(15) La prise du royaume : 199

 1. 199. Drupada leur accorde la permission de partir. Les Pāṇḍava se mettent en route et gagnent Hāstinapura. Leur accueil. Dhṛtarāṣṭra leur propose la région de Khāṇḍava et la moitié du royaume. Ils partent pour Khāṇḍava, accompagnés par Kṛṣṇa et construisent la grande cité d’Indrapraṣṭa. Description d’Indrapraṣṭa. Kṛṣṇa repart pour Dvārakā. (= 50 ślokas)

 

Livre I, chapitre 199

1. Drupada dit :

« Il en est bien ainsi que tu me l’as dit maintenant, ô très sage Vidura.

Pour moi aussi c’est une joie extrême d’avoir fait cette alliance, ô puissant !

2. Il semblerait aussi convenable que ces héros au grand cœur rentrent chez eux,

mais il ne convient pas pour le moment que je dise cela de ma propre voix.

3. Mais du moment que c’est ce que pense Yudhiṣṭhira, l’héroïque fils de Kuntī,

de même que Bhīmasena et Arjuna, et les deux jumeaux taureaux parmi les hommes,

4. et Rāma et Kṛṣṇa, connaisseur du Dharma, alors que les Pāṇḍava partent,

car ces deux tigres parmi les hommes se réjouissent de ce qui est agréable et salutaire. ».

5. Yudhiṣṭhira dit :

« Nous sommes tes vassaux, ô roi, nous et tous ceux qui nous suivent :

nous ferons tout comme, avec affection, tu nous le dis. ».

6. Vaiśampāyana dit :

« Alors Vāsudeva dit : « Leur départ me semble une bonne chose :

n’est-ce pas ainsi que pense le roi Drupada qui connaît tout le Dharma ? ».

7. Drupada dit :

« Ce que pense le héros du Daśārha [1], le meilleur des hommes,

au bras puissant, est approprié aux circonstances : c’est là ma conviction.

8. Car les éminents fils de Kuntī sont aujourd’hui pour moi

ce que les fils de Pāṇḍu sont pour Vāsudeva [2], il n’y a pas de doute.

9. Yudhiṣṭhira, le fils de Kuntī, fils du Dharma, ne songe pas

à leur bonheur comme y songe le Chevelu, ce tigre parmi les hommes. ».

10. Vaiśampāyana dit :

« Ainsi Drupada au grand cœur donna congé

aux Pāṇḍava et à Kṛṣṇa, et le subtil Vidura

11. emmena Draupadī la Noiraude, ainsi que la glorieuse Kuntī

et ils allèrent en cheminant joyeusement vers la cité qui tire son nom des éléphants [3].

12. Et quand il apprit que ces héros approchaient, Dhṛtarāṣṭra le Kaurava

envoya les Kaurava pour accueillir les fils de Pāṇḍu :

13. Vikarṇa le maître archer et Citrasena, ô Bhārata,

et Droṇa l’archer suprême, et encore Kṛpa Gautama.

14. Entourés par ces derniers, ces héros resplendissants, ces grands auriges

entrèrent alors lentement dans la cité d’Hastinapura.

15. La curiosité semblait comme éclater la cité

où ces tigres parmi les hommes détruisaient la peine et la souffrance.

16. Les gens qui leur voulaient du bien lançaient des paroles aimables

de toutes sortes, et les Pāṇḍava à les entendre avaient le cœur touché. 

17. « Ce tigre parmi les hommes est revenu, ce connaisseur du Dharma

qui nous protège par le Dharma comme si nous étions ses propres héritiers.

18. Aujourd’hui c’est comme si le Mahārāja Pāṇḍu qui aime la forêt était revenu

de sa forêt pour nous faire une faveur, sur ce point il n’y a pas de doute.

19. N’est-ce pas la plus grande faveur qui puisse aujourd’hui être faite à nous tous

que les fils de Kuntī, ces chefs héroïques, nous soient revenus ?

20. En vérité si des dons, si des oblations, si des ascèses ont été faits par nous,

que les Pāṇḍava restent dans cette cité une centaine d’années ! ».

21. Puis, aux pieds de Dhṛtarāṣṭra et de Bhīmasena au grand cœur,

et des autres qui en étaient dignes ils se prosternèrent.

22. Et après avoir demandé des nouvelles de leur santé à tous les gens de la ville,

ils pénétrèrent dans les demeures de Dhṛtarāṣṭra à sa demande.

23. Et quand ces puissant héros au grand cœur se furent reposés quelque temps,

ils furent mandés par le roi Dhṛtarāṣṭra et le fils de Śāṃtanu [4].

24. Dhṛtarāṣṭra dit :

« Avec tes frères, ô fils de Kuntī, écoute mes paroles :

pour qu’il n’y ait plus pour vous de conflit, allez à Khāṇḍavaprastha.

25. Et vivant là-bas, personne ne sera capable de vous opprimer

si vous êtes protégés par le fils de Pṛthā, comme les Trente Dieux par le Dieu qui tient le foudre.

Recevez la moitié du royaume et allez à Khāṇḍavaprastha. ».

26. Vaiśampāyana dit :

« Ils acceptèrent ce que disait le roi et tous s’inclinèrent respectueusement devant lui.

Et ces taureaux parmi les hommes se mirent en route pour la sinistre forêt.

Recevant la moitié du royaume, ils allèrent à Khāṇḍavaprastha.

27. C’est ainsi que les Pāṇḍava allèrent là-bas, précédés par Kṛṣṇa,

et avec constance ils donnèrent à la cité la beauté du paradis.

28. Ainsi après avoir exécuté le rite d’apaisement sur un emplacement favorable et de bon augure, les grands auriges

délimitèrent la cité, précédé par l’Îlien [5].

29. Elle était ornée de douves semblables à l’océan,

et munie d’une muraille se dressant jusqu’à cacher le ciel,

30. resplendissant comme un nuage pâle et semblable à une masse neigeuse.

La plus belle des citadelles resplendissait comme Bhogavatī [6] avec ses serpents,

31. protégée par des portes effrayantes à voir, ressemblant aux deux ailes de Garuḍa,

des portes fortifiées ressemblant à des amas de nuages, pareilles au Mandara.

32. Et elle était couverte de lances de toutes sortes, très acérées,

toutes garnies de ferrements, comme de serpents à la langue fourchue.

Protégée par des guerriers, elle resplendissait avec ses tourelles pressées les unes sur les autres,

33. et elle était resplendissante avec sa multitude d’engins meurtriers garnis de centaines de crocs pointus,

et cette sublime citadelle resplendissait avec ses grands disques de fer,

34. avec ses grandes rues très bien distribuées, sans faire d’infractions contre les Dieux,

brillante avec toutes sortes de sublimes maisons blanches.

35. Et Indraprastha brillait à la manière du ciel d'Indra,

comme au ciel grossit un amas de nuages pluvieux tout entouré d’éclairs.

36. Là, dans ce lieu charmant et splendide, la résidence des Kaurava

resplendissait, pleine de richesses, semblable au séjour du Dieu qui supervise les richesses [7].

37. Là accoururent les deux-fois-nés, ô roi, les meilleurs de ceux qui connaissent tout le Veda,

qui connaissent toutes les langues, et ils approuvèrent ce séjour.

38. Des marchands arrivèrent dans ce lieu, de tous les points de l’horizon, pour s’enrichir,

et des artisans de toutes sortes vinrent alors pour habiter là.

39. Et il y avait de charmants jardins de toutes parts dans la cité

avec des manguiers, des monbins, des kadambas, des ashoks, des champakas,

40. des takamakas, des mesuas, des lacuchas, des jaquiers,

des śals, rônier et larans, des élengis, et des saketakas

41. ravissants et fleuris, ployant sous le poids des fruits,

des flacourtias, des lodhras, des greuvriers tout en fleurs,

42. des jamblons, des bignones, des rosiers musqués, des atimuktakas, 

des lauriers roses, des jasmins, et toutes sortes d’autres arbres,

43. toujours couverts de fleurs et de fruits, s’y mêlaient toutes sortes d’oiseaux en grand nombre,

le paon y résonnait joyeusement avec les coucous toujours excités.

44. Il y avait des maisons comme des miroirs immaculés, et toutes sortes d’autres couvertes de plantes grimpantes,

et de ravissantes maisons multicolores, ainsi qu’un tas de monde,

et diverses citernes pleines d’une eau excellente,

45. et des étangs vraiment charmants, embaumés par les fleurs de lotus,

avec des oies et des canards, et ornés de tadornes,

46. et il y avait là toutes sortes de charmants étangs couverts de lotus et entourés de forêts,

et de charmantes mares, d’une grande étendue.

47. Le royaume où ils demeuraient était grand et peuplé de gens justes :

la satisfaction des Pāṇḍava, ô Mahārāja, allait croissant.

48. Et quand Bhīṣma et le roi eurent mis le Dharma en pratique,

les Pāṇḍava devinrent des habitants de Khāṇḍavaprastha.

49. Avec ces cinq maîtres archers, semblables à Indra,

la plus belle des citadelles resplendissait comme Bhogavatī avec ses serpents.

50. Après les avoir installés, l’héroïque Chevelu en compagnie de Rāma

partit pour Dvāravatī, avec l’approbation des Pāṇḍava.

 

 

 



[1] Kṛṣṇa.

[2] Kṛṣṇa : les fils de Pāṇḍu sont les cousins germains de Kṛṣṇa.

[3] Hāstinapura.

[4] Bhīṣma.

[5] Dvaipāyana, c’est-à-dire Vyāsa.

[6] Bhogavatī, capitale souterraine des dragons.

[7] Le dieu Kubera, dieu de la richesse, gardien des neuf trésors,  chef des génies et des esprits cachés ; il établit sa capitale Alakā sur le Mont Gandhamādana; son palais, magnifique, fut construit par Viśvakarmā; son jardin merveilleux Caitraratha se trouve sur le Mont Mandara.