(1) Table des matières : 1

 

 

I, 1. Le barde Ugraśravas, fils de Lomaharśana, arrive chez le brahmane Śaunaka qui conduit une session sacrificielle qui se tient tous les douze ans dans la forêt Naimiṣa. Il raconte qu’il a assisté avec son père au Sacrifice des Serpents offert par Janamejaya, où il a entendu, récité par Vaiśampāyana, le Mahābhārata de Vyāsa. Les brahmanes lui demandent de le réciter. Ugraśravas fait l’éloge du Mahābhārata. Vyāsa a composé le Mahābhārata, d’abord en vingt-quatre mille strophes. C’est le noyau de l’histoire que voici résumé. Pâṇḍu vit dans la forêt. Ses cinq fils, les Pâṇḍava, sont élevés dans les ermitages de la forêt, puis présentés à la cour de Dhṛtarāṣṭra et vivent avec leurs cousins. Arjuna gagne Draupadî. Yudhiṣṭhira est consacré roi. Jalousie de Duryodhana. Duryodhana propose une partie de dés. Dhṛtarāṣṭra approuve par faiblesse pour son fils. Après la grande bataille et la défaite qui s’en suit, Dhṛtarāṣṭra se lamente : il évoque les prouesses des Pâṇḍava et les affronts qu’ils ont subis, il passe en revue les différentes épisodes de la bataille et conclut à chaque fois que la victoire sera impossible. Dhṛtarāṣṭra souhaite mourir, mais Saṃjaya le réconforte : on ne peut éviter le destin. Ugraśravas fait l’éloge du Mahābhārata et montre les récompenses attachées à sa lecture : il pèse plus que les quatre veda. (=  210 ślokas)

 

Le Mahābhārata


 

Livre I

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Livre I, chapitre 1.

 

0. Après avoir rendu hommage à Nārāyaṇa et à Nara le meilleur des hommes,

et à Sarasvatī, qu’on proclame ensuite la victoire.

1. Le fils de Lomaharṣaṇa Ugraśravas le conteur qui connaît les vieilles légendes [était] dans la forêt Naimiṣa

lors du grand sacrifice des douze ans de Śaunaka, chef de clan.

2. Le fils du conteur s’approcha des sages brahmanes très attachés à leurs vœux, assis ensemble,

en s’inclinant poliment de temps à autre.

3. Quand il fut arrivé à cet ermitage, les ascètes qui vivaient dans la forêt Naimiṣa

l’entourèrent pour entendre de merveilleux récits.

4. Saluant tous ces anachorètes, en portant ses mains jointes à son front,

il s’enquit de la progression de leurs ascèses, tout en louant ces justes.

5. Puis quand tous ces ascètes se furent assis,

le fils de Lomaharṣaṇa s’assit poliment à la place qu’on lui indiquait.

6. Constatant alors qu’il était confortablement assis et à l'aise,

l’un des sages demanda alors qui entonnerait des récits.

7. « D’où nous viens-tu, ô fils du conteur, et où as-tu passé

ton temps, toi dont les yeux sont feuilles de lotus ? Dis-moi ce que je te demande. »

8. [Le conteur dit]

« Au Sacrifice du Serpent de Janamejaya, le sage de sang royal au grand cœur,

en la présence du prince souverain, en compagnie du fils de Parikṣit.

9. [Il y eut] divers récits très saints dits auparavant par Kṛṣṇa Dvaipāyana (le Noir Îlien)

et aussi ceux qui furent racontés selon les règles par Vaiśaṃpāya (le fils de Viśampa).

10. Après avoir écouté ces merveilles tirées du Mahābhārata

et après avoir visité beaucoup de lieux de pèlerinage et de sanctuaires,

11. je suis allé vers ce lieu saint, du nom de Samantapañcaka,

fréquenté par les deux-fois-nés, là où eut lieu jadis la bataille

des Pāṇḍava et des Kuru, et de tous les rois.

12. De là, désireux de vous voir, je suis venu ici, Messieurs, dans votre voisinage,

car en tous points j’estime Vos Eminences à l’égal de Brahma.

13. Pendant ce sacrifice, Vos Excellences à l’éclat de soleil et de feu

se sont purifiées en accomplissant l’ablution rituelle, ont versé l’oblation dans le feu en murmurant les prières ;

vous êtes assis à l’aise, Seigneurs ; que vais-je dire, moi, ô deux-fois-nés ?

14. Les saints récits tirés des antiques légendes ou tirées du Dharma,

la geste des rois et des sages au grand cœur ? »

15. [Les sages dirent]

« L’antique légende qui fut dite par Dvaipāyana (l’Îlien), le grand sage,

que les dieux et les sages brahmanes honorent quand ils l’entendent,

16. [celle] de cet éminent récit, de ce livre aux vers extraordinaires,

accompagné de règles pleines de subtilité et orné d’éléments se rapportant aux Veda :

17. la sainte collection des livres du récit épique du Bhārata,

la Parole obtenue par initiation, fortifiée par toutes sortes d’enseignements,

18. que Vaiśaṃpāya (le fils de Viśampa), ce sage, a dit exactement

lors du sacrifice, à la satisfaction du roi Janamejaya, sur l’ordre de Dvaipāyana (l’Îlien).

19. Réunie aux quatre Veda par le travail prodigieux de Vyāsa,

nous désirons entendre cette collection pleine de Dharma et qui repousse le péril du Mal. »

20. [Le conteur dit]

« A Puruṣa, au Seigneur très invoqué, très célébré,

à la Vérité Suprême, à Brahman qu’on invoque d’une seule syllabe, au Manifesté, au Non-Manifesté, à l’Eternel

21. qui est Non-Être et Être en même temps, à l’Omniprésent, à l’Absolu du réel et de l’irréel,

au Créateur des univers, à l’Ancien, à l’Absolu, à l’Impérissable,

22. au Bonheur de bon augure, à Viṣṇu l’excellent, l’irréprochable, l’immaculé,

je rends hommage, au Maître de ses sens, au Maître du mobile et de l’immobile, à Hari.

23. Le grand sage au grand cœur, vénéré ici-bas dans le monde entier,

Vyāsa à l’éclat sans borne, je vais dire toute sa pensée.

24. Des poètes ont fait ce récit, et le racontent maintenant, plus tard

d’autres de même le narreront sur la terre.

25. Et ce grand savoir s’étend dans les trois mondes,

et il est conservé par les deux-fois-nés, à la fois dans son intégralité et sous forme de résumés.

26. Il est orné de beaux vocables, de pratiques divines et humaines,

il est assorti de compositions métriques variées, il est cher aux érudits.

27. Quand ce monde était obscur et sans lumière, enveloppé de ténèbres de toutes parts,

un grand œuf parut, la semence impérissable des créatures.

28. On dit qu’il est la grande cause divine à l’origine des temps,

dans laquelle est révélée la vraie Lumière, l’éternel Brahman.

29. [Il est] prodigieux et inimaginable, et en tous points parfaitement équilibré,

subtil principe non-manifesté dont la nature est l'Être et le Néant.

30. De lui est né l'Aïeul, le Seigneur Unique, Prajāpati,

encore [nommé] Brahmā, Maître des dieux, Stanu, Manu, Ka, Paramesthin,

31. de même sont issus de lui Dakṣa, le fils de Pracetas, et les sept fils de Dakṣa,

et ensuite les vingt et un seigneurs des créatures,

32. et l’Être à l’âme incommensurable que les sages connaissent tout entier,

les Viśvedevās de même que les Radieux, les Vasu, et aussi les deux Aśvin,

33. les Yakṣas, les Sādhyas et les Piśācas, les Guhyakas de même que les Mânes,

et ensuite furent engendrés les sages brahmanes érudits, éduqués et purs,

34. et les sages de sang royal en grand nombre, pourvus de toutes les vertus,

et ensuite les Eaux, le Ciel, la Terre, le Vent, l'Atmosphère, les Points Cardinaux,

35. les saisons, les mois, les demi-lunaisons, les successions des jours et des nuits,

et aussi encore tout ce que l’on peut voir exister sur terre.

36. Quelle que soit la créature que l’on peut voir, plante ou animal,

tout ce monde est à nouveau bouleversé, une fois venue la fin d’un cycle de temps.

37. Comme, aux temps habituels, on voit les signes d’une saison, sous des formes variées, périodiquement,

de la même manière on voit des transformations pour chacune des choses aux débuts des cycles de temps.

38. Ainsi, sans commencement et sans fin, apportant existence et destruction,

cette roue tourne autour du monde sans commencement et interminablement.

* 39. Trente-trois milliers et trente-trois centaines

et trente-trois dieux : c’est la Création en résumé.

40. Le fils du Ciel à l’éclat puissant, l’âme de la vision, [est] le Soleil brillant,

l’Incitateur, Ṛcīka, le Rayonnant, l’Eclat, le Char du Ciel, Ravi.

* 41. Ainsi tous [étaient] fils de Vivasvān, le plus jeune d’entre eux était Mahya ;

son fils [était] brillant comme un dieu, raison pour laquelle la tradition l’appelle Subhrāj (= l’Eblouissant).

42. Or de Subhrāj [naquirent] trois fils prolifiques, très célèbres,

Daśajyoti (= Dix-Lumières), Śatajyoti (= Cent-Lumières), le prudent Sahasrajyoti (= Mille-Lumières).

43. Daśajyoti au grand cœur eut dix milliers de fils,

et là, ensuite, Śatajyoti eut encore dix fois autant de fils.

44. Ensuite les fils de Sahasrajyoti furent encore plus nombreux, dix fois autant,

de ceux-ci [vient] la lignée actuelle des Kuru, des Yadus et de Bharata,

45. et la lignée de Yayāti et d’Ikṣvāku et des sages de sang royal tous ensemble,

de nombreuses lignées en sont issues, les créatures se répandent et se multiplient.

46. Toutes choses sont les demeures des créatures, et il est un triple mystère qui est

le Veda et le Yoga avec la Connaissance : le Dharma, le Profit et aussi le Plaisir.

47. Chacune des diverses règles du Dharma, du Profit et du Plaisir,

et l’application qui en est issue pour le monde profane, le sage les voit.

48. Les épopées avec leur commentaire, ainsi que les diverses révélations,

tout est énuméré ici, c’est le sujet du livre que je raconte.

49. Le sage (=Vaiśampāyana), après avoir déployé ce grand savoir, en dit un résumé

car il désirait que dans le monde les savants mémorisent l’abrégé de Vyāsa.

50. Certains apprennent correctement le Bhārata à partir de Manu, d’autres aussi à partir d’Astīka,

d’autres brahmanes inspirés aussi à partir d’Uparicara.

51. Les lettrés éclairent la collection variée des savoirs,

certains sont experts pour commenter, d’autres pour garder le livre en mémoire.

52. Grâce à son ascèse, à sa chasteté brahmanique, en jetant ses forces dans le Veda éternel,

le fils de Satyavatī (= Vyāsa) composa cette sainte épopée.

53. Le savant fils de Parāśara (= Vyāsa), ce sage brahmane, très attaché à ses vœux,

respectueux du Dharma, sur l’ordre de sa mère et du sage fils de Gaṅgā (= Bhīṣma)

54. [lui] Kṛṣṇa Dvaipāyana (le Noir Îlien) dans le labour de Vicitravīrya autrefois

engendra, tels trois feux, les vaillants descendants de Kuru.

55. Après avoir engendré Dhṛtarāṣṭra, Pāṇḍu et aussi Vidura,

le sage repartit dans l’ascèse et vers son ermitage.

56. Quand ces enfants eurent grandi et furent partis pour leur dernier voyage,

le grand sage raconta le Bhārata dans ce monde des hommes.

57. Le juste, à la demande de Janamejaya et de centaines de milliers de brahmanes,

instruisit son disciple Vaiśampāyana (le fils de Viśampa) assis auprès de lui.

58. Celui-ci, assis avec les prêtres surveillant le rituel, récita le Bhārata

pendant les pauses du sacrifice, en s’y reprenant encore et encore.

59. L’exposé détaillé de la lignée de Kuru, la pratique régulière du Dharma par Gāndhārī,

la sagesse du chambellan (= Vidura), la constance de Kuntī, Dvaipāyana les dit avec précision.

60. La grandeur d'âme de Vāsudeva (= Kṛṣṇa) et la droiture des Pāṇḍava,

la bassesse des fils de Dhṛtarāṣṭra, le sage vénérable les raconta.

61. Il composa la collection du Bhārata en vingt-quatre mille vers,

sans les épisodes mineurs d’abord ; les savants l’appellent Bhārata.

62. Ensuite le sage composa un résumé de plus de 150 vers,

un chapitre qui est un sommaire des événements avec leurs livres.

63. Dvaipāyana l’enseigna d’abord à son fils Śuka (= Perroquet),

ensuite le maître le transmit à d’autres disciples compétents.

64. Nārada le récita aux dieux, le noir Devala aux Mânes,

et Śuka le récita aux gandharvas, aux yakṣas et aux rakṣasas.

65. Duryodhana le colérique est le grand arbre, Karṇa le tronc, Śakuni la branche,

Duḥśāsana les fleurs et les fruits abondants, l’insensé roi Dhṛtarāṣṭra la racine.

66. Yudhiṣṭhira le juste est le grand arbre, Arjuna le tronc, Bhīmasena la branche,

les deux fils de Mādrī (= Nakula et Sahadeva) les fleurs et les fruits abondants, Kṛṣṇa, Brahman et les brahmanes la racine.

67. Pāṇḍu, après avoir vaincu de nombreux pays par le combat et avec vaillance,

vécut alors dans la forêt avec ses gens, étant accoutumé à chasser.

68. Il connut un grave malheur en tuant un daim alors qu’il copulait,

lui qui, depuis la naissance des fils de Pṛthā, vivait là selon les règles de la bonne conduite.

69. Le consentement des deux mères [se fit] selon une loi secrète

avec Dharma, Vāyu, Śakra (= Indra), de même qu’avec les deux dieux Asvin.

70. Grandissant parmi les ascètes, ils étaient protégés par leurs mères

dans les forêts pures et saintes et les ermitages des Grands.

71. Et ils furent alors amenés spontanément par les sages chez les fils de Dhṛtarāṣṭra,

[ils étaient] de beaux garçons, chevelus et étudiant la religion.

72. « Ils sont pour vous et des fils, et des frères, et des disciples, et des alliés,

ce sont les fils de Pāṇḍu » dirent les anachorètes, puis ils disparurent.

73. Voyant ces Pāṇḍava qu’ils leur avaient présentés, les Kaurava

bien éduqués, les castes, les citoyens, tous alors crièrent fort avec joie.

74. Certains disaient « Ce ne sont pas les siens », et d’autres « Ce sont les siens »,

et d’autres « Puisque Pāṇḍu est mort depuis longtemps, comment seraient-ils siens » ?

75. « Bienvenue en tous cas, quelle chance de voir la descendance de Pāṇḍu,

qu’on leur souhaite la bienvenue » ; on entendait les voix toutes ensemble.

76. A ce moment-là, quand le bruit eut cessé, tous les points cardinaux résonnèrent,

il se fit un tumulte de voix de créatures invisibles.

77. Il y eut une pluie de fleurs, des parfums délicieux, les sons de conques et de grosses caisses

à l’arrivée des fils de Pṛthā : c’était comme un prodige.

78. Et donc, tous les gens laissèrent éclater leur joie et leur allégresse,

ce fut alors une grande clameur qui atteignit le ciel et accrut leur gloire.

79. Puis, étudiant l’intégralité des Veda et des ouvrages divers,

les Pāṇḍava habitèrent là, honorés, en sécurité.

80. Leurs natures étaient heureuses grâce à la pureté de Yudhiṣṭhira,

à la constance de Bhīmasena et à la vaillance d’Arjuna,

81. à l’obéissance de Kuntī envers ses maîtres et à la discipline des jumeaux,

et le monde entier se réjouissait de l’excellence de leur héroïsme.

82. Ensuite, lors d’une réunion de rois prétendant à être choisis en mariage par la fille,

Arjuna obtint la jeune Kṛṣṇā, après avoir accompli un exploit très difficile à réaliser [1].

83. A partir de ce moment-là, ici-bas, tous les archers se durent de l’honorer,

et, en outre, dans les combats, sa vue était aussi insoutenable que celle du Soleil.

84. Après avoir vaincu tous les princes et tous les grands clans,

Arjuna offrit au roi le grand sacrifice de consécration royale[2].

85. Et Yudhiṣṭhira reçut le grand sacrifice de consécration royale

avec une abondance de nourritures et de donations aux prêtres, et pourvu de toutes les vertus.

86. Grâce à la sage conduite du fils de Vasudeva[3] et à la force de Bhīma et d’Arjuna,

il fit tuer Jarāsaṃdha[4] et le prince de Cedi[5], si fier de sa force.

87. Chez Duryodhana arrivaient des présents de côté et d'autre,

des pierres précieuses, de l’or, des joyaux, et des bœufs, des éléphants, des chevaux et des trésors.

88. Voyant alors la fortune de ces Pāṇḍava aussi prospère,

une très grande colère naquit en lui, causée par la jalousie.

89. De plus Maya avait offert une belle grand-salle, pareil à un palais royal,

aux Pāṇḍava ; cette vision le fit bouillir.

90. Et là il dégringola dans sa précipitation et il fut raillé

par Bhīma, devant les yeux du fils de Vasudeva[6], comme un manant.

91. Après avoir profité de divers banquets et de divers joyaux,

blême, jaunâtre, émacié, il en fit le récit à Dhṛtarāṣṭra.

92. Dhṛtarāṣṭra approuva alors le jeu de dés, par amour pour son fils ;

quand il entendit cela, la colère du fils de Vasudeva devint grande.

93. Et il ne fut pas trop content dans son cœur, et il encouragea les querelles,

à commencer par le jeu de dés, et il laissa se multiplier les méfaits violents.

94. Après qu’eurent été détruits Vidura, Droṇa, Bhīṣma, Kpa le fils de Śaradvān,

la classe des guerriers s’entre-tua dans ce conflit tumultueux.

95. Après la victoire des fils de Pāṇḍu, Dhṛtarāṣṭra, apprenant ce très grand malheur,

et connaissant le projet de Duryodhana, et aussi de Karṇa et de Śakuni,

réfléchit longtemps et dit ces mots à Saṃjaya.

96. « Ecoute-moi bien, Saṃjaya, je te prie de ne pas m’en vouloir,

tu es savant, avisé, intelligent, respecté pour ta sagesse.

97. Je n’envisage pas un conflit et je ne me réjouis pas de la destruction des Kuru,

il n’y a pas de différence pour moi entre mes propres fils et les enfants de Pāṇḍu.

98. Moi qui suis vieux, mes fils occupés à leur colère s’impatientent contre moi,

mais moi, aveugle, par compassion et amour pour mes fils, j’endure cela,

et j’accompagne dans son égarement un égaré, Duryodhana qui a perdu l’esprit

99. après avoir vu, lors du sacre, la prospérité du puissant fils de Pāṇḍu,

et après avoir subi cette moquerie quand il a vu l’érection de la grand-salle.

100. Plein de colère, incapable de vaincre par lui-même les Pāṇḍava dans un combat,

sans l’énergie pour gagner la prospérité, comme un manant

il a projeté avec le roi de Gandhāra[7] une partie de dés truquée.

101. Alors, tout ce que je sais et comment je le sais, Saṃjaya, écoute-le,

car en écoutant mes mots, vraiment pleins de sagesse,

tu sauras alors, ô Fils de cocher , qu’en vérité je suis « l’œil de l’intuition ».

102. Quand j’ai entendu que, l’arc merveilleux une fois tendu, la cible, percée, avait été précipitée à terre,

que Kṛṣṇā avait été emportée sous les yeux de tous les rois, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

103. Quand j’ai entendu qu’à Dvāraka Subhadrā, la descendante du roi Madhu, avait été épousée de force par Arjuna,

et que le descendant de Vṛṣṇi et le héros étaient partis à Indraprastha, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

104. Quand j’ai entendu que le roi des dieux[8] avait fait pleuvoir et qu’Arjuna l’avait arrêté avec des flèches divines,

et qu’ainsi Agni avait été contenté à Khāṇḍava[9], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

105. Quand j’ai entendu que Yudhiṣṭhira avait été dépossédé de son royaume, vaincu au jeu de dés par le fils de Subala[10],

et qu’il avait été suivi par ses frères extraordinaires, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

106. Quand j’ai entendu que Draupadī avec des sanglots dans la voix, avait été amenée dans l’assemblée, affligée, ne portant qu’un seul vêtement,

alors qu’elle avait ses règles, qu’elle était mariée et privée de maris, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

107. Quand j’ai entendu, fils, les divers exploits des Pāṇḍava au cœur loyal partis pour la forêt,

tourmentés dans leur affection pour leur aîné, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

108. Quand j’ai entendu que le roi du Dharma[11], quand il était dans la forêt, avait été suivi par des milliers de brahmanes purifiés,

vivant d’aumônes, au grand cœur, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

109. Quand j’ai entendu qu’Arjuna dans un combat avait réjoui le Dieu des Dieux, aux Trois Yeux, déguisé en montagnard,

de sorte qu’il avait gagné la grande arme Pāśupata[12], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

110. Quand j’ai entendu que, dans le troisième ciel, Dhanaṃjaya[13] avait reçu l’enseignement exact de l’arme divine, directement de Śakra[14]

après l’avoir célébré, restant fidèle à sa parole, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

111. Quand j’ai entendu que Bhīma et les autres fils de Pṛthā s’étaient réunis avec Vaiśravaṇa[15],

dans cette contrée inaccessible aux hommes, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

112. Quand j’ai entendu que mes propres fils étaient partis inspecter les troupeaux, séduits par l’idée de Karṇa,

et qu’ils avaient été capturés par les gandharva et délivrés par Arjuna, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

113. Quand j’ai entendu que Dharma, déguisé en yakṣa, avait rencontré le roi du Dharma, ô conteur,

et qu’il avait résolu avec précision les questions qui lui étaient posées[16], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

114. Quand j’ai entendu que les meilleurs de mes fils avaient été brisés par Dhanaṃjaya[17], monté sur un seul char,

pendant le séjour du guerrier au grand cœur dans le royaume de Virāṭa, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

115. Quand j’ai entendu que le roi des Matsya[18] avait honoré sa fille Uttarā en la donnant à Arjuna,

et qu’Arjuna l’avait acceptée pour son fils, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

116. Quand j’ai entendu que, vaincu, pauvre, errant comme un ascète, privé des siens,

Yudhiṣṭhira avait sept armées complètes, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

117. Quand j’ai entendu que Nara et Nārāyaṇa étaient tous deux Kṛṣṇa et Arjuna selon les paroles de Narada[19],

« Je suis toujours un voyant dans le monde de Brahma », alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

118. Quand j’ai entendu que Mādhava Vāsudeva[20] s’était mis de tout son cœur du côté des Pāṇḍava,

lui dont on dit que cette terre n’est qu’une seule enjambée, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

119. Quand j’ai entendu que Karṇa et Duryodhana avaient arrêté leur projet de punir Keśava[21]

et qu’il avait montré sa nature sous des formes diverses, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

120. Quand j’ai entendu qu’au moment du départ de Vāsudeva, se tenant toute seule devant le char,

affligée, Pṛthā avait été réconfortée par Keśava, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

121. Quand j’ai entendu que Vāsudeva était leur conseiller et aussi que Bhīṣma, le fils de Śāṃtanu, était des leurs,

et que le fils de Bharadvāja avait récité des prières, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

122. Quand j’ai entendu que Karṇa disait à Bhīṣma « Je ne combattrai pas si tu combats »,

et qu’abandonnant son armée il se retirait aussi, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

123. Quand j’ai entendu que Vāsudeva et Arjuna, et aussi l’immense arc Gāṇḍīva,

trois forces très puissantes, étaient coalisés, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

124. Quand j’ai entendu qu’au moment où, saisi de pusillanimité, Arjuna lui-même s’était assis dans son char,

Kṛṣṇa lui avait montré des mondes dans son corps, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

125. Quand j’ai entendu que Bhīṣma, le tourmenteur d’ennemis, détruisait dans la bataille des myriades de chars,

et qu’aucun d’eux n’était abattu de manière visible, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

126. Quand j’ai entendu que le fils de Pṛthā avait tué Bhīṣma, l’éternel héros, invincible dans les combats,

en lui opposant Śikhaṇḍin, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

127. Quand j’ai entendu que sur un lit de flèches était étendu le vieux héros, abattu par des flèches aux empennages bariolés,

Bhīṣma, qui avait réduit les gens de Somaka à quelques survivants, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

128. Quand j’ai entendu que, tandis que le fils de Śāṃtanu[22], était étendu et qu’Arjuna se levait pour lui donner à boire,

la terre s’était fendue et qu’il avait alors satisfait Bhīṣma, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

129. Quand j’ai entendu que Śukra et Sūrya[23] étaient dans une conjonction favorisant la victoire des fils de Kuntī,

et que continuellement des fauves nous appelaient, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

130. Quand Droṇa montrait à ses flèches toutes sortes de trajectoires dans le combat, en excellent guerrier qu’il était,

et ne tuait pas les Pāṇḍava qui étaient les meilleurs, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

131. Et quand j’ai entendu que nos grands auriges s’étaient postés pour tuer Arjuna,

et que ces conjurés avaient été tués par Arjuna, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

132. Quand j’ai entendu que la ligne de bataille, infranchissable pour les autres et protégée par les armes reçues du fils de Bharadvāja[24],

avait été pénétrée par le fils de Subhadrā[25], par une percée, alors que le héros était tout seul, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

133. Quand, après avoir cerné et tué le jeune Abhimanyu, frémirent de joie tous

les grands guerriers, bien incapables de tuer le fils de Pṛthā, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

134. Quand j’ai entendu qu’après avoir tué Abhimanyu, les hommes de Dhṛtarāṣṭra criaient bêtement leur joie,

et qu’Arjuna avait déchaîné sa colère contre le roi du Sindhu[26], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

135. Quand j’ai entendu qu’Arjuna avait fait le serment au roi du Sindhu de le tuer,

et qu’il l’avait effectivement égorgé au beau milieu de ses ennemis, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

136. Quand j’ai entendu que, lorsque les chevaux de Dhanaṃjaya[27] avaient été fatigués, Vāsudeva avait dételé les chevaux, les avait abreuvés, et une fois reposés

les avait à nouveau attelés et avait disparu[28], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

137. Quand j’ai entendu qu’une fois son véhicule et ses chevaux disponibles, debout sur son char avec Gāṇḍīva,

Arjuna avait arrêté tous les guerriers, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

138. Quand j’ai entendu que Yuyudhāna avait dévasté l’armée de Droṇa, une armée irrésistible avec la puissance de ses éléphants[29],

et que le descendant de Vṛṣṇi s’était replié vers Kṛṣṇa et le fils de Pṛthā, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

139. Quand j’ai entendu que Bhīma, s’étant approché de Karṇa, l’avait fait échapper à la mort et, lui ayant dit des mots méprisants,

avait piqué le héros à l’oreille avec l’extrémité de son arc, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

140. Quand Droṇa, Kṛtavarmā et Kṛpa, Karṇa, le fils de Droṇa et l’héroïque roi de Madra

supportèrent que le roi du Sindhu26 fût tué, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

141. Quand j’ai entendu que la divine lance donnée par le roi des dieux avait été détournée par le descendant de Madhu[30]

sur Ghaṭotkaca, le rākṣasa à l’aspect épouvantable, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

142. Quand j’ai entendu que, lors du combat entre Karṇa et Ghaṭotkaca, le fils du conteur[31] avait déchaîné la lance

par laquelle l’Ambidextre[32] devait être tué dans la bataille, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

143. Quand j’ai entendu que Dhṛṣṭadyumna, enfreignant le Dharma, avait tué le maître Droṇa, alors qu’il était seul

et mourant sur son char, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

144. Quand j’ai entendu que Nakula, le fils de Mādrī, s’était mesuré au fils de Droṇa[33] dans un combat singulier en char, au milieu du monde,

et que le belliqueux Pāṇḍava avait été à égalité pendant le combat, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

145. Quand, à la mort de Droṇa, le fils de Droṇa fit un mauvais usage de Nārāyaṇa, l’arme divine,

et ne parvint pas à tuer les Pāṇḍava, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

146. Quand j’ai entendu que Karṇa, l’éternel héros, avait été tué par le fils de Pṛthā, lui qui était invincible dans les combats,

dans ce conflit entre frères, mystérieux pour les dieux, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

147. Quand j’ai entendu que le fils de Droṇa, Kṛpa, Duḥśāsana et le redoutable Kṛtavarmā

s’abstenaient d’attaquer Yudhiṣṭhira qui était démuni, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

148. Quand j’ai entendu que le roi de Madra, ce héros dans la bataille, avait été tué par le roi du Dharma, ô conteur,

lui qui, toujours, dans les combats rivalisait avec Kṛṣṇa, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

149. Quand j’ai entendu que le fils de Subala[34], à l’origine de la tromperie du jeu de dés, ce grand magicien,

ce scélérat, avait été tué au combat, par un Pāṇḍava, par Sahadeva, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

150. Quand j’ai entendu que, fatigué, seul, se traînant à terre, Duryodhana était arrivé à un lac et s’était alors immobilisé dans l’eau,

son char perdu, son orgueil brisé, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

151. Quand j’ai entendu que les Pāṇḍava se tenaient au bord du lac du Gange en compagnie de Vāsudeva,

agressant mon fils en colère, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

152. Quand j’ai entendu, fils, qu’il avait tourné en rond en tous sens au combat à la massue,

et qu’il avait été tué avec déloyauté grâce au calcul de Vāsudeva, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

153. Quand j’ai entendu que les fils de Droṇa et les autres avaient tués les Pañcāla et les fils de Draupadī dans leur sommeil,

acte répugnant, action déshonorante, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

154. Quand j’ai entendu que, poursuivi par Bhīmasena, Aśvatthāmā dans sa colère avait utilisé l’arme suprême

Aisika, avec laquelle il avait tué un embryon[35], alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

155. Quand j’ai entendu qu’Arjuna avait déchaîné la Tête de Brahma (« A la tienne ! »), arme neutralisée par une arme,

et qu’Aśvatthāmā avait donné sa pierre précieuse, alors je n’ai plus eu d’espoir de victoire, ô Saṃjaya.

156. Quand j’ai entendu que, lorsque le fils de Droṇa avait lancé la grande arme dans le ventre même de la fille de Virāṭa,

Dvaipāyana et Keśava avaient lancé des malédictions contre le fils de Droṇa qui les leur renvoyait,…

157. la pauvre Gāndhārī privée de ses fils et de ses petits-fils, et les jeunes femmes de leurs pères et de leurs frères,…

les Pāṇḍava ont accompli une tâche difficile à faire : ils ont récupéré un royaume sans ennemi.

158. Hélas ! Dans la bataille il y a eu dix survivants, à ce que j’ai entendu, trois des nôtres et sept parmi les Pāṇḍava,

dix-huit armées complètes ont été tuées dans cette bataille, cette lutte entre nobles guerriers.

159. Et, ténébreusement, l’égarement descend en moi et semble me pénétrer,

je ne me sens pas d’entendement, ô conteur, mon esprit semble chanceler.

161. « Saṃjaya, arrivé à ce point, je désire renoncer à la vie au plus vite,

je ne vois plus le moindre intérêt à conserver mon existence.

162. Au souverain abattu, qui parlait ainsi en se lamentant

le sage fils de Gavalgana[36] dit ces mots importants :

163. « Tu as certainement entendu parler de rois d’une grande énergie, d’une grande force,

Dvaipāyana les a mentionnés, ainsi que le sage Nārada.

164. Ils sont nés dans de grands patrimoines royaux, pleins de qualités,

connaisseurs en armes divines et semblables à Śakra par leur éclat.

165. Ils ont conquis la terre dans le Dharma, ils ont fait des sacrifices avec les dons appropriés,

ils ont acquis la gloire en ce monde, puis ils sont tombés au pouvoir du temps.

166. Vainya, ce héros au grand char, Sṛñjaya, le meilleur des conquérants,

Suhotra et Rantideva, Kakṣīvān et aussi Auśija,

167. Bāhlīka, Damana, Śaibya, Śaryāti, Ajita, Jita,

Viśvāmitra, Amitraghna, Ambarīṣa à la grande force,

168. Marutta, Manu, Ikṣvāku, Gaya ainsi que Bharata,

et aussi Rāma, le fils de Dāśaratha, Śaśabindu, Bhagīratha,

169. Yayāti aux actions vertueuses, qui est honoré de sacrifices par les dieux mêmes,

par qui cette terre a été marquée de sanctuaires et de poteaux sacrificiels, riche en libations.

170. Voilà les vingt-quatre rois que Nārada, le sage divin

mentionna jadis à Śaibya que tourmentait le chagrin pour son fils.

171. D’autres roi que ceux-là sont venus auparavant, plus puissants,

de grands auriges au grand cœur, pourvus de toutes les qualités,

172. Pūru, Kuru, Yadu, Śūra, Viṣvagaśva à la grande endurance,

Anenas, Yuvanāśva, Kakutstha, Vikramī, Raghu,

173. Vijitin, Vītihotra, Bhava, Śveta, Bṛhadguru,

Uśīnara, Śataratha, Kaṅka, Duliduha, Druma,

174. Dambhodbhava, Para, Vena, Sagara, Saṃkṛti, Nimi,

Ajeya, Paraśu, Puṇḍra, Śambhu, l’irréprochable Devāvṛdha

175. Devāhvaya, Supratima, Supratīka, Bṛhadratha,

Mahotsāha, Vinītātman, Sukratu, Nala du pays de Niṣadha,

176. Satyavrata, Śāntabhaya, Sumitra, le seigneur Subala,

Jānujaṅgha, Anaraṇya, Arka, Priyabhṛtya, Śubhavrataḥ

177. Balabandhu, Nirāmarda, Ketuśṛṅga, Bṛhadbala,

Dhṛṣṭaketu, Bṛhatketu, Dīptaketu, Nirāmaya,

178. Avikṣit, Prabala, Dhūrta, Kṛtabandhu, Dṛḍheṣudhi,

Mahāpurāṇa, Saṃbhāvya, Pratyaṅga, Parahan, Śruti,

179. Ceux-là et beaucoup d’autres, par centaines, même par milliers,

sont connus, et d’autres encore par myriades, aussi nombreux que les lotus.

180. Ayant abandonné leurs plus grands plaisirs, ces rois sages et très puissants

sont, comme tes fils, parvenus à la fin de leur vie, de très grands rois

181. dont les actes furent divins, et qui eurent également du courage, du désintéressement,

de la grandeur d'âme aussi, et de la piété, de la droiture, de la pureté, de l’honnêteté.

182. Les meilleurs poètes, savants et anciens le racontent par le monde :

ils étaient doués de toutes les perfections et de toutes les vertus, et ils sont arrivés à la fin de leur vie.

183. Tes fils étaient mauvais et consumés par la colère aussi,

cupides, les plus grands méchants : ne les pleure pas.

184. Tu es savant, avisé, spirituel, tu excelles en sagesse :

ceux dont l’esprit se conforme aux textes sacrés ne s’égarent pas, ô Bhārata.

185. La punition et l’encouragement te sont aussi tous deux connus, ô roi,

et l’approbation n’est pas toujours reconnue dans la protection de ses fils.

186. Et il devait en être ainsi, alors ne pleure pas :

quand on se distingue par la sagesse, qui peut repousser le destin ?

187. Personne ne sort de la route fixée par l’Ordonnateur,

tout cela est enraciné dans le temps, l’existence et la non existence, dans la joie et dans le chagrin.

188. Le temps consume les êtres à petit feu, le temps rétrécit les créatures,

et le temps à nouveau supprime le temps qui calcine les créatures.

189. Le temps en ce monde altère toutes les choses, de bon ou de mauvais augure,

le temps réduit toutes les créatures et les répand à nouveau,

le temps parcourt tous les êtres, irrésistible, indifférent.

190. Les choses du passé et du futur qui se déroulent actuellement,

sache qu’elles sont façonnées par le temps : ne va pas détruire ta conscience. »

191. Le conteur[37] dit :

« Sur ce point Kṛṣṇa Dvaipāyana a dit une sainte Upaniṣad :

dans la lecture sainte du Bhārata, celui qui apprend ne serait-ce qu’un quart

et qui a la foi, toutes ses fautes sont purifiées entièrement.

192. Les saints sages divins ainsi que les sages brahmanes de sang royal

dont les actions sont de bon augure y sont célébrés, ainsi que les yakṣas et les grands serpents.

193. Et le bienheureux Vāsudeva[38], l’éternel, y est célébré,

car il est la vérité, et aussi le droit, la purification de même que la sainteté.

194. le perdurable Brahma, la suprême certitude, la lumière éternelle,

dont les lettrés racontent les divines actions.

195. Le non-être, l’être, l’être, le non-être aussi provient de ce dieu,

et il est la continuité et l’évolution, la naissance, la mort, la renaissance.

196. On y apprend l’Âme Suprême et ce qui est composé des qualités des cinq éléments,

le principe du non-manifesté et Celui qui le transcende y est aussi chanté,

197. ce que les meilleurs ascètes pratiquant le yoga et possédant l’énergie de la méditation yogique

voient logé dans leur âme, comme un reflet dans un miroir.

198. Celui qui a la foi, dont le zèle est constant, qui est entièrement occupé par le Dharma de la vérité

et qui pratique cette lecture, cet homme est délivré du mal.

199. Quand il reçoit ce chapitre de la table des matières du Bhārata,

l’homme pieux, en l’écoutant perpétuellement, ne tombe pas dans le malheur quand il est aux abois.

200. Pendant l’un des deux crépuscules, il serait délivré instantanément de son péché en murmurant une prière

tirée de la table des matières, qu’il ait contracté ce péché durant le jour ou la nuit.

201. Cette forme du Bhārata est tout à la fois véracité et nectar d’immortalité,

comme le beurre à partir du lait caillé, comme le brahmane à partir des bipèdes.

202. L’océan est le meilleur des lacs, le bœuf gaur les plus éminent des quadrupèdes :

de même qu’on dit que ces choses sont les plus éminentes, de même pour le Bhārata.

203. Celui qui, lors d’une offrande aux Mânes, réciterait aux brahmanes ne serait-ce qu’un hémistiche,

alors, ses ancêtres disposent d’une nourriture et d’une boisson inépuisables.

204. Avec les épopées et les récits d’antan on complèterait le Veda :

le Veda craint le savoir médiocre, moi il me traversera !

205. Celui qui connaît ce Veda de Kṛṣṇa retire du profit en le récitant

et il se débarrasserait même sans aucun doute du péché de pratiquer un avortement.

206. L’homme pur qui réciterait ce chapitre pendant chaque quinzaine lunaire

étudierait le Bhārata en entier, à mon avis.

207. Et celui qui, avec foi, écouterait tous les jours ce texte sacré,

cet homme gagnerait une longue vie, de la gloire et la montée au ciel.

208. [On dit que], jadis, lors d’une assemblée de sages divins, on souleva une balance

avec d’un côté les quatre Veda, et de l’autre côté le seul Bhārata,

et que par sa taille et par son poids il imposait alors un surplus.

209. A cause de sa taille et de sa pesanteur il est appelé Mahābhārata :

celui qui sait son étymologie est libéré de tous ses péchés.

210. L’ascèse ce n’est pas une saleté, la lecture studieuse ce n’est pas une saleté, la règle naturelle tirée du Veda ce n’est pas une saleté,

l’acquisition de biens en usant de la force ce n’est pas une saleté : la saleté en fait c’est quand ces choses sont gâtées par l’existence.

 

 



[1] Mah. I,176 sq.

[2] Mah. II,30 sq.

[3] = Kṛṣṇa.

[4] Mah. II,28 sq.

[5] = Śiśupāla : Mah. II,37 sq.

[6] = Kṛṣṇa.

[7] Śakuni.

[8] Indra.

[9] Mah. I, 214-225 : Agni veut dévorer la forêt Khāṇḍava protégée par Indra, et il demande l’aide d’Arjuna.

[10] = Śakuni.

[11] = Yudhiṣṭhira.

[12] Mah. III, 40-41.

[13]  = Arjuna « Celui qui conquiert les richesses ».

[14] Indra « le Puissant ».

[15] = Kubera, le régent des océans et des rivières, gardien de la direction du Nord, dieu de la richesse, gardien des neuf trésors, chef des génies et des esprits cachés.

[16] Mah. III, 295-299.

[17] = Arjuna « Celui qui conquiert les richesses ».

[18] = Virāṭa.

[19]  Mah. V, 45 : en fait ce n’est pas Nārada, mais Bhīṣma.

[20]  = Kṛṣṇa.

[21] = Kṛṣṇa.

[22]  = Bhīṣma.

[23]  Śukra = Vénus ; Sūrya = Soleil.

[24] = Droṇa.

[25] =Abhimanyu, le fils d’Arjuna (Mah. VII,33- 35).

[26] = =Jayadratha.

[27]  = Arjuna.

[28]  Mah. VII,74- 75.

[29] Mah. VII,91.

[30]  = Kṛṣṇa

[31]  =Karṇa.

[32]  = Arjuna.

[33]  =Aśvatthāmā.

[34] =Śakuni

[35] Mah. X,10-16.

[36]  = Saṃjaya.

[37] = Ugraśravas.

[38] =Kṛṣṇa