(14) L’arrivée de Vidura : 192-198
1. 192. La nouvelle du retour des Pāṇḍava et de leur
mariage avec Draupadī se répand. Duryodhana s’inquiète de leur alliance
avec les Pāñcāla. Vidura se réjouit et annonce la nouvelle à Dhṛtarāṣṭra.
Dhṛtarāṣṭra se réjouit aussi de bonne foi. Duryodhana
et Karṇa demandent une audience privée à Dhṛtarāṣṭra
: il faut discuter de la politique à tenir envers les Pāṇḍava. (=
29 ślokas) |
Livre I, chapitre 192
1.
Vaiśampāyana dit : « Puis des émissaires
fiables furent envoyés aux rois : la belle Draupadī avait
été obtenue en mariage par les Pāṇḍava ; 2. le
héros au grand cœur qui avait bandé l’arc et percé la cible, c’était Arjuna, le meilleur
des vainqueurs, l’archer aux grandes flèches ; 3.
celui qui avait jeté en l’air Śalya, le roi des Madrās et l’avait
secoué puissamment, et aussi, dans sa colère,
avait effrayé avec un arbre les hommes dans la forêt, 4.
sans non plus que cet homme au grand cœur n’ait eu là le moindre effroi, c’était Bhīma, au
contact redoutable, qui abat les corps d’armée des ennemis. 5.
Quand ils apprirent que ceux qui étaient habillés comme des brahmanes étaient
les fils du roi Pāṇḍu et de Kuntī, la stupeur
naquit chez les seigneurs des hommes, 6.
car ils avaient entendu dire que jadis Kuntī avait été brûlée avec ses
fils dans la maison de laque. « Ils sont sûrement
ressuscités ! » pensaient tous les rois, 7. et
ils blâmaient alors Bhīṣma et Dhṛtarāṣṭra,
descendant de Kuru, pour cette action très
cruelle commise par Purocana. 8.
Quand le mariage au gré de l’épouse eut été célébré, tous ces rois se dispersèrent comme ils
étaient venus, sachant que les Pāṇḍava avaient été choisis. 9. Et
le roi Duryodhana, abattu, en compagnie de ses frères, d’Aśvatthāmā,
de son oncle maternel [1],
de Karṇa et de Kṛpa, 10.
s’en retourna en voyant le Héros-aux-blancs-chevaux choisi par Draupadī. Et Duḥśāsana,
honteux, lui parla ainsi doucement doucement : 11.
« Si celui-ci n’avait pas été un brahmane, il n’aurait pas obtenu
Draupadī. Car en vérité personne, ô roi, ne le reconnaissait
comme Dhanaṃjaya. 12.
La volonté des Dieux est la meilleure, à mon avis, un exploit est quelque chose de vain. Hélas pour notre exploit, mon
frère, que les Pāṇḍava ont effacé ici ! ». 13.
Ils discutaient ainsi ensemble, blâmant Purocana, et ils entrèrent dans
Hāstinapura, abattus et l’esprit absent. 14.
Ils étaient effrayés et leurs projets étaient anéantis, en voyant les
puissants fils de Pṛthā délivrés du feu et alliés à
Drupada, 15.
et en songeant à Dhṛṣṭadyumna ainsi qu’à Śikhaṇḍin, et autres fils de Drupada,
experts dans tous les arts de la guerre. 16.
Mais quand Vidura entendit dire que les Pāṇḍava avaient été
choisis par Draupadī, et que les fils de Dhṛtarāṣṭra
revenaient honteux et leur orgueil brisé, 17.
le chambellan, réjoui, dit à Dhṛtarāṣṭra, ô Seigneur
des peuples, tout étonné :
« Félicitations aux fils de Kuru ! ». 18.
Et le roi, fils de Vicitravīrya, entendant cela de Vidura, lui dit, au comble de la
joie : « Félicité ! Félicité ! », ô Bhārata. 19.
Car il pensait que son fils aîné avait été choisi par Draupadī, Duryodhana : le roi,
bien qu’il eût l’œil de la sagesse, était dans l’ignorance. 20.
Et il commanda pour Draupadī une grande parure : « Que 21.
Mais ensuite Vidura lui dit que les Pāṇḍava avaient été
choisis, que tous les héros étaient
prospères et avaient été honorés par Drupada, et qu’ils avaient d’autres
parents par alliance, nombreux et pleins de force. 22.
Dhṛtarāṣṭra dit : « Les fils de Pāṇḍu
me sont comme les miens et plus encore, et cette bonne fortune m’a
fait encore plus plaisir, Vidura, à mon avis, parce que ces héros sont
prospères et que les fils de Pāṇḍu ont des amis. 23.
Car quel roi, en manque de biens et dont la fortune aussi a disparu, ne
voudrait pas, en rencontrant Drupada, qu’il
devienne son ami, lui et avec les siens, ô chambellan ? ». 24.
Vaiśampāyana dit : « Quand il lui eut ainsi
parlé, Vidura lui dit : « Puisse ta pensée être
toujours celle-là, ô roi, pendant cent ans ! ». 25.
Puis, ô Seigneur des peuples, Duryodhana et Rādheya [2] s’approchèrent de Dhṛtarāṣṭra
et lui dirent alors ces mots : 26.
« En présence de Vidura, ô roi, nous ne pouvons pas te parler. Nous te parlerons en privé.
Quelle est ton intention ? 27.
Car, père, tu estimes que la prospérité de tes rivaux est ta propre
prospérité : car tu les loues en présence
du chambellan, ô le meilleur des hommes. 28.
Quand une chose est à faire, ô roi, tu fais l’autre, ô irréprochable, car ce qu’il faut faire,
père, c’est nous opposer éternellement à leur pouvoir. 29.
Pour nous le temps est venu de délibérer sur notre projet afin qu’ils ne nous
engloutissent pas avec nos fils, nos armées et nos amis. ». |
1. 193. Duryodhana propose
différents stratagèmes pour affaiblir les Pāṇḍava ou les
séparer des Pāñcāla, et va jusqu’à proposer de les tuer. (=
19 ślokas) |
Livre I, chapitre 193
1. Dhṛtarāṣṭra
dit : « Je pense moi aussi
justement de la même façon que vous deux. Je ne désire pas montrer mes
expressions en face de Vidura. 2.
Ainsi je célèbre particulièrement leurs vertus pour que Vidura ne comprenne
pas mon dessein aux expressions de mon visage. 3. Et
ce qui est approprié selon toi, toi dis-le, Bon-Guerrier, et ce que toi, Rādheya,
tu penses approprié, dis-le moi. ». 4.
Duryodhana dit : « Maintenant avec l’aide
de brahmanes adroits, justes et efficaces, divisons les Pāṇḍava
fils de Kuntī et les fils de Mādrī. 5. Ou
bien séduisons le roi Drupada avec de grands tas d’argent, lui et ses fils, et aussi ses
compagnons tous ensemble : 6.
« Abandonnez le roi Yudhiṣṭhira, le fils de
Kuntī ! ». Ou bien encore qu’ils choisissent
de séjourner ici même. 7.
Qu’on leur expose en détails que leur séjour ici présente des
inconvénients : que les Pāṇḍava,
divisés ici même, songent à cela. 8. Ou
bien que des hommes adroits et habiles en expédients divisent les fils de Pṛthā
entre eux dans leur affection. 9. Ou
que l’on éloigne ou bien qu’on éloigne d’elle
les Pāṇḍava, ainsi qu’elle-même d’eux. 10.
Ou bien, pour Bhīmasena, ô roi, que des hommes adroits en expédients préparent sa mort dans une
embuscade, car il leur est supérieur par la force. 11.
Et quand il aura été tué, ô roi, leur force sera tuée, leur puissance sera
tuée, ils ne convoiteront plus la
royauté, car il est leur refuge. 12.
Car Arjuna est invincible au combat quand Ventre-de-loup protège ses
arrières : sans lui, Arjuna dans la
bataille il ne vaut pas le quart de Rādheya. 13.
Quand ils connaîtront à quel point leur faiblesse, sans Bhīmasena, est
grande, qu’ils connaîtront notre
puissance, ils disparaîtront, étant plus faibles. 14.
Quand les fils de Pṛthā seront arrivés ici et seront soumis à nos
ordres, nous nous occuperons, ô roi,
de les exterminer à notre gré. 15.
Ou bien avec de belles filles de joie induisons en tentation l’un après l’autre les fils
de Kuntī : ternissons ainsi les sentiments de 16.
Ou encore envoyons Rādheya pour les faire revenir, et qu’ils soient tués par des
brigands efficaces avec qui nous nous serons entendus. 17.
Celui de ces expédients que tu considères comme sans défauts, mets-le à exécution :
nous allons être dépassés par le temps ! 18.
Tant que la confiance n’est pas établie avec Drupada, ce taureau parmi les
rois, cela est possible
aujourd’hui, mais ce ne sera plus possible ensuite. 19.
Voilà mon avis, père : faire en sorte de les détruire. Rādheya, qu’en
penses-tu ? Est-ce que tu approuves ou pas ?... ». |
1. 194. Karṇa montre que ce
n’est pas si facile d’affaiblir les Pāṇḍava. Il propose la
guerre immédiate. Dhṛtarāṣṭra convoque ses conseillers. (= 25 ślokas) |
Livre I, chapitre 194
1.
Karṇa dit : « Duryodhana, tu n’as
pas complètement ton jugement, à mon avis, car avec les Pāṇḍava
on ne peut pas avoir d’expédients, ô fils de Kuru. 2.
Car quand jadis tu t’es mesuré à eux à l’aide de subtils expédients pour les arrêter, ô héros, tu
n’en as pas été capable. 3.
Ils étaient là, à côté de toi, ô roi, des oisillons sans ailes, et
il a été impossible de les réprimer. 4. Aujourd’hui
leurs ailes ont poussé, ils vivent à l’étranger, ils ont terminé leur
croissance : les fils de Kuntī ne
peuvent être soumis par des expédients, j’en ai la ferme conviction. 5. Et
l’on ne peut pas employer des vices contre eux, car ils sont les objets du
destin, et ils sont méfiants et ils
désirent aussi le titre de leurs ancêtres. 6. Et
on ne peut mettre la zizanie entre eux : des gens qui aiment une seule
et même femme ne peuvent pas être mis en zizanie. 7. Et
des ennemis ne peuvent pas non plus mettre la zizanie entre eux et elle les a choisis quand ils
étaient misérables, à plus forte raison aujourd’hui qu’ils sont vêtus
proprement ! 8. Et
c’est une vertu souhaitée par les femmes qu’il y ait beaucoup de maris pour
une seule femme, et 9. Et
le roi de Pañcāla est un homme d’honneur, ce n’est pas un roi qui chérit
les richesses : il n’abandonnera pas les fils
de Kuntī, même si on lui offre des royaumes, c’est certain. 10.
De même, son fils est vertueux et dévoué aux Pāṇḍava : c’est pourquoi ils ne
peuvent, à mon avis, en aucune façon être gagnés par des expédients. 11.
Mais nous pouvons faire ceci aujourd’hui, ô taureau parmi les hommes. Tant que les Pāṇḍava
n’auront pas pris racine, ô Seigneur des peuples, ils seront attaqués :
que ta vaillance brille ! 12.
Tant que notre armée est grande, tant que celle des Pañcāla est faible, il faut les attaquer, il ne
faut pas hésiter ! 13.
Tant que leurs montures ne sont pas abondantes, et que leurs alliés ne sont
pas nombreux, ô fils de
Gāndhārī, à toi de vite montrer ta vaillance. 14.
Et tant que le roi des Pañcāla ne songe pas à agir en compagnie de ses fils à la
grande force, à toi de vite montrer ta vaillance. 15.
Jusqu’à ce que le descendant de Vṛṣṇi [3]
arrive, entraînant derrière lui l’armée des Yādavās, pour que règnent les Pāṇḍava,
à toi de vite montrer ta vaillance. 16.
Ses richesses, toutes sortes de profits, et même carrément son royaume, il n’y a rien qui ne serait
abandonné par Kṛṣṇa au profit des Pāṇḍava,
ô roi. 17.
Avec sa vaillance, Bharata au grand cœur a conquis avec sa vaillance, le
punisseur de Pāka [4]
a vaincu les trois mondes. 18.
Et l’on loue la vaillance de la noblesse guerrière, ô Seigneur des peuples, car la vaillance est le
Dharma propre aux héros, ô taureau parmi les rois. 19.
C’est avec une grande armée d’éléphants, de chariots, de cavaliers et
d’infanterie, ô roi, que nous devons vite attaquer
Drupada et amener ici les Pāṇḍava. 20.
Car ce n’est ni avec aménité, ni par des cadeaux, ni par la zizanie que les
Pāṇḍava peuvent être soumis :
aussi détruis-les avec ta vaillance. 21.
Et quand tu les auras vaincus par ta vaillance, jouis entièrement de cette
Terre. Je ne vois là aucun autre
expédient dans cette affaire. ». 22.
Vaiśampāyana dit : « Après avoir entendu
les paroles de Rādheya, le majestuueux Dhṛtarāṣṭra
l’approuva ensuite et lui dit
ces mots : 23.
« Elle est le propre d’un homme très intelligent, exercé au maniement
des armes, fils d’un conducteur de char, cette parole telle que tu
l’as dite, pleine de vaillance ! 24.
Mais encore que Bhīṣma, Droṇa, Vidura, et vous deux aussi preniez
une résolution qui nous apporte le bonheur. ». 25.
Alors, après avoir mandé tous ses conseillers, le grand roi Dhṛtarāṣṭra
à la très grande gloire tint conseil. |
1. 195. Bhīṣma ne veut
pas la guerre : les Pāṇḍava lui sont aussi chers que les
fils de Dhṛtarāṣṭra. Il propose de leur donner la
moitié du royaume. (= 19 ślokas) |
Livre I, chapitre 195
1.
Bhīṣma dit : « Il ne me plait pas
d’entrer en conflit avec les fils de Pāṇḍu, en aucune façon. Pāṇḍu est
pour moi comme Dhṛtarāṣṭra, il n’y a pas de doute. 2. Et
je considère les fils de Kuntī tout comme les fils de
Gāndhārī, et je dois les protéger, ô Dhṛtarāṣṭra,
tout comme tu dois le faire. 3. Et
ce qu’ils sont pour moi et pour le roi, ils le sont de même pour Duryodhana, de même que pour tous les
autres Kuru aussi, ô Bhārata. 4. Cela étant, il ne me plait pas
d’entrer en conflit avec eux. Accordons-nous avec ces héros
et donnons leur aujourd’hui une terre. Ce royaume est aussi celui de
leurs arrière-grands-pères, ainsi que de leur père, les
chefs des Kuru. 5.
Cher Duryodhana, de même que tu regardes ce royaume en te disant « C’est
celui de mes pères », de même les Pāṇḍava le regardent
aussi ainsi. 6. Si
les ascétiques Pāṇḍava n’obtiennent pas de royaume, comment celui-ci pourrait-il
être à toi ou à tout autre parmi les Bhārata ? 7. Si
selon le Dharma tu obtiens le royaume, ô taureau des Bhārata, eux aussi ont obtenu le
royaume auparavant : telle est ma pensée. 8.
Qu’avec douceur on leur accorde la moitié du royaume, car c’est là, ô tigre parmi
les hommes, l’intérêt de tous. 9.
Mais s’il en est fait autrement, il n’y aura pas d’intérêt pour nous, et c’est aussi sur toi que
sera l’intégralité de l’infamie, ça ne fait aucun doute. 10.
Veille à protéger ta renommée, car la renommée est la force suprême. Car la vie d’un homme privé
de renommée est stérile, c’est ce qu’on dit. 11.
Tant que la renommée d’un homme ne disparaît pas, ô fils de Kuru, il vit, ô fils de
Gāndhārī ; mais l’homme privé de renommée, il disparaît. 12.
Observe ce Dharma qui convient à la famille des Kuru, et fais ce qui convient à tes
ancêtres, ô puissant. 13.
C’est grâce à la bonne fortune que les héros persévèrent, c’est grâce à la
bonne fortune que Pṛthā est
en vie, c’est grâce à la bonne
fortune que le méchant Purocana n’a pas été satisfait dans ses désirs et a
trouvé la mort. 14.
Dès lors, ô fils de Gāndhārī, je ne peux regarder aucune créature au monde,
depuis que j’ai entendu ce qui est arrivé à Kuntī. 15.
Et les gens ne vont pas non plus accuser Purocana comme les gens viennent
t’accuser toi, ô tigre parmi les hommes. 16.
Le fait qu’ils soient là vivants supprime ta souillure, et tu dois apprécier, ô grand
roi, la vue des Pāṇḍava. 17.
Et tant que ces héros sont vivants, ô fils de Kuru, même le porteur du foudre en
personne n’est pas capable de leur prendre leur héritage paternel. 18.
Car tous s’en tiennent au Dharma, tous n’ont qu’une seule et même pensée, et c’est contrairement au
Dharma qu’ils ont été chassés, alors qu’ils ont un droit égal au royaume. 19.
Si tu te dois d’accomplir le Dharma, et si tu dois me faire plaisir, et si tu dois assurer ta
tranquillité, donne leur la moitié du royaume ! ». |
1. 196. Droṇa approuve Bhīṣma
: que l’on envoie une ambassade aux Pāṇḍava, avec des
cadeaux pour chacun d’eux, et qu’on les accueille avec honneur à Hāstinapura.
Karṇa les accuse de malhonnêteté. Il raconte l’Histoire d’Ambūvīca,
un roi faible qui s’est laissé dépouillé de tout par son ministre Mahākarṇi
: mais son ministre n’a pu acquérir la royauté. Si la royauté est acquise,
elle ne peut être enlevée. Droṇa proteste. (= 28 ślokas) |
Livre I, chapitre 196
1.
Droṇa dit : « Les amis de Dhṛtarāṣṭra
qui ont été rassemblés pour délibérer, ô roi, doivent parler selon le
Dharma, et ce qui est convenable et donne la gloire, c’est ce que nous avons
entendu. 2.
Mon avis est le même, mon cher, que celui de Bhīṣma au grand cœur, il faut partager avec les
fils de Kuntī, c’est là le Dharma éternel. 3.
Que soit vite envoyé à Drupada un homme à la parole aimable, emportant pour eux une
abondance de joyaux, ô Bhārata. 4. Et
qu’il parte en amenant avec lui des affaires en abondance, et qu’il parle de la très
grande prospérité qui naîtrait ainsi de cette alliance. 5. Il
pourrait dire, ô roi, que tu es au comble de la joie, ainsi que Duryodhana, et le dire encore et encore
devant Drupada et Dhṛṣṭadyumna, ô Bharata. 6.
Qu’ils dépeigne aussi le caractère adéquat et agréable de cette alliance, en apaisant encore et encore
les fils de Kuntī et les deux fils de Mādrī. 7.
Que sur ton ordre, ô roi des rois, il offre à Draupadī une abondance de beaux bijoux
en or, 8. et
de même qu’à tous les fils de Drupada, ô taureau des Bhārata, et à tous les fils de Pāṇḍu
et à Kuntī il offre ce qui convient. 9. Et
quand Drupada, avec les Pāṇḍava, aura été apaisé, immédiatement après lui avoir
parlé, il pourrait leur parler de leur retour. 10.
Quand ces héros auront reçu leur congé, qu’une brillante armée parte et que Duḥśāsana
et Vikarṇa escortent là-bas les Pāṇḍava. 11.
Puis, ô le meilleur des souverains, sans cesse honorés par toi, avec l’approbation de leurs
dignitaires, ils demeureront dans le séjour de leurs ancêtres. 12.
Ainsi, ô Mahārāja, pour eux comme pour tes fils c’est là la conduite
appropriée : je le pense avec Bhīṣma, ô Bhārata. ». 13.
Karṇa dit : « Ils ont tous deux sans
cesse reçu des avantages et des honneurs dans toutes leurs actions : tous deux ne projetteraient
pas là quelque chose de mieux ? Quoi de plus extraordinaire ? 14.
Celui qui, avec un esprit mauvais et un cœur fourbe, dirait pourtant des choses
insurpassables, comment aurait-il une bonne intention ? 15.
Les amitiés dans les temps difficiles ne sont pas pour le meilleur ou
l’inverse, car tout suit la règle, que
ce soit le malheur ou le bonheur. 16.
Sensé, insensé, jeune, âgé, un homme, avec des alliés ou sans
alliés, trouve tout partout. 17.
On a en effet entendu parler jadis d’un certain Ambuvīca, il était dans Rājagṛha
le roi des rois du Magadha. 18.
Ce roi était déficient dans tous ses actes, il s’occupait principalement à
respirer, il dépendait de son
conseiller dans tout ce qu’il devait faire. 19.
Son conseiller, Mahākarṇi, devint bientôt le seul maître. Celui-ci, quand il estima
avoir pris du pouvoir, le méprisa. 20.
Tout ce dont jouissait le roi, ses femmes, ses joyaux et ses richesses, cet insensé prit tout pour
lui, et il fit alors sienne sa souveraineté. 21.
Et à mesure que ce cupide amassait du gain, sa cupidité grandissait, et ainsi quand il eut tout
pris pour lui, il voulut lui prendre son royaume. 22.
Bien que le roi fût déficient dans tous ses actes et s’occupât principalement
à respirer, malgré ses efforts il fut
incapable de régner, c’est ce que nous avons entendu dire. 23.
Cette souveraineté, est-ce donc autre chose que ce qui est assigné ? Si ton royaume t’est assigné,
ô Seigneur des peuples, 24.
sous les yeux du monde entier il demeurera à toi, c’est certain. Mais s’il est assigné
autrement, malgré tes efforts tu ne l’auras pas. 25.
Sachant cela, reçois des conseillers honnêtes et malhonnêtes les paroles corrompues et les
paroles pures, et découvre-les. ». 26.
Droṇa dit : « Nous savons dans quel
but tu dis cela avec malignité. Tu es corrompu à cause des
Pāṇḍava car tu nous fais connaître ton défaut. 27.
Mais je dis là, Karṇa, une chose utile qui fait croître la lignée des
Kuru. Mais ta pensée est
corrompue : dis ce qui est le plus utile. 28.
Mais s’il en est fait autrement de ma parole très utile, les fils de Kuru périront, et
ce ne sera pas long à mon avis. ». |
1. 197. Vidura rappelle la fidélité
de Bhīṣma et de Droṇa. Les Pāṇḍava ne
peuvent être défaits. Ils ont été offensés et ont droit à réparation. (= 29 ślokas) |
Livre I, chapitre 197
1.
Vidura dit : « Ô roi, à n’en pas
douter tes compagnons te donnent leur meilleur avis, mais un avis ne tient pas
devant des gens qui ne veulent pas entendre. 2.
Car il t’a donné là un avis utile le meilleur des Kuru, Bhīṣma le fils de
Śāṃtanu, ô roi, et tu ne le reçois pas. 3. De
même Droṇa a parlé de diverses manières de manière très utile, et Karṇa, le fils de
Rādhā, pense que ce n’est pas utile pour toi. 4. Et
en y réfléchissant, je ne vois pas pour toi, ô roi, de plus grands amis que ces deux lions parmi les
hommes, ou qui soient supérieurs par leur sagesse. 5.
Car tous deux sont éminents par leur âge, leur sagesse et leur savoir, et ils sont tous deux
comparables à toi, ô roi des rois, et aux fils de Pāṇḍu. 6. Et
dans le Dharma et la droiture, ô roi Bhārata, tous deux ne sont
inférieurs ni à Rāma, le fils de
Daśaratha, ni à Gaya, il n’y a pas de doute. 7.
Tous deux auparavant n’ont jamais rien dit non plus qui soit bas, et ils n’ont pas non plus été
convaincus de malveillance envers toi. 8.
Ces deux tigres parmi les hommes, comment ne songeraient-ils pas à ce qui est
le mieux pour toi, ô roi, qui es sans
faute, étant tous deux des héros dans le domaine de la vérité ? 9.
Tous deux sont sages, ce sont les meilleurs des hommes dans ce monde, ô roi, et jamais ces deux-là ne te
diront une parole qui pourrait te tromper. C’est là mon avis définitif,
ô fils de Kuru. 10.
Et ces deux connaisseurs du Dharma ne donneront pas par intérêt un avis
partial : car ils songent là à ton plus
grand bonheur, ô Bhārata. 11. De
même que Duryodhana et ses frères sont tes fils, ô roi, de même les Pāṇḍava
sont tes fils, ô roi, il n’y a pas de doute. 12.
Si, sans sagesse, quelque désavantage était projeté contre eux par tes conseillers, c’est
qu’ils ne considèrent pas particulièrement ton bonheur… 13.
Mais si dans ton cœur, ô roi, tu fais une distinction entre eux, il n’est pas certain qu’ils
feraient ton bonheur en te révélant leurs sentiments intimes. 14.
C’est pourquoi, ô roi, ces deux héros au grand cœur et à la grande gloire n’ont en aucun cas parlé
ouvertement, car ce n’est pas là ta conviction. 15.
Et quant à ce que ces deux taureaux parmi les hommes ont dit qu’ils ne
pouvaient leur faire, il en est bien ainsi, ô tigre
parmi les hommes, si je peux me permettre… 16.
Car comment l’illustre Pāṇḍava, l’ambidextre tourmenteur de
ses ennemis [5] pourrait-il être vaincu dans
un combat, ô roi, même par le Généreux [6] ? 17.
Le grand Bhīmasena aux bras puissants, qui a la force d’un éléphant, comment pourrait-il donc être
vaincu dans la bataille, même par des immortels ? 18.
Et de même les jumeaux experts en combat, tels des fils de Yama, comment pourrait-on leur
résister dans la bataille, si l’on veut survivre ? 19.
Celui qui a en lui la fermeté, la compassion, le pardon, la véracité, le courage perpétuellement, celui qui
est le meilleur des Pāṇḍava, comment pourrait-il être vaincu
dans la bataille ? 20.
Ceux dont Rāma prend le parti, ceux dont le Tourmenteur-des-hommes [7]
est le conseiller, ceux qui ont Sātyaki [8]
pour partisan, qu’y a-t-il donc d’invincible pour eux ? 21.
Eux dont Drupada est le beau-père, eux dont les beaux-frères sont les fils de
Pṛṣata, ces héros commandés par leur
frère Dhṛṣṭadyumna, ces fils de Drupada ? 22.
Et comprenant cette impossibilité devant eux, ô Bhārata, et leur droit d’héritage
selon le Dharma, conduis-toi comme il convient avec eux. 23.
Cette souillure, cette grande infamie commise par Purocana, tu dois t’en purifier, ô roi,
en leur étant favorable aujourd’hui. 24.
De plus le grand roi Drupada nous a jadis été hostile : si nous le gagnons, ô roi,
cela fera croître notre parti. 25.
Et les Dāśārhas sont puissants et nombreux, ô seigneur
des peuples ; là où est Kṛṣṇa
ils seraient, là où est Kṛṣṇa il y a la victoire. 26.
Et une affaire qu’on pourrait régler par la négociation, ô roi, qui serait à ce point maudit
des dieux pour choisir de la gérer par un conflit ? 27.
Et ayant entendu dire que les fils de Pṛthā étaient vivants, les gens de la ville et de
la campagne sont très avides de les
voir : fais leur plaisir, ô roi ! 28.
Duryodhana, et Karṇa, et aussi Śakuni le fils de Subala sont de stupides nigauds,
dépourvus de Dharma : n’accomplis pas leur parole ! 29.
Je t’ai déjà dit cela depuis longtemps, ô roi vertueux : par la faute de Duryodhana
cette lignée disparaîtra ! ». |
1. 198. Dhṛtarāṣṭra
est d’accord de partager le royaume. Il envoie Vidura chercher les Pāṇḍava.
Celui-ci arrive chez Drupada, transmet les salutations de tous et lui demande
la permission d’emmener les Pāṇḍava chez Dhṛtarāṣṭra. (= 25 ślokas) |
Livre I, chapitre 198
1. Dhṛtarāṣṭra
dit : « Le sage Bhīṣma,
fils de Śāṃtanu, et Droṇa, le sage bienheureux, ont dit une parole d’un très
grand intérêt, et toi tu me dis la vérité. 2.
Comme les héroïques fils de Pāṇḍu et les grands auriges fils
de Kuntī, de même selon le Dharma vous
êtes tous mes fils, il n’y a pas de doute. 3.
Comme ce royaume est destiné à mes fils, de même ce royaume est pour
les fils de Pāṇḍu, il n’y a pas de doute. 4.
Chambellan, va et escorte-les avec honneur, en compagnie de leur mère et en compagnie de cette
Noiraude belle comme une déesse, ô Bhārata. 5.
C’est grâce à la bonne fortune que les fils de Pṛthā sont en vie,
c’est grâce à la bonne fortune que Pṛthā est en vie, c’est grâce à la bonne
fortune que ces grands auriges ont reçu la fille de Drupada, 6.
c’est grâce à la bonne fortune que nous prospérons tous, c’est grâce à la
bonne fortune que Purocana a été neutralisé, c’est grâce à la bonne
fortune qu’un très grand malheur a été écarté de moi, ô
resplendissant ! ». 7.
Vaiśampāyana dit : « Alors Vidura partit
sur l’ordre de Dhṛtarāṣṭra auprès du
Chef-de-l’armée-sainte [9]
et des Pāṇḍava, ô Bhārata. 8.
Quand il fut arrivé, ce connaisseur du Dharma, expert en toutes sortes de
préceptes, rendit hommage comme il
convient à Drupada quand il l’eut rejoint, ô roi. 9. Et
lui aussi accueillit alors Vidura conformément au Dharma, et ils eurent comme il
convient un échange de questions sur leur santé. 10.
Il vit là les Pāṇḍava et Vāsudeva, ô Bhārata, et avec tendresse il les prit
dans ses bras et les interrogea sur leur santé. 11.
Et ceux-ci aussi, l’un après l’autre, rendirent hommage à ce sage
incomparable, et conformément aux ordres de
Dhṛtarāṣṭra, avec tendresse, encore et encore 12.
il interrogea sur leur santé, ô roi, les fils de Pāṇḍu, et il donna aussi des joyaux
et toutes sortes de richesses 13.
aux Pāṇḍava, à Kuntī, à Draupadī, ô seigneur des
peuples, et aux fils de Drupada, tels
qu’ils avaient été donnés par les Kaurava. 14.
Et Vidura, à la sagesse sans bornes, s’adressa poliment au courtois Drupada en présence des fils
de Pāṇḍu et du Chevelu [10] : 15.
« Ecoute ma voix, ô roi, avec tes proches et tes fils : Dhṛtarāṣṭra,
avec ses fils, avec ses proches, avec ses parents 16.
s’est enquis avec joie de ta santé, ô roi, encore et encore, et il est aussi très
satisfait de son alliance avec toi, ô prince. 17.
De même, en compagnie des Kaurava tous ensemble, Bhīṣma, le fils
de Śāṃtanu, le très sage, s’enquiert de
ta santé de toutes parts. 18.
Droṇa Bharadvāja, le maître archer, ton ami cher, vient te serrer dans ses bras
et s’enquiert de ta santé. 19.
Et Dhṛtarāṣṭra ayant conclu une alliance avec toi, ô
fils de Pañcāla, estime qu’il a atteint son
but, et il en est de même pour tous les Kaurava. 20.
Et ils n’estiment pas l’obtention du royaume leur cause autant de plaisir que d’avoir obtenu une
alliance avec toi, ô Chef-de-l’armée-sainte. 21.
Sachant cela, Seigneur, laisse partir les Pāṇḍava, car les fils de Kuru ont
vraiment hâte de voir les héritiers de Pāṇḍu. 22.
Et aussi ces taureaux parmi les hommes ont été loin de chez eux pendant
longtemps, ils seront désireux de voir
leur cité, de même que Pṛthā. 23.
Et toutes les femmes des princes Kuru attendent aussi du Pañcāla et désirent
la voir, de même que notre cité et notre pays. 24.
Que votre Seigneurie ordonne sans délai que les fils de Pāṇḍu
partent en compagnie de leur
épouse, et que je m’en retourne moi-même. 25.
Quand, ô roi, tu auras renvoyé les Pāṇḍava au grand cœur, moi j’enverrai des messagers
rapides à Dhṛtarāṣṭra, et les fils de Kuntī et
Kuntī partiront en compagnie de |