(10)
Mort de Baka : 145-152
1.
145. Les Pāṇḍava habitent chez le brahmane, et mendient leur
nourriture. Un jour Kuntī et Bhīma entendent pleurer le brahmane et
son épouse. Le brahmane reproche à son épouse de n’avoir pas voulu quitter la
ville, comme il l’en pressait : “Je suis née ici”, disais-tu. Combien eut-il
mieux valu qu’ils partent. Mais elle a toujours été une bonne épouse, comment
pourrait-il la sacrifier ?. Et comment pourrait-il sacrifier sa fille.
D’autre part, s’il y va lui-même, comment sa fille et son épouse
pourront-elles vivre ? (= 40 ślokas) |
Livre I, chapitre 145
1.
Janamejaya dit : « Mais une fois que les
fils de Kuntī, ces grands auriges, furent arrivés à Ekacakrā, que firent donc ensuite les
Pāṇḍava, ô le meilleur des deux-fois-nés ? ». 2.
Vaiśampāyana dit : Une fois donc que les fils de
Kuntī, ces grands auriges, furent arrivés à Ekacakrā, ils habitèrent, pas très longtemps,
dans la maison d’un brahmane. 3.
Ils virent toutes sortes de charmants bosquets, et aussi des lopins de terre,
des rivières et des étangs. 4.
Tous allèrent donc mendier, ô Seigneur des peuples, et les gens de la cité
prirent plaisir à les voir à cause de leurs vertus. 5. Et
ils offraient leurs aumônes à Kuntī chaque nuit ; ils mangeaient la portion
qu’elle distribuait à parts égales à chacun d’entre eux. 6.
Ces héros tourmenteurs de leurs ennemis en mangeaient la moitié avec leur
mère, et le très puissant
Bhīma mangeait l’autre moitié de toute l’aumône. 7.
Ainsi, pendant que ces hommes au grand cœur vivaient là, ô roi, il se passa un temps très
long, ô taureau des Bhārata. 8.
Ainsi, un jour que ces taureaux des Bhārata étaient partis mendier, il se trouva que
Bhīmasena était en compagnie de Pṛthā. 9. Et
Kuntī entendit dans la maison du brahmane un grand cri de douleur,
effrayant, qui s’élevait très fort, ô Bhārata. 10.
Ils hurlaient tous et se lamentaient, et la reine, par pitié et
parce qu’elle était bonne, ne le supporta pas, ô roi. 11.
Comme si son cœur était bouleversé par la douleur, la noble Pṛthā dit à
Bhīma cette parole pleine de compassion : 12.
« Nous vivons très tranquillement, mon fils, dans la maison du brahmane, inconnus des fils de Dhṛtarāṣṭra,
nous sommes bien accueillis et apaisés. 13.
Je me demande souvent, mon fils, ce que je pourrais faire de gentil, comme feraient
ceux qui logent tranquillement dans une maison. 14. Est
vraiment un homme, mon cher, celui par lequel ne disparaît pas ce qui a été
fait : ce qu’un autre peut faire
pour lui, il doit le faire en plus grand. 15.
Là un malheur s’est abattu sur ce brahmane, c’est certain. Si nous lui apportions notre
aide, ce serait une bonne action… ». 16.
Bhīma lui dit : « Sachons quel est son
malheur, et d’où il vient. Quand nous le saurons, je
prendrai une décision, même si cela était très difficile à faire. ». 17.
Vaiśampāyana dit : Et donc, tandis que tous deux
parlaient, ils entendirent encore le cri de douleur de ce brahmane et
de sa femme, ô Seigneur des peuples. 18.
Kuntī entra en hâte dans le gynécée de ce brahmane au grand cœur,
comme une vache dont le veau a été attaché. 19.
Elle vit là ce brahmane en compagnie de sa femme, de son fils et de sa fille,
avec un visage altéré. 20.
Le brahmane disait : « Hélas ! Cette vie
ici-bas est faite de feu, absurde, enracinée dans le malheur,
dépendante des autres et toute pleine d’infortune ! 21.
Dans la vie, extrême est le malheur, dans la vie, extrême est la fièvre de la
douleur, dans la vie, le présent voit
perpétuellement arriver des dilemmes. 22.
Car un homme, même seul, recherche le Dharma, le Profit et le Plaisir ; et quand il en est privé, on
estime que c’est le pire malheur. 23.
Certains disent que la délivrance est ce qu’il y a de mieux, et elle n’existe
en aucune façon ; quand on obtient un profit,
c’est un total enfer qui arrive. 24.
Désirer le profit est le pire malheur, et pour celui qui a eu du profit c’est
encore pire. Et quand on est privé du
profit que l’on aime, le malheur est encore plus grand. 25.
Car je ne vois pas de moyen qui me délivrerait de mon malheur, sauf si je m’enfuyais avec
mon fils et ma femme vers un endroit plus sain. 26.
Auparavant j’ai tâché de te faire comprendre, femme brahmane, d’aller dans un endroit sûr,
mais tu ne m’as pas écouté. 27.
« C’est là que je suis née, que j’ai grandi, et c’est là qu’est mon
père » me disais-tu bêtement chaque
fois que je te suppliais. 28.
Car ton père devenu vieux est allé au ciel depuis longtemps, ainsi que ta
mère, et tes parents sont
morts : quel plaisir y a-t-il à vivre ici ? 29.
Et parce que tu désirais voir tes parents et que tu n’as pas écouté ma voix, la disparition de notre
famille est imminente, et cela me fait énormément de peine… 30.
Ou plutôt c’est là ma propre disparition, car je ne pourrai en aucune façon, en vivant moi-même comme un
malfaisant, sacrifier une parente 31.
qui m’a toujours accompagné dans ma pratique du Dharma et a dompté ses
passions, qui est pour moi comme une mère, qui m’a été donnée comme un
ami par les dieux, qui a toujours été mon suprême refuge, 32.
qui m’a été donnée par son père et sa mère pour être toujours ma partenaire
dans la gestion de la maison, que j’ai choisie pour femme
selon les règles, et que j’ai épousée en récitant les formules, 33.
qui est de noble origine, qui a une bonne conduite, qui est la mère de mes
enfants… Pour sauver ma vie, je ne
peux pas sacrifier une femme vertueuse qui ne
m’a fait aucun tort, une épouse toujours dévouée… 34.
Comment pourrai-je sacrifier ma fille de mon propre chef ? C’est une enfant, elle n’est
pas en âge, elle a l’aspect d’une prépubère. 35.
En père au grand cœur, je l’ai réservée pour son mari : quand avec mes ancêtres j’espère
d’elle des gens qui naîtront de mes petits-fils, comment supporter, après
avoir engendré cette fille, de la sacrifier ? 36.
Certains hommes pensent que l’affection d’un père est extrême pour son fils, mais en revanche pas pour sa
fille : moi je les estime tous les deux également. 37.
C’est en lui que reposent la population et la procréation, ainsi que le
bonheur éternel ; mais comment supporterai-je
de sacrifier cette fille innocente ? 38.
De plus, si je me sacrifie moi-même, j’irai au royaume des morts et j’y
brûlerai, car si je les abandonne, il
est évident qu’ils ne pourront pas vivre ici-bas. 39.
Sacrifier l’un d’eux est un crime blâmé par les sages. Et si je me sacrifie
moi-même, ils mourront sans moi. 40.
Après être tombé dans ce mauvais pas, je ne peux pas m’en sortir. Hélas ! Pauvre de
moi ! Quel chemin vais-je prendre aujourd’hui avec ceux de ma
famille ? Le mieux est de mourir avec
eux tous : la vie n’est plus supportable… » |
1.
146. L’épouse du brahmane lui représente qu’elle ira elle-même. C’est le
devoir d’une épouse de se sacrifier pour son mari, même au prix de sa vie. De
toutes façons, elle serait incapable d’assurer la survie de sa famille, s’il
partait et d’inculquer à ses enfants les vertus nécessaires. C’est son devoir
de se sacrifier et son existence a été bien remplie. (= 36
ślokas) |
Livre I, chapitre 146
1. La
femme brahmane dit : « Tu ne dois jamais te
livrer à la douleur comme un homme du commun. Car celui qui sait, comme
toi, sait qu’il n’y a pas de temps pour se livrer à la douleur. 2.
Tous les hommes ici-bas doivent inéluctablement aller vers le trépas, et ici-bas il n’y a pas à se
livrer à la douleur pour des choses inéluctables. 3.
L’épouse, le fils, la sœur, tout cela on le désire pour soi-même. Mets fin à ton tourment en
comprenant bien les choses : j’irai moi-même là-bas. 4.
Car pour une épouse c’est un devoir suprême et éternel dans ce monde d’agir pour le bien de son
mari, même en renonçant à sa vie. 5. Et
cette action que j’aurai accomplie t’apportera à toi aussi le bonheur
ici-bas, et elle sera impérissable
dans l’au-delà et dans ce monde, et elle fera ma gloire. 6.
C’est là aussi le vénérable Dharma que je t’explique : c’est du profit pour toi, et
le Dharma te paraît alors plus grand. 7. Le
but pour lequel on désire une femme, tu l’as atteint avec moi : une fille, et aussi un
garçon. Je suis quitte avec toi de mes obligations. 8. Tu
es à même de nourrir et de protéger nos deux enfants, et moi je ne suis pas capable
de nourrir et protéger nos deux enfants. 9.
Car tu es venu à moi, qui te suis inférieure, pour nous donner tout ce que je
désirais. Comment tes deux jeunes
enfants pourraient-ils vivre, et comment pourrais-je exister ? 10.
Car comment, veuve et sans protecteur, avec deux jeunes enfants, sans toi ferai-je vivre ces deux
enfants, en restant dans la voie qui mène à la vertu ? 11.
Et quand des hommes arrogants et imbus de leur personne convoiteront cette
fille, sans des gens qui seraient
tes alliés, comment pourrai-je la protéger ? 12.
Comme les oiseaux convoitent de la viande qu’on a jeté à terre, de même tous les hommes
convoitent une femme sans homme. 13.
Et moi, détournée et convoitée par des hommes mauvais, je ne pourrai pas rester dans
le chemin choisi par les hommes de bien, ô le meilleur des deux-fois-nés. 14.
Et cette unique fille de ta famille qui n’est pas préparée, comment oserai-je la mettre dans la
voie de tes ancêtres ? 15.
Comment pourrai-je inculquer les vertus requises à ce garçon orphelin et privé de tout,
comme tu le ferais en homme qui voit où est le Dharma ? 16.
Et aussi ma fille orpheline là sera méprisée, des hommes indignes la
convoiteront, tels des serviteurs écoutant les Veda. 17. Si
je ne voulais pas la donner, étant donnée qu’elle serait fortifiée par tes
vertus ils la violenteraient et
l’enlèveraient, comme des corbeaux une oblation lors d’un sacrifice. 18.
Voyant que ton fils ne correspond pas à ce que tu es, et que ta fille aussi est
tombée sous l’empire d’hommes indignes, 19.
et méprisée aux yeux du monde, et ainsi ne me reconnaissant plus moi-même au milieu des hommes
arrogants, ô brahmane, je mourrai, il n’y a pas de doute. 20. Mes
deux jeunes enfants, privés de moi aussi bien que de toi, périraient sans aucun doute,
comme deux poissons quand l’eau décroît. 21.
De toute manière aussi tous les trois nous périrons, sans aucun doute, si nous sommes ainsi privés
de toi : accepte de m’abandonner. 22.
C’est la félicité suprême pour les femmes que de faire le voyage suprême
avant leur mari, et non, ô brahmane, de
tourner en rond dans le domaine de leurs fils. 23.
Ainsi je renonce à mon fils et à ma fille, je renonce à mes parents et
aussi, pour toi, à ma vie. 24.
La constance d’une femme à s’en tenir toujours à ce qui est agréable et
salutaire pour son mari surpasse les sacrifices, les
ascèses, les austérités et les dons de toutes sortes. 25.
Ce que je veux faire est conforme au Dharma et respectable au plus haut
point, c’est à la fois quelque chose
de désirable et d’avantageux, à la fois pour toi et pour notre famille. 26.
Et l’on désire aussi avoir des enfants, des richesses, des amis chers pour être délivré du Dharma
de l’infortune : il en est de même pour l’épouse, selon l’avis des
justes. 27.
Soit d’un côté la famille tout entière, et moi de l’autre, ô toi qui fait
croître notre famille : tout cela n’est pas
équivalent, c’est là la sentence des sages. 28.
Fais avec moi ce qu’il faut faire, sauve-toi grâce à moi ! Laisse-moi partir,
monseigneur, et protège mes enfants ! 29.
« On ne doit pas faire de mal à une femme » disent ceux qui
connaissent le Dharma dans leurs sentences sur le Dharma. On dit que les Rākṣasas
connaissent le Dharma : il ne me tuerait peut-être pas… 30.
Que les hommes soient tués, il n’y a aucun doute ; que les femmes soient
tuées on peut en douter. C’est donc pourquoi, toi qui
connais le Dharma, tu dois me faire partir. 31.
J’ai connu la jouissance, j’ai eu le bonheur, et j’ai suivi le Dharma ; j’ai obtenu de toi que tu
m’engendres des enfants qui me sont chers : perdre la vie ne me
tourmentera pas… 32.
J’ai enfanté un fils, je suis devenue adulte, j’ai toujours désiré ton
bien : considérant tout cela, ma résolution
est donc faite. 33.
Et quand tu m’auras abandonnée, seigneur, tu connaîtras encore une autre
femme. Alors ton Dharma sera à
nouveau fermement établi. 34.
Il n’est pas non plus contraire au Dharma, seigneur, que les hommes aient
plusieurs femmes ; mais pour les femmes c’est
une très grande faute contre le Dharma de traiter par-dessus la jambe son
premier mari. 35.
Considérant tout cela et le fait que se sacrifier soi-même est blâmé, sauve-toi grâce à moi, ainsi
que notre famille et ces deux enfants. ». 36.
Vaiśampāyana dit : Quand sa femme lui eut dit
ces mots, il la serra dans ses bras, ô Bhārata, et avec sa femme il laissa
doucement couler ses larmes, au comble du chagrin. |
1. 147. La fille du brahmane intervient à son
tour. Les enfants sont faits pour sauver leurs parents. D’autre part, si elle
perdait ses parents, son frère périrait sans doute, et les offrandes aux
ancêtres ne seraient plus assurées. Elle-même finirait mal. Qu’on la laisse
donc aller !. Le fils, encore tout jeune, ramasse une paille et dit : “Ne
pleurez pas : avec cela, je tuerai le rākṣasa. (= 24
ślokas) |
Livre I,
chapitre 147
1.
Vaiśampāyana dit : Quand elle entendit les
paroles hors de mesure de ses deux parents affligés, la jeune fille, le corps
complètement envahi par le chagrin, leur dit à tous deux : 2.
« Pourquoi êtes-vous tant envahis par le chagrin et hurlez-vous comme si
vous étiez sans protecteur ? Ecoutez donc plutôt ce que je
vais vous dire, et quand vous l’aurez entendu, faites votre possible. 3. Il
est conforme au Dharma que je sois abandonnée par vous deux, il n’y a là
aucun doute. Je dois être abandonnée,
abandonnez-moi : vous serez entièrement protégés grâce à moi. 4.
C’est la raison pour laquelle on désire un enfant : « Il me
secourra » : le temps est venu, faites de
moi votre canot de sauvetage. 5.
Soit c’est ici-bas que l’enfant sauverait du danger, soit c’est une fois mort
qu’il sauverait : dans tous les cas il
sauverait. C’est là ce que les sages appellent « un enfant ». 6. Et
les grands-pères désirent toujours des fils de leurs filles : eh bien je les sauverai
moi-même en protégeant la vie de mon père. 7. Et
mon jeune frère que voici, une fois que tu serais parti pour ce monde là-bas, périrait en peu de temps, ça
ne fait aucun doute. 8.
Car, si mon père partait au ciel et si mon frère cadet périssait, l’offrande aux ancêtres
disparaîtrait et cela ne leur plairait pas. 9.
Abandonnée par mon père, ainsi que par ma mère et mon frère, il ne fait aucun
doute que j’irais d’un malheur à un
plus grand malheur et que j’en mourrais, n’étant pas accoutumée à cela. 10.
Si tu es en bonne santé, que ma mère est libérée, et que mon frère est un
garçonnet, la lignée aussi bien que
l’offrande croîtront, ça ne fait aucun doute. 11.
Un fils c’est soi-même, une épouse c’est un ami, une fille c’est comme on dit
un souci. Libère-toi de ton souci et
traite-moi selon le Dharma. 12.
Je serai une fille sans protecteur, misérable où que j’aille, si je suis privée de toi,
père… Oh, si misérable… 13.
Soit je ferai en sorte de délivrer ma famille, et je porterai mes fruits en
accomplissant une action très difficile à accomplir, 14.
soit tu iras là-bas et tu m’abandonneras, ô le meilleur des deux-fois-nés, et je serai opprimée. Considère
cela pour moi aussi… 15.
Dans mon intérêt, dans l’intérêt du Dharma, et dans l’intérêt de ta
progéniture, ô le meilleur des pères, sauve-toi toi-même, et
puisque je dois être sacrifiée, abandonne-moi. 16.
Quand il faut accomplir l’inévitable, ne laisse pas le temps passer : si tu me donnes l’eau des
libations, ce sera un bien pour moi. 17.
Quelle pire misère y aurait-il si, quand tu seras monté au ciel, nous quémandions notre nourriture
auprès d’un étranger en courant en tous sens comme des chiens ? 18.
Mais si tu es en bonne santé et libéré de ce tourment, de même que tes
parents, quand je séjournerai dans le
monde de l’éternité, je serai heureuse. ». 19.
En entendant ses diverses lamentations, le père, la mère ainsi que la
jeune fille éclatèrent tous trois en sanglots. 20.
Alors, en les entendant tous sangloter, leur fils, ouvrant de grands yeux
candides, leur dit d’une voix basse et confuse : 21.
« Ne pleure pas papa, ni toi maman, ni toi ma sœur » dit-il, et en riant, il se traîna à
quatre pattes auprès de chacun d’eux. 22.
Et prenant un brin d’herbe, il dit à nouveau, tout content : « Avec ça je tuerai le
Rākṣasa mangeur d’hommes ! ». 23.
Quoique accablés par le chagrin, quand ils entendirent la voix confuse du garçonnet,
ils furent pris d’une grande joie. 24.
Voyant que c’était le moment, Kuntī s’approcha d’eux, et comme si elle ressuscitait
des morts avec de l’ambroisie, elle leur dit ceci : |
1. 148. Kuntī intervient et demande ce
qu’il se passe. Un rākṣasa, Baka, protège la ville en échange d’un
char de riz, de deux buffles et de l’homme qui les conduit. Chaque famille y
passe à son tour, et il n’y a pas moyen d’y échapper. Le tour du brahmane est
venu, et il ne voit pas comment se sauver. Il projette d’y aller avec toute
sa famille, pour en finir une fois pour toutes. (= 16 ślokas) |
Livre I, chapitre 148
1.
Kuntī dit : « Je veux savoir de
quelle origine est ce malheur en vérité, et quand je saurai, je
pourrais t’en débarrasser s’il est possible de t’en débarrasser. » 2. Le
brahmane lui dit : « Ce que tu dis, ô
ascète, est le fait de gens de bien ; mais il n’est pas possible à
un humain de repousser ce malheur. 3. A
proximité de la cité vit Baka, un Rākṣasa, le puissant seigneur de la
contrée et de la ville. 4.
Engraissé de chair humaine, méchant et mangeur d’hommes, ce puissant roi Asura garde
sans cesse cette contrée, 5.
ainsi que la ville et le pays, car il possède la force des Rākṣasas : par conséquent nous ne
craignons pas les ennemis qui nous encerclent, ni les fantômes. 6. Le
salaire qu’il a fixé est qu’il ait à manger un chariot de riz, deux buffles et l’homme qui
viendra les amener. 7. Et
chaque homme à son tour lui fournit sa nourriture : après plusieurs années c’est le
moment inévitable pour les hommes. 8. Et
tous les hommes qui cherchent à y échapper, eh bien, le Rākṣasa
les tue avec leurs enfants et leurs femmes, et il les mange. 9. A
Vetrakīyagṛha, notre roi ne pratique pas ici une politique qui perpétuerait le bien-être
de ses sujets dès maintenant. 10.
Nous méritons sans doute cela, nous qui vivons dans le pays d’un faible, qui sommes
constamment anxieux, cherchant refuge auprès d’un mauvais roi. 11. A
qui doit-on dire qu’appartiennent les brahmanes ? Ou au gré de qui se
déplacent-ils ? Car grâce à leurs vertus ils
vont habiter où ils le désirent, comme le font les oiseaux. 12.
« Trouve d’abord un roi, puis une
femme, puis la richesse : en réunissant ces trois choses, on protègera ses parents et
ses enfants. » 13.
J’ai eu tout l’inverse avec ces trois : nous sommes tombés dans ce
malheur, et nous sommes extrêmement tourmentés. 14.
Le moment est arrivé pour nous qui détruira notre famille. Il faut que je lui donne son
salaire : un homme à manger. 15.
Et je n’ai pas d’argent pour acheter un homme, et je ne peux en aucune façon
livrer quelqu’un que j’aime… Et par conséquent je ne vois
aucun moyen d’échapper au Rākṣasa. 16.
Et moi, je suis plongé dans la grande houle du malheur, vraiment inéluctable, et je vais aller aujourd’hui
chez le Rākṣasa en compagnie des miens : ainsi cet être vil nous
mangera tous ensemble… ». |
1. 149. Kuntī propose qu’un de ses
fils aille porter la nourriture au rākṣasa. Le brahmane ne peut accepter
qu’un hôte, brahmane de surcroît, se sacrifie pour lui. Kuntī lui
explique qu’elle ne sacrifierait pas non plus l’un de ses fils : mais le
rākṣasa ne pourra rien contre lui : il a déjà fait ses preuves et
possède des pouvoirs magiques. Toutefois, le brahmane ne devra pas raconter
ce qui s’est passé. Et Bhīma promet d’y aller. (= 20 ślokas) |
Livre I, chapitre 149
1.
Kuntī dit : « Tu ne dois en aucune
façon te livrer au désespoir à cause de cette peur : je vois ici un moyen
d’échapper au Rākṣasa. 2. Tu
as un seul fils encore jeune, et une seule fille dans l’austérité ; je n’approuve pas que toi,
ces deux enfants et ta femme alliez là-bas. 3.
J’ai cinq fils, ô brahmane, l’un d’eux ira apporter pour toi l’offrande
à ce méchant Rākṣasa. ». 4. Le
brahmane lui dit : « Je ne te ferai pas
faire cela, même si je désire vivre, en aucune façon ! Un brahmane et en même temps
un hôte perdre sa vie pour moi !... 5.
Même chez les gens de basse extraction et loin du Dharma on ne trouve pas que, pour un brahmane, on
puisse se sacrifier soi-même et aussi son fils. 6. Je
dois réfléchir à ce qui est le mieux pour moi, à ce qui me semble : entre tuer un brahmane et me
tuer moi-même, le mieux est de me tuer moi-même. 7.
Tuer un brahmane est le pire des crimes : il n’y a pour cela aucune
expiation. Même si ce que je fais n’est
pas guidé par l’intelligence, le mieux est de me tuer moi-même. 8. Or
je ne souhaite pas me tuer moi-même, ô femme rayonnante : et si je suis tué par
d’autres, on ne m’imputera aucun crime. 9. Si
je commets le meurtre d’un brahmane de propos délibéré, je ne vois là aucune
expiation, ce serait une action criminelle et vile. 10.
Abandonner un homme qui est venu chez vous ou qui vous a demandé protection, ou tuer un suppliant, on
estime que c’est le pire des crimes. 11.
« Il ne faut jamais accomplir un
acte blâmable ni un crime » : c’est ce que jadis
considéraient les hommes au grand cœur qui connaissaient le Dharma en cas de
détresse. 12.
Le mieux pour moi est que je me fasse périr aujourd’hui en compagnie de mon
épouse : jamais je n’approuverai le
meurtre d’un brahmane ! ». 13.
Kuntī lui dit : « C’est aussi mon avis,
ô brahmane : les brahmanes doivent être protégés, c’est certain. Et je n’aimerais pas moins
mon fils, même si j’avais une centaine de fils. 14.
Mais ce Rākṣasa n’est pas capable de détruire mon fils : mon fils est vigoureux,
expert en formules magiques, et il rayonne de puissance. 15.
Et il amènera toute cette nourriture au Rākṣasa et il se délivrera lui-même,
telle est ma conviction. 16.
Des Rākṣasas ont déjà rencontré ce héros, on les a déjà vus : ils étaient puissants, avec
de grands corps, et ils ont aussi été tués en grand nombre. 17.
Mais, ô brahmane, tu ne dois jamais en parler à personne, car ceux qui recherchent le savoir
importuneraient mes fils avec leur curiosité. 18.
Celui que mon fils accepterait sans y être autorisé par son gourou ne pourrait pas faire ce qui
doit être fait avec ce savoir : c’est l’avis des justes. ». 19.
Vaiśampāyana dit : A ces mots de Pṛthā,
le brahmane, accompagné de sa femme, tout content, loua cette
parole pareille à de l’ambroisie. 20.
Puis Kuntī et le brahmane, ensemble, dirent au fils du Vent « Accomplis
cela ! », et il leur dit : « D’accord ! ». |
1. 150. Yudhiṣṭhira reproche à
Kuntī de vouloir sacrifier Bhīma. Mais celle ci réplique qu’elle a
confiance dans la force de Bhīma, et que, d’autre part, elle a agi selon
la loi, qui commande d’être reconnaissant des bienfaits reçus et de venir au
secours aux brahmanes. (= 27 ślokas) |
Livre I,
chapitre 150
1.
Vaiśampāyana dit : « Ce sera fait »
avait promis Bhīma, ô Bhārata ; et arrivèrent alors tous les
Pāṇḍava qui amenaient la nourriture qu’ils avaient mendiée. 2.
Yudhiṣṭhira, le fils de Pāṇḍu, le comprit à son expression : en secret il vint alors
s’asseoir tout seul avec sa mère et l’interrogea : 3.
« Quel exploit veut accomplir Bhīma à la force terrible ? Avec ton accord, Dame,
veut-il faire quelque chose ici ? ». 4.
Kuntī lui dit : « A ma demande, ce
tourmenteur de ses ennemis accomplira ce qui doit être accompli
pour le brahmane et pour la libération de la cité. 5.
Yudhiṣṭhira lui dit : « Quelle mauvaise
action, irréfléchie et cuisante tu as faite, Dame ! Car les hommes de bien ne
louent pas le sacrifice d’un fils ! 6.
Comment peux-tu désirer abandonner ton propre fils pour le fils d’un
autre ? En sacrifiant ton fils tu as
fait quelque chose contraire à l’ordre du monde. 7.
Lui, dont les deux bras sont notre appui et font que nous dormons tous
tranquillement, et que nous essayons de
récupérer le royaume qui nous a été volé par des êtres vils. 8.
Lui, dont l’héroïsme à l’énergie sans limite hante Duryodhana : toutes les nuits avec
Śakuni il ne dort pas parce qu’il est tourmenté. 9.
Lui, ce héros, dont la valeur nous a délivrés de la maison de laque et aussi d’autres maux, et a
tué Purocana. 10.
Lui, dont la valeur est notre appui et qui fait que nous pensons posséder la Terre nourricière
pleine de richesses, une fois tués les fils de Dhṛtarāṣṭra. 11.
Décider de le sacrifier… Quelle idée t’est venue ?... N’est-il pas vrai qu’à cause
de tes malheurs ta pensée va à la dérive et perd
l’esprit ? ». 12.
Kuntī lui dit : « Yudhiṣṭhira,
il n’y a pas de souci à se faire pour Ventre-de-loup, et je n’ai pas pris ma décision
parce que je suis faible d’esprit ! 13.
Ici, dans la maison du brahmane, nous avons vécu tranquilles, mon fils : je considère, mon cher, que
c’est une rétribution pour cela. Est vraiment un homme celui
par lequel ne disparaît pas ce qui a été fait. 14.
Ayant vu alors la vaillance de Bhīma, dans la maison de laque, quelque
chose de grand, et aussi lors du meurtre d’Hiḍimba,
j’ai confiance dans Ventre-de-loup. 15.
Car la force des deux bras de Bhīma est grande, pareille à une myriade
d’éléphants : grâce à elle vous êtes sortis
de Vāraṇāvata comme sur des éléphants. 16.
Il n’y a pas d’autre homme, et il n’y en aura pas, qui ait la force de
Ventre-de-loup, qui se lève dans le combat
contre le meilleur, même contre le Porteur-du-foudre en personne. 17. A
peine né, jadis, il sortit de mon giron, dans la montagne, et la masse de son corps
était telle que les rochers furent pulvérisés par ses membres [1]. 18.
C’est en sachant cela, fils de Pāṇḍu, que j’ai songé à la
force de Bhīma, et que j’ai conçu cette idée
pour récompenser le brahmane. 19.
Ce n’est pas par confusion, ni par ignorance, ni par égarement que j’ai
décidé de cela : c’est parce qu’auparavant
j’avais songé au Dharma que j’ai pris ma décision ! 20.
Cela produira deux avantages, Yudhiṣṭhira : la récompense pour nous avoir
logés, et la pratique d’un grand aspect du Dharma. 21.
Un noble guerrier qui porterait assistance à un brahmane, en quelque affaire
que ce soit, obtiendrait des mondes
splendides, c’est que j’ai entendu dire. 22.
Un noble guerrier qui fait en sorte de délivrer un noble guerrier de la mort obtient une grande gloire, et
dans ce monde et dans l’autre monde. 23.
Mais un noble guerrier qui, au combat, porte même assistance à un
travailleur, celui-là dans tous les mondes
aussi ses sujets l’aiment éternellement. 24.
Mais un roi qui libère un serviteur venu chercher refuge auprès de lui obtient de renaître dans une
famille qui a de l’argent et est honorée par le roi. 25.
C’est ainsi, ô fils des Kaurava, que le bienheureux Vyāsa jadis disait, lui qui était très
sage. C’est pourquoi je veux que cela soit fait. ». 26.
Yudhiṣṭhira lui dit : « Mère, ce que tu as
décidé là après réflexion est quelque chose d’approprié, tu l’as fait par compassion
pour ce pauvre brahmane. Il est certain que Bhīma
ira tuer ce mangeur d’hommes. 27.
Mais afin que les hommes qui habitent la cité ne le sachent pas, il faut parler au brahmane et
l’entourer soigneusement. ». |
1. 151. Bhīma conduit les deux buffles
et le char de riz, appelle le rākṣasa, et se met à manger le riz. Baka
furieux lui demande : “Qui es-tu, tu manges mon tribut”. Bhīma l’ignore
et continue à manger. Baka le frappe de ses poings, mais Bhīma continue
à manger. Baka déracine un arbre, le jette sur Bhīma. Bhīma
s’essuie la bouche, saisit l’arbre de la main gauche. Le combat commence,
Bhīma étouffe le rākṣasa dans ses bras et le casse en deux. (= 24
ślokas) |
Livre I, chapitre 151
1.
Vaiśampāyana dit : Et, quand la nuit fut
écoulée, Bhīmasena, le fils de Pāṇḍu amena la nourriture et alla là où était
ce mangeur d’hommes. 2. Le
puissant fils de Pāṇḍu atteignit la forêt de ce Rākṣasa
et il l’appela par son nom, tout en
s’attaquant à la nourriture. 3. Et
quand le Rākṣasa entendit cet appel de Bhīmasena il vint très en colère à l’endroit où
Bhīma s’était posté. 4. Il
avait un grand corps, il était comme un grand torrent qui creuse la Terre, fronçant la triple rangée de
ses sourcils, grinçant des dents. 5. Le
Rākṣasa vit Bhīmasena qui mangeait sa nourriture. Roulant ses yeux de colère, il lui dit cette
parole : 6.
« Qui c’est celui-là qui mange cette nourriture préparée pour moi ? Visiblement il m’en veut ! Il veut
partir vers la maison de Yama ! » 7. Et
Bhīmasena en entendant cela était mort de rire, ô Bhārata, et sans un regard pour le Rākṣasa
il mangeait en détournant la tête. 8.
Alors prenant un aspect effrayant et levant ses deux mains, le mangeur d’hommes fondit
sur Bhīmasena pour le tuer. 9.
Cependant, Ventre-de-loup sans le regarder raillait le Rākṣasa, et le fils de Pāṇḍu,
le tueur des héros ennemis, mangeait la nourriture. 10.
Plein de colère contre le fils de Kuntī, le Rākṣasa frappa son dos de ses deux mains, puisqu’il
était dans son dos. 11.
Ainsi Bhīma fut violemment frappé par les mains du puissant Rākṣasa, mais il ne le regarda même pas et continua à
manger. 12.
Encore plus en colère, le Rākṣasa prit un arbre pour le frapper et fondit à nouveau
puissamment sur Bhīma. 13.
Et Bhīma, ce taureau parmi les hommes, après avoir dégusté lentement
cette nourriture, se rinça la bouche avec de
l’eau et, joyeux, il se leva pour se battre avec toute sa grande force. 14.
Saisissant énergiquement l’arbre qu’on lui avait lancé avec colère de la main gauche, Bhīma
était mort de rire, ô Bhārata. 15. A
nouveau le puissant Rākṣasa, brandissant à nouveau des arbres de
toutes sortes, les jetait sur Bhīmasena, et
Bhīma, le fils de Pāṇḍu, faisait de même. 16.
Ce fut un combat à coups de troncs d’arbres qui ravageait ce qui poussait sur
la Terre, grand, horrible à voir, ô
grand roi, entre Baka et le fils de Pāṇḍu. 17.
En hurlant son nom, Baka poursuivit le fils de Pāṇḍu et saisit le puissant Bhīmasena entre
ses deux bras. 18.
Là-dessus Bhīmasena de ses grands bras étreignit le Rākṣasa qui frémissait comme un grand torrent, et il
le tira de force puissamment. 19.
Traîné par Bhīma et traînant lui-même le fils de Pāṇḍu, le mangeur d’hommes était subjugué par un
terrible épuisement. 20.
La Terre tremblait sous leur impétuosité à tous deux, et ils mettaient en miettes
des arbres aux grands troncs. 21.
Quand il vit que le Rākṣasa dépérissait, ô taureau des
Bhārata, Ventre-de-loup l’écrasa au sol et lui donna
des coups de poings. 22.
Puis lui comprimant le dos très violemment avec son genou, de sa main droite il serra son cou, 23.
et de sa main gauche le fils de Pāṇḍu saisit ses vêtements à
la région de la hanche : et il cassa en deux le
Rākṣasa qui poussait des hurlements effroyables. 24.
Et du sang rouge coula, ô Seigneur des peuples, de la bouche de l’épouvantable Rākṣasa
coupé en deux par Bhīma. |
1. 152. La famille du rākṣasa se
précipite. Bhīma leur enjoint de ne plus faire de tort aux humains, sous
peine de subir le même sort. On découvre le corps du rākṣasa, la nouvelle
se répand, on interroge le brahmane : il répond qu’un brahmane inconnu lui a
proposé d’aller lui-même porter le tribut au rākṣasa ; c’est tout
ce qu’il sait. (= 19 ślokas) |
Livre I, chapitre 152
1.
Vaiśampāyana dit : Effrayée par ce bruit, la famille
du Rākṣasa surgit de sa maison, ô roi,
en compagnie des serviteurs. 2.
Ils étaient effrayés, avaient perdu l’esprit ; Bhīma, le meilleur
des guerriers, puissant, les apaisa et les
amena à faire une convention : 3.
« Vous ne sauriez nuire davantage à un homme ici, jamais ! Car pour ceux qui le feraient ce serait
immédiatement la même mort ! ». 4.
Quand ils eurent entendu cette parole, ô Bhārata, les Rākṣasas lui dirent : « Qu’il en soit
ainsi… », et ils acceptèrent cette convention. 5.
Dès lors les Rākṣasas de cet endroit furent gentils, ô
Bhārata, et ils se montraient dans la
cité aux hommes qui habitaient la cité. 6.
Puis Bhīma amena le cadavre du mangeur d’hommes à proximité de la porte de la
ville, l’y déposa, et repartit sans être vu. 7. Puis
après l’avoir tué, Bhīma retourna à la maison du brahmane et raconta au roi comment cela s’était
passé, tout en détails. 8.
Puis, à l’aube, les hommes sortirent de la cité et ils virent sur le sol le Rākṣasa
tué, couvert de sang, 9.
pareil au sommet d’une montagne, écartelé, effrayant. Puis ils allèrent à Ekacacra et répandirent
la nouvelle par la suite. 10.
Puis par milliers, ô roi, les hommes qui habitaient la cité vinrent là pour voir Baka, avec les femmes,
les vieillards et les garçonnets. 11.
Et tous étaient sidérés en voyant cet exploit surhumain, et ils rendirent hommage à
toutes les statues de dieux, ô Seigneur des peuples. 12.
Puis ils calculèrent à qui c’était le tour ce jour-là d’être mangé, et quand ils le surent, ils allèrent chez le
brahmane et l’interrogèrent sur tout. 13.
Il fut ainsi interrogé à maintes reprises, mais il protégea les fils de
Pāṇḍu. Ce taureau parmi les
brahmanes dit alors ceci à tous les habitants de la ville : 14.
« Tandis que je pleurais avec les gens de ma famille parce qu’on m’avait
ordonné d’être mangé, un brahmane expert en
formules magiques et très puissant m’a vu. 15.
Il m’a interrogé sur ce qui tourmentait la cité auparavant, et cet excellent brahmane m’a rassuré et,
mort de rire, il m’a dit : 16.
« C’est moi qui amènerai cette nourriture à ce scélérat. Vous n’avez pas à vous faire non plus de
souci pour moi » dit-il vaillamment. 17.
Il prit la nourriture et partit vers la forêt de Baka : c’est vraisemblablement par
lui qu’a été accompli cet exploit bénéfique au monde. ». 18.
Tous les brahmanes et les nobles guerriers étaient vraiment stupéfaits, et les travailleurs et les
serviteurs, joyeux, firent alors une Fête du Brahmane. 19.
Puis tous les villageois accoururent vers la cité pour voir un tel
prodige ; et les fils de Pṛthā habitèrent là-même. |