir pris congé du Dévoreur d’offrandes. 15.
Quant au Feu, après avoir brûlé la forêt avec son gibier et ses oiseaux pendant cinq jours et un
autre encore, il s’arrêta, tout satisfait. 16.
Après avoir dévoré les chairs et bu les graisses et le sang, plein d’une joie extrême, il
parla à tous deux, ô Seigneur des peuples : 17.
« Je suis satisfait de vous deux, hommes éminents, selon mon plaisir. Je vous donne congé, ô héros,
allez où vous en avez envie ! ». 18.
Et Arjuna et le fils de Vasudeva prirent congé du Feu au grand cœur, de même
que le Dānava Maya. 19.
Et tous trois, après s’être promenés, ô taureau des Bhārata, allèrent ensemble sur le bord
charmant de la rivière. |
[1] Ogres cannibales.
[2] Indra.
[3] Māruta, épithète de
Vāyu « Maître des Vents ».
[4]
« C’est parce
que le fils sauve son père de l’enfer nommé « Put », qu’il est appelé
« putra » [fils], dit l’Auto-engendré en personne » (Mah. I,68, 38).
[5] « Celui qui possède
tout » = Agni, le dieu du feu.
[6] Les trois feux du
sacrifice védique, et les huit types de feux distingués par la tradition.
[7] C’est-à-dire que cet
endroit soit comme la mer, domaine de Varuṇa.